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Un composé d’origine bactérienne associé à la diversité du microbiote intestinal et à une meilleure santé cardiovasculaire et métabolique

 

Microbiote

Les cellules bêta des îlots de Langerhans du pancréas sont celles qui produisent l’insuline. Lors d’un diabète de type 1 les cellules ß sont détruites par le système immunitaire. Dans cette étude, l’administration d’hippurate améliore l’équilibre glycémique et stimule la sécrétion d’insuline dans des modèles animaux. © Inserm/U845/UMRS975/EndoCells SARL

Le bon fonctionnement de notre microbiote intestinal a un impact sur notre santé générale, physique et psychologique. Comprendre comment l’architecture du microbiote et la fonction des bactéries qui l’habitent influent sur l’organisme est devenu un axe de recherche essentiel ces dernières années. Dans ce contexte, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et d’Université de Paris, en collaboration avec des équipes d’INRAE, de l’Imperial College à Londres et de l’université de Copenhague au Danemark ont montré qu’un métabolite issu des bactéries intestinales, l’hippurate, est associé à la diversité du microbiote. Il jouerait un rôle important pour notre santé cardiovasculaire et métabolique, notamment en participant à la régulation de la glycémie. Ces travaux sont parus dans la revue Gut.

Depuis plusieurs années, on prête un rôle déterminant au microbiote intestinal pour notre santé. De nombreux travaux scientifiques ont souligné qu’il existe un lien entre la diversité des souches de bactéries qui y sont présentes et certains paramètres de santé, notamment cardiovasculaire et métabolique.

Les scientifiques se sont intéressés à l’hippurate, un métabolite produit par les bactéries intestinales que l’on retrouve dans les urines. Les scientifiques ont combiné deux méthodes, le séquençage ADN (analyse du profil génétique) des bactéries du microbiote intestinal et le profilage métabolomique urinaire (analyse de petits métabolites présents dans les urines), chez 271 personnes d’une cohorte danoise (l’étude MetaHIT).

A partir des données obtenues, les scientifiques montrent que des niveaux élevés d’hippurate dans les urines sont associés à une plus grande diversité de la flore intestinale et une augmentation de la richesse en gènes du microbiote, qui sont deux paramètres protecteurs du risque cardiométabolique (risque de développer des maladies cardiovasculaires et/ou du diabète).

Les chercheurs disposaient par ailleurs d’informations relatives aux habitudes alimentaires des participants, ainsi qu’à leur indice de masse corporelle (IMC). Ils ont constaté que chez les personnes obèses ayant une alimentation riche en graisses saturées, et un risque de développer des problèmes cardiovasculaires et métaboliques, des niveaux élevés d’hippurate avaient des effets bénéfiques sur le poids et sur la santé métabolique.

schéma CP Gauguier

Ces résultats ont été complétés par une étude de validation chez des souris obèses, nourries avec un régime gras. Dans ces modèles animaux, l’administration d’hippurate améliorait l’équilibre glycémique et stimulait la sécrétion d’insuline. « Ces travaux confirment l’importance de l’architecture et de la fonction de la flore intestinale en santé humaine, en démontrant le rôle bénéfique d’un métabolite produit par des bactéries intestinales, comme nous l’avions déjà démontré précédemment avec un autre métabolite, le cresol », souligne Dominique Gauguier, chercheur Inserm au laboratoire T3S (Inserm/Université de Paris).

L’intérêt de ces résultats est à la fois diagnostique, l’hippurate pouvant être considéré comme un biomarqueur de la diversité du microbiote, mais aussi thérapeutique.

En effet, on pourrait par exemple envisager de modifier le microbiote avec des systèmes probiotiques produisant en plus grande quantité les bactéries intestinales qui synthétisent les précurseurs de l’hippurate. Cela permettrait ensuite d’augmenter les niveaux d’hippurate avec des effets protecteurs sur le risque cardiométabolique.

Pour les chercheurs, la prochaine étape serait de poursuivre des travaux en étudiant les mécanismes cellulaires permettant d’expliquer comment l’hippurate favorise la sécrétion de l’insuline et la régulation de la glycémie.

L’Inserm vous donne rendez-vous tout au long du mois de juin pour la toute première édition de l’événement de culture scientifique « InScience »

 

InScience est une manifestation unique en France dans le domaine de la recherche médicale et la santé humaine. ©Michael Kawiecki

InScience est une manifestation unique en France dans le domaine de la recherche médicale et la santé humaine. © Michael Kawiecki

L’Inserm vous donne rendez-vous tout au long du mois de juin pour la toute première édition de l’événement de culture scientifique « InScience » qui se déroulera en version numérique, pour s’adapter à la situation sanitaire. Une manière originale de sensibiliser le grand public à la démarche scientifique, d’explorer différentes thématiques de la recherche médicale et d’éclairer les sujets controversés. L’objectif ? Donner aux citoyennes et aux citoyens les clés pour devenir acteurs de leur propre santé et s’impliquer dans les débats liés à la science pour la santé.

Né de l’initiative du réseau communication en région de l’Inserm, avec le concours de nombreux partenaires[1], InScience est une manifestation unique en France dans le domaine de la recherche médicale et la santé humaine. Accompagné de sa devise « Cultive ta santé ! », cet évènement de culture scientifique est le fruit d’une importante mobilisation des chercheurs de l’Inserm, qui, soucieux de partager une information fiable et de qualité, souhaitent valoriser la parole scientifique et faire découvrir leurs métiers au grand public.

Le programme de cette première édition s’est adapté à la situation sanitaire en explorant de nouveaux formats. À travers des conférences en ligne et des vidéos, les internautes plongeront dans l’univers des recherches fondamentales et appliquées de l’Inserm sur des thématiques aussi variées que le diabète, la douleur, la génétique ou encore les virus.

Une partie de la programmation sera dédiée à la pandémie de Covid-19 et à l’état actuel des recherches scientifiques, dans le but aussi de déconstruire les fausses informations circulant à ce sujet.

D’autres animations originales seront également proposées aux participants, comme la série de podcasts « Carnets D’Hygée », qui proposera aux auditeurs d’en découvrir davantage sur la santé mentale ou encore un mini-jeu sur les organoïdes développé lors d’une « Scientific Game Jam »[2] en collaboration avec deux chercheurs de l’Inserm. Dans ce dernier, les joueurs entrent dans la peau d’un scientifique à la tête d’un laboratoire de recherche intergalactique confronté à la transplantation d’organes pour des…Aliens.

