Menu
Communiqués et dossiers de presse

Des blessures cutanées peuvent-elles être indolores?

19 Juin 2014 | Par INSERM (Salle de presse) | Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie

Lorsque l’organisme présente des lésions cutanées, les terminaisons nerveuses envoient un message au cerveau qui génère la sensation de douleur. Les équipes de Priscille Brodin à Lille[1] et Laurent Marsollier à Angers[2], ont étudié les lésions de patients atteints d’ulcère de Buruli, une maladie tropicale. Dans un article publié dans la revue Cell, ils révèlent que, malgré l’étendue et la gravité des blessures, celles-ci sont moins douloureuses que d’autres qui paraissent plus bénignes (ex: égratignures, brûlures légères). Ils ont découvert un mécanisme analgésique qui limite la transmission du message douloureux au cerveau. La connaissance de ce mécanisme pourrait être utile pour le développement de nouvelles molécules antidouleur.

L’ulcère de Buruli ou infection à Mycobacterium ulcerans est la troisième mycobactériose après la tuberculose et la lèpre dans le monde. Cette maladie tropicale, qui touche principalement les enfants provoque des lésions ulcératives cutanées. La destruction du tissu cutané est causée par la mycolactone, une toxine secrétée par le bacille. Malgré leur étendue, les lésions sont peu douloureuses aux premiers stades de la maladie expliquant les consultations tardives des patients. Les chercheurs se sont penchés sur le mécanisme qui rend ces lésions indolores.

schéma ulcère buruli

© Inserm / Conception Clerc-com – Simar Thibault

Jusqu’alors, on pensait que l’absence de douleurs dans les premiers stades de la maladie était liée à la destruction des tissus nerveux. Dans cette étude, les chercheurs montrent chez des souris infectées que cette hypothèse est contradictoire avec la dégénérescence des nerfs qui survient uniquement à des stades avancés de la maladie. Ils ont aussi injecté la toxine aux souris pour observer ses effets sur la sensibilité des animaux. Les chercheurs révèlent que la présence de la toxine suffit à inhiber la douleur sans que les nerfs soient touchés.

« Le bacille, plus précisément sa toxine, la mycolactone, est capable d’interagir avec les neurones et d’empêcher la transmission de l’information nerveuse expliquant le caractère indolore des lésions », explique Laurent Marsollier, chargé de recherche à l’Inserm.

Une technique d’imagerie de pointe a permis d’identifier que la mycolactone interagit avec un récepteur neuronal (le récepteur 2 de l’angiotensine) entrainant une fuite de potassium. La sortie de potassium provoque une hyperpolarisation des neurones limitant la transmission de l’influx nerveux – qui véhicule le message douloureux – au niveau local.

Les chercheurs ont ensuite bloqué l’expression de ce récepteur neuronal chez les souris infectées par le bacille. Le blocage du récepteur empêche son interaction avec la toxine mycolactone ce qui rétablit la sensibilité à la douleur des animaux, confirmant ainsi le mécanisme identifié in vivo.

Le bacille Mycobacterium ulcerans utilise une stratégie d’infection inédite en utilisant la toxine qu’il sécrète pour annuler la douleur associée aux lésions qu’il cause.

« La découverte de ce mécanisme, qui limite la douleur des lésions cutanées aux premiers stades de la maladie, ouvre de nouvelles perspectives pour la recherche de nouvelles molécules antidouleur » souligne Priscille Brodin, directrice de recherche Inserm et co-auteur de ces travaux.

En effet, la molécule capable de bloquer l’action du récepteur n’appartient pas aux classes d’analgésiques utilisées aujourd’hui comme le paracétamol, les opiacés tels que la morphine. De manière générale, dans la lutte contre la douleur, de nouvelles molécules sont attendues par les cliniciens car les molécules existantes ont toutes des limitations plus ou moins importantes dans un contexte de médecine personnalisée.

Enfin, d’après les chercheurs, le récepteur identifié pourrait notamment constituer une cible de choix car une autre étude[3] a montré que son blocage entraînait la diminution des douleurs chez des patients atteints d’herpès.

