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Communiqués et dossiers de presse

Eclairage sur le mode d’action du plus ancien traitement utilisé contre l’hypertension artérielle

13 Avr 2010 | Par INSERM (Salle de presse) | Physiopathologie, métabolisme, nutrition

Massivemement utilisés pour traiter l’hypertension artérielle, les thiazidiques agissent selon un mode d’action simple : ils favorisent l’élimination urinaire d’eau corporelle, ce qui réduit la pression artérielle et, par voie de conséquence, limite l’hypertension artérielle. Jusqu’à maintenant, une unique cible était connue pour cette classe de médicaments. Dans un travail à paraître dans l’édition en ligne du Journal of Clinical Investigation, une équipe de chercheurs dirigée par Dominique Eladari (Unité Inserm 872 « Centre de recherche des Cordeliers » – Inserm, CNRS, UPMC, Université Paris Descartes), en collaboration avec des scientifiques allemands, suisses et américains, a pu caractériser une nouvelle cible des thiazidiques.



L’hypertension artérielle est une maladie fréquente, qui augmente avec l’âge. Ses origines sont multiples mais elle peut, entre autres, être causée par une rétention anormale de sel (ou chlorure de sodium).
Lorsque nous ne présentons pas d’hypertension, la quantité de sel dans notre organisme reste constante grâce à un équilibre entre nos apports alimentaires et notre élimination urinaire. Ce sont les transporteurs de sodium qui se chargent de maintenir cet équilibre, qualifié de balance « sodée ».

Les thiazidiques sont les médicaments les plus largement utilisés contre l’hypertension artérielle. Ils correspondent d’ailleurs au plus ancien traitement employé pour contrer l’hypertension. En inhibant un transporteur de sodium spécifique ils favorisent l’élimination urinaire de cet ion. Cela a pour conséquence de diminuer le volume sanguin et le débit cardiaque et fait chuter la pression artérielle. Tout comme l’ensemble des médicaments qui augmentent l’élimination urinaire d’eau et de sodium, ils sont qualifiés de diurétiques.
Le mode d’action des diurétiques est bien connu, ils bloquent sélectivement les protéines en charge de la réabsorption du sodium qui sont présentes à la surface des cellules de l’épithélium rénal. Cette action a pour conséquence un accroissement de l’excrétion de sodium dans les urines.

La cible des diurétiques thiazidiques est déjà connue, il s’agit d’une protéine spécialisée, le transporteur de sodium NCC. Ce transporteur est retrouvé au niveau des cellules épithéliales rénales dans le tube contourné distal (cf. schéma ci-dessous). Pourtant, bien que la cible des thiazidiques s’exprime exclusivement dans le rein, certains effets engendrés par cette classe de médicament se produisent hors du rein : altération de la tolérance au glucose, augmentation de la masse minérale osseuse, etc. Aucune explication ne permettait jusqu’alors de comprendre ces observations, si ce n’est l’existence d’une éventuelle autre cible pour ces molécules.

Cette hypothèse avait déjà été émise il y a quelques années. Des études montraient alors que les thiazidiques peuvent bloquer la moitié de la réabsorption du sodium dans la partie terminale du néphron(1) où le seul transporteur de sodium identifié – le canal à sodium épithélial ENaC – est insensible au médicament.
L’ensemble de ces constatations a conduit l’équipe de Dominique Eladari à rechercher une nouvelle cible qui soit à la fois sensible aux diurétiques thiazidiques et présente dans la partie terminale du néphron.

Localisation des différents transporteurs d’ions le long du néphron et médicaments qui leur sont associés

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© D. Eladari, Inserm 872 Localisation des différents transporteurs d’ions le long du néphron et médicaments qui leurs sont associés

CC = canal collecteur
TCN = Tube connecteur
TCD = Tube contourné distal
TCP = Tube contourné proximal
BLAH = Branche large ascendante de l’Anse de Henlé

Le transporteur de sodium NCC figurant ci-contre est la cible spécifique connue jusqu’alors des thiazidiques.
Chacun des autres traitements mentionnés cible au moins un autre transporteur d’ions.