Susciter des vocations parmi les jeunes générations

Grâce à la diffusion des mini-séries intitulées « Tu cherches, trouves-tu ? » et « Tubes à essais », les internautes découvriront plusieurs visages de la recherche médicale française qui, en moins de cinq minutes, ont accepté de relever le défi de présenter leur métier.  

InScience a aussi l’objectif de susciter des vocations parmi les jeunes, et notamment chez les filles, qui bien souvent n’osent pas se projeter dans un avenir scientifique. Avec « Elles sont l’Inserm », une série de portraits vidéo, l’événement de culture scientifique met les femmes de l’Institut à l’honneur. Leurs témoignages portent notamment sur les questions de parité et d’égalité à l’Inserm.

Retrouvez l’intégralité du programme sur le site internet de l’Inserm ainsi que sur la page Facebook de l’évènement ou en accès direct ici.

[1] InScience est un événement organisé par l’Inserm en partenariat avec l’association France AVC, le CERPOP, le CHU de Montpellier, Clipe, le CNRS, Com’Pro, Echoscience PACA, Fabrice Finotti, France ADOT, la Fondation Neurodis, Genopolys, Hassan Harfouche, Indésciences, le Labo des Savoirs, le Lycée Saint Luc de Cambrai, Mégane Heudiart, Mind Prod, la Nef des Sciences, Prun’radio, Pipo & Lola, Radio MN, SapienSapienS, Tania Louis, Sys2Diag, Terre des Sciences, l’Université Populaire du Rhin, l’Université Côte d’Azur, l’Université de Montpellier, la ville de Nice, Ya+K Prod.

[2] Un Scientific Game Jam est un marathon créatif pendant lequel les participants réalisent un jeu vidéo dans un temps limité, souvent à partir d’un thème ou d’une contrainte.

Cancer du sein : la pollution atmosphérique associée à un risque accru

cancer pollution

Les chercheurs ont identifié un lien entre le dioxyde d’azote (NO2) et la survenue de cancer du sein dans des études réalisées chez des femmes en Amérique du Nord et en Europe. Crédits : Unsplash

Les polluants atmosphériques augmentent non seulement le risque de cancer du poumon, mais ils pourraient aussi être un facteur de risque du cancer du sein. C’est ce que révèle une synthèse de la littérature internationale menée par des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, et de l’Université Grenoble Alpes. Parmi les trois principaux polluants étudiés, c’est pour le dioxyde d’azote que le niveau de preuve est le plus élevé. Selon les données disponibles, environ 1700 cas de cancers du sein seraient attribuables chaque année en France à l’exposition aux polluants atmosphériques. Ces résultats font l’objet d’une publication dans la revue Environmental Health Perspectives.

Certains polluants atmosphériques, et notamment les particules en suspension et la pollution atmosphériques dans son ensemble, sont reconnus comme cancérigènes par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) ; cette reconnaissance est liée à leurs effets démontrés sur le cancer du poumon. Or depuis quelques années, des travaux épidémiologiques suggèrent que les polluants atmosphériques pourraient aussi influencer la survenue de cancer du sein, qui constitue le cancer le plus fréquent en Europe.

Le cancer du sein est un des cancers dont les facteurs de risque sont les mieux connus, avec une contribution de facteurs liés à la vie reproductive (par exemple l’âge des premières règles), la consommation d’alcool et probablement l’exposition à des facteurs environnementaux et notamment ceux perturbant l’axe œstrogénique, ainsi que de polymorphismes génétiques tels que ceux liés aux gènes BRCA.

Dans cette étude, menée par l’équipe du directeur de recherche Inserm Rémy Slama à l’Institut pour l’avancée des biosciences (IAB, Inserm/CNRS/UniversitéGrenoble Alpes), les scientifiques se sont intéressés au rôle de certains polluants atmosphériques sur la survenue du cancer du sein.

L’objectif était de synthétiser les résultats concernant la relation dose-réponse entre pollution et survenue du cancer du sein, issus de toutes les publications disponibles (ce qu’on appelle une méta-analyse, qui fournit une moyenne des relations décrites par chaque étude en tenant compte de leur précision). Par ailleurs, pour les polluants pour lesquels l’association était la plus nette, les scientifiques souhaitaient aussi fournir une estimation du nombre de cas de cancers du sein qui pourraient y être attribuables en France, ainsi qu’une estimation des couts économiques associés.  

 

Effet plus net pour le dioxyde d’azote

 L’étude a permis d’identifier pour les trois polluants considérés, à savoir les particules en suspension avec un diamètre inférieur à 10 microns (PM10), les particules en suspension avec un diamètre inférieur à 2,5 microns (PM2,5) et le dioxyde d’azote (NO2), respectivement 27, 32 et 36 associations en lien avec la survenue de cancer du sein, toutes rapportées chez des femmes en Amérique du Nord et en Europe. C’est pour le dioxyde d’azote que la synthèse des études était le plus nettement en faveur d’un effet néfaste sur la survenue de cancer du sein.

Le dioxyde d’azote est principalement émis par des processus de combustion des combustibles fossiles, tels que ceux des moteurs thermiques des véhicules et du chauffage urbain.

L’effet estimé du dioxyde d’azote était plus élevé pour les cancers du sein hormono-dépendants (dont les tumeurs expriment des récepteurs de l’œstrogène et de la progestérone), bien que toutes les études n’aient pas pu considérer ce critère. Les chercheurs estiment qu’environ 1700 cas de cancer du sein, soit environ 3 % des cas survenant annuellement en France pourraient être attribués à cette exposition et aux autres polluants associés au dioxyde d’azote. Le coût économique associé, cumulant coûts tangibles (ceux liés aux traitements) et intangibles (ceux liés aux décès, à la perte de qualité de vie et la souffrance des patients) est de l’ordre de 600 millions à un milliard d’Euros par an.

Pour les deux autres polluants considérés (PM10 et PM2.5), le niveau de preuve était moins élevé, sans qu’il soit possible d’exclure un effet néfaste. « Réaliser une large méta-analyse comme celle-ci est une approche qui a l’avantage de synthétiser toute la littérature scientifique sur la question, et donc d’obtenir des résultats particulièrement robustes. En l’occurrence pour le dioxyde d’azote l’analyse a porté sur un ensemble de 36 études totalisant plus de 120 000 cas sur 3,9 millions de sujets », souligne Rémy Slama.

