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Tuberculose : dans les pays à forte incidence, les enfants hospitalisés pour pneumonie sévère devraient bénéficier d’un dépistage

Dans les pays à forte incidence de tuberculose, la maladie peut être une cause de pneumonie sévère de l’enfant et contribuer à sa mortalité chez les plus jeunes d’entre eux. © TB-Speed

La tuberculose touche 1 million d’enfants chaque année dont moins de la moitié sont diagnostiqués et traités, ce qui entraîne plus de 200 000 décès par an. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et cliniciens de l’Université de Bordeaux, de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de l’Inserm et MU-JHU (collaboration de recherche entre l’Université de Makerere et l’Université de John Hopkins en Ouganda) regroupés au sein du consortium TB-Speed, ont montré que le dépistage de la tuberculose à l’admission des enfants souffrant de pneumonie sévère était faisable.

Par ailleurs, un tel dépistage avec un test appelé l’Xpert Ultra permettrait d’améliorer le diagnostic de la tuberculose chez les enfants des pays à forte incidence de la maladie. Les résultats de l’étude plaident en faveur d’une utilisation plus systématique de l’Xpert Ultra, chez ces enfants, notamment chez ceux souffrant de malnutrition aiguë sévère. Ils confirment enfin l’importance de la tuberculose comme cause de pneumonie sévère de l’enfant. Les résultats sont publiés depuis le 15 novembre 2022 dans The Lancet Infectious Diseases.

Dans les pays à forte incidence de tuberculose, la maladie peut être une cause de pneumonie sévère de l’enfant et contribuer à sa mortalité chez les plus jeunes d’entre eux. Habituellement, le diagnostic de la tuberculose n’est envisagé que chez les enfants présentant des symptômes prolongés, chez ceux en échec d’un ou plusieurs traitements antibiotiques d’une pneumonie communautaire ou chez ceux avec une histoire de contact avec une personne malade. Ainsi, de nombreux cas de tuberculose ne sont pas identifiés ou sont diagnostiqués tardivement, augmentant le risque de mauvaise évolution et de décès.

Or, les enfants présentant une pneumonie liée à la tuberculose ont très souvent des symptômes aigus et ne sont pas considérés comme des cas présomptifs de tuberculose. Dans ce contexte, le consortium TB-Speed a émis l’hypothèse qu’un dépistage de la tuberculose chez les jeunes enfants admis pour une pneumonie sévère suivi d’un traitement rapide pour ceux dont le dépistage est positif, pourrait réduire la létalité des pneumonies sévères liées à la tuberculose.

TB-Speed Pneumonia est le premier essai international randomisé en grappes à grande échelle visant à évaluer l’effet d’un dépistage moléculaire de la tuberculose en plus du traitement standard de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) chez les enfants admis pour une pneumonie grave. L’étude, financée par Unitaid et l’Initiative, et promue par l’Inserm, a été menée dans 16 hôpitaux tertiaires de six pays à forte incidence de tuberculose (Côte d’Ivoire, Cameroun, Ouganda, Mozambique, Zambie et Cambodge).

Elle a évalué l’impact sur la mortalité d’une détection moléculaire systématique de la tuberculose à l’aide du test diagnostique moléculaire rapide Xpert MTB/RIF Ultra (Ultra) réalisé sur un échantillon d’aspiration nasopharyngée et un échantillon de selles, rajoutée au standard de soins recommandée par l’OMS pour les pneumonies sévères (qui comprend un traitement antibiotique à large spectre, de l’oxygène si indiqué et le traitement des comorbidités comme l’infection par le VIH et la malnutrition grave). Les hôpitaux ont été randomisés pour commencer progressivement les tests moléculaires et le flux des échantillons été organisé de manière à réduire le délai d’obtention des résultats à 3 heures. Tous les enfants ayant des résultats ultra positifs ont été immédiatement mis sous traitement antituberculeux. Les enfants ont été suivis pendant 12 semaines après l’enrôlement.

Au total, 2 570 enfants ont été inclus dans l’étude (1401 dans le bras de contrôle et 1169 dans le bras d’intervention) entre mars 2019 et mars 2021. 95 % des enfants ont eu des aspirations nasopharyngées et 80 % ont eu des selles recueillies et testées avec le test Ultra.

Bien que ce dépistage n’ait pas permis de réduire la mortalité toutes causes confondues à 12 semaines de suivi par rapport au standard de soins, il a augmenté le nombre d’enfants diagnostiqués pour la tuberculose et notamment ceux avec une confirmation microbiologique et il a réduit le délai d’instauration du traitement.

De plus, la létalité et le taux de détection de la tuberculose étaient quatre à cinq fois plus élevés dans le sous- groupe des enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère par rapport aux autres enfants. L’étude a aussi montré que collecter et tester avec Xpert Ultra des échantillons nasopharyngés et des échantillons de selles était faisable chez des enfants très vulnérables et était bien toléré.

Une nouvelle stratégie de thérapie génique contre la drépanocytose et la bêta-thalassémie

Globules rouges en forme de faucille (drépanocytose) ©Inserm/Chevance de Boisfleury, Anne-Marie

La drépanocytose et la bêta-thalassémie sont deux maladies génétiques affectant l’hémoglobine et regroupées, par conséquent, dans la catégorie des bêta-hémoglobinopathies. Une équipe de scientifiques de l’Inserm, d’Université Paris Cité et de l’AP-HP au sein de l’Institut Imagine, a montré l’efficacité d’une approche de thérapie génique contre ces deux maladies. Le principe est de réactiver chez les patients la production d’une protéine – la globine fœtale – qui cesse normalement d’être exprimée après la naissance. Dans une étude publiée dans la revue Nature Communications, l’équipe de recherche décrit ainsi une approche prometteuse pour de futures applications thérapeutiques.

La drépanocytose et la bêta-thalassémie sont des maladies génétiques appelées bêta-hémoglobinopathies. Elles sont en effet causées par des mutations sur le chromosome 11 du gène à l’origine de la production de la globine bêta, une protéine constitutive de l’hémoglobine, le principal composant des globules rouges.

Dans la drépanocytose, la structure de la globine bêta est altérée, ce qui affecte l’intégrité des globules rouges et entraîne des anémies, des obstructions locales très douloureuses de la circulation sanguine (ou crises vaso-occlusives) et une altération progressive des organes. Dans la bêta-thalassémie, la production de globine bêta est drastiquement réduite, causant un déficit en hémoglobine et entraînant des anémies sévères.

