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Infertilité : nouvelles pistes pour comprendre les effets délétères de la chimiothérapie

immunomarquage

Image représentative d’un immunomarquage sur une coupe de testicule de souris. Le marquage rouge permet de visualiser les cellules germinales indifférenciées et le marquage vert correspond à la détection de la protéine GFP reflétant l’expression du récepteur TGR5 dans ce modèle d’étude. ©David Volle/Inserm

L’infertilité est un problème de santé publique affectant des millions de couples en France. Parmi les causes possibles, la chimiothérapie a été pointée du doigt comme ayant des effets particulièrement délétères sur la fertilité des femmes comme sur celle des hommes. Comprendre les mécanismes à l’origine de ces effets négatifs est une priorité afin de mieux les prévenir et de restaurer la fertilité chez les survivants du cancer. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’université Clermont Auvergne se sont intéressés à un récepteur que l’on retrouve sur les cellules germinales masculine à l’origine des gamètes. L’objectif : mieux comprendre son rôle dans l’infertilité causée par une exposition à la chimiothérapie. Les résultats, publiés dans le journal Advanced Science, ouvrent la voie à une meilleure compréhension de l’infertilité masculine et au développement de traitements pour réduire les risques de stérilité en cas de chimiothérapie.

Près de 3,3 millions de Français sont directement touchés par l’infertilité. Celle-ci peut concerner aussi bien les hommes que les femmes et n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Il s’agit aujourd’hui d’un problème de santé publique majeur[1].

Si les causes de l’infertilité sont nombreuses, il est actuellement bien établi que les traitements contre le cancer, et notamment la chimiothérapie, peuvent avoir des effets particulièrement délétères sur la fertilité masculine et féminine. Alors que les thérapies anticancéreuses ont connu des améliorations ces dernières années, il devient urgent de se pencher sur cette problématique, car un nombre croissant de survivants du cancer va être concerné par des problèmes d’infertilité.

Depuis près de 15 ans, le chercheur Inserm David Volle et son équipe au sein du laboratoire Génétique, reproduction et développement (Inserm/CNRS/Université Clermont Auvergne) tentent de mieux comprendre les mécanismes biologiques sous-jacents de l’infertilité. Une partie de leurs travaux s’intéresse à l’impact de la chimiothérapie sur la fertilité masculine, avec l’objectif à plus long terme d’identifier des pistes pour contrer les effets néfastes de ce traitement.

Dans leur nouvelle étude, les chercheurs et chercheuses se sont intéressés à des récepteurs présents à la membrane des cellules, appelés TGR5, pour comprendre leur rôle dans les effets délétères de la chimiothérapie.

Les récepteurs TGR5 sont très étudiés dans le contexte des maladies métaboliques comme le diabète et l’obésité. Ils sont en effet activés par les acides biliaires, des molécules produites au niveau du foie qui régulent certaines fonctions physiologiques, dont la glycémie et la dépense énergétique.

De précédents travaux de l’équipe avaient toutefois montré que ces récepteurs sont aussi présents au niveau des cellules germinales, les cellules à l’origine des gamètes. Dans des modèles de souris mimant une maladie hépatique, avec des taux d’acides biliaires élevés, les scientifiques avaient constaté que les récepteurs TGR5 sur les cellules germinales étaient activés, ce qui était associé à une augmentation de la stérilité chez les animaux.

Mort des cellules germinales

Pour aller plus loin et comprendre l’impact des TGR5 sur la fertilité dans le contexte de la chimiothérapie, les scientifiques ont ici exposé des souris à un agent de chimiothérapie appelé busulfan. Ils ont alors montré que la chimiothérapie induit la mort d’une partie des cellules germinales chez des souris saines, affectant ainsi leur fertilité. « Le fait que ce soit les cellules germinales, encore indifférenciées, qui soient touchées est particulièrement problématique car l’on touche à la réserve des cellules produisant les gamètes. Cela peut réduire leur renouvellement et contribuer à l’infertilité post-chimiothérapie », souligne David Volle.

En revanche, chez des souris qui ont été génétiquement modifiées pour que les récepteurs TGR5 soient absents, les effets de la chimiothérapie sur les cellules germinales sont atténués. Cela se traduit par un retour accéléré de la fertilité chez ces souris traitées au busulfan par rapport aux souris témoins.

« Notre étude a donc permis de mieux comprendre les mécanismes moléculaires impliqués dans les impacts délétères des chimiothérapies sur les cellules germinales et la fertilité. En effet, ces résultats démontrent que les récepteurs TGR5 jouent un rôle important dans les effets délétères de la chimiothérapie sur l’infertilité », ajoute David Volle.

A plus long terme, l’objectif serait de développer des méthodes pour moduler l’activation des récepteurs TGR5 de manière ciblée au sein des cellules germinales, afin de protéger ces dernières et de restaurer la fertilité après la chimiothérapie.

L’idée serait aussi d’évaluer si ces données peuvent être extrapolées dans d’autres contextes pathologiques où l’activité des récepteurs TGR5 pourrait être modulée telles que l’obésité ou le diabète, des pathologies connues pour altérer la fertilité.

Par ailleurs, en parallèle de ces travaux, l’équipe a constaté que même lorsque la fertilité était maintenue chez les souris exposées à la chimiothérapie, la qualité des gamètes était affectée. Les scientifiques s’attachent donc désormais à comprendre les impacts sur les cellules germinales tant au niveau quantitatif que qualitatif pour limiter les troubles de la fertilité, mais également les conséquences à plus long terme sur la descendance des animaux.

 

[1] La publication d’un rapport demandé par le ministre de la Santé et le secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des Famille, en Février 2022 dessine les contours d’une stratégie nationale de lutte contre l’infertilité : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_sur_les_causes_d_infertilite.pdf

Décryptage d’un dialogue direct entre le microbiote intestinal et le cerveau

Schéma montrant le dialogue direct entre le microbiote intestinal et le cerveau

© Institut Pasteur / Pascal Marseaud

 

Des produits dérivés du microbiote intestinal se retrouvent dans la circulation sanguine et modulent les processus physiologiques de l’hôte, tels que l’immunité, le métabolisme et les fonctions cérébrales. Des scientifiques de l’Institut Pasteur (organisme de recherche partenaire d’Université Paris Cité), de l’Inserm et du CNRS ont découvert dans un modèle animal que des neurones de l’hypothalamus détectent directement les variations de l’activité bactérienne et adaptent l’appétit et la température corporelle en conséquence. Ces résultats montrent l’existence d’un dialogue direct entre le microbiote intestinal et le cerveau, une découverte qui pourrait être exploitée pour de nouvelles approches thérapeutiques contre les troubles métaboliques, tels que le diabète ou l’obésité. Ces résultats seront publiés dans Science le 15 avril 2022.