Les approches observationnelles utilisées dans ces travaux ne permettent néanmoins pas d’exclure la contribution d’autres polluants dont les concentrations atmosphériques sont étroitement corrélées à celles du dioxyde d’azote. Au sein du mélange complexe qu’est la pollution atmosphérique, certains composants sont connus pour leur activité cancérigène ou de perturbation œstrogénique, comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Ceux-ci pourraient donc être également pertinents du point de vue du développement du cancer du sein, étant donné l’implication de la voie œstrogénique dans certains cancers du sein.

Des biais méthodologiques à prendre en compte

 L’étude des liens entre pollution atmosphérique et cancer du sein pose de nombreux enjeux méthodologiques. Les principaux sont ceux de la qualité de la caractérisation des expositions, des biais de confusion et des biais de publication – le biais lié au fait qu’une étude qui met en évidence une association a plus de chance d’être publiée qu’une étude ne mettant en évidence d’association.

Cette méta-analyse les prend en compte en pratiquant des analyses restreintes aux études présentant la mesure la plus précise des expositions, à celles prenant en compte les principaux facteurs de risque de cancer du sein (dont certains sont des facteurs de confusion potentiels). Une analyse dite « trim-and-fill » est également pratiquée : en décrivant la distribution des estimations issues des études publiées, elle permet d’identifier si celles-ci surreprésentent les études en faveur d’un lien et corrige le biais de publication éventuel. L’effet observé dans les études réalisées en Europe ne semblait pas plus faible qu’en Amérique du Nord.

Prévention du VIH : efficacité confirmée de la PrEP en Afrique de l’Ouest

Macrophages infectés par le VIH : Les protéines virales sont en vert, les microtubules en rouge et les noyaux en bleu. Taille des noyaux : 5µm © Inserm/Institut Curie, R. Gaudin/P. Bernaroch

Macrophages infectés par le VIH : Les protéines virales sont en vert, les microtubules en rouge et les noyaux en bleu. Taille des noyaux : 5µm © Inserm/Institut Curie, R. Gaudin/P. Bernaroch

Que ce soit en prise quotidienne ou à la demande, la prophylaxie pré-exposition – ou PrEP – a permis de réduire les nouvelles contaminations par le VIH dans une étude de cohorte menée dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest pendant 2 ans et demi chez près de 600 hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). En outre, l’utilisation de la PrEP ne s’est pas accompagnée d’un « relâchement » des comportements sexuels et d’une augmentation des autres infections sexuellement transmissibles.

Les résultats de cette étude, menée par des chercheurs de l’Inserm et de l’IRD et soutenue par l’ANRS et Expertise France (L’Initiative), viennent d’être publiés dans The Lancet HIV, le 25 mai 2021. Ils démontrent l’intérêt de rendre la PrEP plus largement disponible dans les programmes de prévention contre le VIH en Afrique de l’Ouest.

Si la prévalence du VIH est relativement faible dans la population générale en Afrique de l’Ouest (1,4 %), elle est élevée parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH), estimée à 13,3 %. Parmi les outils de prévention, l’OMS recommande depuis 2014 la mise à disposition de la prophylaxie pré-exposition (PrEP). Cependant, son déploiement en Afrique se heurte à différents obstacles : coût, accès aux soins, stigmatisation…

Le projet ANRS-CohMSM-PrEP, coordonné par le Dr Christian Laurent, directeur de recherche à l’IRD au sein de l’unité de recherche mixte internationale TransVIHMI (IRD, Inserm, Université de Montpellier) et par la Dr Bintou Dembélé Keita, directrice de l’association ARCAD Santé PLUS au Mali, a évalué l’acceptabilité de la PrEP à la demande ou en continu, l’évolution de l’incidence du VIH, les modifications des comportements sexuels et de la prévalence des infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes chez les HSH au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Mali et au Togo. Ce projet s’inscrit dans la continuité de l’étude de cohorte ANRS-CohMSM, démarrée en 2015, qui s’intéressait aux mesures de prévention n’incluant pas la PrEP.

Ainsi, l’équipe de recherche a inclus 598 HSH majeurs ayant un risque élevé d’être infectés par le VIH, entre novembre 2017 et avril 2020 dans quatre cliniques communautaires à Abidjan, Bamako, Lomé et Ouagadougou. Ces personnes ont été suivies pour une durée totale de 743,6 personnes-années. Des visites médicales régulières étaient programmées, ainsi que des entretiens avec des pair-éducateurs.

A l’inclusion, 74,4 % des participants ont choisi la PrEP à la demande, contre 25,6 % la PrEP en continu. Tous avaient le choix de changer le mode de prise à leur convenance au fur et à mesure de l’étude. La PrEP en continu était notamment préférée par ceux qui avaient un nombre élevé de partenaires sexuels. « Globalement, indique Bintou Dembélé Keita, cela montre que ces options sont complémentaires et toutes deux devraient être proposées dans les programmes de prévention. »

Au fil de l’étude, 17 participants sont devenus séropositifs au VIH, portant l’incidence de l’infection à 2,3 pour 100 personnes-années. En comparaison, elle s’élevait entre 15,4 et 16 pour 100 personnes-années pour les HSH ne prenant pas la PrEP dans de précédentes études au Nigéria et au Sénégal. L’incidence relevée par l’étude ANRS-CohMSM était de 10,0 pour 100 personnes-années.

L’observance à la PrEP n’était en revanche considérée comme optimale que pour 41,2 % des participants du groupe « prise à la demande », contre 71,1 % pour le groupe « prise en continu ». « De plus, on a observé une réduction globale de l’utilisation de la PrEP au cours du suivi dans les deux groupes. Ces résultats sont inquiétants, car on sait que l’observance est un facteur essentiel de l’efficacité de la PrEP », rappelle Christian Laurent.

La fréquence des rapports sexuels anaux sans préservatif est restée stable tandis que le nombre de partenaires sexuels masculins et le nombre de rapports sexuels avec un partenaire occasionnel ont même diminué au cours du suivi. En outre, les prévalences de la gonorrhée, de la chlamydiose et de la syphilis sont restées stables.

Par contre, l’équipe de recherche a constaté que, malgré l’implication de pair-éducateurs, 26,6 % des personnes suivies ont été perdues de vue, après un suivi médian de 6,3 mois. « Retenir les personnes qui ont besoin de la PrEP dans le système de soins sera un vrai défi pour les futurs programmes de prévention », indique Bintou Dembélé Keita.

