Les ILC3 (vert) dans l’intestin (noyau en bleu et actine en rouge) en microscopie à fluorescence. © Nicolas Serafini – Institut Pasteur / Inserm
Le système immunitaire des muqueuses intestinales, et particulièrement l’immunité innée, joue un rôle essentiel dans la régulation des interactions hôte-microbe et notamment dans la protection contre les pathogènes. Des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm ont montré, grâce à un modèle animal d’infection intestinale, que certaines cellules de l’immunité innée, les cellules lymphoïdes innées de type 3, n’agissaient pas uniquement en phase précoce de l’infection, mais qu’elles pouvaient être entraînées et pourvues d’une forme de mémoire lors d’une réinfection. Cette caractéristique était jusqu’à présent connue pour appartenir principalement aux cellules B et T de l’immunité adaptative. Cette étude est publiée dans Science, le 25 février 2022.
La lutte contre les infections à Escherichia coli responsables de pathologies ou d’hémorragies intestinales représente un enjeu mondial de santé publique. Présentes dans l’eau de boisson ou l’alimentation, ces bactéries peuvent entrainer des diarrhées persistantes, associées à une inflammation intestinale aiguë. On estime qu’elles représentent près de 9% des causes mondiales de décès chez l’enfant.
C’est en 2008[1] que l’équipe du chercheur Inserm James Di Santo (unité d’Immunité innée, Institut Pasteur / Inserm) décrit les cellules lymphoïdes innées de type 3 (« group 3 innate lymphoid cells », ILC3) comme une nouvelle famille de lymphocytes, distincte des lymphocytes T et B. Elles jouent un rôle essentiel dans la mise en place de la réponse immunitaire rapide, notamment dans les muqueuses intestinales, grâce à leur production de cytokines pro-inflammatoires, telles que l’interleukine (IL)-22.
Dans cette étude, les chercheurs de l’unité d’Immunité innée (Institut Pasteur / Inserm) ont montré qu’en utilisant la bactérie intestinale murine, Citrobacter rodentium (un modèle d’infection à E. coli chez l’homme), les ILC3 persistent plusieurs mois après leur activation lors d’une infection. Ils ont appliqué un protocole innovant permettant d’exposer le système immunitaire à des quantités réduites de bactérie C. rodentium. Les scientifiques ont constaté que cette exposition limitée induit des modifications durables de la fonction des ILC3.
« La capacité à « entraîner » le système immunitaire inné au niveau des muqueuses ouvre la voie à l’amélioration de la défense de l’organisme contre une variété d’agents pathogènes qui causent des maladies humaines, » commente James Di Santo, auteur principal de l’étude et responsable de l’unité d’Immunité innée (Institut Pasteur / Inserm).
Cette découverte met en évidence un nouveau mécanisme de défense immunitaire antibactérienne et elle pourrait, à terme, ouvrir de nouvelles approches thérapeutiques contre les pathologies intestinales (MICI ou cancer).
[1] Satoh-Takayama N. et al. Immunity 2008
Trained ILC3 Responses Promote Intestinal Defense
Science, 25 février 2022
DOI : 10.1126/science.aaz8777
Nicolas Serafini1, Angélique Jarade1, Laura Surace1, Pedro Goncalves1, Odile Sismeiro2, Hugo Varet2,3, Rachel Legendre2,3, Jean-Yves Coppee2, Olivier Disson4, Scott K. Durum5, Gad Frankel6 and James P. Di Santo1
1 Institut Pasteur, Université de Paris, Inserm U1223, Innate Immunity Unit, Paris, France
2 Institut Pasteur, Université de Paris, Transcriptome and Epigenome Platform – Biomics Pole, Paris, France
3 Institut Pasteur, Université de Paris, Bioinformatics and Biostatistics Hub, Paris, France
4 Institut Pasteur, Université de Paris, Inserm U1117, Biology of Infection Unit, Paris, 14 France
5 Laboratory of Cancer and Immunometabolism, Center for Cancer Research, National Cancer Institute, National Institutes of Health, Frederick, MD, United States
6 MRC Centre for Molecular Bacteriology and Infection, Department of Life Sciences, Imperial College London, London, UK