Le microbiote intestinal constitue le plus grand réservoir de bactéries de l’organisme. De plus en plus de travaux montrent combien l’hôte et son microbiote intestinal sont dépendants l’un de l’autre, et soulignent l’importance de l’axe intestin-cerveau.

A l’Institut Pasteur, des neurobiologistes de l’unité Perception et mémoire (Institut Pasteur/CNRS)[1], des immunobiologistes de l’unité Microenvironnement et immunité (Institut Pasteur/Inserm), et des microbiologistes de l’unité Biologie et génétique de la paroi bactérienne (Institut Pasteur/CNRS/Inserm)[2] ont mis en commun leurs expertises pour comprendre comment les bactéries de l’intestin peuvent avoir un effet direct sur l’activité de certains neurones du cerveau.

Les scientifiques se sont intéressés particulièrement au récepteur NOD2 (Nucleotide Oligomerization Domain) qui est présent à l’intérieur des cellules, en particulier des cellules immunitaires. Ce récepteur détecte la présence de muropeptides, des composés des parois bactériennes, qui peuvent être considérés comme les produits dérivés du microbiote intestinal.

Par ailleurs, il était déjà connu que des variants du gène codant pour le récepteur NOD2 sont associés à certaines maladies du système digestif, telles que la maladie de Crohn, mais aussi à certaines maladies neurologiques ou troubles de l’humeur.

 

Ces données ne permettaient pas encore de conclure à un rapport direct entre le fonctionnement des neurones du cerveau et l’activité bactérienne de l’intestin. C’est ce qu’a mis en lumière dans cette nouvelle étude le consortium de scientifiques.

Grâce à des techniques d’imagerie cérébrale, les scientifiques ont tout d’abord observé, chez la souris, que le récepteur NOD2 est exprimé par des neurones de différentes régions du cerveau, et en particulier dans un centre nommé l’hypothalamus. Ils ont ensuite découvert que ces mêmes neurones voient leur activité électrique réprimée lorsqu’ils rencontrent des muropeptides bactériens issus de l’intestin. Les muropeptides sont libérés par les bactéries lorsqu’elles prolifèrent. « Les muropeptides présents dans l’intestin, le sang et le cerveau sont considérés comme les marqueurs de la prolifération bactérienne », explique Ivo G. Boneca, responsable de l’unité Biologie et génétique de la paroi bactérienne à l’Institut Pasteur (CNRS/Inserm).

À l’inverse, dans le cas où le récepteur NOD2 est défaillant, ces neurones ne sont plus réprimés par les muropeptides ; le cerveau perd alors le contrôle de la prise alimentaire et de la température corporelle.

En conséquence, les souris prennent du poids et sont plus susceptibles à développer un diabète de type 2, en particulier chez les femelles âgées.

Chose étonnante, les scientifiques ont montré ici que ce sont les neurones qui perçoivent directement les muropeptides bactériens, alors que cette tâche est généralement dévolue aux cellules du système immunitaire. « Il est stupéfiant de découvrir que des fragments bactériens agissent directement sur un centre nerveux aussi stratégique que l’hypothalamus, connu pour gérer des fonctions vitales comme la température corporelle, la reproduction, la faim, ou la soif » commente Pierre-Marie Lledo, chercheur CNRS et responsable de l’unité Perception et mémoire à l’Institut Pasteur.

Ainsi, les neurones semblent détecter l’activité bactérienne (la prolifération et la mort) pour mesurer directement l’impact de la prise alimentaire sur l’écosystème intestinal. « Il est possible qu’une prise alimentaire excessive ou un aliment particulier favorise l’expansion exagérée de certaines bactéries ou de pathogènes, et mette ainsi en danger l’équilibre intestinal », souligne Gérard Eberl, responsable de l’unité Microenvironnement et immunité à l’Institut Pasteur (Inserm).

Étant donné l’impact des muropeptides sur les neurones de l’hypothalamus et le métabolisme, on peut s’interroger sur leur rôle dans d’autres fonctions du cerveau, et ainsi comprendre l’association entre certaines maladies du cerveau et les variants génétiques de NOD2. Cette découverte ouvre la voie à de nouveaux projets interdisciplinaires pour les trois équipes de recherche et à terme, à de nouvelles approches thérapeutiques contre les maladies du cerveau, ou les maladies métaboliques comme le diabète et l’obésité.

 

[1] Unité de recherche portant aussi le nom de « Gènes, synapses et cognition » (Institut Pasteur/CNRS).
A également participé à ces résultats, l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (CNRS/Inserm/Sorbonne Université/AP-HP).

[2] Autre nom de l’unité CNRS : « Microbiologie intégrative et moléculaire », autre nom de l’unité Inserm : « Interactions hôte-microbes et pathophysiologie » (Institut Pasteur/CNRS/Inserm).

Cancer du côlon : comment la mutation du gène APC perturbe la migration des lymphocytes

Lymphocytes T humains

Lymphocytes T humains en migration générant une extension large au front et des protrusions adhésives allongées à l’arrière. Image obtenue par microscopie confocale à fluorescence : actine filamenteuse, rose ; protéine d’adhésion VLA4, bleu). © Institut Pasteur/Biologie Cellulaire des Lymphocytes. Image par Marta Mastrogiovanni.

Chez les patients atteints de polypose adénomateuse familiale, une maladie génétique qui prédispose au cancer du côlon, les mutations du gène APC induisent la formation de polypes intestinaux, mais réduisent aussi l’action du système immunitaire. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Institut Pasteur, de l’Inserm(1) et d’Université Paris Cité détaillent les mécanismes qui altèrent la structure des lymphocytes T et entravent leur migration jusqu’aux tumeurs à détruire. Cette découverte, publiée dans le journal Science Advancesle 13 avril 2022, apporte de nouveaux éléments sur la migration des cellules immunitaires, un processus clé de la défense immune antitumorale.

Comme son nom l’indique, la polypose adénomateuse familiale se transmet de génération en génération. En cause : des mutations du gène suppresseur de tumeur APC (Adenomatous polyposis coli). Les personnes qui héritent de ces mutations développent des centaines voire des milliers de polypes dans le côlon, dès l’adolescence, puis un cancer colorectal(2) à l’âge adulte si les polypes ne sont pas retirés chirurgicalement. « Comme il s’agit d’une maladie héréditaire, toutes les cellules de l’organisme portent la mutation et peuvent être affectées de différentes façons, rappelle Andrés Alcover, responsable de l’unité de Biologie cellulaire des lymphocytes à l’Institut Pasteur et co-senior auteur de l’étude. On sait aujourd’hui que ces mutations perturbent le fonctionnement des cellules du côlon mais aussi celles du système immunitaire ».

Dans de précédentes études, cette équipe de chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et de l’Inserm – soutenue financièrement par la Ligue Nationale Contre le Cancer depuis 2018(3) – a en effet pu démontrer le double impact des mutations du gène APC.

