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Communiqués et dossiers de presse

Réduction des risques chez les usagers de drogues – Une Expertise collective de l’Inserm

05 Juil 2010 | Par INSERM (Salle de presse) | Santé publique

La mise en évidence chez les usagers de drogue d’une proportion élevée de contaminations par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) dès les années 1985, puis par le virus de l’hépatite C dans les années 1990, a été à l’origine dans divers pays de nombreuses actions engagées par des associations et des professionnels de santé pour aboutir progressivement à des politiques publiques de réduction des risques. En France, cette thématique a été inscrite dans la loi de santé publique d’août 2004, puis dans différents plans gouvernementaux de santé publique : plans de prise en charge et de prévention des addictions, le plan national de lutte contre les hépatites B et C et le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies.

La Ministre de la santé et des sports a demandé à l’Inserm de réaliser une expertise collective afin de disposer du bilan des connaissances sur les dispositifs et les programmes de réduction des risques chez les usagers de drogue existant au niveau international, et sur les projets en expérimentation. Cette expertise doit contribuer à la définition de critères d’orientation, afin d’améliorer les outils de réduction des risques, les modes d’intervention et les pratiques des intervenants.

Pour répondre à cette demande, l’Inserm a constitué un groupe pluridisciplinaire de 14 experts regroupant des épidémiologistes, sociologues, économistes, professionnels de santé publique, psychiatres, hépatologues et addictologues. Plus de 700 articles scientifiques ont été analysés.

Le groupe d’experts a également auditionné plusieurs intervenants sur les politiques de réduction des risques menées en France et à l’étranger.

En outre, plusieurs rencontres-débats organisées à différentes étapes de l’expertise collective ont permis aux associations et aux représentants des usagers de drogue de préciser leurs attentes vis-à-vis de la politique de réduction des risques à mener dans notre pays et les perspectives d’avenir à envisager.
Le contexte

La politique de réduction des risques (RDR) chez les usagers de drogues, fondée en France sur la mise en place d’un accès élargi au matériel d’injection stérile, aux traitements de substitution aux opiacés (TSO), au dépistage de l’infection par le VIH et aux traitements antirétroviraux, a permis d’une part, de réduire drastiquement l’incidence de l’infection par le VIH et le nombre de décès liés à l’usage de drogues et d’autre part d’améliorer l’accès aux soins des usagers de drogues. Cependant, vingt ans plus tard, la prévalence des hépatites C touchant prés de 60% des usagers, de nouvelles populations échappant aux dispositifs existants ainsi que la survenue de nouvelles pratiques à risque sont autant de paramètres imposant d’adapter la politique de RDR menée.

Les risques et les complications liés aux usages de drogues, notamment le risque de transmission du VIH et des hépatites virales B (VHB) et C (VHC), sont liés à de multiples facteurs : épidémiologiques (quantité dans le sang de ces virus, modalités de partage du petit matériel notamment et susceptibilité individuelle), psychosociaux (connaissances et attitudes par rapport à la prise de risques), consommation d’alcool, troubles psychiatriques et lieux de consommation (usage « pressé » dans des lieux publics, absence d’accès au matériel stérile, prisons). L’injection d’opioïdes (héroïne, morphine, buprénorphine) ou de cocaïne requérant des injections fréquentes, la persistance d’autres pratiques à risque comme le sniffing, le tatouage et le piercing et la surconsommation de stimulants et d’alcool, facilitant une prise de risque en particulier sexuelle, contribuent de façon significative à la transmission du VIH, du VHC et du VHB.
Les constats

La politique de RDR ne doit pas être réduite à la seule mise à disposition d’outils ; elle doit impérativement faire partie d’une stratégie plus globale de réduction des inégalités sociales de santé. Dans cet objectif, une culture commune doit être partagée par l’ensemble des acteurs intervenant dans le champ de la toxicomanie : les professionnels de santé (médecins libéraux, pharmaciens, médecins hospitaliers…), les associations et les acteurs des champs médico-social et social.
Les recommandations

A l’issue de l’analyse des travaux de la littérature et des rencontres avec les différents acteurs de terrain, les experts ont conclu à la nécessité de renforcer la cohérence des différentes politiques publiques sanitaire, sociale et pénale, afin de proposer une approche globale de la réduction des risques intégrant les spécificités individuelles et l’évolution des modes de consommation. Certaines populations, notamment les femmes, les mineurs et les personnes détenues devront faire l’objet de politiques spécifiques. Il est recommandé, de plus, de s’assurer du respect de l’équité de soins prodigués en détention et en milieu libre.