Dans les années 1970, des chercheurs ont observé que de rares individus porteurs des mutations spécifiques à chacune de ces pathologies ne développaient pas la maladie. Leur point commun ? Tous étaient porteurs de mutations compensatrices sur un autre gène du chromosome 11, ayant pour effet de stimuler la production de globine fœtale (ou globine gamma). Cette protéine qui cesse normalement d’être produite à la fin de la vie fœtale est capable de se substituer avantageusement à la globine bêta adulte défectueuse pour former une hémoglobine saine, assurant ainsi la production de globules rouges parfaitement fonctionnels en quantité suffisante.

Une équipe de recherche dirigée par Annarita Miccio, chercheuse Inserm au sein de l’Institut Imagine (Inserm/Université Paris Cité/AP-HP) a réalisé une série d’expérimentations in vitro pour déterminer la stratégie la plus efficace pour stimuler la production de globine fœtale, en reproduisant ces mutations bénéfiques par thérapie génique à des fins thérapeutiques. L’approche la plus efficace consistait à insérer une mutation génétique générant, dans les globules rouges, un mécanisme moléculaire ayant le double avantage de stimuler la production de globine fœtale et de bloquer le mécanisme inhibant naturellement la production de cette dernière.

Par ailleurs, les chercheurs ont montré chez l’animal que cette stratégie est efficace sur le long terme, ce qui constitue un résultat très important dans le cadre d’une application thérapeutique.

« De nombreuses étapes sont encore nécessaires avant que cette nouvelle approche de thérapie génique soit applicable en clinique, précise Panagiotis Antoniou, premier auteur de l’étude, nous devons par exemple optimiser le protocole pour modifier génétiquement davantage de globules rouges, car seuls 60 % le sont avec le protocole actuel. Pour autant, nos travaux ouvrent la voie au développement clinique d’un traitement innovant et sûr pour les patients atteints de bêta-hémoglobinopathies, dans l’objectif d’améliorer leur qualité de vie », conclut le chercheur.

 

La drépanocytose, qui touche 5 millions de personnes dans le monde, est la première maladie génétique au monde et la plus fréquente en France. Chaque année, ce sont environ 100 000 enfants dans le monde qui naissent avec une forme grave de bêta-thalassémie. Pour continuer à soutenir les avancées de la recherche dans la lutte contre les maladies rares, l’édition 2022 du Téléthon se tiendra les vendredi 2 et samedi 3 décembre prochains, durant 30 heures d’antenne sur France Télévisions.

Maladie d’Alzheimer : des variations génétiques rares augmentent de façon importante le risque de développer la pathologie

Marquage fluorescent de la protéine Tau dans une cellule humaine hNT, la protéine Tau contribue à la maladie, particulièrement dans les formes familiales de la maladie d’Alzheimer ©Inserm/U837

Un consortium international rapporte deux nouveaux gènes dont certaines mutations rares augmentent fortement le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Ces travaux ont été pilotés par deux équipes françaises dirigées par Gaël Nicolas et Jean-Charles Lambert et par une équipe néerlandaise. Ils offrent une meilleure compréhension des mécanismes génétiques de la maladie d’Alzheimer et ouvrent de nouveaux axes de recherche avec des modèles in vitro et in vivo plus pertinents. Ces résultats pourraient également être susceptibles d’aboutir à de nouvelles stratégies en recherche thérapeutique. Ces résultats sont publiés en novembre 2022 dans la revue Nature Genetics.

La maladie d’Alzheimer est la plus fréquente des maladies neurodégénératives, touchant environ 1 200 000 personnes en France, dont 4 % avant l’âge de 65 ans. Il s’agit d’une pathologie multifactorielle complexe causée par l’interaction de multiples facteurs de prédisposition génétiques et non génétiques. Parce que la composante génétique est particulièrement importante dans cette pathologie, la caractériser est un enjeu majeur de la recherche pour mieux connaître les mécanismes et pouvoir proposer des stratégies thérapeutiques pertinentes.

Si nos connaissances sur l’implication de variants génétiques communs (fréquence supérieure à 1 % dans la population générale) ont énormément progressé ces dernières années avec la découverte de 75 régions chromosomiques/gènes associées au risque de développer la maladie, le rôle des variants rares voire très rares a été insuffisamment étudié. Ceux-ci pourraient pourtant occuper une place importante dans la prédisposition génétique de la maladie, de par leurs effets biologiques directs et leur grande diversité.

Deux nouveaux gènes identifiés

C’est dans ce contexte qu’un consortium international, piloté par deux équipes françaises dirigées par Gaël Nicolas à Rouen et Jean-Charles Lambert à Lille ainsi qu’une équipe néerlandaise du CHU d’Amsterdam VUMC dirigée par Henne Holstege, a identifié deux nouveaux gènes, dont certaines mutations rares augmentent fortement le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs de l’Inserm, de l’Institut Pasteur de Lille, du CHU de Lille, de l’Université de Lille, de l’Université de Rouen Normandie et du Centre National de Référence Malades Alzheimer Jeunes du CHU de Rouen ont, avec leurs collègues européens et américains, mené une étude de séquençage à haut-débit sur 16,032 patients et 16,522 témoins. Cette approche de séquençage permet de connaitre de façon la plus précise possible la plupart des variations génétiques portées par un individu.

En étudiant spécifiquement les régions de l’ADN qui codent pour les protéines de notre organisme (les exons), les chercheurs ont pu établir une cartographie des variations rares délétères qui modifient potentiellement les fonctions biologiques de ces protéines. Ils ont notamment pu valider l’implication de variants rares dans les gènes SORL1, TREM2 et ABCA7 mais aussi identifier deux nouveaux gènes majeurs, ATP8B4 et ABCA1, tandis qu’un dernier, ADAM10, reste à confirmer.

Certaines variations génétiques rares dans ces gènes sont associées à une augmentation importante du risque de développer la maladie, cet impact étant encore plus marqué dans les formes précoces de la maladie.

Mieux comprendre les mécanismes de la maladie

En raison de leurs impacts, ces variants rares vont permettre de mieux comprendre les mécanismes de la maladie. En effet, deux phénomènes pathologiques ont déjà bien été documentés : l’accumulation de peptides béta-amyloïdes et la modification et accumulation de la protéine Tau chez les malades.

Or, certains des gènes découverts dans cette étude sont impliqués dans la production ou l’agrégation des peptides béta-amyloïdes, confirmant leur rôle central dans le développement de la maladie. Par ailleurs, ce travail conforte le rôle important des cellules microgliales, dont une fonction majeure est de nettoyer le cerveau, rôle déjà mis au jour par des découvertes génétiques précédentes.

