L’équipe de Nicolas Lévy de l’Université de la Méditerranée (Inserm UMR_S 910 “Génétique Médicale et Génomique Fonctionnelle”, Faculté de Médecine de Marseille Timone et AP-HM) a identifié un “mini-gène” dysferline naturellement fonctionnel et démontré son efficacité fonctionnelle in vitro et in vivo. Ce travail mené en collaboration avec l’équipe d’Isabelle Richard (CNRS UMR8587 LAMBE) du laboratoire Généthon ouvre la voie d’une thérapie génique par transfert d’un “minigène” dans les dysferlinopathies, un groupe de dystrophies musculaires. Des travaux publiés le 22 septembre 2010 dans Science Translational Medicine et soutenus par l’AFM grâce aux dons du Téléthon.
Les dysferlinopathies représentent un groupe hétérogène de dystrophies musculaires récessives ayant en commun des anomalies dans le gène de la dysferline, une protéine normalement localisée à la membrane des cellules musculaires où elle joue un rôle essentiel dans les phénomènes de réparation membranaire. Les plus fréquentes de ces maladies sont la dystrophie musculaire des ceintures 2B (LGMD2B) et la myopathie distale de Miyoshi. La première se traduit par une atteinte des muscles des épaules (ceinture scapulaire) et du bassin (ceinture pelvienne) tandis que la seconde touche principalement les extrémités des membres (jambes, pieds, avant-bras, mains). Il n’existe à ce jour aucun traitement curatif pour ces maladies.
C’est en étudiant la physiopathologie des dysferlinopathies à travers la plus grande cohorte mondiale de malades que les chercheurs marseillais ont découvert une patiente présentant une forme tardive et modérée de la maladie malgré une importante délétion du gène. Les chercheurs ont pu démontrer que le “mini-gène” ainsi créé conduisait à la production d’une “mini-dysferline” naturelle, tronquée mais au moins partiellement efficace. La taille du gène normal de la dysferline ne permettant pas de l’inclure dans un vecteur de thérapie génique, les chercheurs ont imaginé exploiter ce phénomène en fabriquant une version raccourcie du gène de la dysferline ne comportant que les séquences codantes observées chez la patiente. Ils ont ensuite transféré ce gène, au moyen d’un vecteur AAV, dans les muscles d’un modèle murin de la maladie. Ils ont alors pu constater la production d’une mini-dysferline dans la membrane des cellules musculaires ainsi que sa capacité à réparer, en partie mais de manière efficace, cette membrane musculaire in vivo.
Pour Nicolas Lévy : “Notre principe est toujours de partir du malade pour revenir au malade. En pratique, c’est l’étude de la maladie et de sa physiopathologie chez nos patients qui nous permet de définir des stratégies thérapeutiques. Ainsi, c’est grâce à l’étude de notre cohorte de patients et à la collaboration active de cliniciens dans le cadre d’un réseau national, que nous avons pu identifier une forme atypique et modérée de dysferlinopathie qui nous a conduits à imaginer cette nouvelle stratégie thérapeutique utilisant un mini-gène. Nous avons démontré son efficacité in vitro et in vivo et il nous faut maintenant poursuivre nos travaux pour pouvoir, à terme, la proposer aux patients.”
En effet, en montrant que la dysferline ne nécessite pas d’être complète pour remplir son rôle principal, l’équipe marseillaise ouvre la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques par transfert de gène ou par saut d’exon pour ce groupe de dystrophies musculaires.