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AVC : nouvelles perspectives d’innovation thérapeutique et de prédiction de risques

L’AVC est la deuxième cause de décès dans le monde. © Adobe Stock

Une grande étude génomique internationale sur les accidents vasculaires cérébraux (AVC) a permis de révéler de nouveaux gènes impliqués dans la genèse de cette maladie. Cette étude fournit des informations importantes pour prédire le risque génétique d’AVC, notamment pour la première fois dans des populations d’ascendance non européenne. Elle permettra, à terme, de développer des approches personnalisées pour la prévention et le développement thérapeutique. Les résultats de cette étude génomique sur les AVC, la plus grande réalisée à ce jour et portée par des chercheurs de l’université de Bordeaux, de l’Inserm et du CHU de Bordeaux, ont été publiés en ligne dans la revue Nature.

L’AVC est la deuxième cause de décès dans le monde, responsable d’environ 12 % du nombre total de décès et un contributeur majeur aux années de vie perdues ou vécues avec une incapacité. L’incidence et la gravité des AVC sont particulièrement élevées dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où surviennent 70 % de l’ensemble des décès par AVC. Il est donc extrêmement important d’adopter une perspective globale dans la recherche visant à améliorer la prévention et le traitement de cette maladie.

L’étude, publiée aujourd’hui dans Nature, a été réalisée sur des échantillons d’ADN de près de 200 000 patients victimes d’AVC et environ 2 millions d’individus témoins d’origines géographiques très diverses. Les participants étaient d’ascendance européenne, asiatique de l’Est et du Sud, africaine et latino-américaine (un tiers des patients victimes d’AVC n’étaient pas européens). Ils sont issus de nombreuses cohortes et biobanques hospitalières et populationnelles, ainsi que de cinq essais cliniques.

Des cibles médicamenteuses prometteuses

Cette recherche révèle de nouveaux gènes impliqués dans la genèse des AVC de façon causale les mettant en évidence comme des cibles médicamenteuses potentielles en vue de prévenir ou traiter les AVC. Elle a été menée par des membres du consortium GIGASTROKE, impliquant des réseaux internationaux et des chercheurs de plus de 20 pays, et a été co-dirigée par deux centres de recherche de l’université de Bordeaux et de l’Université LMU de Munich (Allemagne).

« La contribution de participants d’ascendances ethniques diverses a été d’une importance primordiale, améliorant notre capacité à détecter de nouvelles associations génétiques, affinant notre compréhension de leur signification biologique, et améliorant la transférabilité des outils génétiques de prédiction de risque d’une ascendance ethnique à l’autre », explique Stéphanie Debette, professeur d’épidémiologie et neurologue à l’université de Bordeaux, à l’Inserm et au CHU de Bordeaux, directrice du centre de recherche Bordeaux Population Health et principale autrice de cette étude.

Décryptage d’un mécanisme favorisant l’infection par le cytomégalovirus chez la femme enceinte

Très répandu dans la population humaine et la plupart du temps inoffensif, le cytomégalovirus devient très dangereux pour le fœtus lorsqu’il est contracté durant une grossesse. © AdobeStock

Très répandu dans la population humaine et la plupart du temps inoffensif, le cytomégalovirus devient très dangereux pour le fœtus lorsqu’il est contracté durant une grossesse. Pourtant, les mécanismes de cette infection congénitale sont encore assez peu compris. Pour la première fois, des scientifiques de l’UT3 – Paul Sabatier, de l’Inserm et du CNRS à l’Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (Infinity), sous la responsabilité de Cécile Malnou, maître de conférences UT3, en collaboration avec plusieurs autres laboratoires français1, ont observé en détail un nouvel aspect de l’infection impliquant des médiateurs placentaires encore inexplorés : les vésicules extracellulaires. Leur étude est publiée dans la revue scientifique Viruses.

L’infection par le cytomégalovirus humain (hCMV) est un problème majeur pendant la grossesse, affectant 1% des naissances dans les pays occidentaux. Ce virus, présent chez environ 50% dans la population, est responsable d’infections le plus souvent bénignes, mais qui peuvent être dramatiques pour le fœtus lorsqu’il est contracté au cours de la grossesse. Malgré les nombreuses recherches menées jusqu’à présent, la physiopathologie de cette infection congénitale reste mal comprise.

Depuis quelques années, de plus en plus de travaux ont souligné le rôle clé tout au long de la grossesse de petites vésicules extracellulaires (sEV pour small extracellular vesicles) produites par le placenta. Ces vésicules sont synthétisées par quasiment tous les types cellulaires en conditions physiologiques et pathologiques et sont sécrétées dans le milieu extracellulaire, où elles peuvent voyager sur de très longues distances et être captées par d’autres cellules receveuses. Elles jouent notamment des rôles importants dans la communication intercellulaire en transportant des molécules variées.

La nouvelle étude publiée dans Viruses vient apporter un éclairage nouveau sur le cytomégalovirus humain. Pour la première fois, l’impact de son infection sur la composition protéique et sur la fonction des sEV a été examiné dans différents modèles placentaires humains.

« Nous avons observé que l’infection des cellules placentaires altérait la composition en protéines des sEV sécrétées, les orientant vers un potentiel phénotype proviral », détaille Cécile Malnou, co-cheffe d’équipe à Infinity et responsable du projet de recherche.

Des études fonctionnelles réalisées in vitro ont confirmé la capacité des sEV produites par les cellules placentaires infectées à faciliter une future infection de cellules fœtales receveuses naïves (c’est à dire des cellules n’ayant pas été en contact avec le hCMV auparavant). C’était particulièrement le cas des cellules souches neurales humaines. Autrement dit, une fois infectées par le cytomégalovirus, les cellules placentaires infectées, via la production des sEV, « préparent » le terrain pour faciliter la dissémination du virus.

L’étude suggère que les sEV placentaires sont des acteurs importants de la physiopathologie de l’infection congénitale par le hCMV, qui pourraient jouer un rôle dans la transmission materno-fœtale du virus.

« Nous allons désormais tenter d’observer si nos résultats sont similaires in vivo, notamment avec des sEV issues de liquide amniotique », conclut Cécile Malnou, « s’ils sont corroborés, cela ouvrirait des possibilités inédites pour utiliser ces sEVs en tant qu’outils pour pronostiquer les conséquences de l’infection par le hCMV sur le fœtus en cours de grossesse ».

1 : Les unités de recherche ayant contribué à cette étude sont : Infinity (UT3/INSERM/CNRS), l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale (UT3/CNRS), l’unité Physiopathologie et pharmacotoxicologie placentaire humaine : microbiote pré et post natal (3PHM – UMR-S 1139 – INSERM), l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I-STEM – Inserm/Université d’Evry/AFM-Téléthon/Université Paris-Saclay), le Centre d’épidémiologie et de recherche en santé des populations de Toulouse (CERPOP – UT3/INSERM), le laboratoire Développement embryonnaire, fertilité et environnement (DEFE – UT3/UM/INSERM). Ont également contribué le CHU de Toulouse avec le Laboratoire de virologie, le Service de néonatalogie et le Service de diagnostic prénatal, ainsi que l’Infrastructure nationale de protéomique, l’Institut Curie et l’Université Paris Cité.