Ces résultats, basés sur la plus grande étude mondiale de données de séquençage à l’heure actuelle, permettent de faire un pas important dans la compréhension des facteurs génétiques de la maladie d’Alzheimer. Ils offrent une meilleure compréhension des mécanismes biologiques impliqués et permettent d‘ouvrir de nouveaux axes de recherche sur des modèles in vitro et in vivo plus pertinents ciblant ces nouveaux gènes. En poursuivant ces travaux, les scientifiques pourraient également être susceptibles d’aboutir à de nouvelles stratégies en recherche thérapeutique à l’avenir.

La « maladie du foie gras » augmente le risque de développer des troubles du cerveau

Cellules du foie envahies par des gouttelettes lipidiques (en blanc) provenant d’un animal sous régime riche en sucres et en graisses. © Institut Universitaire de Pathologie de l’Université de Lausanne.

La stéatose hépatique non alcoolique touche environ 200 000 personnes en France et se caractérise par une accumulation de graisses dans le foie pouvant conduire à une inflammation puis à la cirrhose. Pour la première fois, des travaux de recherche menés par des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, de l’université de Poitiers, du King’s College à Londres et de l’université de Lausanne, suggèrent que les personnes atteintes par cette maladie causée par une consommation excessive de sucre et de graisse pourraient aussi présenter un risque accru de développer des troubles neurologiques graves tels que la démence. Les résultats sont publiés dans la revue Journal of Hepatology.

La stéatose hépatique non alcoolique, aussi appelée « maladie du foie gras », est de plus en plus fréquente dans les sociétés touchées par l’obésité et la sédentarité. Jusqu’à 80 % des personnes souffrant d’obésité morbide seraient concernées.

Plusieurs travaux ont signalé les effets négatifs d’un régime alimentaire déséquilibré et de l’obésité sur la fonction cérébrale, mais cette nouvelle étude est la première à établir une association entre stéatose hépatique non alcoolique et problèmes neurologiques dans des modèles animaux, et à identifier une cible thérapeutique potentielle.

Les scientifiques de l’Inserm, de l’université de Poitiers, de l’Institut d’Hépatologie Robert Williams du King’s College et de l’université de Lausanne ont notamment découvert que l’accumulation de graisse dans le foie entraîne une diminution de l’oxygène dans le cerveau et une inflammation des tissus cérébraux – deux phénomènes associés à une augmentation du risque de maladies neurologiques graves comme par exemple la démence.

Deux régimes alimentaires, des effets différents

Dans le détail, les travaux ont consisté à donner deux régimes alimentaires différents à des souris. La moitié des animaux ont suivi un régime dont l’apport calorique ne contenait pas plus de 10 % de matières grasses, tandis que l’autre moitié avait un apport calorique de 55 % de matières grasses (pour ressembler à un régime composé d’aliments transformés et de boissons sucrées).

Après 16 semaines, les chercheurs ont effectué une série de tests pour comparer les effets de ces deux régimes sur l’organisme, et plus particulièrement sur le foie et le cerveau. Ils ont constaté que toutes les souris consommant les niveaux les plus élevés de graisses étaient considérées comme obèses et développaient une stéatose hépatique non alcoolique ainsi qu’une résistance à l’insuline. Par ailleurs, les scientifiques ont aussi observé chez ces animaux un dysfonctionnement cérébral marqué, qui se traduisait par des troubles du comportement.

L’étude a également montré que le cerveau des souris atteintes de stéatose hépatique non alcoolique présentait des niveaux d’oxygène plus faibles. Selon les scientifiques, deux hypothèses pourraient expliquer ce phénomène : la maladie réduirait le nombre et le diamètre des vaisseaux sanguins cérébraux, qui apporteraient ainsi moins d’oxygène aux tissus. Des cellules spécifiques pourraient aussi consommer davantage d’oxygène à cause de l’inflammation détectée dans le cerveau. Ces souris étaient également plus anxieuses et présentaient des signes de dépression.

« Il est très inquiétant de constater l’effet que l’accumulation de graisses dans le foie peut avoir sur le cerveau, en particulier parce que cette maladie est souvent bénigne au départ et qu’elle peut exister silencieusement pendant de nombreuses années sans que les gens en soient conscients », a déclaré Anna Hadjihambi, première auteure de l’étude et maître de conférences honoraire au King’s College de Londres.

Une protéine cible pour protéger le foie et le cerveau

Pour trouver des solutions permettant de contrer les effets délétères de la pathologie sur le cerveau, les scientifiques ont dans un second temps élevé des souris présentant des niveaux plus faibles d’une protéine connue sous le nom de Monocarboxylate Transporter 1 (MCT1). Celle-ci est spécialisée dans le transport de substrats énergétiques utilisés par diverses cellules pour leur fonctionnement normal. Aux yeux des chercheurs, cette protéine présentait un intérêt particulier en raison de sa distribution dans différents organes impliqués dans la balance énergétique de l’organisme (dont le foie et le cerveau).

Lorsque ces souris ont été soumises à un régime riche en graisses et en sucres, identique à celui de l’expérience initiale, elles n’ont pas présenté d’accumulation de graisses dans le foie ni de signe de dysfonctionnement cérébral.

« L’identification de MCT1 comme élément clé dans le développement de la stéatose hépatique non alcoolique et du dysfonctionnement cérébral qui lui est associé ouvre des perspectives intéressantes », précise Luc Pellerin, dernier auteur de l’étude.

« Elle met en évidence les mécanismes potentiels en jeu dans l’axe foie-cerveau et indique une cible thérapeutique possible. »

Ces travaux de recherche soulignent donc que la réduction de la quantité de sucre et de graisse dans notre alimentation n’est pas seulement importante pour lutter contre l’obésité, mais elle permettrait aussi de protéger le foie afin de préserver la santé du cerveau et de minimiser le risque de développer des maladies comme la dépression et la démence au cours du vieillissement.

Rapport Euro-Peristat : état des lieux de la santé périnatale en France par rapport aux autres pays européens

Le nouveau rapport Euro-Peristat fournit des indicateurs sur la santé périnatale en France et en Europe. © Adobe Stock

Le 15 novembre 2022 est publié le nouveau rapport Euro-Peristat, projet européen coordonné par l’Inserm et mis en place depuis 2000. Celui-ci rassemble des statistiques sur la santé périnatale de 28 pays, pour la période allant de 2015 à 2019. La comparaison de la France à ses voisins permet d’aboutir à un bilan contrasté, avec en particulier un taux de césariennes maîtrisé, mais une situation moins favorable en ce qui concerne la mortinatalité (enfants mort-nés à partir de 24 semaines d’aménorrhée[1]). Par ailleurs, la mortalité après la naissance n’a pu être comparée à celle des autres pays européens, en raison d’un manque de données disponibles. L’ensemble des résultats peut être consulté sur le site du projet.