L’étude rapporte également un risque limité de résistance aux antirétroviraux : seul un participant infecté pendant le suivi avait une résistance à l’une des deux molécules de la PrEP et il n’était pas possible de déterminer s’il avait été infecté par un virus résistant ou s’il avait développé la résistance en raison de la PrEP.

Au total, cette étude de démonstration de la PrEP en Afrique de l’Ouest est encourageante. « Cet outil devrait être déployé rapidement dans les programmes de prévention en Afrique de l’Ouest. Cependant, une attention devra être donnée à la bonne observance à la PrEP pour qu’elle puisse atteindre pleinement son potentiel », concluent les auteurs.

La thérapie optogénétique peut partiellement restaurer la vision chez un patient aveugle atteint de rétinopathie pigmentaire.

 

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© v2osk on Unsplash

Une équipe de recherche internationale dirigée par les professeurs José-Alain Sahel et Botond Roska, et associant l’Institut de la Vision (Sorbonne Université/Inserm/CNRS), l’hôpital d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, l’université de Pittsburgh, l’Institut d’ophtalmologie moléculaire et clinique de Bâle (IOB) ainsi que les sociétés Streetlab et GenSight Biologics, a mis en évidence que la thérapie optogénétique peut partiellement restaurer la vision chez un patient aveugle atteint de rétinopathie pigmentaire à un stade avancé. Les résultats de cette étude, une première mondiale, ont été publiés dans la revue Nature Medicine le 24 mai 2021.

Jusqu’alors inédit, cet essai clinique marque une étape importante dans le développement de thérapies géniques indépendantes des mutations pour traiter les dégénérescences rétiniennes héréditaires.

« Permettre à une personne de retrouver une vision partielle par l’optogénétique n’aurait pu se faire sans l’engagement du patient, les efforts de notre équipe multidisciplinaire à l’Institut de la Vision et GenSight, et la collaboration de longue date avec Botond Roska qui est à l’origine et au cœur de ce projet », explique José-Alain Sahel, professeur à Sorbonne Université, chef de service à l’hôpital des Quinze-Vingts, fondateur de l’Institut de la Vision (Sorbonne Université/Inserm/CNRS), et professeur et directeur du département d’ophtalmologie à l’université de Pittsburgh.

« Les résultats fournissent la preuve de concept que l’utilisation de la thérapie optogénétique pour restaurer partiellement la vision est possible », déclare Botond Roska, dernier auteur correspondant, directeur fondateur de l’IOB et professeur à l’Université de Bâle.

L’optogénétique consiste à modifier génétiquement les cellules afin qu’elles produisent des protéines sensibles à la lumière appelées « channelrhodopsines » (rhodopsine canal). Si cette technique existe depuis près de 20 ans en neurosciences, ses bénéfices cliniques n’avaient, jusqu’alors, pas encore été démontrés. Une collaboration entre les équipes de José-Alain Sahel et Botond Roska a abouti aux résultats rapportés aujourd’hui qui reflètent 13 ans d’efforts multidisciplinaires.

Le but de cette recherche est de traiter les maladies héréditaires des photorécepteurs, qui sont des causes très répandues de cécité. Les photorécepteurs sont des cellules de détection de la lumière dans la rétine qui utilisent des protéines appelées opsines pour fournir des informations visuelles au cerveau via le nerf optique. Les photorécepteurs dégénèrent progressivement entraînant l’apparition de la cécité.

Afin de restaurer la sensibilité à la lumière, l’équipe de recherche a tiré parti des méthodes de thérapie génique pour exprimer des channelrhodopsines dans les cellules ganglionnaires de la rétine. Pour cette étude, elle a introduit le gène codant pour une channelrhodopsine appelée ChrimsonR. Cette opsine détecte la lumière ambrée, plus sûre pour les cellules rétiniennes que la lumière bleue utilisée pour d’autres types de recherche optogénétique. En complément, des lunettes dédiées équipées d’une caméra ont été conçues par les chercheurs. Elles permettent de produire des images visuelles projetées en images de couleur ambre sur la rétine.

Le patient ayant participé à cette étude clinique avait reçu un diagnostic de rétinopathie pigmentaire à un stade tellement avancé qu’il ne pouvait plus que percevoir la présence de lumière. Près de cinq mois après avoir reçu l’injection de ChrimsonR, laissant ainsi le temps à son expression de se stabiliser dans les cellules ganglionnaires, les tests avec les lunettes ont pu débuter. Sept mois plus tard, le patient a commencé à rapporter des signes d’amélioration visuelle. Les résultats des tests montrent qu’avec l’aide des lunettes, il peut désormais localiser, compter et toucher des objets.

« Les personnes aveugles atteintes de différents types de maladies neurodégénératives des photorécepteurs et d’un nerf optique fonctionnel seront potentiellement éligibles pour le traitement, mais il faudra du temps avant que cette thérapie puisse être proposée. La société GenSight Biologics compte lancer prochainement un essai de phase 3 pour confirmer l’efficacité de cette approche thérapeutique », conclut le Pr José-Alain Sahel.

Le déroulement des tests

Le premier test consistait à percevoir, localiser et toucher un grand cahier ou une petite boîte d’agrafes. Le patient a touché le cahier pendant 36 des 39 tests distincts (en d’autres termes, 92% des cas), mais ne put saisir la boite d’agrafes que dans 36 % des tests.  Dans un second test, il était question de compter des gobelets sur une table. Le patient a réussi 63 % du temps.

Enfin, pour le troisième test, l’activité cérébrale du patient a été mesurée avec un casque d’électrodes d’électroencéphalographie (EEG). Un gobelet était alternativement posé ou enlevé de la table ; le sujet devait appuyer sur un bouton indiquant s’il était présent ou absent. Les lectures d’EEG ont montré que les changements corrélés de l’activité au cours de ces tests étaient concentrés dans le cortex visuel.

