Réparer le muscle cardiaque et reconstituer le tissu cardiaque après un infarctus par injection des cellules de la moelle osseuse du patient, c’est l’approche thérapeutique développée par l’étude française BONAMI(1) coordonnée par le Pr Patricia Lemarchand (Unité Inserm 915, l’Institut du thorax, Nantes) dont les résultats viennent d’être publiés dans The European Heart Journal.
Cette étude a été réalisée grâce à un réseau qui réunit les CHU de Nantes, de Toulouse, de Lille, de Créteil, de Montpellier et de Grenoble, et l’unité Inserm 915 au sein de l’institut du thorax. Elle a bénéficié d’un financement du programme national hospitalier de recherche clinique (ministère de la santé), de la Fondation de France et de l’AFM grâce aux dons du Téléthon.
Mené entre 2005 et 2009, l’essai BONAMI a inclus 101 patients de moins de 75 ans, hospitalisés pour un premier infarctus du myocarde, grave et récent. L’infarctus est provoqué par l’obstruction des artères qui mènent au coeur et qui ne peuvent plus l’oxygéner correctement. Tous les patients ont été traités par angioplastie*. La moitié d’entre eux ont reçu en plus une injection de leurs propres cellules de la moelle osseuse (cellules autologues) pour tenter de réparer la zone du muscle cardiaque lésée lors de l’infarctus. La moelle osseuse a été prélevée, sous anesthésie locale, chez ces patients sur un os du bassin, le 9ème jour après l’infarctus. Les cellules ont été concentrées puis réinjectées directement dans l’artère coronaire.
Ceci suggère que les cellules injectées ont stimulé et augmenté les capacités physiologiques de réparation post-infarctus du muscle cardiaque. L’étude a également identifié les facteurs prédictifs de réussite de cette thérapie cellulaire selon le profil des malades. Une analyse comparant les sous-groupes de patients a ainsi permis de souligner le rôle néfaste du tabagisme ainsi que de la présence d’obstruction des petits vaisseaux du muscle cardiaque à l’IRM, un signe de gravité de l’infarctus. Un essai clinique européen recrutant uniquement des patients non-fumeurs permettra de confirmer l’intérêt de la thérapie cellulaire chez ces patients.
La thérapie par greffe de cellules autologues présente, en effet, un plusieurs avantages pour les malades : Cette thérapie ne nécessite pas d’intervention chirurgicale. Les cellules sont obtenues sous simple anesthésie locale et ré-administrées au patient dans les heures qui suivent, limitant ainsi les manipulations. Les propriétés biologiques de ces cellules sont, en outre, bien connues puisqu’elles sont utilisées depuis plus de 40 ans pour des greffes de moelle osseuse dans le traitement de leucémies.
Parallèlement à cette stratégie destinée à limiter les séquelles d’infarctus, l’équipe du Pr Lemarchand participe à une autre étude menée par le Pr Roncalli au CHU de Toulouse. Il s’agit, chez des patients au stade d’insuffisance cardiaque chronique très évoluée d’injecter une sous-population de cellules souches autologues de la moelle osseuse (cellules souches mésenchymateuses) directement dans le muscle cardiaque, pour améliorer les performances fonctionnelles cardiaques. Cette stratégie est actuellement en cours d’évaluation dans un petit groupe de patients (essai MESAMI).
Si ces différents résultats se confirment, cette nouvelle approche par greffe de cellules souches autologues pourrait offrir à des milliers de personnes victimes d’infarctus du myocarde grave chaque année une nouvelle perspective thérapeutique, permettant de diminuer les séquelles potentielles de l’infarctus en assurant une meilleure récupération du muscle cardiaque.
Notes
(1) BONe marrow cells in Acute Myocardial Infarction
(*) Intervention sous anesthésie locale qui consiste à introduire un ballonnet pour dilater l’artère à l’endroit du rétrécissement