Après les précédents bilans de 2004, 2010 et 2015, le nouveau rapport européen Euro-Peristat présente des données sur la santé périnatale pour 24 pays membres de l’Union européenne, plus l’Islande, la Norvège, le Royaume-Uni et la Suisse.

Euro-Peristat est coordonné par l’Inserm (équipe Epopé2[2]) et financé dans le cadre du projet européen PHIRI[3].

Dans ce rapport, les données concernent les principaux indicateurs périnataux portant sur la santé des nouveau-nés (mortalité, poids, âge gestationnel), les pratiques médicales et les facteurs de risque (âge, parité, naissances multiples).

Les résultats permettent de situer la France par rapport aux autres pays, notamment en ce qui concerne sa capacité à fournir des indicateurs de santé. En outre, ils offrent une vision plus globale que les résultats annuels nationaux ou internationaux.

« Étant donné que les pays européens partagent des niveaux de vie comparables et des systèmes de soins généralement bien développés, mais qu’ils ont des politiques et des pratiques très diversifiées en matière de santé, le constat de différences dans les indicateurs périnataux peut mettre en lumière les pratiques sur lesquelles cibler les efforts, afin de réduire les risques sanitaires et optimiser la santé des parents et des bébés. Ces indicateurs peuvent également permettre aux pays de comparer leurs performances et d’identifier les domaines dans lesquels des progrès restent à faire », souligne Jennifer Zeitlin, directrice de recherche Inserm et coordinatrice du projet.

Un mot sur les données

Pour ce rapport, les données ont été collectées selon un nouveau protocole qui garantit une harmonisation des définitions entre pays mais qui impose de fournir les données à partir d’une seule source. Les données françaises proviennent des statistiques hospitalières (ou PMSI). Cette source, disponible chaque année, permet d’avoir des indicateurs fondés sur la totalité des naissances annuelles. Cependant, cette source n’inclut pas tous les indicateurs principaux demandés par l’Euro-Peristat, notamment la mortalité néonatale et la mortalité infantile, qui sont recueillies par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Ainsi, la France figure parmi les 8 pays sur 28 qui n’ont pas pu fournir les données sur la mortalité néonatale avec le protocole spécifique utilisé pour produire le rapport.

Tendances concernant le mode d’accouchement

La césarienne est une intervention vitale pour permettre un accouchement sûr, en présence de certaines complications maternelles ou fœtales. Cependant, en l’absence d’indications médicales, le recours à la césarienne peut être préoccupant, notamment en raison de risques à court et à long terme pour la santé de la mère et du nouveau-né.

En France, le taux de césariennes est maîtrisé – avec un taux stable sur la période 2015 à 2019 – soit environ une césarienne pour 5 naissances en 2019 (20,9 %). Le pays arrive 9e sur les 28 fournissant des données pour cet indicateur. Toutefois, on note en parallèle un taux élevé d’accouchements par voie basse instrumentale (forceps, spatules, ventouses).

 

Pourcentages de naissances par césarienne et par voie basse instrumentale en 2019 pour les pays limitrophes de la France et les pays nordiques.

 

Évolution de quelques facteurs de risque

Les facteurs de risque ont évolué au fil du temps : entre 2015 et 2019, une diminution des taux de naissances multiples a été observée dans la plupart des pays, y compris en France, tandis que l’âge maternel à l’accouchement a continué à augmenter.

Un âge maternel élevé (au-delà de 35 ans) ou au contraire peu élevé (moins de 20 ans) est plus fréquemment associé à certaines complications pour la mère et l’enfant à naître, augmentant par exemple le risque de prématurité et/ou de présenter un faible poids de naissance.

Dans le détail, en France, 23,1 % des accouchements en 2019 concernent des mères âgées de 35 ans et plus (4,6 % des mères de plus de 40 ans). En Europe, ces chiffres sont similaires puisque 23,1 % des naissances concernent des mères de 35 ans et plus (4,5 % de 40 ans et plus).

Les grossesses multiples sont aussi un facteur de risque pour la santé des mères, augmentant le risque de pré-éclampsie et de diabète gestationnel. De plus, dans ce contexte, le risque pour les enfants de naître prématurément est de 50 %. En France, les données montrent que 16,1 pour 1000 grossesses sont des grossesses gémellaires (contre 15,8 pour mille naissances en Europe).

Santé des nouveau-nés

Une partie importante du rapport est consacrée à la santé des nouveau-nés, avec notamment la publication d’indicateurs relatifs à la mortinatalité (enfants mort-nés à partir de 24 semaines d’aménorrhée), à la mortalité néonatale (décès de l’enfant dans les 28 jours suivant la naissance) et à la prématurité (naissance avant 37 semaines d’aménorrhée).

Au niveau européen, les taux de mortinatalité et de mortalité néonatale ont continué à diminuer en moyenne, mais ces baisses ont été moins prononcées que les années précédentes et certains pays ont enregistré des taux stables ou en hausse.

En France, des progrès sont nécessaires pour réduire la mortalité autour de la naissance. Par exemple, le pays arrive en 20e position sur 28 en ce qui concerne le taux de mortinatalité avec 3,6 décès pour 1 000 naissances en 2019, après exclusion des interruptions médicales de grossesse

À titre de comparaison, en 2019, le taux médian est de 2,5 mort-nés pour 1 000 naissances en Europe. La situation préoccupante de la France est illustrée ci-dessous par sa position par rapport aux pays nordiques et aux pays limitrophes.

 

Taux de mortinatalité à partir de 24 semaines et de 28 semaines d’aménorrhée en 2019 pour les pays limitrophes de la France et les pays nordiques.

Pour ce rapport, puisque le protocole prévoyait que toutes les données proviennent d’une même source, aucune donnée au niveau français n’a pu être fournie concernant la mortalité néonatale et infantile[4]. Toutefois, la mortalité néonatale atteignait un niveau relativement élevé dans le précédent rapport Euro-Peristat et une étude récente portée par des équipes de l’Inserm a constaté une augmentation de la mortalité infantile à partir de 2012.

Enfin, les données concernant la prématurité indiquent qu’en France, le taux de naissances prématurées parmi toutes les naissances vivantes est de 6,9 %. Au niveau européen, ce taux varie de 5,3 % à 11,3 %, avec une médiane de 6,9 % en 2019.