Non seulement, ces mutations empêchent les cellules de l’épithélium intestinal de se différencier correctement et les conduit à former des excroissances tissulaires (les polypes), mais elles altèrent aussi le fonctionnement des cellules du système immunitaire, pouvant les empêcher de lutter efficacement contre les polypes et les tumeurs. Deux mécanismes qui, ensemble, favorisent la croissance des tumeurs.

Afin de mieux comprendre ce qui empêche les cellules immunitaires de jouer leur rôle, les chercheurs ont décidé cette fois-ci d’observer de plus près les lymphocytes T dont la mission est d’aller détruire les tumeurs en les infiltrant. Pour ce faire, les biologistes et les médecins de recherche clinique de la plateforme ICAReB de l’Institut Pasteur, Drs Hélène Laude et Marie-Noëlle Ungeheuer, se sont rapprochés de l’association de patients POLYPOSES FAMILIALES France. Un nouveau projet de recherche clinique impliquant l’association a permis de recruter des patients volontaires pour effectuer des prélèvements sanguins. « Grâce à l’association, nous avons rencontré des patients, mais aussi des cliniciens spécialistes de la polypose. Nous avons beaucoup appris sur cette pathologie complexe, sur le vécu des malades et des familles, et les différents degrés de gravité de la maladie. Nous avons beaucoup apprécié la grande motivation de patients pour participer à l’étude et collaborer à la recherche ainsi que l’avis des spécialistes », tient à saluer Andrés Alcover.

Les lymphocytes T naturellement mutés présents dans le sang de ces patients ont été cultivés puis soumis à différentes expériences in vitro. Les chercheurs ont ainsi pu comparer, grâce à différents micro-dispositifs : des filtres, des canaux, des substrats protéiques et de couches de cellules endothéliales des vaisseaux sanguins, le comportement des lymphocytes malades avec celui de lymphocytes de volontaires sains.

Ils ont étudié la façon dont les lymphocytes se déplaçaient le long de surfaces biologiques similaires aux parois des vaisseaux sanguins, mais aussi la facilité avec laquelle ils arrivaient à écarter les cellules et à traverser des parois très serrées.

« Pour évoluer le long des parois des vaisseaux sanguins, les traverser et rejoindre les tumeurs à infiltrer, les lymphocytes sains changent de morphologie. Une sorte de grand pied adhésif, soutenu par le cytosquelette du lymphocyte, s’allonge dans le sens de migration. Cette polarisation est essentielle pour se déplacer dans la bonne direction, explique Marta Mastrogiovanni, chercheuse au sein de l’unité de Biologie cellulaire des lymphocytes à l’Institut Pasteur et première autrice de l’étude. Chez les lymphocytes mutés, les microtubules qui composent le cytosquelette sont désorganisés et les protéines d’adhésion moins nombreuses. Les cellules perdent leur polarité et leurs « muscles ». » 

Si les lymphocytes T mutés ne se déplacent pas forcément moins vite que les lymphocytes sains, ils adhèrent moins bien aux parois, ont plus de difficultés à se diriger dans une direction donnée et à franchir les parois. En sommes, ces travaux ont mis en évidence que leur migration était moins efficace. « Cette découverte est importante car la mobilité des cellules immunitaires est un processus clé de la défense immune anti-tumoraleOn sait que le système immunitaire est très important pour combattre les pathogènes mais on oublie parfois qu’il aide aussi à lutter contre les cellules cancéreuses », conclut Vincenzo Di Bartolo, chercheur au sein de l’unité de Biologie cellulaire des lymphocytes à l’Institut Pasteur et co-senior auteur de l’étude.

(1) Projet collaboratif : Institut Pasteur, Département d’Immunologie et Centre de Recherche Translationnel (CRT, ICAReB), et inter instituts : Pasteur, Cochin, Curie et Gilles de Gennes.

(2) La polypose adénomateuse familiale représente 1 % de tous les cancers colorectaux. 

(3) Financement Équipe Labellisée Ligue Nationale Contre le Cancer 2018-2022, Institut Pasteur et Inserm. Marta Mastrogiovanni a été financée par le Pasteur-Paris University International Doctoral Program et the European Union Horizon 2020 Research and Innovation Programme under the Marie Sklodowska-Curie grant agreement 665807, et La Ligue Contre Le Cancer, bourse doctorale 4e année de thèse.

Covid long : des symptômes persistants des mois après la première vague

Les participants ont rempli plusieurs questionnaires portant sur leurs symptômes © Adobe Stock

Plusieurs mois après avoir été infectés par le SARS-CoV-2, des symptômes persistent chez une partie des patients. On parle de Covid long ou d’état « post-Covid ». Encore mal compris, ce phénomène est désormais étudié avec attention par les scientifiques afin d’enrichir les connaissances sur le sujet et de proposer la meilleure prise en charge possible.

Des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de l’Université Paris-Saclay et de Sorbonne Université à l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de Santé Publique, en collaboration avec l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, ont identifié, à partir des données de près de 26 000 volontaires de la cohorte Constances, quels symptômes persistants sont le plus fréquemment rapportés par les personnes ayant été infectées par le SARS-CoV-2 comparé au reste de la population. Il s’agit principalement de la perte de goût ou d’odorat, de gêne respiratoire ou de fatigue. Ces symptômes sont particulièrement observés chez les patients qui ont eu des symptômes typiques de Covid au moment de l’infection. Les résultats sont publiés dans le journal The Lancet Regional Health – Europe.

De nombreuses personnes rapportent des symptômes persistants plusieurs mois après avoir été infectées par le SARS-CoV-2. Cet état « post-Covid » est encore mal compris mais fait actuellement l’objet de travaux de recherche rigoureux afin de mieux définir sa prévalence dans la population générale et de décrypter les mécanismes physiopathologiques sous-jacents.

Parmi les symptômes persistants qui ont été le plus souvent décrits dans la littérature scientifique figurent la dyspnée (gêne respiratoire), l’asthénie (fatigue), des douleurs articulaires et musculaires, des problèmes cognitifs, des troubles digestifs, ou encore l’anosmie/dysgueusie (perte d’odorat et de goût).

Hormis ce dernier symptôme, il s’agit de manifestations cliniques qui ne sont pas spécifiques de la Covid-19 et qui pourraient par exemple être liées à d’autres infections contractées sur la même période ou à un accès plus restreint au système de santé pendant la pandémie.

Afin de mieux comprendre et mieux prendre en charge l’état « post-Covid », il est donc essentiel pour les scientifiques de déterminer quels symptômes persistants sont plus étroitement associés à une infection par le SARS-CoV-2.