Maladie de Huntington : restaurer la transmission neuronale à la naissance pourrait prévenir l’apparition de la maladie à l’âge adulte

Neurones pyramidaux du cortex à 21 jours après la naissance dont l’activité et la morphologie sont similaires chez les souris contrôles et modèles de la maladie de Huntington alors qu’une semaine après la naissance des altérations sont observées. © Barbara Yal Braz (BY Braz)

Si les symptômes de la maladie de Huntington se manifestent généralement entre 30 et 50 ans, des travaux ont montré que la maladie impactait le développement cérébral dès le stade embryonnaire. Une équipe de chercheuses et chercheurs de l’Inserm et de l’Université Grenoble Alpes, au sein du Grenoble Institut des Neurosciences, a mis en évidence, chez la souris, un impact de la maladie sur la qualité de la transmission nerveuse dans certains neurones très tôt après la naissance avec des conséquences anatomiques et comportementales. Ces travaux à paraître dans Science montrent aussi l’intérêt d’un traitement précoce avec une molécule favorisant la transmission nerveuse, qui restaure les défauts néonataux observés et retarde l’apparition de la maladie à l’âge adulte. Ils ouvrent ainsi de nouvelles pistes de recherche sur la prise en charge thérapeutique de la maladie de Huntington chez l’humain.

La maladie de Huntington est une maladie génétique rare et héréditaire du système nerveux central qui se manifeste par des troubles psychiatriques, cognitifs et moteurs qui s’aggravent progressivement. Elle est due à la mutation du gène codant pour une protéine nommée « huntingtine », essentielle au bon fonctionnement des neurones. La maladie se déclenchant tardivement – habituellement entre les âges de 30 et 50 ans, l’impact de la mutation de la huntingtine sur le neurodéveloppement pré- et postnatal a été jusqu’à présent peu étudié.

En 2020, Sandrine Humbert, directrice de recherche Inserm, a codirigé des travaux mettant en évidence des anomalies cérébrales dans des cerveaux d’embryons humains porteurs de la mutation responsable de la maladie de Huntington. Plusieurs fonctions régulées par l’activité neuronale apparaissaient impactées, suggérant une altération de la transmission nerveuse.

Forte de ces observations, l’équipe de Sandrine Humbert au Grenoble Institut des Neurosciences (Inserm/Université Grenoble-Alpes) s’est intéressée à la mise en place des circuits neuronaux et aux comportements cognitifs et sensori-moteurs chez des souriceaux modèles de la maladie de Huntington.

Les chercheuses et chercheurs ont observé différentes altérations chez les souriceaux Huntington : les neurones pyramidaux (voir encadré) de leur cortex cérébral présentaient des défauts morphologiques et de transmission synaptique, associés à des altérations du comportement. Toutefois, après 21 jours de vie, ils retrouvaient une physiologie et une morphologie apparemment similaires à celle des souris saines.

« Ces observations témoignent, dans la maladie de Huntington, de l’altération précoce de la transmission excitatrice des neurones pyramidaux, précise Sandrine Humbert, mais cette déficience temporaire est corrigée pendant le premier mois de vie. »

Pour autant ces compensations ne fonctionneraient qu’un temps puisqu’à partir de 4 à 5 semaines les souris Huntington développent certains signes de la maladie.

À propos des neurones pyramidaux

Ces neurones jouent un rôle majeur dans le contrôle des mouvements volontaires. Ils tiennent leur nom de leur corps triangulaire d’où partent de longues et nombreuses ramifications (appelées « dendrites ») leur donnant une forme rappelant un arbre (d’où l’expression « arbre dendritique ») et qui leur permet de recevoir des signaux excitateurs. À leur base, un long prolongement appelé « axone », permet de transmettre l’information nerveuse à d’autres neurones par son extrémité appelée « synapse ».

Les scientifiques ont ensuite émis l’hypothèse qu’une restauration des défauts transitoires observés au cours de la première semaine de vie pourrait influencer l’apparition de la maladie à l’âge adulte. Pour vérifier cette supposition, ils ont utilisé une molécule thérapeutique de la classe des ampakines, le CX516, connue pour faciliter la transmission nerveuse. Ce traitement néonatal a permis de restaurer l’activité neuronale et les capacités cognitives et sensori-motrices des souriceaux Huntington, et surtout, il les a empêchés de développer les signes caractéristiques de la maladie à l’âge adulte.

« Ces travaux montrent une altération précoce de la transmission nerveuse et de la morphologie des neurones du cortex cérébral dans la maladie de Huntington, associée à des altérations de comportements cognitif et moteur, précise Sandrine Humbert.  Contrecarrer ces déficits temporaires par traitement avec une ampakine au cours de la première semaine postnatale exerce des effets bénéfiques durables chez la souris, puisque les adultes ne développent pas la maladie », ajoute-t-elle.

Si ces résultats obtenus chez l’animal plaident en faveur d’un traitement précoce des personnes portant le gène de la maladie de Huntington pour modifier l’évolution de la maladie à l’âge adulte, ils invitent également à approfondir la compréhension du développement cérébral dans le contexte de cette pathologie. Ils appellent aussi à découvrir les liens entre les anomalies causées par la maladie et les mécanismes compensatoires mis en place par l’organisme avant l’apparition des symptômes.

Cancer du pancréas : la bioélectricité éclaire la communication intercellulaire au sein de la tumeur

Illustration 3D du pancréas © Fotalia

Décrypter les relations entre les cellules cancéreuses et l’écosystème tumoral est un défi majeur pour comprendre le développement de la maladie et identifier des pistes thérapeutiques dans l’adénocarcinome pancréatiques (AdKP), l’un des cancers solides les plus agressifs, avec un taux de survie à 5 ans inférieur à 10%.

Dans cette étude, les équipes d’Olivier Soriani Professeur à Université Côte d’Azur (Nice, iBV, Institut de Biologie Valrose) et Richard Tomasini, Directeur de recherche Inserm (Marseille, CRCM, Centre de Recherches sur le Cancer) dévoilent comment un canal potassique (SK2) stimule la formation des métastases en sensibilisant les cellules cancéreuses aux signaux du microenvironnement tumoral. Ces travaux sont prochainement publiés dans la revue GUT.

Le cancer du pancréas ou adénocarcinome pancréatique (AdKP) est un cancer dont le pronostic demeure grave avec un taux de survie à 5 ans inférieur à 10%. C’est une tumeur solide dont la structure particulière est en partie responsable de la résistance aux traitements. Elle est en effet constituée de cellules cancéreuses peu nombreuses (<20% des cellules) dispersées au sein d’un compartiment très dense, peu vascularisé, le stroma, majoritairement constitué de cellules fibroblastiques associées au cancer (CAF).

