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Maladie de Kawasaki : un lien avec la Covid-19, vraiment ?

  L’infection par le SARS-CoV-2 pourrait-elle se traduire par des manifestations cliniques graves chez l’enfant, proches de la symptomatologie observée dans la maladie de Kawasaki ? Fin avril, des services pédiatriques au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis ont rapporté un petit nombre de cas d’enfants hospitalisés présentant une maladie inflammatoire systémique, dont les symptômes […]

Le 04 Mai 2020 | Par INSERM (Salle de presse)

La maladie est caractérisée par une inflammation de la paroi des vaisseaux sanguins. © Online Marketing on Unsplash

 

L’infection par le SARS-CoV-2 pourrait-elle se traduire par des manifestations cliniques graves chez l’enfant, proches de la symptomatologie observée dans la maladie de Kawasaki ? Fin avril, des services pédiatriques au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis ont rapporté un petit nombre de cas d’enfants hospitalisés présentant une maladie inflammatoire systémique, dont les symptômes évoquent cette maladie inflammatoire rare. Dans le contexte épidémique actuel, l’émergence de ces signes cliniques et leur lien avec la Covid-19 interrogent. 

Qu’est-ce que la maladie de Kawasaki ? 

Rare, cette maladie aiguë est caractérisée par une inflammation de la paroi des vaisseaux sanguins, particulièrement ceux du cœur (les artères coronaires). Elle touche principalement les jeunes enfants avant l’âge de 5 ans. Bien que des cas aient été rapportés dans le monde entier, la maladie est plus fréquente dans les populations asiatiques. En Europe, 9 enfants sur 100 000 déclarent la maladie chaque année, avec un pic annuel saisonnier en hiver et au printemps. Grâce à un traitement précoce à base d’immunoglobulines, la grande majorité des patients guérissent rapidement et ne conservent aucune séquelle. Par ailleurs, ils ne redéveloppent ensuite quasiment jamais la maladie. 

Sa cause reste encore mal comprise, même s’il est aujourd’hui clair que la maladie de Kawasaki est liée à la présence de certains virus dans l’organisme. Son déclenchement a en effet été associé à plusieurs types d’infections virales, et notamment à des virus respiratoires ou entériques. La maladie observée chez les enfants qui en sont atteints serait une conséquence de la suractivation du système immunitaire suite à l’infection par l’un de ces virus. Des facteurs génétiques joueraient aussi un rôle majeur pour expliquer la vulnérabilité de certains enfants à la maladie. 

Que peut-on dire sur les cas observés ces derniers jours ? 

Il faut d’abord souligner que, parmi les cas identifiés dans les hôpitaux français ces derniers jours, les manifestations cliniques ne sont pas tout à fait les mêmes chez tous les enfants. 

Trois présentations se distinguent : 

  • des enfants présentant les signes cliniques classiques de la maladie de Kawasaki, dont l’émergence peut correspondre au pic annuel. Certains de ces cas sont associés à la détection du SARS-CoV-2 mais d’autres virus peuvent aussi être en cause ;

 

  • des enfants présentant des formes plus atypiques de maladie de Kawasaki et sortant de la classe d’âge habituelle (la médiane d’âge étant de 8 ans), avec une plus grande atteinte du cœur (inflammations du muscle cardiaque) que dans la forme « classique » et une inflammation biologique intense témoignant d’un orage cytokinique, comme constaté dans les formes sévères de Covid-19 chez l’adulte 

 

  • des enfants présentant d’emblée une insuffisance cardiaque due à une myocardite (atteinte inflammatoire du myocarde, le tissu musculaire du cœur), avec pas ou peu de signes de maladie de Kawasaki.

Il existe une forte coïncidence entre l’apparition de ces cas et la pandémie de Covid-19, mais les patients n’ont pas tous été testés positifs. Plusieurs questions restent donc en suspens et font actuellement l’objet d’investigations plus poussées dans les services de pédiatrie. 

On sait que le SARS-CoV-2 a été impliqué dans des lésions au niveau des vaisseaux sanguins atteignant de nombreux organes : poumons, système nerveux, reins et cœur. Les formes atypiques de Kawasaki et de myocardite sévères observées chez certains des enfants hospitalisés rappellent ce mécanisme, mais ce lien doit encore être exploré. 

Autre interrogation : pourquoi ces formes n’ont-elles pas été décrites dans les études menées en Chine, foyer originel de la pandémie, alors que la maladie touche préférentiellement les populations d’origine asiatique ? 

Pour l’instant, tous les enfants hospitalisés répondent favorablement aux traitements classiques de la maladie de Kawasaki, avec une évolution positive, mais les cas ayant nécessité des soins en réanimation requièrent en plus des traitements tonicardiaques (qui stimulent le cœur). 

Quelles sont les prochaines étapes ? 

La veille épidémiologique et les recherches sur le sujet doivent se poursuivre pour comprendre comment ces cas s’intègrent dans le contexte épidémique actuel. Seule une infime proportion a été hospitalisée avec des symptômes de la maladie de Kawasaki. De manière générale, les enfants sont très peu à risque de développer des formes graves de Covid-19. Comme chez l’adulte, les formes les plus sévères surviennent chez des enfants obèses.

Des études publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture avancent des hypothèses pour expliquer pourquoi les enfants sont globalement peu touchés par le Covid-19. Elles portent en particulier sur l’absence du récepteur ACE2, auquel le SARS-CoV-2 se fixe pour infecter les cellules humaines. Ce récepteur est quasiment absent sur les cellules de l’enfant, apparaissant avec la maturation pulmonaire. Ces pistes de recherche doivent encore être confirmées afin de mieux comprendre l’impact de l’épidémie sur les plus jeunes.   

Texte réalisé avec le soutien d’Isabelle Kone-Paut, responsable de registre pour la base de donnée Orphanet de l’Inserm et pédiatre à l’hôpital Bicêtre (Hôpitaux universitaires Paris-Sud / AP-HP)

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