En parallèle, un logiciel de décodage a été installé pour interpréter les enregistrements d’EEG. En analysant l’activité neuronale, le décodeur pouvait dire avec une précision de 78 % si le gobelet était présent ou non dans un essai. « Cette dernière évaluation, pointe le Pr Roska, a permis de confirmer que l’activité cérébrale est bien liée à la présence d’un objet, et donc que la rétine n’est plus aveugle. »

Organisation régionale en Ile-de-France et résultats de l’ECMO dans la prise en charge des atteintes respiratoires gravissimes occasionnées par la Covid-19

hôpital© Adobestock

 

Des équipes des services de chirurgie cardiaque et thoracique (Pr Pascal Leprince, Dr Guillaume Lebreton), et de médecine intensive-réanimation (Pr Alain Combes) de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, de Sorbonne Université et de l’Inserm, ont rapportés les résultats de l’ECMO dans la prise en charge des patients ayant des atteintes respiratoires gravissimes occasionnées par la Covid-19, et l’organisation régionale mise en place par l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France pour faire face à la pandémie. Ces travaux ont fait l’objet d’une publication, le 19 avril 2021, au sein de la revue The Lancet Respiratory.

Dans les atteintes respiratoires gravissimes (SDRA) échappant aux techniques de réanimation conventionnelles, l’ECMO (extracorporeal membrane oxygenation) peut être utilisée pour assurer l’oxygénation du sang en attendant la cicatrisation des poumons.

Au début de la pandémie de Covid-19, il n’était pas certain que l’ECMO puisse être utilisée pour la prise en charge des patients ayant des atteintes respiratoires gravissimes occasionnées par la Covid-19. Très rapidement, en Ile-de-France, un groupe d’experts s’est réuni pour réfléchir à la place que pourrait avoir l’ECMO dans cette indication, mais également à l’organisation à mettre en place pour pouvoir faire face à cette crise. Une régulation régionale a été mise en place par l’ARS Ile-de-France, en lien avec tous les acteurs, pour centraliser les indications et mutualiser les ressources. Une doctrine régionale a été élaborée et publiée en ce sens.

Dans cette étude de cohorte multicentrique, les auteurs présentent une analyse de tous les patients adultes atteints d’une infection à la Covid-19, confirmée en laboratoire, et d’un SDRA sévère nécessitant une ECMO, qui ont été admis dans 17 unités de soins intensifs en Ile-de-France entre le 8 mars et le 3 juin 2020.

Lors de la première vague, six équipes mobiles ECMO se sont constituées et 17 réanimations ayant l’expérience de l’ECMO ont été identifiées. 302 patients ont ainsi pu être assistés par ECMO dans toute la région, qu’ils soient ou non pris en charge dans des réanimations équipées en ECMO grâce aux équipes mobiles (unités mobiles d’assistance circulatoire). Ces UMAC assuraient la mise en place de l’ECMO puis le transfert (55% des patients) du patient dans une réanimation spécialisée.

L’analyse des résultats à 90 jours montre une survie de 46% pour ces patients les plus graves avec une survie prévisible sans ECMO quasi nulle. L’âge des patients, la durée de ventilation mécanique avant ECMO, l’atteinte rénale et le volume d’ECMO des centres sont apparus comme des facteurs pronostics.

Les résultats de la canulation du patient par une équipe mobile puis son transfert sous ECMO dans une réanimation spécialisée n’étaient pas significativement différents de ceux des patients canulés dans un centre disposant de l’ECMO, ce qui valide le concept d’unité mobile d’assistance circulatoire (UMAC).

La régulation régionale, la mutualisation des ressources et la centralisation des indications a permis de faire face efficacement à la première vague de Covid-19 en assistant les patients nécessitant une ECMO sur la région Ile-de-France quel que soit leur hôpital d’origine. Après cette expérience, ce modèle organisationnel a été prolongé pour les vagues suivantes.

De nombreuses études scientifiques ont montré l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé.

Pollution atmosphérique en Île-de-France

Si les émissions de PM10 ont diminué en région parisienne ces dernières années, Paris présente toujours les concentrations de PM10 les plus élevées parmi les villes de l’Union Européenne © Louis Paulin – Unsplash 

De nombreuses études scientifiques ont montré l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé. En Île-de-France, des procédures d’information et d’alerte contre les pics de pollution ont été mises en place depuis 2007 pour mieux protéger la population contre l’exposition à des concentrations journalières élevées de polluants atmosphériques. Grâce à des méthodes statistiques dites quasi-expérimentales, des chercheurs de l’Inserm et de Sorbonne Université à l’Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé Publique (IPLESP, équipe Nemesis), en collaboration avec l’Université de Californie à San Diego, ont évalué l’efficacité de ces mesures prises en région parisienne d’un point de vue de santé publique, c’est-à-dire leurs effets préventifs sur la mortalité de la population générale et plus spécifiquement sur les plus de 75 ans. Les résultats de l’étude font l’objet d’une publication dans la revue Environment International.

La pollution de l’air peut avoir divers effets à court et à long terme sur la santé. D’une part, une exposition à la pollution constante, sur plusieurs années, accroît le risque de maladies chroniques (cancer du poumon, par exemple). D’autre part, une exposition aiguë, à des concentrations journalières élevées de polluants atmosphériques, peut aggraver les symptômes de maladies respiratoires ou déclencher un infarctus du myocarde.

Une politique d’alertes, associée à des mesures d’urgence telles que la limitation du trafic automobile (par exemple, l’abaissement des limites de vitesse autorisées en circulation) a été mise en place à Paris comme dans plusieurs autres grandes villes dans le monde pour protéger les populations les jours où l’exposition aux polluants atmosphériques est particulièrement importante. Pour cela, des épisodes ou « pics » de pollution de l’air sont identifiés lorsqu’est dépassé, ou risque d’être dépassé, le seuil d’information et de recommandation ou le seuil d’alerte définis par la réglementation nationale pour les quatre polluants atmosphériques suivants : particules de taille inférieure à 10 micromètres (PM10), ozone (O3), dioxyde d’azote (NO2) et dioxyde de soufre (SO2).

Pour la première fois depuis 2007, année de la mise en place des procédures d’alerte contre les pics de pollution dû aux particules PM10 en Île-de-France, une équipe de chercheurs de l’Inserm et de Sorbonne Université à l’Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé Publique (IPLESP) a mesuré leurs effets sur la mortalité de la population générale et plus spécifiquement des adultes âgés de plus de 75 ans. Les chercheurs se sont intéressés plus particulièrement aux polluants atmosphériques PM10 et aux impacts des mesures d’urgences actionnées pendant les pics de pollution sur la santé des franciliens.