Éléments clefs du stroma, les CAF sont issus de fibroblastes normaux, cellules de soutien naturellement présentes dans le pancréas. Sous l’influence des cellules tumorales, ces fibroblastes prolifèrent, sécrètent des signaux chimiques et des protéines qui forment un réseau, la matrice extracellulaire. Cet environnement très particulier contrôle en retour les cellules tumorales en stimulant leur fonctions pro-invasives. Plus agressives, les cellules cancéreuses forment des métastases qui vont coloniser des organes distants, et en particulier le foie.

La compréhension des voies de communication entre les cellules tumorales et les CAF représente un défi majeur pour permettre le développement de nouveaux traitements.

Quels sont donc les acteurs du dialogue entre les CAF et les cellules tumorales ?

L’équipe d’Olivier Soriani a focalisé ses recherches sur une famille de protéines encore peu étudiée dans le cadre de la recherche sur le cancer, celle des canaux ioniques, qui regroupe plus de 300 membres.

Un canal ionique est une protéine intégrée dans la membrane des cellules, autorisant le passage de petites molécules chargées électriquement, les ions. Le passage des ions à travers les canaux ioniques induit de petits courants qui déterminent un champ électrique à travers la membrane des cellules vivantes. Ce phénomène de « bioélectricité » est à la base de la transmission de l’information dans de nombreux organes tels que le système nerveux, le cœur, les muscles, ou encore le système endocrinien.

Trois questions sont au départ de cette étude : Les canaux ioniques sont-ils impliqués dans le dialogue entre les CAF et les cellules cancéreuses ? Si oui, sont-ils capables de contrôler le comportement des cellules cancéreuses ? Enfin, peut-on cibler ces canaux spécifiquement dans la tumeur à des fins thérapeutiques, sans altérer le fonctionnement normal des autres organes ?

Pour répondre à ces interrogations, les chercheurs de Nice de l’équipe d’Olivier Soriani, spécialistes des canaux ioniques, se sont associés à l’équipe marseillaise de Richard Tomasini, reconnue pour ses travaux sur le rôle des CAF dans le cancer du pancréas.

Dans un premier temps, ils ont montré que la stimulation des cellules cancéreuses par des CAF prélevés chez des patients, induit dans les cellules tumorales, un courant électrique généré par l’ouverture d’un canal ionique particulier, le canal potassique SK2. De plus, des expériences sur des cellules tumorales en culture indiquent que l’inhibition de l’activité du canal SK2 protège ces dernières de l’influence pro-invasive des CAF. Ces résultats sont confirmés in vivo, puisque les CAF ne sont plus capables d’induire la formation de métastases dans le foie de souris-modèles déficientes pour le canal SK2.

Enfin, l’analyse de banques de tumeurs du pancréas humaines montre que l’expression du canal SK2 est associée aux métastases hépatiques.

Par quel mécanisme le canal SK2 est-il capable d’augmenter la réponse des cellules tumorales à l’influence des CAF ?

Les chercheurs ont observé que les CAF, en sécrétant certaines protéines nécessaires à la formation de la matrice extracellulaire (collagène et fibronectine), stimulaient dans les cellules cancéreuses une voie de signalisation primordiale dans l’agressivité tumorale : la voie dépendante de l’AKT, une enzyme qui régule l’activité de nombreuses protéines cellulaires. L’exploration fine de cette voie par les chercheurs niçois a révélé deux faits majeurs : tout d’abord, le canal SK2 est une cible directe de l’AKT : c’est par cette voie que le canal est activé en présence des CAF. Ensuite, le canal se comporte comme un amplificateur de signal dont l’activité augmente considérablement l’efficacité de la voie AKT, et donc la sensibilité des cellules aux signaux pro-métastatiques émis par les CAF. L’utilisation de techniques de microscopie quantitative a d’ailleurs permis de montrer que la stimulation des cellules tumorales par les CAF provoquait le couplage physique entre SK2 et AKT.

Comment agir sur SK2 sans altérer la fonction du canal dans les tissus sains (cerveau, vaisseaux sanguins, cœur) ?

L’équipe d’Olivier Soriani s’intéresse depuis plusieurs années à une protéine auxiliaire de nombreux canaux ioniques : SigmaR1. SigmaR1 est une protéine intracellulaire exprimée dans tous les tissus. Silencieuse dans des conditions normales, elle s’active dans les tissus lésés pour accompagner des protéines –partenaires, contribuant ainsi à la survie des cellules en état de stress. De cette manière, SigmaR1 contribue à ralentir la progression ou à limiter la mort cellulaire dans des pathologies telles que les maladies neurodégénératives, les accidents vasculaires cérébraux, ou encore l’infarctus du myocarde.

En analysant des tumeurs prélevées chez des patients atteints de cancer du pancréas, Olivier Soriani et Richard Tomasini ont remarqué que la distribution de SigmaR1 se superposait très exactement à celle de du canal SK2.

Dans cette configuration, SigmaR1 était-elle susceptible de contribuer à la mobilisation de SK2 dans les cellules cancéreuses du pancréas ? La réponse est positive : la présence de SigmaR1 est même absolument nécessaire à la stimulation de SK2 par les CAF, et pour cause : c’est SigmaR1 qui pilote l’association physique entre AKT et le canal SK2 !

Les chercheurs niçois et marseillais se sont alors tournés vers Patricia Melnyk, chimiste lilloise spécialisée dans la synthèse de petites molécules de type ligands pour des cibles impliquées dans les pathologies du SNC, parmi elles, SigmaR1. Les résultats obtenus avec l’un des ligands sigma qu’elle développe dans son laboratoire sont extrêmement prometteurs : cette molécule inhibe, dans les cellules cancéreuses, l’activation de SK2 par les CAF en empêchant l’association AKT/SK2 via SigmaR1.

Mais les résultats les plus spectaculaires ont été observés in vivo, dans un modèle de souris modifiées génétiquement pour développer spontanément des cancers du pancréas.

Les chercheurs ont constaté la disparition totale des lésions tumorales dans le pancréas des souris traitées avec le ligand sigma ; en parallèle, la survie des animaux traités progresse considérablement, et ceci même si le traitement est mis en place après l’apparition des premières tumeurs.

Ces travaux démontrent pour la première fois le rôle des canaux ioniques dans le dialogue entre les cellules tumorales et les acteurs de leur écosystème. Des études complémentaires permettront de préciser la place de cette nouvelle voie thérapeutique utilisant des ligands sigma comme adjuvant aux traitements de référence ou comme traitement de première ligne. Les perspectives offertes par ces résultats pourraient s’élargir à d’autres cancers dans lesquels le rôle du stroma est prédominent (cancer du sein ou du colon).

 

Schéma décrivant le mécanisme par lequel la Fibronectine (FN) et le Collagène 1 (Col1) sécrétés par les fibroblastes associés au cancer (CAFs) stimulent l’axe de signalisation β-1-intégrine-EGFR-AKT via le canal SK2.

