Alors que la plupart d’entre nous guérissent d’une grippe après une semaine, elle peut s’avérer très sévère, voire mortelle dans de rares cas sans que rien n’ait permis aux médecins de l’envisager. En analysant le génome d’une petite fille atteinte d’une forme sévère de la grippe à l’âge de 2 ans et demi, des chercheurs du Laboratoire de Génétique Humaine des Maladies Infectieuses (un laboratoire international associé franco-américain) regroupant des chercheurs de l’Inserm, de l’Université Paris Descartes, des médecins de l’AP-HP (Hôpital Necker-Enfants Malades) hébergés à l’Institut Imagine, et de la Rockefeller University de New York, ont découvert chez elle une mutation génétique jusqu’alors ignorée et responsable d’un dysfonctionnement subtil de son système immunitaire. Plus largement, ces résultats indiquent que des mutations génétiques pourraient être à l’origine du déclenchement de certaines formes sévères de grippe chez l’enfant, et indiquent en tout cas que les mécanismes immunitaires qui font défaut chez cette fillette sont exigés pour la protection contre ce virus chez l’homme. Ces résultats sont publiés dans la revue Science Express.
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La grippe saisonnière est une infection virale aiguë provoquée par un virus grippal. Elle se caractérise par de fortes fièvres, des maux de tête, des courbatures, etc. En dehors de la vaccination, il n’existe aucun traitement sauf symptomatique (antidouleur) pour la contrer. Dans la majeure partie des cas, les personnes malades guérissent après une semaine mais chez les personnes les plus fragiles elle peut provoquer une détresse respiratoire aiguë pouvant entrainer le décès.
Les facteurs de risque connus des formes sévères de la grippe consistent surtout en quelques comorbidités acquises, comme les maladies pulmonaires chroniques. Mais l’origine de la plupart des cas mortels reste inexpliquée, particulièrement chez les enfants.
L’absence de cas de grippe sévère chez des patients avec des immunodéficiences acquises connues, qui d’habitude prédisposent aux infections, est aussi surprenante.
Face à ces différents constats, les chercheurs du laboratoire de Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel, à Paris et New York, ont donc formulé l’hypothèse selon laquelle la grippe sévère frappant des enfants en bonne santé pourrait résulter d’erreurs génétiques.
Pour tester cette hypothèse, ils ont séquencé le génome entier d’une enfant de 7 ans ayant contracté une forme très sévère de grippe (souche H1N1 : influenza A virus) nécessitant son hospitalisation en service de réanimation pédiatrique en janvier 2011 à l’âge de deux ans et demi. Elle ne présentait alors aucune autre pathologie connue qui aurait pu suggérer une vulnérabilité plus forte que celle d’autres enfants au virus.
Cette analyse couplée à celle du génome de ses parents a permis de mettre en évidence que la petite fille avait hérité un allèle muté du gène codant pour le facteur de régulation IRF7 de chacun de ses deux parents. Ce dernier est un facteur de transcription connu pour amplifier la production d’interférons en réponse à une infection virale chez la souris et chez l’homme.
Contrairement à ses parents chez qui la mutation d’un seul allèle du gène n’entraîne aucune conséquence, chez la fillette, la mutation des deux allèles du gène codant pour IRF7 entraîne son inactivation. A la clé : une perte de production des interférons entraînant en cascade de nombreuses perturbations dans son système de défense contre l’infection par le virus de la grippe.
Par toute une série d’expériences réalisées à partir de cellules sanguines, notamment de cellules dendritiques, et en reconstituant des cellules pulmonaires à partir de cellules souches de la fillette, les chercheurs, ont établi la preuve que les mutations observées chez cette dernière expliquent le développement d’une grippe sévère. Par ailleurs, cette découverte démontre que l’amplification d’interférons dépendante de l’expression d’IRF7 est exigée pour la protection contre le virus de la grippe chez l’homme. Il leur faut à présent chercher des mutations de ce gène ou d’autres gènes chez les autres enfants recrutés après un épisode de grippe sévère inexpliquée.
Sur la base de ces premières constatations, les chercheurs de l’Inserm estiment que des stratégies thérapeutiques basées sur les interférons recombinants, disponibles dans la pharmacopée, pourraient aider à combattre les formes sévères de grippe chez les enfants.
Ces travaux multidisciplinaires ont nécessité des collaborations multiples en Europe et aux États-Unis.
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