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Une étude publiée dans l’American Journal of Preventive Medicine montre que les préjugés liés au poids sont répandus parmi les adultes français, en particulier l’idée réductrice selon laquelle l’obésité est due à un manque de volonté.
Ces travaux ont été réalisés par un consortium de chercheurs de l’Équipe de Recherche en Épidémiologie Nutritionnelle (EREN) de l’Université Sorbonne Paris Nord et Université Paris Cité, Inserm, INRAE, CNAM, Centre de Recherche en Épidemiologie et Statistiques (CRESS) et des services de Nutrition de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière et de l’Hôpital Européen Georges Pompidou (AP-HP).
Contexte de l’étude
Une proportion importante de personnes en situation d’obésité déclare avoir déjà été victime de stigmatisation en raison de leur poids, de la part principalement de la famille, des camarades de classe, d’un médecin, ou de collègues de travail. Les conséquences de cette stigmatisation sont nombreuses et incluent une moindre réussite académique, une altération des relations sociales, une majoration des troubles du comportement alimentaire et des symptômes anxieux et dépressifs, un évitement des activités physiques, une prise de poids accentuée ou encore un moindre recours aux soins.
Les préjugés liés au poids, et en particulier l’adhésion à l’idée selon laquelle les personnes en situation d’obésité « manquent de volonté », figurent parmi les principales causes de la stigmatisation des personnes en situation d’obésité. Des études réalisées à l’étranger ont montré que les préjugés liés au poids sont répandus dans la population, particulièrement chez les hommes. À ce jour cependant, aucune étude n’avait évalué les préjugés liés au poids dans une large population d’adultes français.
Objectif de l’étude et principaux résultats
L’objectif de cette étude consistait à évaluer les préjugés négatifs liés au poids parmi les participantes et participants de l’étude NutriNet-Santé (voir encadré).
Les préjugés explicites liés au poids (définis comme des préjugés conscients et intentionnels) ont été évalués en 2019 auprès de 33 948 adultes français participant à l’étude NutriNet-Santé. Parmi eux, 24 % étaient en surpoids et 11 % en situation d’obésité, soit un total de 35 % en situation de surpoids ou d’obésité. Les données ont été redressées sur le sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, le niveau d’éducation et la zone résidentielle pour optimiser la représentativité de l’échantillon par rapport à la population française.
Les préjugés liés au poids ont été évalués à l’aide du questionnaire « Anti-Fat Attitude Questionnaire » (Crandall, 1994) évaluant trois dimensions : 1) l’antipathie envers les personnes en situation d’obésité (exemple de question : « Si j’étais un employeur, j’éviterais peut-être d’embaucher une personne en surpoids »), 2) la préoccupation excessive vis-à-vis du poids (exemple de question : « Une des pires choses qui pourrait m’arriver serait de prendre 10 kg », et 3) l’accord avec l’idée selon laquelle l’obésité est liée à un manque de volonté (exemple de question : « Certaines personnes sont en surpoids parce qu’elles n’ont pas de volonté »). Plusieurs résultats ressortent des analyses réalisées par les scientifiques :
1) Les scores d’antipathie vis-à-vis des personnes en situation d’obésité étaient faibles, avec 9 % des participants (12 % des hommes et 6 % des femmes) qui présentaient des préjugés négatifs sur ce point. Il n’est toutefois pas exclu que les préjugés réels soient plus répandus et qu’un potentiel biais de désirabilité sociale ait pu entraîner une sous-déclaration.
2) La préoccupation excessive vis-à-vis du poids était le préjugé le plus répandu, avec 55 % des participants (62 % des femmes et 47 % des hommes) présentant des scores élevés. Les scores étaient plus élevés chez les personnes en situation d’obésité et chez les étudiants, aussi bien chez les femmes que chez les hommes. Le questionnaire utilisé n’a pas permis de savoir s’il s’agissait d’une préoccupation vis-à-vis de son poids pour préserver sa santé ou d’une préoccupation excessive pour satisfaire des critères de beauté et de minceur tels que véhiculés par les médias et les réseaux sociaux. D’autres études seront nécessaires pour mieux comprendre l’origine de cette préoccupation.
3) En ce qui concerne le préjugé portant sur le « manque de volonté », 45 % des personnes interrogées (38 % des femmes, 54 % des hommes) présentaient des scores élevés témoignant d’une adhésion à l’idée que l’obésité est due à un manque de volonté. Les personnes en situation d’obésité présentaient des scores plus faibles mais non nuls, ce qui suggère une internalisation de ces préjugés par les personnes qui souffrent d’obésité. Un niveau d’étude plus faible était également associé à des scores plus élevés, suggérant un rôle de l’éducation pour limiter les préjugés liés au poids.
Interprétation des résultats et perspectives
Les résultats de cette étude montrent que les préjugés négatifs liés à l’obésité sont très répandus parmi les adultes en France, et correspondent davantage à une préoccupation excessive de prendre du poids et à la croyance que l’obésité est liée à un manque de volonté qu’à une antipathie vis-à-vis des personnes en situation d’obésité. Ils mettent l’accent sur la nécessité de mettre en place des mesures susceptibles de changer le regard de la société sur l’obésité et les personnes qui en souffrent.L’obésité est une pathologie dite multifactorielle impliquant des facteurs comportementaux (en premier lieu nos habitudes alimentaires et d’activité physique), environnementaux et sociétaux, et biologiques. Il est ainsi réducteur de croire que la façon dont nous nous alimentons et dont nous bougeons est simplement une affaire de choix personnel.
Si les choix au quotidien doivent être orientés dans un sens favorable à la santé et au maintien du poids, « c’est en agissant en amont sur les déterminants de ces choix, en particulier en modifiant notre environnement de vie pour le rendre plus favorable à la santé, que l’on peut espérer prévenir l’augmentation continue de l’obésité en France et dans le monde. En parallèle, il est fondamental de lutter contre les préjugés selon lesquels les personnes en situation d’obésité le seraient uniquement par manque de motivation personnelle. »
L’
étude NutriNet-Santé est une étude de santé publique coordonnée par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Université Sorbonne Paris Nord/Inserm/INRAE/Cnam/Université Paris Cité), qui, grâce à l’engagement et à la fidélité de plus de 170 000 Nutrinautes, fait avancer la recherche sur les liens entre la nutrition (alimentation, activité physique, état nutritionnel) et la santé. Lancée en 2009, l’étude a déjà donné lieu à plus de 250 publications scientifiques internationales.
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