« Ce rapport permet de consolider et de confirmer les résultats de précédents travaux menés en France qui ont soulevé des craintes quant à la mortalité des nouveau-nés. Il souligne aussi la nécessité d’améliorer notre système d’informations pour obtenir des données solides permettant de soutenir les politiques publiques en faveur de la santé périnatale », conclut Jennifer Zeitlin.

 

[1]Aménorrhée : absence de menstruations, ici en raison de la grossesse

[2] Equipe intégrée sein du Centre de recherche épidémiologie et statistiques (Inserm/INRAE/Université Paris Cité/Université Sorbonne Nord)

[3]Ce rapport a été soutenu par le projet H2020 Population Health Information Research Infrastructure (PHIRI ; phiri.eu). PHIRI vise à favoriser l’échange et l’utilisation de données sur la population en Europe, avec un accent immédiat sur la pandémie de Covid-19. Il comprend quatre axes, dont un sur la santé périnatale qui est coordonné par le réseau Euro-Peristat. Les résultats relatifs à l’année pandémique 2020 sont en cours d’analyse et seront présentés dans des rapports en 2023.

[4]En France, l’information sur la mortalité néonatale et infantile est publiée par l’Insee. En 2019, le taux de mortalité néonatale était de 2,6 pour 1 000 naissances, ce qui nous situe dans le dernier quartile (taux au-dessus de 2,4 pour 1 000 naissances des pays qui ont fourni l’information pour le rapport Euro-Peristat 2015-2019.

 

Pour aller plus loin

  • Enquête nationale périnatale : résultats 2021

https://presse.inserm.fr/enquete-nationale-perinatale-resultats-de-ledition-2021/45860/

  • Sur la mortalité infantile

Trinh NTH, de Visme S, Cohen JF, Bruckner T, Lelong N, Adnot P, Roze JC, Blondel B, Goffinet F, Rey G, Ancel PY, Zeitlin J, Chalumeau M. Recent historic increase of infant mortality in France: A time-series analysis, 2001 to 2019. The Lancet regional health Europe. 2022;16:100339.

  • Sur la nécessité d’avoir des statistiques européennes de qualité

Gissler M, Durox M, Smith L et al. Clarity and consistency in stillbirth reporting in Europe: why is it so hard to get this right ? Eur J Publ Hlth 2022;32:200-6

Une piste thérapeutique pour réduire les effets secondaires d’une chimiothérapie

Effet convergent du cisplatine et du KW6002 sur les cassures double brin de l’ADN dans des cellules tumorales pulmonaires. Le bleu correspond aux noyaux des cellules et le rouge à une protéine qui marque les dommages à l’ADN. © Dewaeles et al.

Le cisplatine est une chimiothérapie indiquée pour lutter contre les tumeurs dans de nombreux cancers. Elle s’accompagne toutefois d’effets secondaires importants, en particulier une toxicité au niveau des reins qui peut entraîner une insuffisance rénale aiguë. Par ailleurs, les patients traités par le cisplatine rapportent aussi souvent souffrir de douleurs neuropathiques importantes. Des scientifiques de l’Inserm, de l’université et du CHU de Lille, du CNRS et de l’Institut Pasteur de Lille, au sein des laboratoires CANTHER[1] et Lille Neuroscience & Cognition, en collaboration avec des chercheurs de l’université d’état du Michigan (États-Unis) ont identifié un médicament qui pourrait changer la donne pour les patients. Déjà autorisée contre la maladie de Parkinson, cette molécule appelée istradefylline pourrait non seulement réduire les effets délétères de la chimiothérapie mais aussi améliorer ses propriétés anti-tumorales. Ces résultats devront maintenant être consolidés dans le cadre d’un essai clinique. L’étude est publiée dans The Journal of Clinical Investigation.

Le cisplatine est une chimiothérapie utilisée dans le traitement de plusieurs cancers, dont le cancer des poumons, des ovaires ou encore des testicules. Si son efficacité anti-tumorale est avérée, cette thérapie s’accompagne également d’effets secondaires, notamment de douleurs intenses (neuropathie périphérique) et de dommages pour les reins, qui peuvent aller jusqu’à une insuffisance rénale aiguë dans un tiers des cas. A l’heure actuelle, il n’existe pas de solution spécifique pour limiter ces problèmes qui touchent de nombreux patients exposés au cisplatine.

Afin d’améliorer leur prise en charge, le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques constitue donc un axe de recherche majeur pour de nombreux scientifiques.

C’est le cas des équipes menées par Christelle Cauffiez, David Blum et Geoffroy Laumet des laboratoires CANTHER (Inserm/ /CNRS/Université de Lille/CHU de Lille), Lille Neuroscience & Cognition (Inserm/Université de Lille/CHU de Lille) et du Département de Physiologie de l’Université d’État du Michigan qui ont identifié une molécule capable de réduire les effets secondaires du cisplatine, tout en préservant, voire en augmentant ses propriétés anti-tumorales.

Un médicament pour la maladie de Parkinson

Les scientifiques se sont intéressés à un médicament appelé « istradefylline » qui a déjà été approuvé aux États-Unis et au Japon pour le traitement de la maladie de Parkinson. Ce médicament fonctionne en bloquant des récepteurs à la surface de nos cellules, les récepteurs de l’adénosine.

L’équipe de David Blum, qui travaille sur les pathologies neurodégénératives s’était déjà aperçue que ces récepteurs sont en quantité augmentée dans le cerveau des patients en contexte pathologique et que ce phénomène est impliqué dans le développement de ces maladies. Or, une augmentation similaire des récepteurs de l’adénosine a également été observée par l’équipe de Christelle Cauffiez au niveau rénal lorsque l’organisme est exposé au cisplatine.

Face à ce constat, les scientifiques ont donc décidé de travailler ensemble pour tester les effets de l’istradefylline afin de déterminer si le fait de bloquer ces récepteurs permet de réduire les effets délétères du cisplatine.

Des résultats à confirmer dans un essai clinique

Leurs expériences, menées à partir de modèles animaux et cellulaires ont effectivement suggéré le rôle bénéfique de l’istradefylline. En effet, chez les souris exposées à cette chimiothérapie, la molécule agit en réduisant non seulement les dommages causés aux cellules rénales mais également la douleur induite par le cisplatine.

En outre, la capacité du cisplatine à réduire la croissance tumorale était augmentée chez les animaux qui recevaient de l’istradefylline, ce qui a ensuite été confirmé dans les modèles cellulaires.

