Alors que les maladies cardiovasculaires représentent la première cause de décès, la dépression est en passe de devenir, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la deuxième affection au monde. Quid de l’interaction entre ces deux pathologies ? Une équipe internationale de chercheurs dont Hermann Nabi et Archana Singh-Manoux du Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations de l’Inserm, vient de mener une étude de cohorte montrant pour la première fois que les personnes associant des symptômes dépressifs et une pathologie cardiaque ont un risque de décès par maladie cardiovasculaire presque quatre fois supérieur aux patients ne présentant aucune de ces pathologies.. Ils recommandent alors de mieux repérer les symptômes dépressifs chez ces patients. Ces travaux sont publiés dans la dernière édition de Heart.
D’après une enquête menée en 2005 par l’Institut National de Prévention et d’Education à la Santé (INPES), 19 % des Français de 15 à 75 ans ont vécu ou vivront une dépression au cours de leur vie. L’impact de la dépression sur le développement et le pronostic des maladies chroniques et notamment des maladies cardio-vasculaires fait l’objet d’un regain d’intérêt de la part de la communauté scientifique depuis quelques années. Chez les populations en bonne santé, des études prospectives menées sur le long terme ont montré que la dépression était associée au développement des maladies cardio-vasculaires, indépendamment des facteurs de risque spécifiques de ces pathologies (déséquilibre alimentaire, tabagisme, sédentarité, obésité, hypertension…).
Ces études n’ont toutefois pas permis d’établir l’effet combiné de la dépression et des maladies cardiovasculaires sur le risque de décès.
Grâce à la cohorte Whitehall II, les chercheurs de l’Inserm et leurs collègues ont pu comparer chez 5936 fonctionnaires britanniques suivis sur cinq ans le risque de décès des sujets associant symptômes dépressifs et pathologie cardiaque à celui des sujets en bonne santé ou présentant une seule de ces pathologies. L’âge moyen des participants au début de l’étude était de 61 ans.
Les résultats montrent, après ajustement avec les facteurs de confusion potentiels, que le risque de décès toutes causes confondues chez les personnes associant dépression et maladie cardiaque est 2,9 fois supérieur à celui des sujets ne présentant aucune de ces deux pathologies. Ce risque est 1,1 fois supérieur chez les sujets présentant seulement une pathologie cardiaque et de 1,8 fois supérieur chez ceux présentant des symptômes dépressifs uniquement.
Quant au risque de décéder des suites d’une maladie cardiovasculaire, il est 1,3 fois supérieur chez les personnes présentant uniquement une pathologie cardiaque, 2,4 fois supérieur chez les personnes avec des symptômes dépressifs uniquement et jusqu’à 3,9 fois supérieur chez ceux associant symptômes dépressifs et pathologie cardiaque par rapport au groupe ne présentant aucune de ces pathologies.
Bien que les participants de la cohorte Whitehall ne soient pas exactement représentatifs de la population générale car bénéficiant tous d’un emploi, les chercheurs concluent que ces résultats fournissent des éléments significatifs en faveur d’une interaction importante des symptômes dépressifs avec les pathologies cardio-vasculaires. “Cela démontre l’importance pour les professionnels de santé de mieux repérer les troubles dépressifs chez leurs patients cardiaques et de développer des actions visant à réduire la mortalité liée à la dépression, même si les mécanismes en jeu doivent être mieux compris” conclut Hermann Nabi.