« Si les émissions de PM10 ont diminué en région parisienne ces dernières années, Paris présente toujours les concentrations de PM10 les plus élevées parmi les villes de l’Union Européenne et 60 000 de ses habitants sont régulièrement exposés à des concentrations de PM10 supérieures aux seuils réglementaires de l’UE », souligne Anna Alari, chercheuse Inserm et auteure de l’étude.

Une méthodologie quasi-expérimentale à partir de données de la période 2000-2015

Les résultats de la recherche sont basés sur l’étude de données collectées entre les années 2000 et 2015, fournies par AirParif (l’observatoire de la qualité de l’air en Île de France), ainsi que par le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDC) de l’Inserm. Sur cette période, les chercheurs ont identifié deux dates clés : l’année 2007 qui correspond à la mise en place d’un premier seuil d’information de pics de pollution impliquant des interventions, lorsque la présence de PM10 dépasse 80 µg/m3 dans l’air ; l’année 2011, lorsque ce seuil a été corrigé et abaissé à 50 µg/m3.

L’analyse a ainsi porté sur la comparaison des données collectées sur trois phases distinctes :

  • la période de pré-intervention, alors qu’aucune mesure de lutte contre les pics de pollution n’avait été encore prise (période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2007) ;
  • la première période d’intervention avec les valeurs seuils initiales en vigueur (période allant du 1er janvier 2008 au 29 novembre 2011) ;
  • et la dernière période d’intervention caractérisée par des valeurs seuils révisées (période allant du 30 novembre 2011 au 31 décembre 2015).

Des effets sur la mortalité cardiovasculaire

Les résultats de l’étude n’ont pas démontré un effet des procédures d’information et d’alerte contre les pics de pollution sur la mortalité telles qu’implémentées sous leur première forme en 2007 avec des seuils d’information relativement élevés. En revanche, les chercheurs ont identifié un bénéfice sur la mortalité cardiovasculaire suite à l’application de seuils plus stricts mis en place à la fin de l’année 2011, avec une réduction allant de 7% à 25% de la mortalité journalière dans la population générale (cela correspond à une estimation de 386 décès évités grâce à ces mesures sur la période allant de 2011 à 2015) et une réduction allant de 9% à 28% de la mortalité journalière pour les adultes plus âgés (348 décès évités estimés). L’étude n’a pas mis en évidence d’effet sur la mortalité respiratoire.

L’utilisation de méthodes dites « quasi-expérimentales » a permis d’inférer des relations de nature causale (et non des corrélations) entre la mise en place des interventions et les effets observés sur la santé de la population.

Au total, les résultats suggèrent que ce type de politique basé sur un seuil et concernant uniquement des épisodes d’exposition aigus n’a pas d’effet sur la mortalité lorsque les seuils réglementaires sont fixés à des niveaux excessivement élevés, comme c’était le cas en 2007. Avec des seuils plus bas, comme à partir de 2011, des effets protecteurs sur la mortalité peuvent néanmoins être constatés.

« La mise en place de politiques publiques axées sur des changements structuraux (piétonisation de certaines zones urbaines, renforcement du réseau de transports en commun pour limiter les déplacements automobile), ou visant à réduire les émissions liées aux industries sont des mesures qui pourraient s’avérer particulièrement bénéfiques, avec un impact potentiellement plus fort que des actions de court terme comme la restriction du trafic automobile par exemple », conclut Anna Alari.

En France, un arrêté interministériel définit la procédure d’information et d’alerte en cas d’épisode de pollution et organise les mesures d’urgence visant à informer les populations et réduire et/ou limiter l’émission des polluants dans l’atmosphère afin de limiter les effets sur la santé. Une mise à jour plus stricte de cet arrêté a été effectuée en avril 2016 (mis à jour le 26 août 2016), avec un renforcement des mesures concernant la circulation différentiée, et en 2019, avec une application automatique de la circulation différentiée et la mise en place du stationnement résidentiel gratuit lors des épisodes de pollution[1].

 

[1] Les mesures actualisées prises en cas de pics de pollution en Île-de-France se trouvent sur le site de la ville de Paris

Mesures de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant.

Mère enfant

Les mesures de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant ont permis d’éviter 1,4 million de contaminations entre 2000 et 2015. Malgré tout, 160 000 cas de VIH pédiatriques ont été dénombrés en 2018. Pour stopper la transmission maternelle du VIH, des efforts restent à faire, en particulier pour réduire encore plus drastiquement les contaminations par l’allaitement. 

Un groupe de chercheurs internationaux, menés par les Pr Philippe Van de Perre (Inserm, université de Montpellier, EFS et université des Antilles) et Ameena Goga (South Africain Medical Research Council – SA-MRC et université de Pretoria) ont exploré les stratégies biomédicales complémentaires à mener dans les zones à forte prévalence et incidence du VIH pour éviter la transmission postnatale du virus, dans un article publié le 3 avril dans The Lancet.

D’importants progrès ces vingt dernières années ont permis de réduire la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Des estimations rapportent que 1,4 million de contaminations pédiatriques ont été évitées entre 2000 et 2015, soit une réduction de 70 % par rapport aux 15 années précédentes. Ceci a été rendu possible grâce au déploiement de stratégies efficaces : dépistage et traitement universel, trithérapie antirétrovirale pour les femmes enceintes et allaitantes vivant avec le VIH, traitement prophylactique pour les nouveau-nés exposés au virus, etc. En 2018, 160 000 cas de VIH pédiatriques ont cependant été dénombrés. 

Si les taux de transmission du VIH de la mère à l’enfant avant et pendant la naissance décroissent, celui après la naissance, par l’allaitement, connaît une baisse moins prononcée. En 2017, l’allaitement était responsable de plus de 50 % des cas de transmission maternelle du virus dans 15 des 21 pays prioritaires du plan mondial de l’Onusida en Afrique subsaharienne.

Des estimations rapportent qu’en Afrique du Sud, l’allaitement aurait été responsable de 75 % des cas de transmission de la mère à l’enfant entre 2017 et 2018, contre 40 % entre 2004 et 2005.

Plusieurs éléments expliquent le déclin plus lent qu’attendu des transmissions postnatales : des difficultés (logistiques, culturelles, géographiques…) pour dépister les femmes enceintes et rendre leur charge virale indétectable, l’adhérence non optimale au traitement antirétroviral, l’allaitement prolongé au-delà de la période de suivi maternel… De plus, le risque d’acquisition du VIH est plus important chez les femmes pendant le 3e trimestre de grossesse et jusqu’à 6 semaines après l’accouchement pour de raisons qu’il reste à investiguer. En cas d’acquisition du VIH par la femme allaitante, le risque de transmission au nourrisson est très élevé.