Environment_Lake_(Large)

© OMS / Dr A. Chauty, AFRF, Benin


[1] Unité mixte de recherche 1019 « Centre d’infection et immunité de Lille » (Inserm – CNRS – Institut Pasteur de Lille – Université Lille Nord de France) et anciennement Equipe Inserm Avenir Institut Pasteur Korea

[2] Unité Inserm 892 – Equipe Inserm Avenir « ATOMycA » (Inserm – CNRS – Université d’Angers)

[3] Rice, A.S., Dworkin, R.H., McCarthy, T.D., Anand, P., Bountra, C., McCloud, P.I., Hill, J., Cutter, G., Kitson, G., Desem, N., et al. (2014). EMA401, an orally administered highly selective angiotensin II type 2 receptor antagonist, as a novel treatment for postherpetic neuralgia: a randomised, double-blind, placebo-controlled phase 2 clinical trial. Lancet.

Contacts
Contact Chercheur
Priscille Brodin, directrice de recherche Inserm
Unité mixte de recherche 1019 Centre d'infection et immunité de Lille (Inserm – CNRS – Institut Pasteur de Lille – Université Lille Nord de France) 
Tel : +33 320 87 11 84
rf.mresni@nidorb.ellicsirp

Laurent Marsollier, chargé de recherche Inserm
Unité mixte de recherche Inserm 892 - Equipe Inserm Avenir "ATOMycA" (Inserm – CNRS – Université et CHU  d'Angers) 
Tel: +33 244 68 83 14 / Tel portable sur demande
rf.mresni@reillosram.tnerual
Contact Presse
Juliette Hardy
01 44 23 60 98
rf.mresni@esserp
Sources
Mycobacterial Toxin Induces Analgesia in Buruli Ulcer by Targeting the Angiotensin Pathways Estelle Marion1,2†, Ok-Ryul Song1,2,3†, Thierry Christophe2†, Jérémie Babonneau2, Denis Fenistein2, Joël Eyer4, Frank Letournel4, Daniel Henrion5, Nicolas Clere6, Vincent Paille5, Nathalie C. Guérineau5, Jean-Paul Saint André7, Philipp Gersbach8, Karl-Heinz Altmann8, Timothy Stinear9, Yannick Comoglio10, Guillaume Sandoz10, Laurence Preisser11, Yves Delneste11, Edouard Yeramian12£, Laurent Marsollier1,2,11£*, Priscille Brodin2,3£* 1Inserm Avenir, Equipe ATOMYcA, Inserm U 892, CNRS U 6299, CHU et Université d’Angers, 4 rue Larrey 49 933 Angers, France.
2Inserm Avenir, Institut Pasteur Korea, Bundang-gu, Seongnam-si, Gyeonggi-do, 463-440 Korea.
3Inserm U1019, CNRS UMR8204, Université de Lille - Nord de France, Institut Pasteur de Lille, Center for Infection and Immunity, 1, rue du Professeur Calmette, 59000 Lille, France.
4UPRES - EA 3143, Laboratoire de Neurobiologie et Transgénèse,
5Inserm 1083, CNRS UMR6214, Laboratoire de Biologie Neurovasculaire et Mitochondriale Intégrée, 6Inserm U1063, Stress Oxydant et Pathologies Métaboliques,
7Laboratoire d’anatomie pathologique,
8ETH Zürich, Department of Chemistry and Applied Biosciences, Institute of Pharmaceutical Sciences, Wolfgang-Pauli-Str. 10, CH-8093 Zürich, Switzerland
9Department of Microbiology and Immunology, University of Melbourne, Parkville 3010, Australia.
10Inserm Avenir, Laboratories of Excellence, Ion Channel Science and Therapeutics Nice, Institut de Biologie Valrose, iBV, Inserm U1091, CNRS UMR7277, Université Nice Sophia Antipolis, Parc Valrose, 06108 Nice, France.
11Equipe 7, Inserm U892, CNRS U6299, Université et CHU, CRCNA, 4 rue Larrey 49 933 Angers, France.
12Unité de Bio-Informatique Structurale, Institut Pasteur, Paris, France. £E.Y., L.M. and P.B. are co-senior authors † Equal contribution Cell, 19 juin 2014 ; http://dx.doi.org/10.1016/j.cell.2014.04.040
fermer