Une étude en population générale

La nouvelle étude publiée dans The Lancet Regional Health se penche sur cette question. Cette étude puise d’abord son originalité dans le fait qu’elle a été réalisée dans une cohorte en population générale.

Les cohortes en population générale se distinguent des cohortes construites à partir d’échantillons de malades Covid (par définition tous « symptomatiques » et souvent avec des formes cliniques sévères ou hospitalisés), qui ne sont pas représentatives de l’ensemble des personnes infectées.

Ce type de cohorte permet donc d’appréhender des problématiques de santé publique en élaborant des groupes comparatifs, par exemple selon la sévérité des symptômes présentés au moment de l’infection.

L’autre originalité du travail est que l’ensemble des participants a bénéficié d’un test sérologique a posteriori pour rechercher un historique d’infection par le SARS-CoV-2. Cela différencie ce travail de la plupart des travaux qui ont été réalisés sur le sujet, qui s’intéressent aux personnes ayant réalisé un test PCR et qui ont présenté des symptômes.

Ainsi, ce travail permet de comparer la persistance de symptômes sept à huit mois après la première vague de la pandémie dans quatre groupes de participants[1] répartis en fonction des symptômes qu’ils avaient eus pendant cette première vague et de leur statut sérologique (témoignant ou non d’une infection par le SARS-CoV-2).

Des symptômes présents à long terme selon le statut sérologique

25 910 participants issus de la cohorte Constances (voir encadré) ont répondu à deux questionnaires lors de la première vague de la pandémie de Covid-19, afin de déterminer la présence de symptômes dans les quinze jours qui précédaient. Un test sérologique a ensuite été effectué pour chacun d’entre eux, entre mai et novembre 2020, afin d’identifier les personnes ayant été exposées au virus.

Enfin, entre décembre 2020 et février 2021, un troisième questionnaire portant sur les symptômes ayant persisté ou persistant depuis au moins deux mois a été proposé aux participants. Ce questionnaire comportait la liste de symptômes recherchés pendant les premières vagues de questionnaires, mais également de nouveaux symptômes dont se plaignent les personnes atteintes de « Covid long » (trouble de la concentration et de l’attention, douleurs thoraciques…).

 

Les chercheuses et les chercheurs ont comparé les individus ayant présenté des symptômes évoquant une infection respiratoire aiguë en fonction de leurs résultats sérologiques. Ils ont observé que les personnes symptomatiques et présentant une sérologie positive présentaient plus d’anosmie/dysgueusie, de dyspnée et de fatigue persistantes que les individus séronégatifs pour le SARS-CoV-2. Les autres symptômes avaient une fréquence équivalente.

Liens entre les symptômes présentés au moment de l’infection et les symptômes persistants

Les auteurs ont ensuite exploré le lien entre infection, symptômes aigus et symptômes persistants. Les résultats de leurs analyses statistiques montrent que l’infection par le SARS-CoV-2 a essentiellement un effet sur la persistance des symptômes si elle induit certains symptômes au moment de l’épisode aigu de l’infection.

« Nos résultats confirment l’importance de l’expression clinique de l’épisode infectieux initial dans le risque de développer des symptômes persistants. Ils peuvent aider à guider les politiques publiques en apportant des données plus précises sur le type de symptômes persistants de la Covid-19 et en incitant à développer des stratégies de prise en charge plus efficaces. Promouvoir des thérapies et des approches préventives, comme la vaccination, qui réduisent les symptômes lors la phase aiguë de la maladie pourrait aussi avoir un effet bénéfique sur les états post-Covid », soulignent les auteurs de l’étude.

Ces résultats témoignent de la complexité des mécanismes pouvant expliquer les symptômes persistants, en soulignant que ces symptômes peuvent être liés au virus, à la présentation clinique initiale de l’infection et à d’autres causes non spécifiques.

Ils suggèrent aussi l’importance de mener des études sur les états post-infectieux, quel que soit le micro-organisme incriminé.

D’autres travaux sont en cours pour comprendre les mécanismes à l’origine de ces états « post-Covid » et pour quantifier la part de ces symptômes persistants attribuable à l’infection par le SARS-CoV-2.

La cohorte Constances

Constances est une grande cohorte épidémiologique française, constituée d’un échantillon représentatif de 220 000 adultes âgés de 18 à 69 ans à l’inclusion. Les participants sont invités à passer un examen de santé tous les quatre ans et à remplir un questionnaire tous les ans. Les données de ces volontaires sont appariées chaque année aux bases de données de l’Assurance maladie. Cette grande cohorte est soutenue par la caisse Nationale d’assurance Maladie et financée par le Programme d’Investissements d’Avenir.

Les données recueillies concernent la santé, les caractéristiques socioprofessionnelles, le recours aux soins, des paramètres biologiques, physiologiques, physiques et cognitif et permettent d’en apprendre plus sur les déterminants de nombreuses maladies.

Constances est l’une des trois cohortes sur lesquelles s’appuie le projet SAPRIS-SERO porté par l’Inserm et l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, qui vise à quantifier l’incidence du SARS-CoV-2 dans la population française à partir de tests sérologiques.

Pour en savoir plus : constances.fr

 

[1] Le premier groupe de participants comprenait toutes les personnes ayant un test sérologique positif à la covid 19 et ayant rapporté des symptômes pendant la première vague. Dans le deuxième groupe, les individus avaient un test positif mais pas de symptômes. Le troisième groupe était celui des personnes ayant un test sérologique négatif et des symptômes tandis que le quatrième groupe était asymptomatique pendant la première vague, avec un test sérologique négatif.

Production de nanoparticules délétères pour l’hôte par les bactéries responsables de sepsis

Les OMVs produits par des bactéries E. coli responsables de sepsis provoquent l’accumulation d’autophagosomes dans les cellules hôtes. Image de microscopie confocale de cellules HeLa avec les autophagosomes en vert, les OMV en rouge et les noyaux en bleu. 

 

La France s’est engagée avec force dans la lutte contre le sepsis[1]. Le ministère des Solidarités et de la Santé, en collaboration avec les sociétés savantes et l’association de patients France Sepsis Association, mène plusieurs travaux ayant pour objectifs d’améliorer la surveillance des cas de sepsis sur le territoire, la connaissance du public sur le sepsis, la formation des professionnels de santé, la prévention, le dépistage et le traitement du sepsis.

 L’équipe « Pathogénie et commensalisme des entérobactéries » de l’Institut de recherche en santé digestive (IRSD – Inserm / INRAE / ENVT / CHU / UT3 Paul Sabatier) dirigée par le Pr. Oswald mène des travaux de recherche en ce sens. Leurs résultats montrent que dans la lutte contre le sepsis, il ne faut pas seulement tuer les bactéries en cause, mais réduire aussi leur capacité à produire des vésicules de quelques dizaines de nanomètres (appelées OMV pour Outer Membrane Vesicle en anglais). Pour cela, il faut agir directement en amont sur les mécanismes de production de ces nanoparticules et/ou en développant des stratégies thérapeutiques pour les éliminer. L’équipe a en effet montré que ces OMV sont très délétères pour l’hôte, et pourraient favoriser l’aggravation du sepsis. Ces résultats ont fait l’objet d’une publication dans la revue scientifique Autophagy.

