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Communiqués et dossiers de presse

Des cellules cérébrales en forme d’étoile éclairent le lien entre consommation de cannabis et sociabilité

08 Juil 2020 | Par INSERM (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

Dans une culture de neurones cohabitent des cellules nourricières, les astrocytes (cellule étoilée au centre en rouge). Marquage de la tubuline en vert, de l’actine en rouge, des noyaux en bleu. Les chercheurs se sont intéressés à ces cellules pour comprendre l’impact de la consommation de cannabis sur la sociabilité. ©Inserm/Saoudi, Yasmina/Ballet, Sandrine

La consommation de cannabis peut mener à des changements comportementaux et notamment à une réduction des interactions sociales chez certains individus. Pour mieux comprendre le phénomène, le chercheur Inserm Giovanni Marsicano et son équipe du NeuroCentre Magendie (Inserm/Université de Bordeaux), en collaboration avec l’équipe de Juan Bolaños de l’université de Salamanque, ont identifié pour la première fois chez la souris les mécanismes cérébraux qui sous-tendent la relation entre cannabis et diminution de la sociabilité. Leurs résultats sont publiés dans la revue Nature.

Une exposition régulière au cannabis pourrait avoir un impact délétère sur la sociabilité. Chez certains consommateurs, des études montrent qu’elle entraînerait un repli sur soi et une diminution des interactions sociales. Toutefois, le réseau cérébral et les mécanismes impliqués dans cette relation n’étaient pas bien connus jusqu’ici.

Afin d’en apprendre plus sur le sujet, une équipe de recherche menée par le chercheur Inserm Giovanni Marsicano au NeuroCentre Magendie (Inserm/Université de Bordeaux)[1] s’est alliée avec une équipe espagnole de l’université de Salamanque menée par Juan Bolaños[2].

Plus largement, leurs travaux visent à améliorer les connaissances sur le fonctionnement des récepteurs cannabinoïdes (les récepteurs cérébraux qui interagissent avec les composés chimiques du cannabis).

Dans leur étude publiée dans le journal Nature, les chercheurs montrent qu’après une exposition au cannabis, les changements comportementaux liés à la sociabilité interviennent suite à l’activation de récepteurs cannabinoïdes spécifiques, localisés dans des cellules du système nerveux central appelées astrocytes dont la forme rappelle celle d’une étoile.

Récepteurs cannabinoïdes et mitochondries

Ces résultats sont le fruit de travaux remontant à près d’une décennie. En 2012, Giovanni Marsicano et son équipe avaient en effet fait une découverte surprenante : les récepteurs cannabinoïdes ne sont pas seulement présents sur la membrane des cellules, comme on le croyait jusque-là. Certains de ces récepteurs sont également localisés sur la membrane des mitochondries, les organelles intracellulaires dont le rôle est de fournir aux cellules l’énergie dont elles ont besoin.

Cette nouvelle étude intervient après l’identification par l’équipe de récepteurs cannabinoïdes localisés sur la membrane des mitochondries présentes dans les astrocytes. Entre autres fonctions, ces cellules jouent un rôle très important dans le métabolisme énergétique du cerveau. Elles captent en effet le glucose dans le sang et le métabolisent en lactate, qui agit comme une « nourriture » pour les neurones. « Etant donné l’importance des astrocytes et de l’utilisation de l’énergie pour le fonctionnement cérébral, nous avons voulu comprendre le rôle de ces récepteurs cannabinoïdes bien particuliers, et les conséquences sur le cerveau et sur le comportement lorsqu’ils sont exposés au cannabis », explique Giovanni Marsicano.

Les chercheurs ont alors exposé des souris au cannabinoïde THC, le principal composé psychoactif du cannabis. Ils ont observé que l’activation persistante des récepteurs cannabinoïdes mitochondriaux situés dans les astrocytes entraînait une cascade de processus moléculaires menant à un dysfonctionnement du métabolisme du glucose dans les astrocytes.

En conséquence, la capacité des astrocytes à transformer le glucose en « nourriture » pour les neurones était réduite. En l’absence d’apports énergétiques nécessaires, le fonctionnement des neurones était compromis chez les animaux, avec un impact délétère sur le comportement. Les interactions sociales étaient notamment diminuées et ce jusqu’à 24h après l’exposition au THC.

« Notre étude est la première à montrer que la baisse de sociabilité parfois associée à la consommation de cannabis est la conséquence d’une altération du métabolisme du glucose dans le cerveau. Elle ouvre aussi de nouvelles pistes de recherche pour trouver des solutions thérapeutiques afin de pallier certains des problèmes comportementaux résultant d’une exposition au cannabis. En plus, elle révèle l’impact direct du métabolisme énergétique des astrocytes sur le comportement », précise Giovanni Marsicano.

A l’heure où le débat autour du cannabis thérapeutique revient sur le devant de la scène, les chercheurs estiment aussi que ce type de recherche est nécessaire pour mieux comprendre la manière dont les différents récepteurs cannabinoïdes de l’organisme interagissent avec la drogue, et si certains d’entre eux sont particulièrement associés à des effets délétères. De tels travaux permettraient en effet d’assurer une prise en charge optimale pour les patients qui pourraient avoir recours à ce type de thérapie.

 

[1] Avec Arnau Busquets-Garcia (maintenant à Barcelone, Espagne) et Etienne Hebert-Chatelain (maintenant à Moncton, Canada)

[2] Avec Daniel Jimenez-Blasco

Contacts
Contact Chercheur

Giovanni Marsicano

Chercheur Inserm

U 1215 Neurocentre Magendie

(Inserm/université de Bordeaux)

E-mail : moc.liamg@onacisram.innavoig

Téléphone portable sur demande

Contact Presse

rf.mresni@esserp

Sources

Glucose metabolism links astroglial mitochondria to cannabinoid effects

Daniel Jimenez-Blasco1,2,3* , Arnau Busquets-Garcia4,5,6*, Etienne Hebert-Chatelain7*, Roman Serrat4,5, Carlos Vicente-Gutierrez1,2,3, Christina Ioannidou4,5,Paula Gómez Sotres4,5, Irene Lopez-Fabuel1,2,3, Monica Resch1,2,3, Eva Resel8,9,Dorian Arnouil4,5, Dave Saraswat4,5, Marjorie Varilh4,5, Astrid Cannich4,5, Francisca Julio-Kalajzic4,5, Itziar Bonilla-Del Río10,11, Angeles Almeida1,3, Nagore Puente10,11, Svein Achicallende10,11, Maria-Luz Lopez-Rodriguez12, Charlotte Jollé13, Nicole Déglon14, Luc Pellerin13,15, Charlène Josephine16, Gilles Bonvento16, Aude Panatier4,5, Beat Lutz17, Pier-Vincenzo Piazza4,5, Manuel Guzmán8,9 Luigi Bellocchio4,5, Anne-Karine Bouzier-Sore15, Pedro Grandes10,11,18, Juan P.Bolaños1,2,3, and Giovanni Marsicano4,5

Nature, June 2020

https://doi.org/10.1038/s41586-020-2470-y

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