Panneau supérieur : Cible directe de l’AKT, le canal exerce une boucle de rétroaction positive de l’axe de signalisation stimulé de façon paracrine par les CAFs. La présence du canal au sein du complexe augmente la sensibilité des cellules cancéreuses du pancréas (PCC) à la FN et au Col1, renforçant la transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) et la formation des métastases.

Panneau inférieur : La protéine chaperon SigmaR1 conditionne l’association locale entre le canal et ses partenaires et peut être spécifiquement ciblée par de petites molécules exogènes (ligands sigma, 1(S)) pour inhiber la communication intercellulaire entre les CAFs et les PCC, ce qui abolit la formation des métastases et augmente la survie in vivo.

Comment réagit notre cerveau quand nous explorons quelque chose de nouveau ?

Quel restaurant choisir ? Quel livre acheter ? Que faire ce week-end ? Répondre à ces questions nécessite d’explorer son environnement à la recherche d’informations pertinentes. © Adobe Stock

Dans un monde en perpétuel changement, prendre de bonnes décisions requiert de pouvoir explorer différentes stratégies et d’être capable d’identifier celle qui sera la plus adaptée. Des travaux menés par une équipe de neuroscientifiques de l’Inserm et du CNRS à l’École normale supérieure – PSL, en collaboration avec l’université d’Harvard (États-Unis), ont permis de caractériser ce processus cognitif en enregistrant les minuscules changements du champ magnétique émis par l’activité du cerveau humain. Selon les résultats de cette étude, l’exploration de notre environnement, ou le fait d’essayer une nouvelle stratégie, s’accompagne d’une élévation soutenue de l’attention qui se manifeste jusque dans le système nerveux périphérique. Ces travaux font l’objet d’une publication dans la revue eLife.

Dans quel restaurant aller manger ce soir ? Quel livre acheter ? Que faire ce week-end ? Répondre à ces questions, comme à des milliers d’autres, nécessite d’explorer son environnement à la recherche d’informations pertinentes – qu’il s’agisse de critiques de restaurants, d’avis littéraires ou de bulletins météo. Dans les laboratoires de recherche, l’étude des marqueurs comportementaux[1] et cérébraux de ce type d’exploration ne date pas d’hier. Cependant, les protocoles expérimentaux utilisés aujourd’hui ne permettent pas d’isoler les marqueurs spécifiques de l’exploration, car ils sont habituellement masqués par ceux d’autres processus cognitifs qui lui sont associés.

En effet, nous commençons à explorer notre environnement lorsque nos stratégies habituelles ne fonctionnent plus aussi bien qu’auparavant – soit parce que nous nous sommes lassés de notre restaurant habituel, soit parce que la météo du week-end a changé. Mais l’exploration coïncide également avec un changement de comportement. Il est donc difficile de déterminer si les marqueurs de l’exploration décrits dans les études précédentes sont réellement spécifiques de l’exploration elle-même, ou s’ils sont caractéristiques d’autres processus liés au changement de comportement qui se produisent en même temps.

Pour répondre à ce problème, les chercheurs et chercheuses ont développé un nouveau protocole expérimental permettant de dissocier pour la première fois l’exploration des autres processus cognitifs. Comment ? En comparant deux conditions identiques en tout point, excepté la possibilité d’explorer son environnement : la première condition permettait l’exploration libre, tandis que la seconde condition ne permettait que l’observation du même environnement – sans possibilité d’exploration cette fois.

L’équipe, dirigée par Valentin Wyart, directeur de recherche Inserm au sein du Laboratoire de neurosciences cognitives et computationnelles (Inserm/ENS-PSL) et par Valérian Chambon, directeur de recherche CNRS au sein de l’Institut Jean-Nicod (CNRS/ENS-PSL), a testé ce nouveau protocole expérimental chez un groupe de volontaires dont l’activité magnétique cérébrale a été enregistrée.

 

Description du protocole

Dans ce protocole, les deux conditions prenaient la forme de jeux de cartes, de difficulté parfaitement identique d’un point de vue statistique. Dans les deux conditions, des paquets de cartes colorées étaient disposés devant les volontaires. Chaque paquet contenait des cartes de plusieurs couleurs, dans des proportions différentes.

Dans la première condition (d’exploration), les volontaires devaient tirer eux-mêmes des cartes dans les paquets disponibles, avec la possibilité de changer de paquet à chaque nouvelle carte, et avaient pour consigne de tirer un maximum de cartes d’une couleur « cible ».

Dans la seconde condition (d’observation), les mêmes volontaires n’avaient pas l’opportunité d’explorer eux-mêmes les paquets disponibles, puisque les cartes étaient cette fois tirées par l’expérimentateur, sans pouvoir identifier le paquet duquel elles avaient été tirées. Ils avaient pour consigne de le deviner.

« L’agentivité, c’est-à-dire le fait de pouvoir explorer son environnement, et plus généralement de le modifier, est une dimension essentielle mais hélas largement ignorée par les théories de la décision », explique Valérian Chambon. « En manipulant l’agentivité des volontaires testés grâce à notre protocole, nous avons montré que l’exploration est associée à une incertitude ressentie particulièrement élevée, ainsi qu’à une volonté d’essayer de nouvelles stratégies même si elles ne fonctionnent initialement pas très bien », poursuit Marion Rouault, première signataire de l’article et récemment recrutée comme chargée de recherche au CNRS à l’École normale supérieure – PSL.

Les enregistrements en magnétoencéphalographie(MEG), dont la résolution temporelle inférieure à la seconde est bien meilleure qu’en imagerie par résonance magnétique (IRM), ont montré que l’exploration est précédée par une suppression particulièrement marquée des ondes cérébrales dans la bande alpha, un effet bien connu de l’attention. Et ce n’est pas tout.

« En mesurant la dilatation pupillaire des volontaires testés ainsi que leur activité cardiaque, nous avons également observé que l’exploration est associée à une réponse pupillaire prolongée dans le temps, ainsi qu’à un retard des battements cardiaques au déclenchement de l’exploration », ajoute Marion Rouault.

Ces résultats indiquent que l’exploration s’accompagne d’une élévation soutenue de l’attention qui se manifeste jusque dans le système nerveux périphérique.

Ce protocole expérimental ouvre également de nouvelles pistes pour étudier certaines pathologies psychiatriques.

« Le trouble obsessionnel-compulsif est caractérisé par des troubles du comportement en situation d’incertitude, mais l’origine de ces troubles reste encore mal comprise, précise Valentin Wyart. Notre protocole expérimental pourrait expliquer certains de ces troubles par un déficit spécifique de l’exploration, et non par un déficit général de la prise de décision comme c’est souvent le cas », conclut-il.

 

[1] Un « marqueur comportemental » est un comportement caractéristique d’un processus cognitif. Par exemple, dans cette étude, une baisse brutale de confiance au moment d’un changement de comportement est un marqueur comportemental de l’exploration.