Le sepsis est un état aigu de dysrégulation de la réponse de l’organisme à une infection (bactérienne, virale, fongique ou parasitaire) entraînant la perte de fonction des organes, ce qui compromet la survie du patient. On estime chaque année à plus de 50 millions le nombre de personnes affectées dans le monde par un sepsis et près de 11 millions le nombre de décès. Escherichia coli est l’une des bactéries les plus fréquemment responsables de ces infections.

Ces bactéries peuvent produire de grandes quantités d’OMV. Ces bioparticules sont insensibles aux traitements antibiotiques et ont un fort pouvoir de dissémination. L’équipe de recherche de l’IRSD (Inserm / INRAE / ENVT / CHU / UT3 Paul Sabatier) a montré qu’une surproduction d’OMV est liée à la production d’une protéine, HlyF, exprimée par ces E. coli pathogènes.

Ces recherches menées par les scientifiques ont aussi montré que ces OMV inhibent l’autophagie, un mécanisme important pour la survie cellulaire. Cette inhibition conduit à l’instauration d’un état inflammatoire excessif dans les cellules du patient infecté. Étant donné que l’autophagie et l’inflammation sont cruciales dans la réponse de l’hôte à l’infection, en particulier pendant un sepsis, ces résultats de recherche ont révélé un rôle insoupçonné des OMV dans les propriétés pathogènes exacerbées de ces bactéries.

[1] Le sepsis est une maladie potentiellement mortelle caractérisée par une réponse inadaptée de l’hôte face à une infection et une défaillance d’organes

Signature d’une nouvelle Déclaration d’intention commune entre le Fonds de recherche du Québec – Santé et l’Inserm

© Scott GrahamUnsplash

Le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, et le Dr Gilles Bloch, président-directeur général de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm), se réjouissent de la signature d’une nouvelle Déclaration d’intention commune entre le Fonds de recherche du Québec – Santé et l’Inserm.

Cette Déclaration, conclue pour les quatre prochaines années, renouvelle un partenariat institutionnel de plus de 50 ans.

Elle affirme la volonté commune des partenaires de poursuivre des activités conjointes de collaboration – incluant notamment le soutien à des projets de recherche, le développement de consortiums et de réseaux, ou encore le soutien à la mobilité d’étudiants, et chercheurs. Trois domaines scientifiques d’intérêt mutuel, représentant des enjeux sociétaux majeurs, seront privilégiés :

  • Santé mentale
  • Santé publique
  • Vieillissement

« Cette entente renforce une position que nous valorisons depuis longtemps : l’importance des collaborations internationales pour l’avancement des connaissances et la formation des chercheurs et des chercheuses. À cet égard, l’Inserm est un partenaire de longue date des FRQ dans le développement de la recherche en santé. L’intensification de la mise en commun de nos expertises scientifiques permettra d’accroître les retombées de nos recherches pour le mieux-être de nos populations. »

Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec

 

« Le renouvellement de notre partenariat historique témoigne du dynamisme et de la solidité des relations entre nos chercheurs et la communauté québécoise. Cette entente renforcera encore nos liens dans des domaines majeurs, en lien avec les priorités de l’Inserm au niveau national, avec un impact fort attendu à la fois sur le plan scientifique et sociétal »

Dr Gilles Bloch, Président-directeur général, Inserm

VIH : Les anticorps des « contrôleurs post-traitement »

© Adobe Stock

De rares individus porteurs du VIH-1, appelés « contrôleurs post-traitement » ou PTC, sont capables de contrôler l’infection après l’interruption de tout traitement antirétroviral. Comprendre les mécanismes fondamentaux qui gouvernent la réponse immunitaire chez ces personnes contrôleuses est primordial afin de développer des vaccins contre le VIH-1 et/ou de nouvelles stratégies thérapeutiques qui visent la rémission de l’infection. Une étude récente s’est intéressée à la réponse immunitaire humorale – c’est-à-dire médiée par des anticorps spécifiques – chez certains PTC chez qui des épisodes transitoires d’activité du virus ont été observés. Les chercheurs ont montré que leur réponse immunitaire humorale était à la fois efficace et robuste, ce qui pourrait contribuer au contrôle de l’infection en l’absence de traitement. Les résultats de cette étude, menée en collaboration par des équipes de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et de l’AP-HP et soutenue par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes et le NIH, sont parus dans Nature Communications le 11 avril 2022.

De rares individus porteurs du VIH-1 et ayant bénéficié d’un traitement précoce maintenu pendant plusieurs années ont la capacité, à l’arrêt de leur traitement, de contrôler le virus sur le long terme. Cependant, les mécanismes de ce contrôle ne sont pas entièrement élucidés.

L’équipe de chercheurs, menée par le Dr Hugo Mouquet, directeur du laboratoire d’Immunologie humorale à l’Institut Pasteur (organisme de recherche partenaire d’Université Paris Cité), a mené une étude exhaustive chez les individus PTC afin de caractériser leur réponse humorale (c’est-à-dire leur production de lymphocytes B et d’anticorps spécifiques), en comparaison aux individus non contrôleurs.

Les scientifiques ont montré qu’il existe une hétérogénéité de profils de la réponse immunitaire humorale, selon l’activité du virus observée chez les sujets. Chez les PTC qui connaissent de courts épisodes pendant lesquels le virus reprend une faible activité après l’interruption de leur traitement, l’exposition transitoire aux antigènes viraux induit :

  • une réponse humorale anti-VIH-1 forte, impliquant l’intervention plus fréquente de cellules B mémoires spécifiques des antigènes d’enveloppe du VIH-1
  • la production d’anticorps ayant une activité neutralisante croisée et qui possèdent des activités antivirales dites « effectrices », impliquant la reconnaissance des cellules infectées liées aux anticorps par les cellules de l’immunité innée, qui induisent alors leur élimination
  • l’augmentation dans le sang de lymphocytes B mémoires atypiques et de sous-populations de lymphocytes T auxiliaires activées

Cette réponse humorale spécifique, polyfonctionnelle et robuste pourrait contribuer au contrôle de leur infection en l’absence de traitement.

En revanche, d’autres PTC chez qui le virus reste indétectable en permanence après l’interruption du traitement ne développent pas de réponse humorale forte. Les mécanismes de contrôle chez ces patients continuent à être investigués dans le cadre de l’étude VISCONTI.