Selon Philippe Van de Perre, « non seulement les variations de prévalence du VIH sont substantielles entre les pays, mais aussi au sein d’un pays. Un système très fin est nécessaire pour identifier les zones où la transmission est forte, pour identifier les causes locales de transmission mère-enfant et pour y mettre en œuvre les solutions appropriées ».

Les stratégies actuellement acceptées et réalisables, mais très peu pratiquées, comprennent la prophylaxie pré-exposition – ou PrEP – pour les femmes enceintes ou allaitantes n’ayant pas le VIH afin de prévenir l’acquisition du virus et le renforcement du dépistage répété, les soins maternels adaptés et la PrEP prolongée pour les nourrissons dont les mères ont une charge virale détectable. Par exemple, pour augmenter l’adhérence des mères à la PrEP après l’accouchement, une bonne information sur les risques de transmission du virus par l’allaitement reste à mettre en place. Des essais de phase 3 d’injections de la molécule antirétrovirale cabotégravir à action prolongée sont également en cours. 

Des approches pour renforcer les recommandations existantes pourraient consister en des tests de dépistage qualitatifs et quantitatifs en fin de grossesse et pendant l’allaitement afin de diagnostiquer l’infection chez le nourrisson et de déterminer la charge virale maternelle. Par exemple, l’essai PROMISE-EPI, promu par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, est en cours en Zambie et au Burkina Faso. Il serait alors possible de mettre en oeuvre une PrEP chez le nourrisson exposé et d’initier ou de renforcer un traitement antirétroviral chez les mères vivant avec le VIH. D’autres approches pourraient inclure l’introduction de schémas alternatifs de PrEP pour les nourrissons, comme la prescription d’antirétroviraux à action prolongée ou d’anticorps neutralisants à large spectre dans les centres de soins pédiatriques. « Ces anticorps pourraient être produits à grande échelle et pour un coût assez faible, ce qui rendrait possible leur utilisation partout, explique Philippe Van de Perre, plusieurs études en cours sur leur utilisation semblent très prometteuses, y compris chez les nouveau-nés ». L’ANRS | Maladies infectieuses émergentes et le SA-MRC soutiennent, à titre d’exemple, l’essai UMBRELLA/SAMBULELO qui devrait être initié prochainement en Afrique du Sud. 

Un vaccin anti-VIH efficace administré aux nourrissons serait crucial pour éliminer le VIH pédiatrique. Le développement des approches visant à induire des anticorps neutralisants à large spectre dirigés contre le VIH est en cours, explorant la sécurité, l’immunogénicité et la pharmacocinétique de ces vaccins.

Dans les régions où la prévalence et l’incidence du VIH sont élevées, le renforcement et l’extension des politiques existantes est nécessaire, ainsi que la mise en œuvre de nouvelles stratégies de prévention biomédicale et l’évaluation de l’efficacité des stratégies existantes et nouvelles. « Nous pensons que les protocoles de recherche éthiques visant à tester de nouvelles stratégies complémentaires telles que les vaccins ou les anticorps neutralisants à large spectre, qui ne reposent pas sur une adhésion quotidienne ou des tests, doivent être approuvés de toute urgence par les comités d’éthique de la recherche sur l’homme et testés », rapporte Philippe Van de Perre.

Hypertension artérielle résistante aux traitements médicamenteux : une étude internationale démontre le bénéfice tensionnel d’un traitement par ultrasons focalisés

Hypertension artérielle

En France, l’hypertension artérielle touche environ 30% de la population et peut conduire à des complications cardiovasculaires, cérébrovasculaires et rénales graves, parfois mortelles .© Mufid Majnun on Unsplash

Des équipes de l’hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP, d’Université de Paris, de l’Inserm et de l’hôpital Presbytérien de New-York ont mené des travaux coordonnés par le Pr Michel Azizi, Chef de Service (Centre d’Excellence en Hypertension Artérielle de l’hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP) et coordonnateur du CIC1418 APHP-Inserm-Université de Paris, pour démontrer le bénéfice tensionnel de la dénervation rénale endovasculaire par ultrasons focalisés. 

Après des premiers résultats positifs dans l’hypertension artérielle (HTA) légère à modérée publiés dans The Lancet en 2018, de nouveaux résultats prometteurs ont été obtenus chez des patients ayant une HTA sévère et résistante aux traitements médicamenteux dans l’étude internationale RADIANCE TRIO. Ils ont fait l’objet d’une nouvelle publication, le 16 mai 2021, dans la revue The Lancet.

Dans cette étude conçue et menée par le Pr Michel Azizi en collaboration avec une start-up américaine (ReCor Medical), la dénervation rénale par voie endovasculaire a consisté à interrompre l’activité électrique des nerfs du système nerveux sympathique à destinée rénale en délivrant des ultrasons focalisés par l’intermédiaire d’un cathéter.

Pour cette étude, 136 patients, dont 80% d’hommes avec un âge moyen 52 ans, ayant une HTA résistante à une combinaison de trois médicaments antihypertenseurs administrés en un seul comprimé, ont été répartis par tirage au sort dans deux groupes : l’un traité par dénervation rénale par ultrasons et l’autre par intervention « factice » (« sham » en anglais) consistant en une artériographie diagnostique. Ni les patients, ni l’équipe médicale assurant le suivi ne connaissaient le groupe auquel les patients avaient été assignés par le tirage au sort.

Les résultats ont montré que la dénervation rénale réduisait la pression artérielle chez des patients ayant une HTA résistante à une trithérapie antihypertensive conduite selon les recommandations actuelles.

En effet, après deux mois de suivi sans modification du traitement antihypertenseur sauf pour impératif de sécurité, les résultats de l’étude montrent que:

–        la pression systolique ambulatoire diurne a été réduite de 8 mmHg dans le groupe dénervation alors qu’elle n’a été réduite que de 3 mmHg dans le groupe « sham », soit une différence cliniquement pertinente de 4,5 mmHg en faveur de la dénervation rénale.

–        67% des patients traités par dénervation rénale ont eu une réduction ≥ 5 mmHg contre 42% dans le groupe « sham ».