La consommation d’édulcorants serait associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires

Les scientifiques se sont ici appuyés sur les données communiquées par 103 388 adultes français participant à l’étude NutriNet-Santé. © Mathilde Touvier/Inserm

Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité dans le monde. Identifier les facteurs de risque associés à ces maladies pour mieux les prévenir représente un véritable enjeu de santé publique. Une équipe de chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de l’INRAE, du Cnam, de l’Université Sorbonne Paris Nord et d’Université Paris Cité, au sein de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren), s’est intéressée aux conséquences sur la santé de la consommation d’édulcorants. Ils ont analysé les données de santé de 103 388 adultes participants à l’étude de cohorte française NutriNet-Santé au regard de leur consommation globale de ce type d’additifs alimentaires. Les résultats de ces analyses statistiques publiés dans le British Medical Journal suggèrent une association entre la consommation générale d’édulcorants et un risque accru de maladies cardiovasculaires.

Les effets délétères des sucres ajoutés ont été établis pour plusieurs maladies chroniques, ce qui a conduit les industries alimentaires à utiliser des édulcorants artificiels comme alternatives dans une large gamme d’aliments et de boissons. Cependant, l’innocuité des édulcorants artificiels fait l’objet de débats et les données restent contrastées quant à leur rôle dans l’apparition de diverses maladies. Une publication récente avait par exemple observé une association entre la consommation d’édulcorants et le risque accru de cancer[1].

Sur les bases d’une même méthodologie impliquant une vaste étude en population, l’équipe, a voulu examiner les associations entre la consommation d’édulcorants et le risque de maladies cardiovasculaires (maladies coronariennes[2] et maladies cérébrovasculaires[3]). Alors que l’augmentation du risque de maladies cardiovasculaires associée à la consommation de boissons édulcorées a été suggérée par plusieurs études épidémiologiques, aucune ne s’était, jusqu’à présent, intéressée à l’exposition aux édulcorants artificiels dans leur ensemble, et pas seulement aux boissons qui les contiennent. Or les édulcorants sont par exemple présents dans certains produits laitiers, et une multitude d’aliments allégés.

Les scientifiques se sont ici appuyés sur les données communiquées par 103 388 adultes français participant à l’étude NutriNet-Santé (voir encadré ci-dessous). Les volontaires ont eux-mêmes déclaré, via des questionnaires spécifiques, leurs antécédents médicaux, leurs données sociodémographiques, leurs habitudes en matière d’activité physique, ainsi que des indications sur leur mode de vie et leur état de santé. Ils ont également renseigné en détail leurs consommations alimentaires en transmettant aux scientifiques des enregistrements complets sur plusieurs périodes de 24 heures, incluant les noms et marques des produits. Cela a permis d’évaluer précisément leurs expositions aux additifs, et notamment aux édulcorants.

Après avoir recueilli les informations sur le diagnostic de maladies cardiovasculaires au cours de la période de suivi (2009-2021), les chercheurs et chercheuses ont effectué des analyses statistiques afin d’étudier les associations entre la consommation d’édulcorants et le risque de maladies cardiovasculaires des participants. Ils ont tenu compte de nombreux facteurs potentiellement confondants tels que l’âge, le sexe, l’activité physique, le tabagisme, les antécédents familiaux de maladies cardiovasculaires, ainsi que les apports en énergie, alcool, sodium, acides gras saturés et polyinsaturés, fibres, sucre, fruits et légumes et viande rouge et transformée.

Les scientifiques ont constaté que la consommation totale d’édulcorants était associée à une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires, et plus précisément de maladies cérébrovasculaires.

Concernant les types d’édulcorants, l’aspartame était plus étroitement associé au risque de maladies cérébrovasculaires et l’acésulfame-K et le sucralose au risque de maladies coronariennes.

« Cette étude à grande échelle suggère, en accord avec plusieurs autres études épidémiologiques sur les boissons édulcorées, que les édulcorants, additifs alimentaires utilisés dans de nombreux aliments et boissons, pourraient représenter un facteur de risque accru de maladies cardiovasculaires », explique Charlotte Debras, doctorante et première auteure de l’étude. Des recherches supplémentaires dans d’autres cohortes à grande échelle seront nécessaires pour venir reproduire et confirmer ces résultats.

 

« Ces résultats, en accord avec le dernier rapport de l’OMS publié cette année, ne soutiennent pas l’utilisation d’édulcorants en tant qu’alternatives sûres au sucre et fournissent de nouvelles informations pour répondre aux débats scientifiques concernant leurs potentiels effets sur la santé. Ils fournissent par ailleurs des données importantes pour leur réévaluation en cours par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et d’autres agences de santé publique dans le monde », conclut Dr Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm et coordinatrice de l’étude.

L’étude NutriNet-Santé est une étude de santé publique coordonnée par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren, Inserm/INRAE/Cnam/Université Sorbonne Paris Nord), qui, grâce à l’engagement et à la fidélité de plus de 170 000 Nutrinautes, fait avancer la recherche sur les liens entre la nutrition (alimentation, activité physique, état nutritionnel) et la santé. Lancée en 2009, l’étude a déjà donné lieu à plus de 250 publications scientifiques internationales. Un appel au recrutement de nouveaux Nutrinautes est toujours lancé afin de continuer à faire avancer la recherche sur les relations entre la nutrition et la santé.

En consacrant quelques minutes par mois à répondre, via Internet, sur la plateforme sécurisée etude-nutrinet-sante.fr aux différents questionnaires relatifs à l’alimentation, à l’activité physique et à la santé, les participants contribuent à faire progresser les connaissances sur les relations entre l’alimentation et la santé.

 

[1] Debras C, Chazelas E, Srour B, Druesne-Pecollo N, Esseddik Y, Szabo de Edelenyi F, et al. (2022) Artificial sweeteners and cancer risk: Results from the NutriNet-Santé population-based cohort study. PLoS Med 19(3): e1003950. https://doi.org/10.1371/journal.pmed.1003950

[2] Maladies qui touchent les artères ayant pour fonction d’alimenter le cœur en sang (artères coronaires).

[3] Les maladies cérébrovasculaires sont causées par des lésions cérébrales survenues suite à une circulation sanguine insuffisante ou à une hémorragie cérébrale.

L’influence du genre dans la participation aux programmes de dépistage cardio-vasculaire

 

Cœur © Fotalia

L’équipe du service de cardiologie de l’hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP, de l’Inserm et d’Université Paris Cité, coordonnée par le Pr Xavier Jouven a étudié la participation des femmes françaises aux programmes de prévention cardiovasculaire et l’impact de ce dépistage, chez les hommes comme chez les femmes. Les résultats de cette étude, dirigée par le Dr Bamba Gaye, ont été publiés le 1er juillet 2022 dans la revue eClinicalMedicine.

