Menu
Communiqués et dossiers de presse

Des pertes visuelles chez les consommateurs de poppers

14 Oct 2010 | Par INSERM (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

Considérés pendant des décennies comme des drogues « douces », les poppers seraient à l’origine de pertes visuelles prolongées. L’équipe de Michel Paques du Centre d’Investigation Clinique Inserm de l’hôpital des Quinze-Vingts (Paris) dirigé par José-Alain Sahel et ses collaborateurs de la Fondation Rothschild ont décrit ces symptômes chez 4 patients. Peu de temps après l’inhalation des poppers, ils ont ressenti une baisse de leur vision accompagnée d’éblouissements. En utilisant une technique d’imagerie rétinienne à haute résolution, les médecins ont détecté chez ces patients une dégradation des cellules photoréceptrices de la rétine, au centre de la macula. L’observation en cours de nouveaux cas semble montrer que le phénomène est réversible. Une lettre dans The New England Journal of Medicine daté du 14 octobre détaille ces observations.



Composés de nitrites d’alkyle, les poppers se présentent sous la forme de liquides très volatils contenus dans des fioles de 10 à 15ml. Ces substances produisent des vapeurs d’oxyde nitrique (NO) que les usagers inhalent pour leurs effets euphorisant de courte durée (quelques minutes). L’usage des poppers provoque également la relaxation des fibres musculaires lisses entrainant une dilatation des vaisseaux, une hypotension artérielle et une accélération du rythme cardiaque (1).

Michel Paques et ses collaborateurs rapportent cette semaine 4 cas de pertes visuelles prolongées (plusieurs mois) associées à une consommation ponctuelle de poppers. L’examen de ces patients par imagerie de la rétine à haute résolution (tomographie de cohérence optique, OCT) a révélé une dégradation des segments essentiels des cellules photoréceptrices permettant de capter la lumière. Ces cellules dégradées sont localisées au centre de la macula, une zone de la rétine responsable de la vision la plus fine. En cause : le NO issu d’un composé de la famille des nitrites d’alkyle appelé « nitrite d’isopropyle » détecté par les chercheurs dans les vapeurs.

Les symptômes persistent de plusieurs semaines à plusieurs mois après l’inhalation des poppers. Depuis ces observations initiales, de nombreux autres cas ont été identifiés: « notre expérience cumulée porte maintenant sur 14 patients, dont certains en prennent régulièrement depuis plusieurs années, explique le Pr Michel Paques. Le phénomène serait réversible car même après plusieurs années d’intoxication, des améliorations ont été observées après l’interruption de la prise. Cela peut cependant prendre plusieurs mois. », ajoute-t-il.

Les auteurs concluent : « Nos observations seront utiles pour mieux comprendre le rôle du NO dans le fonctionnement de la rétine, car nous produisons tous naturellement du NO ».

Fond d'oeil rétine normale

© Inserm, C. Delcourt Fond d’oeil montrant une rétine normale. La grille noire a été apposée par nous et définit la zone centrale de la rétine (macula). Le plus petit cercle (au centre) définit la zone essentielle pour la vision des détails (lecture, reconnaissance des visages…) : la fovéa.

Zoom sur la consommation des poppers

Usages

  • 4,1 % des personnes âgées de 18 à 64 ans avaient, en 2005, consommé des poppers au moins une fois au cours de leur vie.
  • 26-44 ans : la tranche d’âge où l’expérimentation est la plus élevée. Davantage de consommations masculines que féminines.
  • Une consommation en hausse chez les jeunes de 17 ans favorisée par un prix modéré, un partage du produit aisé dans le cadre festif et une image de substance peu risquée : de 2,4 % en 2000 à 13,7 % en 2008
  • Des usages plus fréquents concernent la population homosexuelle masculine fréquentant des lieux de rencontres festives ou sexuelles.


Législation française

  • Depuis le décret du 26 mars 1990, les poppers contenant des nitrites de pentyle ou de butyle sont interdits à la vente en France.

quelques poppers, à base de nitrites d’amyle ou de propyle, sont encore autorisés en France du fait d’une apparition plus tardive sur le marché. Ils sont disponibles dans certains établissements (sex-shops, saunas, clubs et bars gays) et par internet.

  • En novembre 2007, un décret avait pour objectif d’élargir le cadre d’interdiction en incluant les nitrites d’amyle ou de propyle et leurs isomères. Ce décret a été annulé en Conseil d’Etat le 15 mai 2009.

Données : Baromètre santé 2005 (INPES –exploitation OFDT) ESCAPAD 2008 (Observatoire français des drogues et toxicomanies) (dispositif TREND (OFDT)

Note
(1) Données sur la consommation : voir encadré page suivante

Contacts
Contact Chercheur
Michel Paques Unité Inserm 968 Institut de la vision Centre d’Investigation Clinique 503 Centre Hospitalier National des Quinze-Vingts, Paris Tél. : 01 40 02 14 15
Contact Presse
Juliette Hardy 01 44 23 60 98 rf.mresni@ydrah.etteiluj
Sources
Poppers-Associated Retinal Toxicity Catherine Vignal-Clermont (1), Isabelle Audo (2), José-Alain Sahel (1,2), Michel Pâques(1,2) (1) Fondation Ophtalmologique Adolphe de Rothschild, Paris, France. (2) Centre d’Investigation Clinique 503, Centre Hospitalier National des Quinze-Vingts, Paris, France. The New England Journal of Medicine, 14 octobre 2010
fermer