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Communiqués et dossiers de presse

Des objets 3D d’une précision inégalée obtenus à partir d’ADN

06 Déc 2017 | Par INSERM (Salle de presse) | Bases moléculaires et structurales du vivant

C’est une petite révolution dans le domaine des nanotechnologies, un chercheur de l’Inserm[1] avec l’Université d’Harvard a réussi à créer des motifs en 3D d’un niveau de sophistication jamais obtenu et ce, grâce aux quatre bases de l’ADN : A, T, C et G. En pratique, ces chercheurs sont capables de créer des objets nanoscopiques (10-9 m) à partir de 30 000 séquences d’ADN qui vont s’auto assembler et se replier à la manière de briques LEGO®. A la clé, la fabrication de nouveaux outils adaptés à la taille de nos cellules. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature.

Les nanotechnologies représentent un domaine scientifique en pleine expansion notamment quand il s’agit de créer des matériaux avec des propriétés de plus en plus spécifiques. C’est le cas des nanotubes de carbone, par exemple, qui sont très solides tout en étant légers et dont les conductivités thermique et électrique sont très importantes. Mais, il existe un champ de recherche un peu moins connu : celui des nanotechnologies à base d’ADN. Elles ont pour objectif de modeler la matière vivante afin de pouvoir l’utiliser comme outil thérapeutique à une échelle compatible avec celle de la cellule humaine. Toutefois, cette technologie dites des  briques LEGO® à ADN, apparue en 2012 se heurtait encore à un obstacle : programmer suffisamment de séquences d’ADN pour créer des objets de plus en plus complexes.

Dans ce travail publié dans Nature, les chercheurs ont franchi un cap. Leurs objets sont fabriqués suivant la méthode des briques LEGO® à partir d’un million de bases d’ADN, une taille comparable à celle du génome d’une bactérie, alors que jusqu’à présent, les objets créés étaient composés d’un millier de bases seulement.

Alors comment ça marche ?

Cela repose sur l’existence de briques, telles celles des légos®, composées chacune de 52 bases d’ADN. Une des propriétés de l’ADN repose sur le fait que les bases nucléiques d’un brin d’ADN (A, T, C ou G) peuvent interagir avec celles d’un autre brin en s’appariant toujours de la même façon. La base A avec la T et la base C avec la G. Comme les légos®, toutes ces unités ont la même forme générale mais l’ordre des 52 bases à l’intérieur détermine quelles sont les briques qui vont pouvoir s’accoler entre elles et à quel niveau.

Il suffit ensuite de choisir la forme que l’on veut créer en la dessinant ou en la choisissant dans une base de motifs 3D (cube, ours, lapin, Möbius). Puis, chaque « voxel »[2] du dessin est traduit en brique d’ADN via un programme informatique conçu par les chercheurs et baptisé Nanobricks. « Nanobricks « code » l’ADN en indiquant à l’avance l’ordre des 52 bases de chaque brique qui seront utilisées par la suite. Cette étape détermine la manière dont les 30 000 motifs initiaux vont s’emboiter les uns aux autres pour qu’une seule structure 3D finale ne soit possible, » explique Gaétan Bellot, chercheur à l’Inserm et co-auteur de ces travaux.

Une fois ces étapes informatiques passées, les 30 000 séquences sont synthétisées en laboratoire puis mélangées dans un tube. Une première étape de dénaturation est réalisée à une température de 80°C où les 30 000 séquences d’ADN sont complètement déstructurées. Dans une seconde étape, le mélange est refroidit progressivement à 25°C au rythme de 0,5°C/heure, étape à laquelle l’auto assemblage s’effectue. Les molécules se replient spontanément et prennent une forme finale conforme au modèle 3D désiré. Dans cet article, 13 objets différents ont été réalisées par les chercheurs.

Pour réussir à faire des objets à partir de 30 000 séquences, il a fallu augmenter la diversité de séquences des briques d’ADN. En explorant différente taille de briques, les équipes de recherche ont pu définir une taille de brique optimale (52 bases) qui permet à la fois de conserver une géométrie 3D similaire à une brique LEGO et d’augmenter la diversité de brique unique à 67 millions.