Avant d’envisager la généralisation de cette approche thérapeutique aux patients atteints de cancers, ces résultats devront d’abord être consolidés en organisant un essai clinique rigoureux. Néanmoins, le fait que l’istradefylline soit déjà utilisée chez l’humain pour traiter une autre pathologie constitue d’ores et déjà une perspective intéressante.

 « De fait, nous disposons déjà de nombreuses données issues d’essais cliniques qui montrent que cette molécule est sûre. S’il est nécessaire de mener une étude clinique afin de tester son efficacité pour réduire les effets secondaires de la chimiothérapie, la possibilité d’un repositionnement thérapeutique est une perspective prometteuse pour améliorer la prise en charge des patients à court terme », soulignent les chercheurs.

 

[1] Laboratoire Hétérogénéité, plasticité et résistance aux thérapies des cancers (CANTHER)

Covid long : l’hypothèse d’une réponse immunitaire dérégulée pour expliquer la persistance des symptômes

Covid-19: Observation intracellulaire d’épithélium respiratoire humain reconstitué MucilAir™ infecté par le SARS-CoV-2. © Manuel Rosa-Calatrava, Inserm ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda  UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

Certains patients présentent encore des symptômes persistants plusieurs mois après une infection par le SARS-CoV-2. Ce phénomène, désigné sous le nom d’état « post-Covid » ou plus communément « Covid long » demeure encore assez mal documenté. Afin d’y remédier et d’améliorer la prise en charge des patients, des équipes de recherche tentent de mieux comprendre les mécanismes biologiques et immunologiques sous-jacents. Dans une nouvelle étude, des scientifiques de l’Inserm et de l’Université de Montpellier à l’Institut de Recherche en Cancérologie de Montpellier, en collaboration avec le CHU de Montpellier[1], ont mis en lumière le rôle éventuel de la dérégulation d’une partie de la défense immunitaire innée. Ils suggèrent notamment que la production de « pièges extracellulaires de neutrophiles », un mécanisme de défense de première ligne contre les pathogènes, pourrait avoir un rôle dans la persistance de symptômes à six mois, chez des patients ayant développé une forme sévère de Covid-19. Les résultats sont publiés dans la revue Journal of medical virology.

Les neutrophiles constituent la classe de globules blancs la plus abondante et la première ligne de défense contre les virus et les bactéries. Lorsqu’ils sont activés, ils sont notamment capables de produire un mécanisme de défense particulier appelé « pièges extracellulaires » (ou NETs, pour neutrophil extracellular traps). Composés de fibres d’ADN, d’enzymes bactéricides et de molécules pro-inflammatoires, ces pièges extracellulaires contribuent à la lutte contre les pathogènes, mais ils peuvent aussi dans certains cas déclencher une inflammation excessive, délétère pour l’organisme.

Dans de précédents travaux, l’équipe du chercheur Inserm Alain Thierry à l’Institut de Recherche en Cancérologie de Montpellier avait montré qu’une partie de la réponse immunitaire inné est dérégulée chez les patients atteints de formes graves de Covid-19. Chez ces derniers, la formation de NETs est en effet amplifiée, ce qui se traduit par des lésions multi-organes.

Dans leur nouvelle étude, les scientifiques ont voulu aller plus loin dans l’étude des biomarqueurs caractéristiques de la Covid-19. Ils ont pour cela analysé les échantillons biologiques de plus de 155 patients. Il s’agissait à la fois d’individus atteints de Covid-19 en phase aiguë non-sévère (hospitalisés) et sévère (placés en soins intensifs), et qui ont eu un bilan post-infection aiguë plus de six mois après leur sortie du service de soins critiques. Ces échantillons ont été comparés à ceux de 122 individus sains.

NETS et auto-anticorps persistant dans l’organisme

Les analyses effectuées dans ce travail confirment que, par rapport à des individus sains, la production des NETs est plus élevée chez les patients infectés par le SARS-CoV-2. Par ailleurs, les patients présentent une quantité plus importante d’auto-anticorps dits « auto-anticorps anti-cardiolipine ». Produits par le système immunitaire, ces auto-anticorps sont souvent associés à la formation anormale de caillots dans les veines (phlébites) et dans les artères (thromboses artérielles).

Par ailleurs, les données récoltées par l’équipe de recherche suggèrent aussi que cette réponse immunitaire dérégulée se maintient chez les personnes qui présentent des symptômes de Covid long, six mois après une hospitalisation pour forme grave. La production amplifiée et incontrôlée des NETs six mois après l’infection ainsi que la présence persistante des auto-anticorps pourraient expliquer en partie les symptômes du Covid long, via notamment la formation de micro-thromboses.

« Nos résultats pourraient indiquer la persistance d’un déséquilibre soutenu de la réponse immunitaire innée, et une activité potentielle pro-thrombotique prolongée pouvant expliquer les séquelles de post-infection aiguë ou « Covid long ». Il est nécessaire de poursuivre les recherches afin d’une part de confirme cela et d’autre part de mieux comprendre la nature de ce phénomène pouvant être grave et durable, pour améliorer la prise en charge thérapeutique des patients », conclut Alain Thierry.

Des travaux de recherche sont d’ores et déjà en cours dans certains laboratoires dans le monde, pour consolider ces données et pour explorer d’autres pistes d’intérêt, dans le but de mieux appréhender le phénomène du Covid long dans toute sa complexité. L’équipe d’Alain Thierry a également déposé une demande de brevet internationale en août 2022.

 

[1] Par ailleurs, le SIRIC Montpellier Cancer a financé en partie les travaux de recherche.

Des molécules couramment utilisées pourraient perturber la fonction thyroïdienne de la femme enceinte

Crédits : AdobeStock

Les hormones produites par la glande thyroïde sont impliquées dans le développement du fœtus : un dérèglement de la fonction thyroïdienne chez la femme enceinte est susceptible d’avoir des conséquences importantes sur la santé de l’enfant à naître. Or, l’exposition à certains polluants environnementaux, en particulier les perturbateurs endocriniens, peut justement impacter la fonction thyroïdienne. Pour mieux comprendre cet impact, un consortium international coordonné par des chercheuses et chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Grenoble Alpes a réalisé des dosages dans les échantillons biologiques de plus de 400 femmes enceintes et a constaté une association entre l’exposition à trois polluants couramment utilisés (le propyl-parabène, le bisphénol A et le butyl-benzyl phtalate) et des taux anormaux d’hormones thyroïdiennes. Ces travaux, à paraître dans Environmental Health Perspectives, alertent sur la présence de ces perturbateurs endocriniens chez une majorité des participantes et invitent à approfondir les connaissances sur leurs effets sur la grossesse et la santé de l’enfant à naître.