En France, le dépistage des facteurs de risque cardiovasculaire est recommandé par le biais de visites préventives annuelles de routine. Malgré le bénéfice démontré de ces contrôles annuels sur la santé, il existe un écart entre les sexes dans l’adhésion aux programmes de prévention en défaveur des femmes, en lien direct avec l’efficacité de ceux-ci. Le niveau socio-économique influe également sur l’incidence des maladies cardiovasculaires avec un risque plus élevé dans les classes les plus défavorisées.

Le premier objectif de cette étude était d’étudier la participation des femmes françaises aux programmes de prévention cardiovasculaire en évaluant l’état de santé cardiovasculaire de ces participantes, leur niveau socio-économique, leur état psychologique, le taux de participation selon l’âge et enfin, l’évolution temporelle de cette participation en fonction des années.

Le deuxième objectif de cette étude était d’évaluer l’impact du dépistage en terme de mortalité en comparant les taux de mortalité par sexe et par rapport à la population non dépistée.

L’équipe de recherche a mené des études transversales répétées incluant un total de 366 270 personnes ayant eu un premier examen au Centre d’Investigations Préventives et Cliniques (CIP), en France, entre janvier 1992 et décembre 2011.

Sur les 366 270 personnes ayant participé aux visites médicales préventives de 1992 à 2011,37,8 % étaient des femmes. Parmi les participants âgés de 24 à 60 ans, la proportion de femmes examinées ne représentait que 33,9 %. L’équipe de recherche a observé une baisse du taux de participation des femmes à partir de l’âge de 24 ans qui atteint son taux le plus bas entre 30 et 50 ans.

Les femmes présentant un syndrome dépressif montraient une plus forte adhésion au programme de dépistage ainsi que les femmes avec un statut socio-économique bas.

Les chercheurs ont également constaté que par rapport aux hommes, les femmes participant au dépistage étaient moins susceptibles d’être fumeuses. Elles avaient des niveaux d’activité physique plus faibles, une meilleure glycémie à jeun et un meilleur taux de cholestérol total. Leur tension artérielle était mieux équilibrée.

Les chercheurs ont également étudié le pourcentage de femmes avec et sans enfant par tranche d’âge participant aux visites CIP. Parmi les femmes âgées de 30 à 39 ans (âge moyen de la grossesse en France) ayant participé aux consultations CIP, 60,1 % ont déclaré avoir des enfants. Ce pourcentage passe à 81,1 % et 85,0 % dans la tranche d’âge des 40 à 49 ans et des 50 à 59 ans, une proportion similaire à la population générale.

La réduction de mortalité liée associée aux dépistages est moindre chez les femmes âgées de 18 à 49 ans. Après 50 ans, les ratios standardisés de mortalité (SMR) ne différaient plus significativement selon le sexe.

En conclusion, cette étude suggère une plus faible participation des femmes aux visites médicales dans les centres de prévention. La participation dépendait fortement de l’âge et était minimale entre 30 et 50 ans.

De plus, même si les taux de mortalité globaux parmi les participantes au programme de dépistage étaient inférieurs à ceux de la population générale, un bénéfice moindre du dépistage cardiovasculaire en terme de mortalité chez les femmes en âge de procréer a été observé, en comparaison avec les hommes.

Les différences de comportements entre les hommes et les femmes concernant les soins cardiovasculaires sont un mécanisme majeur de l’écart entre les sexes dans les maladies cardiovasculaires.

La première hypothèse explicative pourrait être l’accès parallèle des femmes au dépistage par le biais de visites régulières en obstétrique/gynécologie pendant leurs années de fertilité, ce qui diminuerait leurs consultations pour dépistage cardiovasculaire. Cette hypothèse peut également être étayée par la plus faible participation des femmes de niveau socio-économique élevé qui, à contrario, participent plus aux dépistages du cancer du col de l’utérus.

De plus, bien que les maladies cardiovasculaires soient une cause majeure de mortalité chez les femmes, cette problématique est largement sous-estimée. Le risque de cancer, en particulier le cancer du sein ou du col de l’utérus, continue de dominer les interventions de santé et de prévention concernant les femmes

Enfin, la maternité et la question de la garde des enfants pourraient être une autre hypothèse explicative, en particulier chez les femmes en activité professionnelle.

L’élargissement du champ d’action des obstétriciens/gynécologues et le renforcement des partenariats entre spécialistes pourraient être les premiers éléments d’un plan d’action. En outre, le dépistage du risque cardiovasculaire, dans son application actuelle, ne semble pas pleinement adapté aux femmes, et en particulier aux jeunes femmes.

Des adaptations urgentes sont nécessaires pour réduire cet écart entre les sexes dans le dépistage cardiovasculaire en France.

Une étude préclinique montre l’absence d‘efficacité antivirale du favipiravir contre le SARS-CoV-2 et son intérêt potentiel contre le virus Zika

Les chercheurs ont montré que le favipiravir a une activité antivirale contre le virus Zika mais ne présente aucun effet sur le virus du SARS-CoV-2 et pourrait même être à l’origine d’une aggravation de la maladie. © Photo Hal Gatewood/Unsplash


Une étude, menée par des chercheurs du CEA, de l’Inserm et d’Université Paris Cité faisant partie  du  groupe d’études précliniques (GEPC)* mis en place par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, a évalué les effets du médicament favipiravir sur les virus Zika et SARS-CoV-2 chez le macaque crabier, qui constitue le modèle animal de référence. Les chercheurs ont montré que la molécule a une activité antivirale contre le virus Zika. En revanche, elle ne présente aucun effet sur le virus du SARS-CoV-2 dans ce modèle et pourrait même être à l’origine d’une aggravation de la maladie. Cette étude a été publiée le 30 août 2022 dans la revue Nature Communications.

Pendant la pandémie de Covid-19, nombre de médicaments ont fait l’objet d’essais cliniques sans pour autant apporter de preuve d’efficacité convaincante contre le SARS-CoV-2. Si l’épisode de l’hydroxychloroquine a marqué le grand public, il ne s’agit pas de la seule molécule a avoir fait l’objet d’une étude de la part de la communauté scientifique quant à sa potentielle efficacité. Le favipiravir, qui a été à l’origine développé pour le traitement des grippes sévères, est aujourd’hui utilisé, notamment en Asie, dans la lutte contre la Covid-19. Pourtant les preuves de son efficacité se sont jusqu’à aujourd’hui limitées à des tests in vitro et des études cliniques difficilement interprétables en raison de leur taille ou des risques de biais.

Les scientifiques français du GEPC s’intéressent depuis plusieurs années au favipiravir comme une potentielle arme de première ligne contre les virus émergents, en particulier contre les fièvres hémorragiques virales comme Ebola ou Lassa.

Forts de cette expérience, les chercheurs ont étudié l’activité antivirale du favipiravir contre le SARS-CoV-2 chez l’animal, en administrant différentes doses de favipiravir ou de placebo à des macaques crabiers. Ce modèle expérimental d’infection est très utile car il permet de reproduire une maladie très similaire à celle observée chez l’homme, et avait déjà permis de démontrer l’absence d’efficacité de l’hydroxychloroquine dans une publication parue dans la revue Nature en 2020.

