Contact Chercheur
Pier Vincenzo PiazzaDirecteur de recherche Inserm Directeur du neurocentre Magendie (Unité Inserm 862)
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Deux équipes de chercheurs de l’Inserm dirigées par Pier Vincenzo Piazza et Giovanni Marsicano (Unité Inserm 862 “Neurocentre Magendie” à Bordeaux) viennent de découvrir qu’une molécule produite par le cerveau, la prégnénolone, constitue un mécanisme naturel de défense contre les effets néfastes du cannabis chez l’animal. Comment ? En empêchant le THC, le principe actif du cannabis, d’activer pleinement ses récepteurs cérébraux, notamment le récepteur CB1 dont la sur-activation par le THC est responsable des effets intoxicants du cannabis. Grâce à l’identification de ce mécanisme, les chercheurs développent déjà des approches pour le traitement de l’addiction au cannabis.
Ces résultats sont publiés dans la revue Science datée du 3 janvier.
L’addiction au cannabis concerne plus de 20 millions de personnes dans le monde et un peu plus d’un demi-million de personnes en France. Elle est devenue ces dernières années l’un des premiers motifs de consultation dans les centres spécialisés dans le soin des addictions. De plus la consommation de cannabis concerne principalement une population particulièrement fragile aux effets néfaste de cette drogue : les 16-24 ans, dont 30% en consomme.
Alors que les consommateurs de cannabis recherchent un état de détente, de bien-être et une modification des perceptions, les dangers d’une consommation régulière de cannabis sont nombreux. Deux troubles majeurs du comportement sont associés à la prise de cannabis chez l’homme : des déficits cognitifs et une perte généralisée de la motivation. Les utilisateurs réguliers de cannabis, en plus d’une forte dépendance au produit, présentent donc des troubles de la mémoire et un manque de motivation qui rendent leur intégration sociale particulièrement compliquée.
Le principe actif du cannabis, le THC, agit sur le cerveau par l’intermédiaire des récepteurs cannabinoïdes CB1 situés sur les neurones. En se fixant sur ces récepteurs, le THC les détourne de leur rôle physiologique qui consiste à réguler la prise alimentaire, le métabolisme, les processus cognitifs et le plaisir. La sur-stimulation des récepteurs CB1 par le THC va en revanche provoquer une diminution des capacités de mémorisation, une démotivation et progressivement une forte dépendance.
De nombreux scientifiques cherchent à identifier des molécules qui pourraient contrer les effets du cannabis et la dépendance qu’il engendre.
En effet, la sur-activation des récepteurs cannabinoides CB1 par des fortes doses de THC – bien supérieures à celles auxquelles est exposé le consommateur régulier – déclenche la synthèse de prégnénolone. Elle se fixe alors sur un site qui lui est spécifique sur les mêmes récepteurs CB1 (voir figure ci-contre) et diminue certains des effets du THC.
Pour aller plus loin, les chercheurs ont administré de la prégnénolone à des souris. Cette administration externe de prégnénolone augmente encore plus le niveau cérébral de cette hormone, et permet ainsi de bloquer les effets néfastes du cannabis.
© Derek Shore, Pier Vincenzo Piazza and Patricia Reggio
Au niveau neurobiologique, la prégnénolone diminue fortement la libération de dopamine déclenchée par le THC. Une libération excessive de dopamine par les drogues est considérée à la base de leurs effets addictifs.
Ce rétrocontrôle négatif (c’est le THC lui-même qui déclenche la production de pregnenolone que à son tour inhibe les effets du THC) assuré par la prégnénolone révèle un processus naturel, jusqu’alors inconnu, qui protège le cerveau d’une sur-activation des récepteurs CB1.
Un mécanisme de protection qui ouvre de nouvelles approches thérapeutiques.
En détails, des rats ont été soumis à de doses équivalentes de cocaïne, de morphine, de nicotine, d’alcool et de cannabis. Le dosage de plusieurs hormones stéroïdes produites par le cerveau (prégnénolone, testostérone, allopregnénolone, DHEA) a alors été effectué. Une seule substance, le THC, augmente les stéroïdes cérébraux. Parmi ces stéroïdes, seule la prégnénolone augmente de façon considérable (entre +1500 et 3000 % pendant 2 heures).
Cette augmentation est un mécanisme endogène qui modère les effets du THC. En effet, si on bloque la synthèse de prégnénolone, les effets du THC augmentent. A l’inverse, l’administration de prégnénolone à des rats ou des souris, à des doses (entre 2 et 6 mg/kg) qui augmentent encore plus les concentrations cérébrales de cette hormone, permet de bloquer les effets comportementaux négatifs du THC. Par exemple, les animaux ainsi traités récupèrent des capacités mnésiques normales, présentent une sédation plus faible et sont moins motivés pour s’administrer des cannabinoïdes.