Ainsi, avec une plus grande diversité de briques unitaires, le niveau de sophistication des objets est plus important. Les chercheurs ont réussi à créer des objets possédant des cavités. Ce degré de précision est nécessaire pour réussir à concevoir des outils qui s’avèreront utiles et efficaces. « Avec une clé vous allez ouvrir une voiture, avec un outil ADN vous allez, par exemple, pouvoir construire une capsule dans laquelle vous pourrez introduire un médicament. Et si cet objet possède plusieurs cavités, vous allez pouvoir créer une réaction biologique en chaîne en fonction des produits présents dans chaque cavité. En s’inspirant du vivant, cette approche permettra de reproduire à l’échelle du nanomètre des solutions et inventions qui y sont produites après des millions d’années d’évolution”, explique Gaëtan Bellot.

Cette méthode présente deux avantages. Le 1er, c’est que, contrairement aux processus d’assemblages industriels comme une chaîne de montage de voitures, cette technologie compresse toutes les étapes en une seule. C’est comme s’il suffisait de mettre les différents morceaux d’une voiture en présence les uns des autres pour qu’ils s’assemblent seuls. Le second c’est la rapidité, 30 000 pièces s’auto-assemblent en quelques heures en un objet dupliqué à un milliard d’exemplaires dans un même tube.

Contrairement aux nanotubes de carbones, les nanotechnologies à base d’ADN sont biocompatibles et peuvent être rapidement éliminées dans le corps humain ou dans l’environnement. Toutefois, même si les molécules d’ADN utilisées sont synthétiques et de fait non actives biologiquement, on ne peut pas exclure une interaction potentielle avec l’ADN présent dans les organismes vivants.


[1] De l’Institut de génomique fonctionnelle (Inserm/CNRS/Université de Montpellier)

[2] Un voxel : contraction des mots « volume » et « élément  » est un pixel en 3D

Contacts
Contact Chercheur
Gaétan Bellot Chargé de recherche Inserm Institut de génomique fonctionnelle (Inserm/CNRS/Université de Montpellier) Equipe Atip-Avenir: structural studies of g protein-coupled receptors: focus on class c 04 34 35 92 64 rf.srnc.sbc@tolleB.nateaG
Contact Presse
rf.mresni@esserp
Sources
Programmable self-assembly of three-dimensional nanostructures from 104 unique components  Luvena L. Ong†1,2 Nikita Hanikel†1 Omar K. Yaghi1 Casey Grun1 Maximilian T. Strauss3,4 Patrick Bron5 Josephine Lai-Kee-Him5 Florian Schueder1,3,4 Bei Wang1,6 Pengfei Wang7 Jocelyn Y. Kishi1,8 Cameron A. Myhrvold1,8 Allen Zhu1 Ralf Jungmann3,4 Gaetan Bellot*9 Yonggang Ke*7,10 Peng Yin*1,8 1. Wyss Institute for Biologically Inspired Engineering, Harvard University, Boston, MA 02115, USA 2. Harvard-MIT Division of Health Sciences and Technology, Massachusetts Institute of Technology, Cambridge, MA 02139, USA 3. Max Planck Institute of Biochemistry, 82152 Martinsried Munich, Germany 4. Department of Physics and Center for Nanoscience, Ludwig Maximilian University, 80539 Munich, Germany 5. Centre de Biochimie Structurale, CNRS UMR 5048, INSERM U1054, F-34000 Montpellier, France 6. Department of Polymer Science and Engineering, University of Science and Technology of China, Hefei, Anhui 230026, China 7. Department of Biomedical Engineering, Emory University and Georgia Institute of Technology, Atlanta, GA 30322, USA 8. Department of Systems Biology, Harvard Medical School, Boston, MA 02115, USA 9. Institut de Génomique Fonctionnelle, CNRS UMR 5203, INSERM U1191, F-34000 Montpellier, France 10. Department of Chemistry, Emory University, Atlanta, GA 30322, USA These authors contributed equally to the work † Nature
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