La découverte de ces deux types de réponse immunitaire humorale, dépendant du profil des PTC, apportent un nouvel éclairage sur le phénomène de contrôle du VIH. Pour Hugo Mouquet, chercheur à l’Institut Pasteur et investigateur principal de l’étude, « ces résultats montrent que la mise en place d’un traitement antirétroviral précoce peut faciliter le développement optimal de réponses immunitaires humorales, permettant dans certains cas de contrer le rebond viral après interruption du traitement ». L’exemple de la réponse immunitaire des PTC ayant des épisodes courts de « réveil » du virus pourrait même inspirer de nouvelles stratégies thérapeutiques ou vaccinales.

ANRS VISCONTI : mieux comprendre les mécanismes liés au contrôle du VIH chez les individus « contrôleurs post-traitement »

Les individus « contrôleurs post-traitement » dont les prélèvements ont été utilisés pour cette étude font partie de l’étude VISCONTI (pour Viro-Immunological Sustained COntrol after Treatment Interruption), coordonnée par le Dr Asier Sáez-Cirión (Institut Pasteur) et le Dr Laurent Hocqueloux (CHR Orleans) et soutenue par l’ANRS depuis plusieurs années. Il s’agit de la plus grande cohorte de « contrôleurs post-traitement » à long terme.

Elle compte 30 patients ayant bénéficié d’un traitement précoce, maintenu pendant plusieurs années. À l’interruption de leur traitement antirétroviral, ces patients sont capables de contrôler leur virémie pendant une période dépassant dans certains cas les 20 ans. L’étude VISCONTI a ainsi apporté la preuve du concept d’un état de rémission possible et durable des patients infectés par le VIH-1. Elle a ouvert la voie au développement de nouvelles thérapies qui visent, sinon l’éradication, une rémission de l’infection. L’objectif est de permettre aux personnes vivant avec le VIH-1 d’arrêter durablement leur traitement antirétroviral, tout en maintenant la virémie à un niveau le plus bas et éviter le risque de transmission du virus.

Autorisation de mise sur le marché américain d’une molécule issue de la recherche française contre le syndrome de CLOVES et les syndromes apparentés

Co-marquages de peau de souris exprimant une mutation du gène PIK3CA. ©Marina Firpion/Guillaume Canaud – unité 1151 Inserm

L’AP-HP, l’Inserm et Université Paris Cité félicitent les équipes du Pr Guillaume Canaud (hôpital Necker – Enfants malades AP-HP /  INEM – Centre de Médecine Moléculaire – Inserm / Institut Imagine / Université Paris Cité) pour leurs travaux sur l’alpelisib (BYL719) dont l’agence américaine du médicament (FDA) vient d’autoriser la mise sur le marché comme premier et unique traitement pour les patients adultes et pédiatriques de 2 ans et plus atteints du spectre de prolifération liée à une mutation du gène PIK3CA (PROS).

Cette autorisation s’appuie sur les résultats de l’étude EPIK-P1 en données réelles menée par les équipes du Pr Guillaume Canaud (hôpital Necker – Enfants malades AP-HP / INEM Centre de Médecine Moléculaire – Inserm / Institut Imagine / Université Paris Cité) – Promotion Novartis et dont il était l’investigateur principal.

Cette étude rétrospective menée chez 57 patients, dont 44 hospitalisés à l’hôpital Necker – Enfants malades AP-HP, a montré l’efficacité de l’alpelisib (médicament utilisé dans le cancer du sein) dans les syndromes d’hypercroissance dysharmonieuse liés à des mutations activatrices de la voie PIK3CA et également que les patients traités avec cette molécule ont connu une réduction du volume de la lésion cible et une amélioration significative des symptômes et des manifestations liées au PROS2.

Cette étude faisait suite aux travaux menés entre 2016 et 2018 démontrant l’intérêt majeur de cette stratégie thérapeutique pour les patients du syndrome de CLOVES (Congenital Lipomatous Overgrowth, Vascular Malformation, Epidermal Nævi) ou de troubles apparentés qui ont vu leur état de santé et leur qualité de vie s’améliorer de manière significative.

Ils avaient été conduits en preuve de concept chez la souris puis chez 19 patients, adultes et enfants, suivis à l’hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP et souffrant de ce syndrome. Les résultats avaient été publiés dans la revue Nature3.

Depuis 2016, un peu plus de 150 patients ont été traités dont deux nourrissons qui ont fait l’objet d’une étude récemment publiée4 .

Les patients souffrant du syndrome de CLOVES (Congenital Lipomatous Overgrowth, Vascular Malformation, Epidermal Nævi) ou de troubles apparentés présentent des déformations majeures et des tuméfactions vasculaires dues à des mutations d’un gène, appelé PIK3CA.

Dans les formes les plus graves, il existe des excroissances de tissu graisseux, des malformations vasculaires, une scoliose, des manifestations touchant le squelette comme un élargissement majeur des os ou encore des déformations d’organes tel que le cerveau ou les reins.

Jusqu’à présent aucun traitement curatif n’était disponible pour ces patients dont le pronostic pouvait être engagé à court ou moyen terme et pour lesquels, les seules options thérapeutiques consistaient en des traitements symptomatiques, et pour les cas les plus graves, à subir des embolisations ou des chirurgies mutilantes pour préserver les organes ou les membres sains.

Cette décision de la FDA récompense le travail inédit d’un médecin chercheur, Guillaume Canaud, qui a identifié une molécule prometteuse, démontré avec son équipe de recherche l’effet bénéfique sur un modèle expérimental développé par leurs soins, traité une cohorte de patients (dont des enfants) avec des résultats prometteurs confirmés ensuite par nombreuses équipes à travers le monde puis par l’essai EPIK-P1 et enfin obtenu, grâce à ces données de vie réelle, une autorisation de mise sur le marché américain.

« Je suis fier de cet aboutissement exceptionnel qui va offrir une possibilité de traitement médicamenteux pour les patients atteints de syndrome de surcroissance ou d’anomalies vasculaires liées à une mutation PI3KCA. Il s’agit du fruit d’un travail pour lequel de multiples équipes de l’hôpital Necker – Enfants malades AP-HP mais également au sein du laboratoire de recherche (Institut Necker – Enfants malades AP-HP – Université Paris Cité) ont travaillé main dans la main avec le laboratoire propriétaire de la molécule (Novartis), les associations de patients et la FDA. Les résultats de l’étude EPIK-P1 découlent de nos découvertes précliniques antérieures. », indique le Pr Guillaume Canaud. « Il s’agit d’une avancée majeure pour l’amélioration de la prise en charge des patients. »

Pour Christine Clerici, présidente de Université Paris Cité « C’est d’abord une excellente nouvelle pour les patients atteints du syndrome de Cloves qui vont enfin pouvoir bénéficier d’un traitement grâce à cette décision majeure de la FDA. C’est également, de la part de communauté scientifique internationale, une importante marque de reconnaissance de la qualité de la recherche et  de l’enseignement français, porteurs d’innovation ! Nous adressons toutes nos  félicitations au Pr. Guillaume Canaud d’Université Paris Cité  et à ses collaborateurs pour cette avancée thérapeutique majeure.»