–        38% des patients non contrôlés par le traitement antihypertenseur à la randomisation ont eu leur pression artérielle normalisée deux mois après la dénervation rénale tout en conservant le même traitement médicamenteux.

–        Il n’y a eu qu’une seule complication réversible (pseudoanévrisme) au niveau de la ponction sur l’artère fémorale. 

« Les patients ayant une HTA résistante, c’est-à-dire en échec thérapeutique malgré la prise correcte des médicaments antihypertenseurs, sont ceux les plus à risque d’avoir une complication de l’HTA. Le maintien à long terme de la réduction tensionnelle après une procédure de dénervation rénale aurait des conséquences bénéfiques en termes de réduction des évènements cardiovasculaires et cérébrovasculaires chez ces patients. Le suivi à 6, 12 et 36 mois est en cours et donnera des indications sur le maintien à distance de la baisse tensionnelle. Ces nouveaux résultats positifs avec ceux obtenus dans l’HTA légère à modérée, démontrent que la dénervation rénale abaisse la pression artérielle dans tout le spectre de l’HTA. Néanmoins, il existe une variabilité interindividuelle de la réponse sur laquelle nous travaillons » explique le Pr Michel Azizi.

Le programme de recherche RADIANCE-II se poursuit actuellement.

En France, l’hypertension artérielle touche environ 30% de la population et peut conduire à des complications cardiovasculaires, cérébrovasculaires et rénales graves, parfois mortelles. Malgré la disponibilité de nombreuses classes médicamenteuses différentes, l’HTA reste mal contrôlée chez plus de 45% des patients hypertendus en France [1] et dans le monde.

 

[1] étude épidémiologie ESTEBAN menée par Santé Publique France

(*mmHg : millimètre de mercure)

 

Séquelles de la Covid : 60 % des patients hospitalisés présentent au moins un symptôme après 6 mois

 

Coronavirus SARS-CoV-2

Coronavirus SARS-CoV-2 accrochés au niveau des cils de cellule épithéliale respiratoire humaine. © Manuel Rosa-Calatrava, INSERM ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

Combien de temps les symptômes de la Covid-19 peuvent-ils persister après une hospitalisation pour une infection par le SARS-CoV-2 ? Les scientifiques continuent à se poser de nombreuses questions sur ce virus émergeant et sur les conséquences à long terme de la maladie qu’il cause. Parmi les équipes qui s’intéressent à la problématique de la « Covid longue », les investigateurs de la cohorte French Covid, promue par l’Inserm. Dans une nouvelle étude publiée dans le journal CMI, ces chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de l’AP-HP et d’Université de Paris montrent qu’une proportion importante de patients ayant été hospitalisés et suivis dans le cadre de French Covid présentent encore des symptômes 3 et 6 mois après l’infection.

Est-il possible de présenter des symptômes de Covid-19 plusieurs mois après avoir été infecté par le Sars-CoV-2 ? La question de la « covid longue » interroge toujours la communauté scientifique et médicale. Elle est au cœur de plusieurs travaux de recherche, notamment ceux menés par les investigateurs de la cohorte French Covid.

Lancée fin janvier 2020, French Covid est une étude de cohorte française promue par l’Inserm. Elle repose sur le suivi d’un large groupe de patients ayant développé une forme clinique de la maladie qui nécessitait une hospitalisation, soit dans un service de médecine soit en réanimation. Au 17 mars 2021, 4 310 patients avaient été inclus dans cette cohorte, la plus large cohorte française à l’heure actuelle de patients hospitalisés pour une infection par le SARS-CoV-2.

Pour chaque participant, des données cliniques, virologiques, immunologiques, génétiques, sérologiques et transcriptomiques sont collectées afin de mieux caractériser la maladie. L’objectif est d’accumuler des connaissances sur la Covid-19, notamment sur les formes les plus graves afin d’améliorer la prise en charge dans les cas où l’hospitalisation s’impose. Il s’agit aussi de mieux appréhender le devenir des patients à court et à long terme en s’intéressant à la possible persistance de symptômes dans les mois qui suivent le diagnostic.

Impact de la Covid longue

Dans leur nouvelle étude, l’équipe décrit la fréquence et la nature de symptômes persistants chez 1137 patients issus de French Covid, évalués lors de visites de suivi à 3 et 6 mois après l’hospitalisation pour Covid-19.

Ces travaux suggèrent que 60 % des patients sont toujours affectés par au moins un symptôme six mois après infection et un quart d’entre eux par trois symptômes ou plus.

Par ailleurs, 2 % des patients ont dû être hospitalisés à nouveau. Une sensation importante de fatigue, des gênes respiratoires et des douleurs musculaires et articulaires comptaient parmi les manifestations cliniques persistantes les plus fréquemment rapportées lors de ces visites de suivi.

Une corrélation entre la sévérité initiale de la maladie et la persistance à long terme de symptômes semble également se dessiner. En effet, la persistance d’au moins 3 symptômes six mois après l’infection est plus fréquente chez les personnes dont la maladie Covid-19 a nécessité un séjour en réanimation par rapport à ceux qui ont été hospitalisés dans un service de médecine, et chez les patients les plus symptomatiques le jour de l’admission à l’hôpital. Les chercheurs observent aussi des différences de genre : si les hommes sont plus à risque de faire des formes graves, les femmes semblent plus à risque de souffrir de symptômes persistants dans la durée.

L’étude souligne enfin que ces formes de « covid longue » ont parfois aussi des conséquences plus larges, au niveau économique et social. Ainsi, parmi les patients qui rapportent des symptômes à 6 mois et qui exerçaient une activité professionnelle lorsqu’ils ont été infectés, un tiers n’est pas retourné travailler.

Pour mieux comprendre les conséquences du virus sur l’organisme et l’impact à long terme de la maladie, et surtout pour mieux prendre en charge les patients, poursuivre ce suivi au-delà de 6 mois sur une population encore plus large pourrait présenter un intérêt certain.

« Les mécanismes à l’origine de cette persistance des symptômes, alors que l’organisme s’est débarrassé du virus, ne sont toujours pas clairs. Nous allons poursuivre le suivi des patients inclus dans French Covid jusqu’à 18 mois après l’infection, en proposant également des tests évaluant les fonctions neuro-cognitives », souligne Jade Ghosn, coordinateur de la cohorte, PU-PH Université de Paris et professeur au sein du service des maladies infectieuses et tropicales de l’Hôpital Bichat Claude-Bernard AP-HP.

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