Dans ces nouvelles expérimentations, aucun effet sur la charge virale n’a été observé chez les animaux infectés par le SARS-CoV-2 et traités par favipiravir, y compris à des doses élevées. Par ailleurs, une évolution péjorative a même été observée chez quatre animaux suite à la prise de la molécule dont l’état s’est rapidement détérioré. 

En suivant le même protocole, les scientifiques ont par ailleurs testé l’efficacité du médicament contre le virus Zika. Leurs résultats montrent que le favipiravir entraîne cette fois une réduction importante de la charge virale chez le primate et soulignent ainsi l’intérêt potentiel de cette molécule dans cette indication.

« Cette étude montre à nouveau l’importance d’une évaluation rigoureuse des médicaments dans des modèles expérimentaux avant leur administration chez l’humain. Alors que la molécule a été testée dans de nombreux essais cliniques, avec des résultats souvent difficilement interprétables, notre étude établit sans ambiguïté l’absence d’efficacité antivirale du favipiravir contre le SARS-CoV-2 », précise Romain Marlin, co-premier auteur de cette étude et chef de projet au CEA, en charge de programmes précliniques en immunothérapie et vaccinologie (IDMIT, Institut de Biologie François Jacob du CEA).

« Ces résultats ne préjugent cependant pas d’une activité du favipiravir contre d’autres virus, comme le montrent nos résultats sur le virus Zika. Des études chez l’humain sont en cours avec le soutien de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, afin d’évaluer le potentiel du favipiravir dans d’autres indications, en particulier le virus de la fièvre de Lassa, pour lequel nous ne disposons pas de traitement antiviral », explique Jérémie Guedj, directeur de recherche à l’Inserm (laboratoire IAME, Inserm / Université Paris Cité / Université Sorbonne Paris Nord), co-investigateur principal de l’étude avec Roger Le Grand, directeur de recherche au CEA (IDMIT, Institut de Biologie François Jacob).

 

*Le groupe d’études précliniques (GEPC) qui réunit entre autres des spécialistes des modèles animaux, virologues, cliniciens, pharmacologues, biostatisticiens, vétérinaires, biochimistes et des modélisateurs a été mis en place par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes afin d’évaluer (dans des modèles non humains, in vitro ou in vivo) le plus rigoureusement possible des candidats thérapeutiques avant les essais chez l’humain, et prioriser les molécules les plus prometteuses.

Cette étude a été financée par la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM), l’infrastructure européenne TRANSVAC2, la région Auvergne-Rhône-Alpes, l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes (via l’ancien consortium REACTing), le projet ZIKAlliance, qui a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne.

L’azithromycine après une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques augmenterait la rechute des hémopathies malignes

Sang circulant dans une artère (Globules rouges) © AdobeStock

 

Des équipes du service d’hématologie greffe de l’hôpital Saint Louis AP-HP, de l’Inserm et d’Université Paris Cité ont décrypté les mécanismes biologiques associés aux rechutes hématologiques des patients recevant de l’azithromycine à la phase précoce d’une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Les résultats de cette étude, coordonnée par le Dr David Michonneau ont fait l’objet d’une publication le 19 août 2022 au sein de la revue Blood.

L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques1 est un traitement curatif majeur des hémopathies malignes (un groupe hétérogène de cancers des cellules sanguines et de leurs précurseurs).

Elle est compliquée dans près de 50% des cas par une réaction immunitaire sévère des cellules du greffon dirigée contre les tissus du receveur, appelée réaction du greffon contre l’hôte (GVHD). L’atteinte pulmonaire de la GVHD est l’une des plus sévères.

Entre 2014 et 2015, un essai clinique randomisé contre placebo, en double aveugle (ALLOZITHRO), à promotion AP-HP, impliquant la plupart des centres de greffe français, et coordonné par le Pr Bergeron, avait évalué chez 465 malades allogreffés, l’intérêt d’un antibiotique, l’azithromycine, administré au tout début du processus de la greffe dans la prévention de la GVHD pulmonaire2. Cet essai a été interrompu prématurément en décembre 2016, en raison de l’augmentation du risque de décès observé chez les patients ayant reçu de l’azithromycine en lien avec une rechute hématologique.

Les résultats de cette étude avaient alors conduit l’Agence européenne des médicaments (EMA) et la Food and Drug Administration (FDA) en 2018 à émettre une mise en garde quant à l’utilisation de ce médicament dans ce contexte.

Une étude complémentaire avait de plus conclu à l’augmentation du risque de cancers solides secondaires chez les patients ayant reçu de l’azithromycine plus tardivement après la greffe3. L’analyse clinique des données à 5 ans pour les patients inclus dans l’étude ALLOZITHRO est désormais en cours.

L’ensemble de ces résultats a alors conduit à poser des hypothèses physiopathologiques devant être vérifiées notamment du fait de la large utilisation de l’azithromycine dans d’autres contextes.

L’équipe de recherche du Dr Michonneau a alors étudié les échantillons sanguins de 240 des 465 patients qui avaient été inclus dans l’étude ALLOZITHRO, grâce à la collection biologique nationale multicentrique Cryostem.

Les chercheurs ont montré que le système immunitaire des patients exposés à l’azithromycine évalués dans cette étude était caractérisé par une diminution de 20% des lymphocytes T et par un épuisement de leurs fonctions effectrices4, ainsi que par des altérations du métabolome5 plasmatique et intracellulaire, en particulier des voies du métabolisme énergétique. Ainsi, 9 populations immunitaires et 50 métabolites significativement modifiés par la prise d’azithromycine étaient également associés à la rechute.

L’étude des transcriptomes6 de plus de 60 000 cellules uniques a montré une inhibition de l’expression des gènes impliqués dans le cycle cellulaire, des voies de l’inflammation et du métabolisme énergétique (métabolisme des acides gras, glycolyse et phosphorylation oxydative).

In vitro, l’exposition des lymphocytes T à l’azithromycine inhibait leurs principales fonctions : prolifération cellulaire, synthèse de cytokines et diminuait la capacité de cellules CAR-T à éliminer des cellules tumorales.

L’azithromycine inhibait les voies de signalisation mTOR7 et du récepteur des cellules T (TCR) ainsi que la glycolyse lors de l’activation des lymphocytes T.

Après 5 jours d’exposition, l’azithromycine altérait également la chaine respiratoire mitochondriale.

Ces résultats ont mis en évidence que l’azithromycine pourrait inhiber directement la réponse immunitaire anti-tumorale et favorise ainsi la survenue de cancer ou de rechute chez les patients exposés à cet antibiotique.

 

[1] Les cellules souches hématopoiétiques (CSH), présentes dans la moelle osseuse, sont à l’origine de toutes les cellules du sang (macrophages, lymphocytes, neutrophiles, globules rouges, plaquettes, etc.).

