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Une « dette immunitaire » causée par les mesures barrières, vraiment ?

SARS-COV 2

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard, Anne Bull-Maurer, Sonia Georgeault, unité Inserm U1259 MAVIVH & Université de Tours, France.

Une « triple épidémie » de Covid-19, grippe et bronchiolite est au cœur de l’actualité depuis plusieurs semaines. Dans ce contexte, le concept de « dette immunitaire » décrit pour la première fois dans la littérature scientifique en 2021 par un groupe de pédiatres français s’est rapidement retrouvé au centre de nombreux débats sur les réseaux sociaux.

Il a notamment été utilisé par certains comme un argument pour critiquer les mesures barrières mises en place en 2020-21, qui seraient selon eux la cause d’un affaiblissement de notre immunité. Canal Détox fait le point sur les débats en cours autour de cette notion.

 

« Dette immunitaire », un terme pertinent ?

Dans l’article scientifique en question, les auteurs expliquaient que la population est confrontée à une « dette immunitaire », soulignant que les mesures barrières mises en place pour lutter contre la pandémie de Covid-19 ont été associées à une stimulation réduite du système immunitaire des enfants, du fait d’une exposition plus limitée à des agents microbiens et à des retards dans le calendrier vaccinal. Ce phénomène expliquerait que ces derniers soient aujourd’hui plus vulnérables aux virus hivernaux.

Il n’en a pas fallu plus pour que le concept soit détourné sur les réseaux sociaux, certains n’hésitant pas à affirmer que les mesures barrières auraient affaibli notre système immunitaire et que c’est cela qui expliquerait la vulnérabilité des plus jeunes (mais aussi des adultes) aux virus.

En considérant ces différents arguments, on voit qu’il y a probablement un problème sémantique. Certains scientifiques préfèrent en fait parler de « dette d’exposition » et non de « dette immunitaire ».

Pour eux, nous avons certes été moins exposés à certains pathogènes lors des confinements ou du fait du port du masque, et donc l’organisme n’a pas fabriqué les anticorps correspondants pendant cette période. C’est particulièrement le cas des jeunes enfants, qui en 2020-21 n’ont jamais été exposés à certains pathogènes comme le RSV, l’un de virus à l’origine de la bronchiolite, et qui y sont pour la première fois confrontés cet hiver. On peut donc émettre l’hypothèse qu’il y a plutôt un effet de rattrapage, où un plus grand nombre d’enfants n’ayant pas été exposé au RSV et n’ayant donc pas encore bâti une immunité naturelle contre le virus, ont été infectés cette année.

Cette dette d’exposition peut expliquer en partie l’épidémie que l’on observe. C’est l’explication que propose notamment un article publié dans The Lancet, en s’appuyant sur des milliers de données collectées en Angleterre. Une autre publication s’est penchée sur la présence d’anticorps contre le RSV dans le lait maternel, montrant qu’en 2021, le taux d’anticorps était diminué par rapport aux taux de 2020 chez la plupart des mères. Si l’on ne peut donc se prononcer pour l’année 2022, on peut du moins souligner que les mères ont bien été moins exposées au virus entre la première et deuxième année de pandémie, et ont par conséquent fabriqué moins d’anticorps.

Toutefois, constater que nous avons globalement moins été exposés à certains virus spécifiques est très différent que de dire qu’en conséquence, nos systèmes immunitaires ont été affaiblis et sont désormais dysfonctionnels. Cette idée-là n’est absolument pas fondée.

Par ailleurs, il faut souligner que nous n’avons pas vécu en vase clos pendant la pandémie et que notre immunité a continué à être stimulée, que ce soit par la rencontre avec des pathogènes ou contaminants via notre alimentation ou dans notre environnement. Autrement dit, notre système immunitaire n’a jamais cessé de fonctionner même lorsque des mesures barrières étaient mises en place, il a seulement été moins exposés à certains microbes hivernaux (virus et bactéries).

 

D’autres pistes à explorer ?

Parler uniquement d’une « dette immunitaire » peut par ailleurs nous faire oublier qu’il existe d’autres hypothèses pertinentes qui pourraient expliquer la recrudescence des cas de grippe et de bronchiolite.

