La première division embryonnaire, qui suit la fusion des gamètes (ovule et spermatozoïde), lance le développement d’un nouvel individu, la genèse d’un organisme adulte fonctionnel. Cette division est symétrique chez l’embryon au stade 1-cellule (aussi appelé zygote) ; elle donne lieu à la formation de deux cellules filles de taille identique. A l’inverse, elle est asymétrique chez l’ovule, qui a pourtant la même taille, et la même forme que l’œuf. Pourquoi ? Qu’est-ce qui oriente le zygote vers une division symétrique alors que l’ovule se divise au cours de la méiose de manière asymétrique ? Telles sont les questions que se sont posées Marie-Emilie Terret, chercheuse à l’Inserm, et Marie-Hélène Verlhac, chercheuse au CNRS et directrice de l’équipe Divisions asymétriques ovocytaires au Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (Inserm/CNRS/Collège de France)[1]. En combinant biologie, physique et mathématiques, les chercheuses ont réussi à montrer, chez la souris, la mécanique de régulation qui détermine en un temps très court la géométrie et donc la destinée (division symétrique ou asymétrique) de la cellule. Les éléments issus de ces travaux pourraient dans le futur contribuer à améliorer l’efficacité de la fécondation in vitro.
Le détail de ces résultats est publié aujourd’hui dans la revue Nature communications.
L’embryon au stade 1-cellule ressemble énormément à un ovule : c’est une cellule ronde, isolée, d’une taille proche de celle de l’ovule. La géométrie de division d’une cellule est déterminée par la position du fuseau de microtubules, machinerie qui transporte et sépare les chromosomes. Dans la plupart des cellules animales, les centrosomes organisent le réseau de microtubules, essentiel à la formation et au positionnement du fuseau de division. Or, les ovules et zygotes sont dépourvus de centrosomes. Une différence majeure entre ces deux types de cellules réside cependant dans la géométrie de leurs divisions. En effet, les ovules se divisent de manière extrêmement asymétrique en taille au cours de la méiose, permettant la formation principale d’un énorme ovule unique et l’expulsion de « globules polaires » contenant le matériel génétique excédentaire. Le zygote au contraire se divise de manière parfaitement symétrique, conduisant à la formation de deux cellules filles de tailles identiques.
Ovule et embryon de souris au stade 1-cellule. Les images du haut montrent les réseaux d’actine, celles du bas les fuseaux de microtubules avec les chromosomes alignés.
(c) Marie-Emilie Terret
La géométrie de la division est déterminée par la position du fuseau de microtubules : excentrée dans les ovules, centrée chez les zygotes. L’équipe Divisions asymétriques ovocytaires a montré précédemment que le positionnement excentré du fuseau de division dans l’ovule dépend de la mécanique de réseaux d’actine. Dans le travail publié ce jour, l’équipe de chercheurs montre que la localisation centrée du fuseau de division chez le zygote est due également à la mécanique de réseaux d’actine, mais régulée différemment.
Trois étapes sont nécessaires à cette division symétrique :
1.Le centrage grossier des pronoyaux mâles et femelles, nécessitant un réseau d’actine et la myosine-Vb.
2.Le centrage fin du fuseau de division requérant une forte rigidité de l’ovocyte.
3. Le maintien passif du fuseau au centre de la cellule.
La mécanique de réseaux d’actine/myosine permet donc de passer d’une division asymétrique à une division symétrique, changement de géométrie requis pour la transition ovule-embryon.
L’équipe de recherche formule déjà des hypothèses quant au mode d’action de l’actine, qui intervient dans les caractéristiques physiques de la membrane paroi de la cellule (rigide ou molle), celles-ci influant sur la géométrie de la division.« Nos prochains travaux porteront sur l’étude plus fine des interactions entre actine et microtubules pour tenter de comprendre leurs rôles respectifs sur l’architecture de la cellule au moment de sa division, et les potentielles interventions d’autres protéines intermédiaires », explique Marie-Emilie Terret.
Mieux comprendre les caractéristiques physiques et le comportement de l’ovule, fécondé ou non, pendant sa division apportera potentiellement de nouveaux éléments utiles pour la procréation médicalement assistée. Lors de la fécondation in vitro (FIV) par exemple, la température de conservation des ovocytes pourrait avoir un impact sur la qualité des réseaux d’actine, et par conséquent affecter la division, et donc la formation d’un zygote.
Accroître l’efficacité de la FIV pourrait donc représenter un objectif à long terme pour cette équipe de recherche, une des seules en France à travailler sur cette thématique.
[1] En collaboration avec des chercheurs du Laboratoire analyse et modélisation pour la biologie et l’environnement (CNRS/CEA/Université d’Evry Val d’Essonne/Université de Cergy Pontoise), du Laboratoire de physique théorique de la matière condensée (CNRS/UPMC), du Laboratoire Physico-chimie Curie (CNRS/Institut Curie/UPMC).
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