Laboratoire de l’équipe « Infections respiratoires bactériennes : coqueluche et tuberculose ». Unité 1019, Centre d’infection et immunité de Lille. Microscope en fluorescence et visualisation à l’écran du vaccin BCG. ©Inserm/Latron, Patrice, 2017
Alors que les Nations Unies ont annoncé un plan pour éradiquer la tuberculose d’ici 2030, une nouvelle étude démontre l’émergence de souches multirésistantes de cette maladie, non détectées par les tests approuvés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ces travaux d’une équipe internationale codirigée par Philip Supply, chercheur CNRS au Centre d’infection et d’immunité de Lille (CNRS/Inserm/Institut Pasteur de Lille/Université de Lille), sont publiés dans The Lancet Infectious Diseases le 13 octobre 2018. Ils font écho à un autre article paru dans The New England Journal of Medicine le 26 septembre, proposant un nouvel algorithme de détection de résistances de souches de tuberculose.
Le 26 septembre dernier, les Nations Unies ont convenu de lever 13 milliards de dollars annuels afin d’éradiquer la tuberculose d’ici 2030. Avec 10 millions de nouveaux cas et 1,6 millions de morts en 2017, elle est la première maladie infectieuse au monde, devant le VIH. Plus de 450000 nouveaux cas de tuberculose multiresistante aux antibiotiques sont apparus, dont seulement 25% ont été détectés.
Une étude d’une équipe de recherche internationale[1] co-dirigée par Philip Supply, chercheur CNRS au Centre d’infection et d’immunité de Lille (CNRS/Inserm/Institut Pasteur de Lille/Université de Lille), souligne la gravité de ce problème de sous-détection, notamment en Afrique du Sud.
Ces travaux publiés dans The Lancet Infectious Diseases montrent que des souches de Mycobacterium tuberculosis (bactérie responsable de la maladie) isolées dans ce pays portent une combinaison particulière de mutations les rendant résistantes notamment aux deux antibiotiques principaux prescrits en première intention, la rifampicine et l’isoniazide.
Cette résistance combinée n’est pas détectée par les tests standards recommandés par l’OMS : la région génétique portant une mutation singulière de résistance à la rifampicine n’est pas couverte par le test ADN, et la résistance au traitement associée à cette mutation n’est pas repérée par le test de culture. Cette non-détection entraîne des traitements de première intention inefficaces chez les patients, une mortalité et une contagion accrues, et l’acquisition de résistances additionnelles à d’autres antibiotiques.
Les chercheurs ont notamment détecté la présence de mutations probables de résistance à la bédaquiline, la molécule la plus récente pour traiter les tuberculoses multirésistantes, apparues juste après le début de son utilisation dans le pays en 2013.
Cette découverte a été réalisée notamment grâce à un nouveau test de dépistage de multirésistance de la bactérie, développé par Genoscreen[2] avec la collaboration de P. Supply. Contrairement au test ADN standard, ce test analyse un large panel de gènes cibles de la bactérie et permet d’identifier des résistances à plus d’une dizaine d’antibiotiques simultanément.
Ces résultats peuvent être obtenus en seulement un à trois jours, au lieu des semaines nécessaires aux tests de culture. Ce test aidera donc à remédier à la sous-détection problématique des tuberculoses multirésistantes. Il bénéficiera d’un nouvel algorithme de détection de mutations de résistance, dont l’efficacité vient d’être démontrée dans une publication dans The New England Journal of Medicine par un autre consortium (CRyPTIC)[3] auquel le Dr Supply et Genoscreen ont participé. Cette étude s’est basée sur l’analyse de 10 000 génomes, ce qui en fait un des plus grands projets de séquençage d’ADN bactérien réalisés à ce jour.
[2]Entreprise spécialisée en génomique, située sur le campus de l’Institut Pasteur de Lille.