Pour Gilles Bloch, PDG de l’Inserm « Cette annonce vient non seulement couronner le travail d’excellence menée par une équipe française alliant recherche fondamentale et recherche clinique mais démontre également la capacité d’innovation issue de la recherche que l’Institut mène avec ses partenaires. C’est aussi, et surtout une formidable nouvelle pour les patients en leur offrant l’espoir d’une meilleure qualité de vie»

Pour Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP : « De la recherche fondamentale à l’arrivée d’un nouveau traitement pour des maladies rares, cette autorisation est l’aboutissement d’un partenariat exemplaire et une démarche inspirante comme on aimerait en favoriser beaucoup ».

En France, le traitement par Alpelisib entre dans le cadre d’une autorisation exceptionnelle délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé permettant de traiter des patients souffrant de maladies avec un pronostic grave et sans traitement approprié, dans une indication thérapeutique donnée. L’autorisation de mise sur le marché en Europe prendra un peu plus de temps du fait d’une étude clinique randomisée encore en cours.

 

[1] Vijoice® Novartis

[2] Canaud G, et al. – EPIK-P1: Retrospective Chart Review Study of Patients With PIK3CA-Related Overgrowth Spectrum Who Have Received Alpelisib as Part of a Compassionate Use Programme / Presented at the 2021 ESMO Congress; September 17-21, 2021.

[3] Venot, Q., et al. Targeted therapy in patients with PIK3CA-related overgrowth syndrome. Nature 558, 540–546 (2018). https://doi.org/10.1038/s41586-018-0217-9

[4] Morin, G, et al., Treatment of two infants with PIK3CA-related overgrowth spectrum by alpelisib. J Exp Med (2022) 291 (3). https://doi.org/10.1084/jem.20212148

Sédentarité chez les seniors : mieux comprendre ce qui la favorise pour mieux la prévenir

 

© Fotolia

Afin de prévenir l’installation d’une sédentarité délétère chez les seniors, des politiques de santé publique ont été mises en place pour promouvoir l’activité physique, élément essentiel au maintien en bonne santé de l’organisme. Des chercheuses et chercheurs de l’Inserm et de l’Université Paris Cité au sein du Centre de recherche épidémiologie et statistiques se sont intéressés, via les données de 3 896 participants de la cohorte Whitehall II, à l’impact des facteurs individuels (socio-démographiques, comportementaux et de santé) sur la pratique d’une activité physique quotidienne au cours du vieillissement. Ces travaux à paraître dans JAMA Network Open mettent en évidence la complexité des freins individuels à un mode de vie actif chez les seniors et proposent de mieux la prendre en compte pour redéfinir les politiques de santé publique.

En maintenant de nombreuses fonctions essentielles qui préviennent les maladies chroniques et la mortalité, l’activité physique est l’une des clés d’un vieillissement en bonne santé. Si les recommandations actuelles sont de réaliser 21 minutes par jour d’activité physique modérée à intense, et de réduire le temps passé assis (sédentarité), peu de personnes les suivent réellement, en particulier chez les plus âgées. En outre, les messages de santé publique à destination des seniors prennent peu en compte les facteurs individuels – environnementaux et personnels –, susceptibles de limiter l’adoption d’un mode de vie actif.

Une équipe de recherche dirigée par Séverine Sabia, chercheuse Inserm au sein du Centre de recherche épidémiologie et statistiques (Inserm/Université Paris Cité) a étudié quels étaient les facteurs influençant l’activité physique et la sédentarité au cours du vieillissement.

Les scientifiques se sont intéressés aux données issues de la cohorte britannique Whitehall II[1] : 3 896 participants âgés de 60 à 83 ans ont porté en 2012-2013 durant 9 jours un appareil de mesure (accéléromètre) permettant d’enregistrer en continu les données relatives à l’intensité et à la durée de leur activité physique quotidienne. En outre, leurs données socio-démographiques (âge, sexe, ethnicité, occupation professionnelle, statut marital), comportementales (consommation de tabac, d’alcool, de fruits et de légumes), de santé (indice de masse corporelle, qualité de vie, maladies chroniques) et d’activité physique ont été collectées entre 1991-1993 et 2012-2013, soit sur une période de 20 ans avant la mesure d’accéléromètre.

Les chercheuses et chercheurs ont considéré 3 types d’intensité d’activité physique : la sédentarité (activité de faible intensité énergétique en position assise ou allongée), l’activité physique d’intensité légère (marche lente, par exemple) et l’activité physique d’intensité modérée à forte (natation, vélo…).

Le premier constat de l’équipe de recherche a été que les hommes passent plus de temps en activité sédentaire et en activité modérée à forte que les femmes qui, elles, passent plus de temps que les hommes en activité légère.

En fonction des facteurs qui étaient étudiés, une durée de temps sédentaire plus élevée au cours du vieillissement se traduisait de façon différente sur la durée des autres types d’intensité d’activité physique. Par exemple, par rapport aux personnes vivant en couple, les personnes vivant seules passent en moyenne 11 minutes de plus en activités sédentaires, principalement aux dépends du temps d’activité légère. En revanche, même si une différence de 5 ans d’âge se traduit par une augmentation similaire du temps sédentaire, celle-ci se fait aux dépends du temps d’activité modérée à forte – ce qui correspond à plus de la moitié du temps quotidien recommandé (21 minutes).

Tous les facteurs comportementaux semblent impacter le temps passé dans les différentes intensité d’activité physique. La différence la plus importante se retrouve chez les fumeurs masculins qui passent 37,4 minutes sédentaires de plus par jour, au détriment de 23,3 minutes d’activité légère et de 14,1 minutes d’activité modérée à élevée (soit les 2/3 du temps recommandé pour cette dernière). Or, chez les femmes qui fument, l’augmentation du temps sédentaire se fait plutôt aux dépends de l’activité modérée à élevée.

Parmi les facteurs relatifs à l’état de santé, un mauvais état général, la présence de maladies chroniques ainsi que l’obésité sont associés à une augmentation significative du temps sédentaire.

L’obésité en particulier présente les écarts les plus importants : au même âge, les personnes obèses sont sédentaires 50,7 minutes de plus par jour que les personnes présentant un indice de masse corporel normal, aux dépends de 28,6 minutes d’activité d’intensité légère et de 22,1 minutes d’activité physique modérée à élevée – soit la totalité du temps recommandé pour cette dernière.

De façon générale, chez les femmes, presque tous les facteurs ont un impact sur le temps passé dans les différentes intensités d’activité physique, de façon similaire mais globalement moins contrastée que chez les hommes.