Les chercheurs ont d’abord totalement inactivé le canal à sodium épithélial ENaC. De façon étonnante cette inactivation n’a pas bloqué le transport de sodium. Cette première observation laisse supposer l’existence d’un second transporteur de sodium présent dans la partie terminale du néphron qui serait sensible aux thiazidiques.

Les chercheurs se sont ensuite de nouveau intéressés au transporteur de sodium NCC, qui est la cible classique des thiazidiques. Ils ont vérifié leur activité chez des souris pour lesquelles le transporteur de sodium NCC était inactif. Le traitement thiazidique restait tout de même efficace sur ces souris, puisqu’elles voyaient leur sécrétion urinaire de sodium augmenter. Cette seconde observation vient confirmer l’hypothèse selon laquelle les thiazidiques ont une autre cible moléculaire.

Par des études physiologiques sur des tubules rénaux microdisséqués et perfusés in vitro, les chercheurs ont déterminé que le nouveau système cible repose sur le fonctionnement en parallèle de deux protéines différentes de NCC. Le rôle de ces deux protéines dans la réabsorption de sodium était insoupçonné jusqu’alors. Elles ne sont par ailleurs pas exclusivement présentes dans le rein mais sont largement disséminées dans l’organisme.

Ce travail a permis d’identifier une nouvelle cible des thiazidiques qui pourrait avoir des effets non rénaux. Cela laisse suggérer qu’un certain nombre d’effets indésirables observés avec les thiazidiques ne sont pas dus à leur effet diurétique mais résultent d’un effet extra-rénal. Selon Dominique Eladari, maître de conférences à l’Université Paris Descartes : « il devient plus facile d’expliquer l’efficacité thérapeutique des thiazidiques si ces molécules ont une action plus étendue que celle initialement identifiée. »

(1) Le néphron est l’unité structurale et fonctionnelle du rein, responsable de la purification et de la filtration du sang

Contacts
Contact Chercheur

Dominique Eladari
UMRS 872 "Centre de recherche des Cordeliers"
Tél. : 01.44.41.37.10/18

Sources

"Identification of a novel electroneutral Na+ reabsorption process in the distal nephron mediated by the Na+-dependent chloride-bicarbonate exchanger SLC4A8"

Françoise Leviel 1,2,3*, Christian A. Hübner 4,5,*, Pascal Houillier 1,2,3, Luciana Morla 1, Soumaya El Moghrabi 1, Gaëlle Brideau 1, Hassan Hatim 6,£, Mark D. Parker7, Ingo Kurth 5, Alexandra Kougioumtzes 5, Anne Sinning 4, Vladimir Pech 8 , Kent A. Riemondy 9, R. Lance Miller 9, Edith Hummler 10, Gary E. Shull 11, Peter S. Aronson 6, Alain Doucet 1, Susan M. Wall 8, Régine Chambrey 1, & Dominique Eladari 1,2,3 #

(1) Centre de recherche des Cordeliers; ERL CNRS 7226; INSERM UMRS 872 (equipe 3), F-75006 Paris, France
(2) Département de Physiologie, HEGP-Necker-Enfants Malades, AP-HP, F-75015 Paris, France
(3) Faculté de Médecine Paris Descartes, Université Paris Descartes, F-75006 Paris, France
(4) Institute for Clinical Chemistry, Friedrich Schiller Universität , Erlanger Allee 101, D-07747 Jena, Germany
(5) Department of Human Genetics, Universitätsklinikum Hamburg-Eppendorf, MartiniStr. 52, D-20246 Hamburg, Germany
(6) Yale University School of Medicine, Department of Internal Medicine, Section of Nephrology, New Haven, CT 06520-8029, USA
(7) Case Western Reserve University School of Medicine, Cleveland, OH, USA
(8) Emory University School of Medicine, Department of Medicine, Renal Division, Atlanta, GA, USA
(9) Department of Pediatrics, Division of Nephrology; University of Utah; Salt Lake City, Utah, USA
(10) Université de Lausanne, Département de Pharmacologie et de Toxicologie, CH-1005, Lausanne, Switzerland
(11) University of Cincinnati, Department of Molecular Genetics, Cincinnati, OH, USA
(*) These authors contributed equally to this work

Advance Online Publication on Journal of Clinical Investigation on 12 April 2010

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