La RDR chez les usagers de drogues doit s’inscrire dans une logique de continuum, et non d’opposition, avec les stratégies de prise en charge de la dépendance. La RDR doit adapter, en fonction des besoins et leurs évolutions, la palette des mesures et des approches, tout en renforçant l’accès à des projets thérapeutiques personnalisés et à un suivi médical et social. Il s’agit en tout premier lieu de prévenir le passage à l’injection et de limiter, pour les usagers qui ne peuvent se passer de l’acte d’injection, d’en limiter les risques associés.

Les différents acteurs intervenant dans le champ sanitaire, social et judiciaire de la RDR doivent être sensibilisés, formés et coordonnés. De même, de nouvelles recherches devront être menées en réunissant les compétences des équipes universitaires à l’expérience et au savoir-faire des acteurs de terrain, des associations et des représentants d’usagers.

L’intégralité des recommandations du groupe d’experts est consultable en ligne.

Groupe d’experts

Pierre-Yves BELLO, Cellule de l’InVS en région (CIRE) d’Île-de-France, Institut national de veille sanitaire (InVS), Agence régionale de santé d’Île-de-France, Paris

Christian BEN LAKHDAR, Université Catholique de Lille (FLSEG) et LEM, UMR 8179 CNRS, Lille

Maria Patrizia CARRIERI, Sciences économiques et sociales, système et santé, sociétés, Inserm U 912, Observatoire régional de la santé Paca, Marseille

Jean-Michel COSTES, Observatoire français des drogues et de la toxicomanie (OFDT), Saint-Denis

Patrice COUZIGOU, Service d’hépatogastroentérologie, Hôpital Haut-Lévèque, Pessac

Françoise DUBOIS-ARBER, Institut universitaire de médecine sociale et préventive, Université de Lausanne

Anne GUICHARD, Direction des affaires scientifiques, Institut national de prévention et éducation pour la santé (INPES)

Marie JAUFFRET-ROUSTIDE, Département des maladies infectieuses, Institut national de veille sanitaire (InVS), Saint-Maurice

Gwenola LE NAOUR, Laboratoire Triangle UMR 5206, Institut d’Études Politiques de Lyon, Université de Lyon

Damien LUCIDARME, Département de pathologie digestive, Groupe hospitalier de l’Institut catholique de Lille

Laurent MICHEL, Santé mentale de l’adolescent, Inserm U 669, Maison de Solenn, Paris ; Centre de traitement des addictions, Hôpital Émile Roux, Limeil-Brevannes

Pierre POLOMENI, Service d’addictologie, Hôpital Jean Verdier, Bondy

André-Jean REMY, Service d’hépato-gastroentérologie digestive, Coordonnateur UCSA, Centre hospitalier de Perpignan

Laurence SIMMAT-DURAND, Université Paris Descartes, CERMES3 équipe CESAMES, Inserm U 988, Paris

Qu’est-ce que l’expertise collective de l’Inserm ?
L’expertise collective est une mission de l’Inserm depuis 1994. Une soixantaine d’expertises collectives ont été réalisées dans de nombreux domaines de la santé.
L’Expertise collective Inserm apporte un éclairage scientifique sur un sujet donné dans le domaine de la santé à partir de l’analyse critique et de la synthèse de la littérature scientifique internationale. Elle est réalisée à la demande d’institutions souhaitant disposer des données récentes issues de la recherche, utiles à leurs processus décisionnels en matière de politique publique. L’expertise doit être considérée comme une étape initiale nécessaire pour aboutir, à terme, aux prises de décision.
Pour répondre à la question posée, l’Inserm réunit un groupe pluridisciplinaire d’experts reconnus composé de scientifiques et de médecins. Ces experts rassemblent, analysent les publications scientifiques et en font une synthèse. Des « lignes forces » sont dégagées et des recommandations parfois élaborées.
Les conclusions apportées par les travaux d’expertise collective contribuent au débat des professionnels concernés et au débat de société.
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