« Nous avons voulu savoir si les barrières à la pratique d’une activité physique chez les seniors étaient déjà présentes plus tôt dans la vie et avons trouvé que c’était le cas. Vivre seul, le surpoids ou l’obésité, les maladies chroniques, un affaiblissement physique ou encore une mauvaise hygiène de vie à des âges moyens de 50 et 60 ans étaient associés à un faible niveau d’activité durant la vieillesse, précise Mathilde Chen, autrice principale de ces travaux. Nous avons également pu constater un regroupement des facteurs de risque comportementaux : les personnes plus sédentaires ont tendance à fumer et à moins manger de fruits et de légumes. Ces travaux reflètent la complexité des déterminants d’un mode de vie actif chez les seniors. »

Séverine Sabia, investigatrice de l’étude, conclut : « Dans la lutte contre les impacts sur la santé d’une forte sédentarité chez les seniors, ces travaux apportent des arguments en faveur de stratégies de prévention ciblées, intégrant toutes les composantes de l’activité physique et des comportements relatifs à un mode de vie sain, et s’adressant le plus tôt possible aux personnes les plus susceptibles d’être peu actives en vieillissant. »

[1] La cohorte Whitehall II a été mise en place entre 1985 et 1988 ; 10 308 participantes et participants (67 % d’hommes) britanniques âgés de 35 à 55 ans ont été recrutés et sont suivis depuis.

Un nouveau traitement des rechutes leucémiques post-greffe

globules rouges

Les cellules souches hématopoïétiques sont fabriquées par la moelle osseuse sont à l’origine des différentes cellules du sang, dont les globules rouges. © AdobeStock

Les leucémies regroupent plusieurs types de cancer du sang qui affectent chaque année en France jusqu’à 10 000 personnes. Parmi les traitements proposés : la greffe de cellules souches hématopoïétiques. Ces cellules fabriquées par la moelle osseuse sont à l’origine des différentes cellules du sang. Malgré les succès de cette approche thérapeutique qui permet de remplacer des cellules cancéreuses par des cellules saines, environ 30% des patients vont rechuter après la greffe. Dans une nouvelle étude, des chercheurs de l’IMRB de la Faculté de Santé de l’UPEC en collaboration avec des chercheurs de l’Inserm et de l’AP-HP ont identifié une nouvelle cible pour traiter, par la simple utilisation d’un anticorps thérapeutique, les rechutes leucémiques post-greffe de cellules souches hématopoïétiques. Ces résultats sont publiés dans la revue Journal for Immunotherapy of cancer1.

Ce travail s’inscrit dans la continuité d’une première mondiale réalisée dans le service d’hématologie clinique de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP, publiée en 2010. Dans cet essai clinique, les cellules T du donneur (un type de cellule immunitaire), avant d’être injectées aux patients pour traiter leur rechute, étaient « nettoyées » pour enlever les T régulateurs, d’autres cellules dont le rôle est de freiner les réponses immunitaires. Cette approche avait permis de réactiver le système immunitaire des patients au bénéfice d’un effet anti-leucémique2.

A la suite de cet essai, l’équipe de recherche « I-BIOT » menée par le Pr José Cohen a montré que si l’on bloquait à l’aide d’un anticorps thérapeutique une molécule appelée TNFR2, qui est fortement exprimée par les T régulateurs, ces cellules perdaient totalement leurs capacités de freinage de la réponse immunitaire au cours de la greffe de cellules souches hématopoïétiques3. Comme les rechutes sont dues à une réponse immunitaire anti-leucémique insuffisante, cette découverte ouvrait alors la porte vers un blocage contrôlé des T régulateurs pour réactiver le système immunitaire dans ce type de greffe. C’est ce qui a constitué le cœur du travail publié aujourd’hui.

De l’animal à l’Homme

« Nous avons dû d’abord développer chez la souris des conditions expérimentales appropriées qui imitent les patients ayant rechuté de leur hémopathie maligne initiale après une greffe de cellules souches hématopoïétiques », explique le Pr José Cohen.

Une fois mis au point, c’est dans ce modèle unique de rechute leucémique post-greffe que l’équipe a pu montrer la possibilité de bloquer l’effet des T régulateurs par un traitement anti-TNFR2, permettant de déclencher un effet anti-leucémique puissant. Plusieurs types de tumeurs ont été testés, dans plusieurs combinaisons génétiques et avec différents schémas d’administration des traitements anti-TNFR2. A chaque fois, cette approche thérapeutique fonctionne chez la souris.

Pour se rapprocher d’une application clinique, l’étape suivante a consisté à tester avec succès la faisabilité de cette approche dans un modèle utilisant cette fois-ci des cellules humaines injectées chez la souris immuno-déficiente. « En parallèle, nous avons aussi étudié l’expression du TNFR2 sur les T régulateurs provenant de patients en rechute leucémique post-greffe » ajoute le Pr José Cohen. Dans tous les cas, l’expression du TNFR2 est massive sur ces cellules ce qui vient valider le fait que TNFR2 est bien la bonne cible chez ces patients pour bloquer les T régulateurs et amplifier ainsi une réponse anti-leucémique.

Des résultats encourageants

Ces résultats mettent en évidence le TNFR2 comme une nouvelle molécule cible pour le développement d’immunothérapies destinées à traiter les rechutes des cancers du sang. Un anticorps thérapeutique pourrait alors être utilisé soit directement chez les patients greffés en rechute, soit pour améliorer les stratégies d’injection de cellules T du donneur qui sont aujourd’hui réalisées pour traiter ces rechutes.

Plus largement, d’autres études ont montré que le TNFR2 peut être directement exprimé par les cellules tumorales et être donc la cible d’un traitement anti-TNFR2. Les résultats de l’équipe ouvrent donc aussi la porte à de nouvelles perspectives pour amplifier les réponses anti-tumorales contre les cancers solides. En ciblant non seulement les cellules tumorales mais aussi directement les T régulateurs, une seule molécule pourrait induire deux effets : détruire directement les cellules tumorales en réactivant en même temps le système immunitaire des patients. L’équipe est déjà sur le pont pour tester cette stratégie.

 

  1. Moatti et al. TNFR2 blockade of regulatory T cells unleashes an anti-tumor immune response after hematopoietic stem-cell transplantation. Journal for Immunotherapy of cancer.
  2. Maury S., et al. CD4+CD25+ regulatory T cell depletion improves the graft-versus-tumor effect of donor lymphocytes after allogeneic hematopoietic stem cell transplantation. Sci Transl Med. 2010;2(41):41ra52.
  3. Leclerc, M., et al., Control of GVHD by regulatory T cells depends on TNF produced by T cells and TNFR2 expressed by regulatory T cells. Blood, 2016. 128(12): p. 1651-9.
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