Tous les jours, l’organisme est exposé à différentes sources de polluants (atmosphériques, alimentaires etc.). Mais sommes-nous tous égaux devant notre capacité à capter et stocker ces substances véhiculées par l’environnement? Que deviennent ces polluants stockés et affectent ils notre santé ? Des chercheurs appartenant à trois équipes(1), ont mesuré le taux de certains polluants contenus dans l’organisme de 70 personnes obèses suivies à l’hôpital dans le cadre d’une chirurgie de l’obésité. Leurs travaux montrent qu’un amaigrissement drastique modifie la répartition des polluants dans l’organisme puis, au bout de plusieurs mois, conduit à une diminution de la quantité totale de certains polluants. L’étude révèle aussi que les polluants tendent à retarder l’amélioration des fonctions hépatiques et cardiovasculaires habituellement entraînée par l’amaigrissement. Ces travaux sont publiés le 15 décembre dans la revue Environmental Health Perspectives.
Il n’est pas rare au cours d’une journée classique que nous soyons exposés à différents types de polluants. Alors que l’organisme élimine rapidement la plupart d’entre eux, certains résistent aux processus naturels de détoxication. Ces molécules persistent dans l’environnement et s’accumulent dans les tissus vivants (cf. encadré). Lorsqu’ils sont de nature organique, ces polluants sont appelés Polluants Organiques Persistants (POPs).
Chez l’homme, de nombreuses études montrent que cette persistance dans les tissus est due à une affinité particulière des cellules graisseuses pour ces polluants. Elles servent à la fois de capteur et de lieu de stockage. Les chercheurs se sont donc légitimement posé la question de l’effet d’un amaigrissement drastique sur la teneur globale de ces polluants dans notre organisme. Peu de données existent dans la littérature scientifique sur leur responsabilité dans les maladies associées à l’obésité malgré un intérêt grandissant pour cette thématique lié à l’épidémie d’obésité que nous connaissons depuis quelques décennies.
Les trois équipes de scientifiques aux compétences complémentaires ont étudié les profils de près de 70 patients obèses suivis à l’hôpital pour une chirurgie de l’obésité associée à un régime. Ils ont pu disposer d’échantillons sanguins et de tissus adipeux et estimer leur teneur en polluants persistants. Les mêmes mesures ont été effectuées chez des personnes minces.
Les résultats de ces travaux montrent que les personnes obèses ont une quantité totale de polluants 2 à 3 fois plus élevée que les personnes minces en raison d’une masse grasse plus grande.
Au cours d’un amaigrissement drastique induit par la chirurgie de l’obésité, l’analyse des chercheurs montre une augmentation de ces polluants dans le sang. « Cette observation peut s’expliquer par une libération progressive des polluants dans la circulation sanguine du fait de la réduction de taille des cellules graisseuses » précise Robert Barouki. Au bout de 6 mois à 1 an, on constate une diminution d’environ 15% de la quantité totale des polluants les plus abondants tels que les PCB mais pas des polluants les moins représentés tels que les dioxines.
© Inserm, R. Barouki
En parallèle, les personnes opérées ont été examinées sur le plan biologique et clinique. Conformément à ce qui est attendu, toutes les personnes obèses améliorent leurs fonctions hépatiques, cardiovasculaires et pancréatiques. Les chercheurs ont pu examiner les relations entre l’amélioration de ces différentes fonctions et les taux sanguins de polluants. Ils ont ainsi constaté que l’amélioration de ces fonctions n’était pas identique pour tous les individus. Plus précisément, ils ont montré que les personnes ayant les taux de polluants sanguins les plus élevés étaient ceux chez qui l’amélioration des fonctions hépatiques et cardiovasculaires était la plus lente.
Cette dernière observation a été faite chez des personnes n’ayant pas une exposition particulièrement élevée aux polluants. Ainsi, des quantités de polluants relativement communes semblent capables d’affecter des paramètres cliniques et biologiques chez l’homme. Ce constat devra être complété par d’autres travaux, notamment des travaux expérimentaux nécessaires pour établir un lien de causalité. Dans tous les cas de figure, cette étude réalisée chez des personnes obèses constitue un argument supplémentaire en faveur des efforts de prévention contre la contamination par les polluants persistants.
Note :
(1) Unité mixte de recherche 747 Inserm-Université Paris Descartes, Unité mixte de recherche 872 Nutriomique Inserm-Université Pierre et Marie Curie et LABERCA, USC 2013 INRA, ONIRIS, Nantes