La thyroïde est une petite glande située à la base du cou, qui produit deux hormones : la triiodothyronine (ou T3) et la thyroxine (ou T4) ; la T3 étant en réalité le produit de la conversion de la T4 en une forme plus active. Leur sécrétion est régie par une autre hormone, la thyréostimuline (ou TSH) produite dans le cerveau par une autre glande, l’hypophyse. Ces hormones sont cruciales pour le développement du fœtus ; un dysfonctionnement thyroïdien chez la femme enceinte est donc susceptible d’impacter la santé de l’enfant à naître. Plusieurs types de facteurs environnementaux sont reconnus comme capables d’affecter la fonction thyroïdienne, en particulier l’exposition à des polluants tels que les perturbateurs endocriniens.

Un consortium de recherche international coordonné par Claire Philippat, chercheuse Inserm au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes), en collaboration avec le CHU Grenoble Alpes, a étudié l’impact de l’exposition à des molécules de la famille des phénols[1], parabènes[2] et phtalates[3], considérées comme des polluants chimiques, sur les concentrations d’hormones thyroïdiennes de la femme enceinte.

Les chercheuses et chercheurs ont d’abord identifié plusieurs polluants chimiques susceptibles d’affecter la fonction thyroïdienne à l’aide d’une base de données recensant des résultats de tests toxicologiques in vitro. L’équipe de recherche a ensuite travaillé à partir des échantillons biologiques de 437 femmes enceintes de la cohorte grenobloise SEPAGES. En comparant la présence des polluants dans les urines et les concentrations en hormones thyroïdiennes dans le sang, les scientifiques ont pu étudier leurs associations potentielles.

Plusieurs polluants chimiques ont été détectés dans la majorité des échantillons d’urine recueillis, ce qui confirme que les participantes y étaient quasiment toutes exposées. Un certain nombre de ces molécules aurait par ailleurs un impact négatif sur la fonction thyroïdienne : l’exposition au propyl-parabène (un composé utilisé comme conservateur dans l’industrie cosmétique, agroalimentaire et pharmaceutique) était associée à une diminution des concentrations de T3 tandis que le butyl-benzyl phtalate (utilisé notamment dans les plastiques de type PVC) était associé à une augmentation des concentrations de T4. Par ailleurs, la conversion de la T4 en T3 semblait elle aussi affectée. Dans les deux cas, ces mécanismes donnaient lieu à des proportions anormales entre les deux hormones.

Un autre composé, le bisphénol A (utilisé, entre autres, dans la fabrication de plastiques), apparaissait, lui, associé à une diminution de la concentration en TSH.

« Les données des tests toxicologiques in vitro suggèrent que ces polluants pourraient agir sur les mécanismes régissant la synthèse et la dégradation des hormones thyroïdiennes, précise Claire Philippat. Le butyl-benzyl phtalate et le bisphénol A pourraient notamment inhiber l’incorporation de l’iode – élément indispensable à la synthèse des hormones thyroïdiennes – dans les cellules de la thyroïde », ajoute-t-elle.

Elle poursuit : « Ces travaux renforcent les connaissances sur les effets délétères de l’exposition à certains polluants chimiques sur la fonction thyroïdienne. Ils alertent notamment sur l’exposition fréquente de la population à ces polluants et invitent à poursuivre les recherches sur les conséquences sur la santé de l’enfant, car des variations, même faibles, des niveaux d’hormones thyroïdiennes de la mère pendant la grossesse peuvent impacter le fœtus et son développement. »

Fortes de ces constatations, la chercheuse et son équipe s’intéressent maintenant aux impacts potentiels de ces altérations de la fonction thyroïdienne sur le neurodéveloppement et la croissance des enfants.

[1]Composés chimiques aromatiques, par exemple le bisphénol A

[2]Conservateurs utilisés dans certains cosmétiques, médicaments et aliments

[3]Groupe de produits chimiques dérivés de l’acide phtalique, plastifiants retrouvés dans de nombreux produits de consommation courante

Fort excès de mortalité pour les populations immigrées pendant la première vague de la pandémie de COVID-19 en France

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault, unité Inserm U1259 MAVIVH & Université de Tours, France

 

Dans une étude réalisée par l’Ined et l’Inserm en partenariat avec Santé publique France et l’Institut Convergences Migrations, des chercheurs[1] ont montré que l’excès de mortalité observé au début de la pandémie de COVID-19, entre le 18 mars et le 19 mai 2020, était bien plus grand pour différentes populations nées à l’étranger que pour la population née en France. Les résultats sont publiés dans la revue Social Science and Medicine.

 

Une mortalité en excès jusqu’à 9 fois plus élevée parmi les immigrés

Avant la pandémie de COVID-19, au cours des années 2016 à 2019, les taux de mortalité des populations immigrées (mis à part celles originaires d’Europe de l’Est) étaient inférieurs à ceux de la population née en France (voir figure 1). Ce phénomène est observé en temps normal dans les grands pays d’immigration à travers le monde[2]. Lors de la première vague épidémique du printemps 2020, la mortalité en excès des populations immigrées a été beaucoup plus importante que celle des personnes nées en France. L’écart est visible à 70 ans et plus, et il est encore plus prononcé entre 40 et 69 ans. À titre d’exemple, au sein de la tranche d’âge 40-69 ans, les taux de mortalité en excès étaient, dans les régions les plus touchées par la pandémie (Grand‑Est et Ile‑de‑France), 8 à 9 fois plus élevés pour les immigrés d’Afrique sub‑Saharienne et 3 à 4 fois pour ceux originaires d’Afrique du nord, d’Amérique et d’Asie ou d’Océanie que pour les populations nées en France. Du fait de cette inégalité dans la hausse des décès en ce début de pandémie, les niveaux de mortalité globale des immigrés nés en dehors d’Europe, habituellement inférieurs à ceux des personnes nées en France, se sont situés bien au-dessus pendant la première vague. L’impact de cette première vague épidémique de COVID-19 a donc entraîné pour ces groupes de populations un bouleversement inédit de leur profil de mortalité habituel.