[2] Bergeron et al., JAMA, 2017

[3] étude rétrospective bi-centrique franco-américaine – Azithromycin Use and Increased Cancer Risk among Patients with Bronchiolitis Obliterans after Hematopoietic Cell Transplantation, ScienceDirect

[4] grâce à l’étude de la métabolomique, de la transcriptomique et de la protéomique

[5] ensemble complet des molécules présentes dans une cellule

[6] ensemble des molécules d’ARN messager d’une cellule 

[7] mammalian target of rapamycin : contrôleur central de la croissance cellulaire en réponse aux facteurs de croissance et aux nutriments

Une thérapie améliore les fonctions cognitives chez des patients porteurs de trisomie 21

La pompe, similaire à un pansement adhésif, est en train d’être placée sur le bras d’un patient. Ce dispositif médical permet de délivrer la GnRH de façon pulsatile en sous-cutané © 2022 CHUV Éric Deroze

 

Une équipe de l’Inserm au sein du laboratoire Lille neuroscience & cognition (Inserm/Université de Lille/CHU de Lille) et le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV, Lausanne) ont collaboré afin de tester l’efficacité d’une thérapie fondée sur l’injection de l’hormone GnRH, pour améliorer les fonctions cognitives d’un petit groupe de patients porteurs de trisomie 21. Les scientifiques de l’Inserm ont d’abord mis en évidence un dysfonctionnement des neurones à GnRH dans un modèle animal de la trisomie 21 et ses conséquences sur l’altération des fonctions cognitives associées à la maladie. Une étude pilote a ensuite été menée chez sept patients pour tester une thérapie basée sur l’injection pulsatile de GnRH, avec pour résultat une amélioration des fonctions cognitives et de la connectivité cérébrale. Cette étude fait l’objet d’une publication dans Science.

Le syndrome de Down, ou trisomie 21, touche environ une naissance sur 800 et se traduit par un éventail de manifestations cliniques, parmi lesquelles un déclin des capacités cognitives. Ainsi, en vieillissant, 77 % des personnes atteintes de trisomie 21 connaissent des symptômes proches de ceux de la maladie d’Alzheimer. Une perte progressive de l’olfaction, typique des maladies neurodégénératives, est également fréquente à partir de la période prépubère, et les hommes peuvent présenter des déficits de maturation sexuelle.

Un dysfonctionnement des neurones secrétant la GnRH identifié dans la trisomie 21

De récentes découvertes ont suggéré que les neurones exprimant l’hormone GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone), connus pour réguler la reproduction via l’hypothalamus, auraient aussi une action dans d’autres régions du cerveau avec un rôle potentiel sur d’autres systèmes, tels que celui de la cognition.

Partant de cette idée, le groupe de chercheurs du laboratoire Lille neuroscience & cognition, mené par Vincent Prévot, directeur de recherche Inserm, a étudié le mécanisme de régulation de la GnRH sur des souris modèles de la trisomie 21.

Le laboratoire a ainsi démontré que cinq brins de micro-ARN régulant la production de cette hormone et présents sur le chromosome 21 étaient dérégulés. Ce chromosome surnuméraire entraîne alors des anomalies dans les neurones secrétant la GnRH. Ces résultats ont été confirmés aux niveaux génétique et cellulaire. Les scientifiques de l’Inserm sont ainsi parvenus à démontrer que les déficiences cognitives et olfactives progressives de ces souris étaient étroitement liées à une sécrétion de GnRH dysfonctionnelle.

Restaurer la production de GnRH pour améliorer les fonctions cognitives

Les scientifiques de l’Inserm ont ensuite réussi à démontrer que la remise en fonction d’un système GnRH physiologique permettait de restaurer les fonctions cognitives et olfactives chez la souris trisomique.

Ces résultats chez la souris ont été discutés avec Nelly Pitteloud, professeure à la Faculté de biologie et médecine de l’Université de Lausanne et cheffe du Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV. Ce groupe est expert dans le diagnostic moléculaire et le traitement d’une maladie rare, la déficience congénitale de GnRH, se manifestant par une absence de puberté spontanée. Un traitement de GnRH pulsatile est prodigué à ces patients et patientes, afin de reproduire le rythme pulsatile naturel de la sécrétion de cette hormone permettant d’induire une puberté.

Les chercheurs ont donc décidé de tester l’efficacité d’un traitement de GnRH pulsatile sur les déficits cognitifs et olfactifs des souris trisomiques, selon un protocole identique à celui utilisé chez l’humain. Au bout de 15 jours, l’équipe a démontré une restauration des fonctions olfactives et cognitives chez les souris.

Le traitement de GnRH pulsatile améliore les fonctions cognitives et la connectivité neuronale chez un petit groupe de patients

Les scientifiques et médecins sont donc passés à l’étape suivante, et ont mené un essai clinique pilote sur des patients[1], afin d’évaluer les effets de ce traitement. Sept hommes porteurs de trisomie 21, âgés de 20 à 50 ans, ont reçu une dose de GnRH toutes les deux heures en sous-cutané pendant 6 mois, à l’aide d’une pompe placée sur le bras. Des tests de la cognition et de l’odorat ainsi que des examens IRM ont été réalisés avant et après le traitement.

D’un point de vue clinique, les performances cognitives ont augmenté chez 6 des 7 patients : meilleure représentation tridimensionnelle, meilleure compréhension des consignes, amélioration du raisonnement, de l’attention et de la mémoire épisodique.

En revanche, le traitement n’a pas eu d’impact sur l’olfaction. Ces mesures de l’amélioration des fonctions cognitives étaient associées à un changement de la connectivité fonctionnelle observée par imagerie cérébrale [2].

 

L’un des exemples les plus significatifs concerne l’évolution de la représentation d’objets en 3D par le dessin ci-dessus. À gauche, un cube dessiné avant le début du traitement. À droite, un lit dessiné 6 mois après par un des participants.

Ces données suggèrent que le traitement agit sur le cerveau en renforçant notamment la communication entre certaines régions du cortex.

« Le maintien du système GnRH semble jouer un rôle clé dans la maturation du cerveau et les fonctions cognitives », explique Vincent Prévot. « Dans la trisomie 21, la thérapie GnRH pulsatile est prometteuse, d’autant qu’il s’agit d’un traitement existant et sans effet secondaire notable », ajoute Nelly Pitteloud.

Ces résultats prometteurs justifient désormais le lancement d’une étude plus vaste – incluant des femmes – visant à confirmer l’efficacité de ce traitement pour les personnes atteintes de trisomie 21, mais aussi pour d’autres pathologies neurodégénératives, telles que la maladie d’Alzheimer.

 

[1] Ces patients ont été adressés par la Pre Ariane Giacobino, responsable de la consultation Trisomie 21 aux Hôpitaux universitaires de Genève.

[2] Ces mesures ont été réalisées par le Département des neurosciences cliniques du CHUV.

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