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Canal Détox

Vacciner les enfants pour lutter contre la pandémie de Covid-19, vraiment ?

    Face à une nouvelle vague épidémique de Covid-19 en Europe, et alors que l’Agence européenne des médicaments a donné son feu vert à l’utilisation du vaccin de Pfizer pour les moins de 11 ans (et la HAS aux moins de 11 à risque de formes graves), la question récurrente de la vaccination des […]

Le 29 Nov 2021 | Par INSERM (Salle de presse)

enfant covid transmission

Plusieurs études ont été publiées sur la transmission en milieu scolaire. © Pixabay

 

Article actualisé le 29 novembre 2021 à l’aide des données scientifiques dont nous disposons à ce jour.
Cet article a été publié le 23 mars 2021. Il est susceptible d’évoluer au fur et à mesure que de nouvelles données émergent.

 

Face à une nouvelle vague épidémique de Covid-19 en Europe, et alors que l’Agence européenne des médicaments a donné son feu vert à l’utilisation du vaccin de Pfizer pour les moins de 11 ans (et la HAS aux moins de 11 à risque de formes graves), la question récurrente de la vaccination des enfants est à nouveau au cœur des préoccupations et de l’actualité. 

Quelles sont les données disponibles pour le moment concernant la vaccination et l’immunité des enfants face à la Covid-19 ? Pourquoi n’ont-ils pas été identifiés comme public prioritaire au début de la campagne vaccinale en janvier 2021 ? Et vacciner les enfants pourrait-il ralentir significativement l’épidémie ? Canal Détox se penche sur ces questions et coupe court aux fausses infos.

Pourquoi les enfants n’ont-ils pas été définis comme population prioritaire à la vaccination ?

Les études sur la réponse des enfants et des adolescents face aux candidats vaccins contre la Covid-19 et l’efficacité de ces derniers sur ces groupes d’âge sont moins nombreuses que celles sur les adultes. En effet, les essais qui ciblent les plus jeunes ont démarré plus tardivement. Pour comprendre pourquoi, il faut prendre la mesure de l’urgence imposée par la pandémie dans laquelle ces essais ont été menés.

Les essais cliniques sur les enfants sont plus longs à mettre en place : des autorisations particulières sont requises (article 32 du règlement – UE – n° 536/2014 du Parlement européen du 16 avril 2014) et il faut pouvoir montrer que le bénéfice apporté à la population pédiatrique est supérieur aux risques potentiels encourus.

Ce dernier point est ici central, car les enfants et les adolescents sont peu affectés par les formes graves de Covid-19 qui se retrouvent surtout chez les adultes et plus rarement chez des enfants souffrant de comorbidités et de déficits immunitaires (notamment avec une réponse interféron inadaptée[1]).

Par ailleurs, dans de très rares cas, des formes inflammatoires post-infectieuses ressemblant à la maladie de Kawasaki ont été relevées chez des enfants infectés par le virus. C’est une inflammation sévère qui se déclenche 4 à 6 semaines après l’infection, et pour deux tiers des cas, ce syndrome inflammatoire a atteint le cœur, entraînant des cas de myocardite. Là encore, il s’agit d’un phénomène peu fréquent : environ 700 cas de cette pathologie liée à l’infection (appelée PIMS ou MISC) ont été enregistrés en France (selon les données de Santé publique France au 21 octobre 2021). Dans la grande majorité des cas, l’infection par le SARS-CoV-2 donne lieu à des formes asymptomatiques (ou peu symptomatiques) chez les enfants.

Lors des premières vagues épidémiques, la priorité était de réduire la pression hospitalière et la mortalité. Cependant, le nombre de doses de vaccins disponibles était encore limité, ce qui explique pourquoi il avait été demandé de tester les candidats vaccins et de vacciner en priorité les personnes plus vulnérables au virus (les personnes âgées et/ou souffrant de certaines maladies).

Des données intéressantes sur les adolescents

Depuis quelques mois cependant, des données solides ont commencé à émerger sur la vaccination des adolescents. Elles sont jusqu’ici rassurantes à la fois sur le plan de l’efficacité et de la sûreté. En juillet 2021, une étude publiée dans le New England Journal of Medicine par la société Pfizer, annonçait déjà une efficacité de près de 100 % de son vaccin chez les 12-15 ans dans un essai clinique de phase 3. Les participants avaient développé une réponse immunitaire très importante et le vaccin était bien toléré, avec seulement des effets secondaires mineurs de type douleur au site d’injection, maux de tête et fatigue. Les données issues de la vaccination en vie réelle semblent confirmer ces résultats.