En ce qui concerne la bronchiolite, il faut souligner qu’elle n’est pas exclusivement causée par le RSV. Il est par exemple possible que l’infection par le SARS-CoV-2 puisse provoquer des bronchiolites ou encore qu’elle potentialise l’infection RSV et provoque des symptômes plus importants, chez un plus grand nombre d’enfants. Pour y voir plus clair, il est intéressant de pratiquer des tests de dépistage chez ceux qui présentent des symptômes, afin d’évaluer quels virus sont présents et s’il y a des co-infections. La recrudescence des cas de bronchiolites ne serait donc pas uniquement liée à une dette d’exposition au RSV, auquel nous aurions été moins confronté pendant les confinements successifs.

 

Poursuivre les travaux scientifiques

Parmi les autres axes de recherche à poursuivre, des scientifiques tentent de mieux comprendre les virus saisonniers, sur lesquels de nombreuses questions persistent, afin de mieux appréhender les épidémies en cours et mieux préparer celles des hivers suivants. Par exemple, certains chercheurs s’intéressent au fait que les mesures barrières liées à la pandémie de Covid-19 semblent avoir peu d’impact sur la circulation des rhinovirus (à l’origine de la plupart des rhumes), pour des raisons qui ne sont pas entièrement comprises.

Une autre question en suspens est de savoir comment ces virus se font concurrence et interfèrent les uns avec les autres. L’infection par un virus donné pourrait dans certains cas déclencher une forte réponse immunitaire innée qui pourrait empêcher l’infection par un autre virus – cette piste fait l’objet de plusieurs travaux de recherche. D’autres scientifiques étudient la possibilité que le SARS-CoV-2 puisse « effacer » la mémoire immunitaire bâties contre d’autres virus (en tuant ou affectant les lymphocytes B ou T mémoire) et ainsi rendre les personnes qui ont été infectées plus susceptible à des infections ultérieures avec d’autres virus.

Pour conclure, le terme de « dette immunitaire » a permis de soulever des questions importantes concernant les dynamiques épidémiques actuelles, ainsi que notre capacité à préparer de futures épidémies. Néanmoins, il a aussi conduit à des débats qui ont parfois quitté la sphère scientifique, en laissant notamment croire à certains que risquer l’infection par le SARS-CoV-2 serait préférable à la mise en place des mesures barrières pour s’en protéger.  Cette interprétation comporte des risques pour la collectivité, et d’ailleurs toutes les connaissances actuelles en immunologie montrent en effet qu’il est préférable de se protéger de n’importe quelle infection (par la vaccination, les gestes barrières ou encore l’aération des bâtiments) que de se laisser infecter.

Texte rédigé avec le soutien de Sandrine Sarrazin, chercheuse Inserm au Centre d’Immunologie de Marseille – Luminy (CIML) 

Covid-19 : des enfants moins à risque de formes graves, vraiment ?

Épithéliums bronchiques

Épithéliums bronchiques reconstitués infectés avec le Sars-CoV-2. À gauche, celui d’un enfant, l’infection est restreinte. À droite, celui d’un adulte, l’infection se propage plus rapidement à travers tout l’épithélium. © Harald Wodrich lab

La rentrée scolaire s’est accompagnée d’articles de presse portant sur un des sujets explorés avec beaucoup d’attention par la communauté scientifique depuis 2020 : la réponse des enfants face à l’infection par le SARS-CoV-2 et à la vaccination. En particulier, les enfants sont-ils vraiment moins à risque de faire des formes graves de Covid-19 ? Et si oui, pourquoi ?

Sur ces deux dernières questions, Canal Détox fait le point.

 

Dès les débuts de la pandémie, de nombreuses études avaient été publiées concernant la capacité des enfants à être infectés et leur contagiosité. Les recherches avaient surtout porté sur les dynamiques de contamination dans les foyers familiaux, montrant que les enfants de moins de 10 ans étaient environ 30 à 50 % moins susceptibles d’être infectés que les adultes. En revanche, les adolescents avaient le même risque d’être contaminés que les adultes.

Ces données étaient toutefois à relativiser avec le fait que les enfants scolarisés ont en moyenne plus de contacts que les adultes. En somme, même si certaines données suggèrent que les enfants ont moins de risque d’être contaminés à chaque rencontre avec le virus, ils ont plus de contacts et y sont donc en moyenne plus souvent exposés que les adultes. Cela permet d’expliquer pourquoi le virus a fortement circulé en milieu scolaire.