 

Des facteurs explicatifs multiples

Au cours de la première vague de COVID-19, le confinement strict mis en place par les autorités a permis de contenir l’impact de la pandémie sur le système de soins, en termes d’hospitalisations et de mortalité. Cependant, cette période s’est aussi accompagnée d’écarts importants d’exposition au virus entre populations. Dans ce contexte, les facteurs explicatifs de la vulnérabilité spécifique des populations immigrées, et de l’ampleur des écarts de mortalité en excès avant 70 ans, pourraient être multiples et cumulatifs, renvoyant aux inégalités sociales de santé dues :

(1) à l’environnement et aux conditions de vie (densité des communes de résidence, densité au sein du foyer) et de travail (emplois « essentiels », non-télétravaillables, déplacements en transports collectifs), à l’origine d’un surcroît de risque de contamination, et ;

(2) à des difficultés de recours aux soins et de prise en charge dans un contexte de saturation des hôpitaux.

En cas de nouvelle pandémie, les résultats de cette étude appellent à porter une attention particulière aux conditions de vie des populations, et à la prévention, l’accès au système de soins et la prise en charge des plus vulnérables.

 

Figure 1 – Taux standardisés de mortalité générale à 40 ans et plus. Années 2016-2019 (partie gauche) et semaines 12 à 20 des années 2016-2020 (partie droite), par groupe de pays de naissance. France métropolitaine

Lecture :Pour la France métropolitaine, le taux standardisé de mortalité générale à 40 ans et plus des personnes nées en France était en 2019 de 1 440 décès pour 100 000 et pendant les semaines 12 à 20 de 2020 de 1696 pour 100 000.

Source : article référencé ci-dessous

Données : Décès : données provisoires issues des avis de décès (Bulletin B7 bis) diffusées par l’INSEE

 

[1] Myriam KHLAT (Ined), Walid GHOSN (Inserm), Michel GUILLOT (Ined | University of Pennsylvania), Stéphanie VANDENTORREN (Santé publique France), DcCOVMIG Research Team

[2] La plus faible mortalité de nombreuses populations immigrées est inattendue compte tenu de leur situation économique défavorisée. L’explication majeure avancée dans la littérature scientifique est que les personnes qui migrent sont globalement en meilleure santé que l’ensemble de leur population d’origine, et même souvent en meilleure santé que la population de leur pays d’accueil, du moins au moment de leur arrivée. Ce processus de sélection est dénommé “effet migrant en bonne santé”.

L’anesthésie générale dans l’enfance pourrait-elle avoir des conséquences cérébrales structurelles et comportementales ?

Ces travaux démontrent qu’une anesthésie générale précoce entraine des modifications cérébrales structurelles, fonctionnelles et comportementales à long terme. Crédits : Adobe Stock

Une étude publiée dans la revue internationale Anesthesia and Analgesia (2022) révèle les possibles conséquences cérébrales d’une exposition précoce à l’anesthésie générale en pré-clinique puis chez l’humain. Mené par des scientifiques de l’Inserm et de l’Université de Caen Normandie avec le CHU de Caen Normandie, ce travail met en évidence une possible diminution localisée de volume de la substance grise associée à des modifications émotionnelles liée à une exposition précoce à l’anesthésie générale.

Trois études cliniques récentes, de haut niveau de preuve, ont montré qu’une exposition unique et courte à l’anesthésie générale pour une chirurgie dans la petite enfance ne modifierait pas les mesures de l’intelligence générale (quotient intellectuel). Néanmoins, une limite de ces trois études est de ne pas avoir évalué l’effet de cette exposition sur le cerveau. C’est tout l’enjeu de l’étude préclinique et clinique paru dans la revue Anesthesia and Analgesia, fruit d’une collaboration entre l’unité U1237 Physiopathology and Imaging of Neurological Disorders et le Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Éducation de l’enfant (UMR CNRS 8240), coordonnée par le Dr Jean-Philippe Salaün au Centre Hospitalier Universitaire Caen Normandie.

Les conséquences sur le cerveau d’une exposition précoce 

Chez l’animal, les chercheurs ont mis en évidence des modifications comportementales (régulation de la peur) associées à des modifications structurelles cérébrales en imagerie par résonance magnétique (diminution de 11 % du volume de matière grise périaqueductale) chez des souris exposées plusieurs fois à l’anesthésie générale en période post-natale. Chez l’humain, l’analyse rétrospective d’une cohorte de 102 enfants révèle des modifications au niveau cérébral (diminution de 6 % du volume du gyrus préfrontal droit) et au niveau comportemental (régulation de l’émotion) chez des enfants en bonne santé ayant bénéficié d’une seule anesthésie générale pour une chirurgie mineure dans l’enfance (âge moyen d’exposition : 4 ans). Les modifications cérébrales observées dans cette cohorte d’enfant étaient d’autant plus importantes que l’âge d’exposition à l’anesthésie pour chirurgie était précoce.

Si ces résultats ne permettent pas d’établir un lien de cause à effet entre l’exposition à l’anesthésie générale et les modifications cérébrales et comportementales observées, ils soulignent l’importance de mener rapidement des recherches afin d’évaluer les effets de l’anesthésie générale lors de la petite enfance sur le développement cérébral, cognitif et socio-émotionnel ultérieur de l’enfant et de l’adolescent. Ils invitent également les praticiens à une réflexion sur la période la plus propice pour mener une chirurgie au regard des effets potentiellement délétères de l’anesthésie générale sur le cerveau en développement. Ensuite, dès lors que l’indication opératoire est retenue, il faut déterminer la surveillance la plus adaptée de l’ensemble des paramètres vitaux pour ainsi optimiser la prise en charge per-anesthésique des enfants.

1 enfant sur 7 exposé à l’anesthésie générale avant 3 ans

L’incidence de l’anesthésie générale pour une chirurgie pédiatrique est en constante augmentation. Environ un enfant sur sept sera exposé à l’anesthésie générale avant l’âge de trois ans. Cet âge de trois ans correspond par ailleurs au seuil fixé en 2017 par la Food and Drug Administration (l’autorité américaine de régulation du médicament) en dessous duquel l’anesthésie générale pourrait avoir un impact sur le développement cérébral. Cette alerte faisait écho à plusieurs publications scientifiques de la fin des années 1990.

En effet, l’étude des conséquences de l’anesthésie générale dans l’enfance sur le cerveau a suscité l’intérêt de la communauté scientifique, des familles de patients et du grand public depuis la parution ces dernières années de travaux chez l’animal. Ces études démontrent qu’une anesthésie générale précoce entraine des modifications cérébrales structurelles, fonctionnelles et comportementales à long terme. Les premières études cliniques rétrospectives ne mettent pas systématiquement en évidence un effet délétère sur le développement cérébral de l’anesthésie générale précoce ce qui a contribué à entretenir une controverse sur la pertinence de limiter l’anesthésie générale chez l’enfant.

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