©Inserm/Latron, Patrice
Une équipe de recherche de l’Université Paris Descartes, de l’Inserm et du Centre Hospitalier Sainte‐Anne, sous la direction du Professeur Marie‐Odile Krebs, a mis en évidence que des patients souffrant de troubles psychotiques et exposés in utero au Distilbène présentaient des altérations épigénétiques spécifiques. Ces altérations correspondent à des régions génomiques comprenant notamment le gène ZFP57, lui‐même impliqué dans le neurodéveloppement. Grâce à ce nouveau travail, les chercheurs posent la question, plus générale, de l’influence de l’exposition in utero aux perturbateurs endocriniens (dont fait partie le distilbène) sur le neurodéveloppement et l’émergence de maladies psychiatriques. L’étude a été publiée le 13 avril 2017 dans PlosOne.
Le diethylstilbestrol (distilbène), oestrogène de synthèse et perturbateur endocrinien, a été prescrit pendant plusieurs dizaines d’années, dans le monde entier, durant la grossesse, en vue de limiter le risque de fausses‐couches. La consommation de cette substance peut être considérée comme le paradigme d’une exposition, limitée dans le temps, à fortes doses et durant une fenêtre particulièrement vulnérable, à un perturbateur endocrinien chez l’homme. Elle est associée à de nombreuses affections d’ordre médical, notamment des cancers gynécologiques et des malformations uro‐génitales chez les individus exposés in utero. Des effets sur plusieurs générations ont également été suggérés.
Le mécanisme précis expliquant ces différents syndromes n’est pas complètement élucidé. Une altération de l’homéostasie épigénétique 1 a été proposée comme hypothèse. En effet, des études sur l’animal ont identifié des modifications épigénétiques (et notamment de la méthylation de l’ADN) après exposition au distilbène. Les investigateurs de l’étude ont recherché une corrélation entre l’exposition prénatale au distilbène, associée à une méthylation de l’ADN, et une possible majoration du risque d’apparition de troubles psychotiques.
En vue de constituer une cohorte, l’association d’usagers Hhorages (Halte aux HORmones Artificielles pour les GrossessES) a facilité le recrutement par l’équipe de 247 individus, nés de mères à qui l’on a prescrit du distilbène durant leurs grossesses. Les analyses ont porté sur 69 participants rencontrés en face‐à‐face, ce qui a permis de poser des diagnostics psychiatriques grâce à des questionnaires standardisés. Par la suite, une prise de sang a permis de conduire l’ensemble des analyses moléculaires. Les sujets exposés ont été comparés à leurs frères et soeurs non exposés. Cette comparaison intra familiale permet de prendre en compte le patrimoine génétique et environnemental en commun. Les chercheurs n’ont pas retrouvé de différence significative entre les individus exposés et non exposés au niveau de la méthylation de leur ADN.
En revanche, dans un échantillon d’individus exposés au distilbène et souffrant d’un trouble psychotique (en comparaison à des sujets exposés ne souffrant pas d’un tel trouble) les chercheurs ont identifié une région différentiellement méthylée comprenant le gène ZPF57. Ce résultat suggère que l’altération de l’expression de ce gène, connu par ailleurs pour jouer un rôle dans le neurodéveloppement, pourrait avoir un lien avec l’émergence des troubles psychiatriques chez les sujets exposés au distilbène.
1 Les mécanismes épigénétiques sont un ensemble de mécanismes modulant l’expression des
gènes, sans toutefois altérer la séquence d’ADN sous‐jacente.