Face à ces données encourageantes et suite au feu vert des autorités sanitaires, la vaccination a été ouverte aux adolescents de 12 à 17 ans dans de nombreux pays, et notamment en France depuis le mois de juin 2021.

Si des craintes concernant de potentiels effets secondaires graves ont été rapportées depuis, il faut souligner qu’ils sont loin d’être fréquents. De très rares cas de myocardites ont été documentés suite à la vaccination (dans un délai de 7 jours après l’injection), principalement chez des jeunes hommes de 12 à 29 ans.

En effet, comme l’indique une récente enquête de pharmacovigilance, le nombre de cas de myocardites serait de 11,5 sur 1 million pour le vaccin Pfizer-Biontech et de 36,2 sur 1 million pour le vaccin Moderna (raison pour laquelle la Haute Autorité de santé a préconisé d’utiliser plutôt le vaccin fabriqué par Pfizer-BioNTech chez les hommes de moins de 30 ans). De plus, ces myocardites chez les adolescents ont pour la plupart été modérées et ont parfaitement répondu aux traitements[2].

Renforcer la vaccination des adultes et des ados

Quand on se penche sur les chiffres, on constate que les adolescents constituent la tranche d’âge la moins vaccinée en France à l’heure actuelle. Ainsi, au 23 novembre 2021, seul 60 % des 12-17 ans étaient entièrement vaccinés, contre 74,9 % de la population globale (et 76 % des 18-24 ans ou encore 84 % des 64-74 ans).

Des différences très notables entre les régions sont par ailleurs à souligner. Ainsi, si 88,8 % des adolescents bretons sont vaccinés, cette proportion n’atteint par exemple « que » 70 % en région PACA ou 73 % en Ile-de-France.

Toujours avec l’objectif de continuer à protéger les populations contre les formes graves de Covid-19 et tenter d’atteindre un taux de vaccination suffisamment élevé pour se rapprocher d’une immunité collective[3], certains scientifiques estiment qu’avant de penser à vacciner les plus jeunes, il serait nécessaire de renforcer d’abord les efforts pour favoriser la vaccination des adolescents et des adultes, notamment dans les régions où la couverture vaccinale est la plus faible.

Et les jeunes enfants ?

Certains pays, comme les États-Unis ou Israël, ont cependant décidé d’ouvrir la vaccination aux enfants de 5 à 11 ans. Une étude parue en novembre 2021 dans NEJM portant sur 2 268 enfants (1 517 recevant le vaccin de Pfizer et 751 un placebo) a montré que la vaccination est sûre (pas d’effets secondaires graves rapportés) et efficace (seuls 3 enfants dans le groupe vacciné ont été infectés par le virus plus de 7 jours après la deuxième dose contre 16 dans le groupe placebo).

Il est néanmoins important de souligner que l’échantillon de participants considéré dans cet essai est relativement limité. Ces résultats devront donc être complétés par d’autres études plus larges ainsi que par des données obtenues en vie réelle.

Rappelons aussi que si les vaccins disponibles permettent de limiter les formes sévères de la maladie et les hospitalisations, ils ne sont que partiellement efficaces pour freiner la transmission du virus (surtout face au variant Delta plus contagieux). Il est donc nécessaire d’insister à nouveau sur l’importance des mesures barrières, en particulier dans les espaces publics peu aérés, et notamment en milieu scolaire, même lorsque la majorité des élèves sont vaccinés. 

 

Texte rédigé avec le soutien de Frédéric Rieux-Laucat, directeur de recherche Inserm à l’Institut Imagine à Paris.

 

[1] Lorsque des cellules sont infectées par un virus, elles produisent des interférons (IFN), de puissantes molécules antivirales : c’est la réponse interféron (qui « interfère » avec la réplication du virus). Si elle est inadaptée, le virus peut se multiplier plus rapidement et la réponse immunitaire qui en découle peut devenir pathologique.

[2] Selon les données de pharmacovigilance françaises validées par l’ANSM du 27 décembre 2020 au 15 juillet 2021

[3] Avec le variant Delta, le R0 est estimé à 7 environ, et on sait que pour obtenir une protection collective le calcul de la population à vacciner est de 1-(1/R0) (soit environ 85 % pour un R0 à 7, et il faudrait 90 % de la population vaccinée si le R0 passe à 10).

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