Par ailleurs, en ce qui concerne le risque de développer une forme grave de Covid-19 ou de décès suite à l’infection, l’âge est un facteur de risque majeur. En outre, de nombreuses données épidémiologiques montrent que les enfants ont en moyenne un risque réduit de développer des formes sévères de la maladie.

 

Une immunité différente

Des équipes de recherche se sont penchées sur le sujet afin d’apporter des explications à ce phénomène, en s’intéressant à plusieurs hypothèses. Une récente revue de littérature en fait la synthèse, évoquant notamment une réponse immunitaire différente en fonction de l’âge mais aussi des différences au niveau du microbiote intestinal qui protégeraient les enfants ou encore une immunité préexistante en raison d’une exposition plus fréquente à d’autres pathogènes.

 

Quelques rappels sur la réponse immunitaire

L’immunité innée est la réponse immédiate qui survient localement, au point d’entrée d’un microorganisme pathogène, chez tout individu, et ce même en l’absence d’un contact antérieur avec ce microorganisme. Il s’agit de la première barrière de défense vis-à-vis des agents pathogènes. En cas d’infection virale, elle fait principalement intervenir des cellules phagocytaires (neutrophiles, monocytes) et Natural killer qui tuent les cellules infectées par un virus. Elle induit aussi la production des interférons (dont ceux de type III) par les cellules infectées qui protègent les cellules voisines de l’infection.

L’immunité adaptative est une réponse qui mettra au moins une semaine avant d’être protectrice, lorsque le pathogène est rencontré pour la première fois (primo-infection) mais sera efficace plus rapidement lorsque le pathogène a déjà été rencontré (on parle de réponse mémoire). En cas d’infection virale, elle fait intervenir deux types de cellules immunitaires protectrices : des lymphocytes B producteurs d’anticorps, lesquels se fixent au virus et le « neutralisent », c’est-à-dire empêchent son entrée dans les cellules et favorisant son élimination, et des lymphocytes T CD8+ cytotoxiques qui tuent les cellules infectées. Ces réponses sont orchestrées par un troisième type de cellules, les lymphocytes T CD4, acteurs centraux de la réponse adaptative. Les lymphocytes B et T reconnaissent des structures protéiques (du virus) appelées « antigènes ».

Après une infection virale ou une vaccination, le taux des anticorps et des lymphocytes reconnaissant le virus augmente fortement avant de diminuer dans le temps. Néanmoins, des lymphocytes B et T dits « mémoires » persistent et patrouillent. Ils agiront plus vite et plus efficacement lors d’un contact ultérieur avec le même virus, ou après un rappel vaccinal.

 

Si on s’intéresse plus spécifiquement à la question de l’immunité, qui a fait l’objet de nombreux travaux, on peut citer une récente étude menée par des scientifiques de l’Inserm qui a permis d’y voir plus clair.

À partir de prélèvements nasopharyngés de 226 personnes d’âges différents, les chercheurs ont montré que chez les sujets infectés par le SARS-CoV-2, les profils d’expression des interférons de type I et de type III diffèrent avec l’âge. Ainsi, les enfants âgés de moins de 15 ans avaient une expression accrue d’interférons de type III, molécules peu inflammatoires et d’action locale, qui contrôlent le virus au niveau de son point d’entrée, dans la muqueuse nasopharyngée. À l’inverse, les adultes, et en particulier les personnes âgées, exprimaient préférentiellement des interférons de type I, qui sont inflammatoires et ont une action plus systémique (dans tout l’organisme). Ces différences expliqueraient que les enfants soient moins sujets aux formes critiques que les adultes.

Le rôle de la réponse interféron (notamment interféron de type III) a aussi été mis en avant dans une autre étude publiée dans PNAS au mois de juin dernier par l’équipe du chercheur Inserm Harald Wodrich, en collaboration avec les groupes dirigés par Thomas Trian et Marie-Line Andreola. Les scientifiques ont reconstitué in vitro des épithéliums bronchiques à partir de prélèvements provenant de différents donneurs incluant des adultes et des enfants. Ils les ont ensuite infectés avec le SARS-CoV-2. Les scientifiques ont utilisé des méthodes d’imagerie et de quantification du virus pour suivre l’infection au cours du temps.

Ils ont montré que, de manière générale, le virus se propageait rapidement dans les épithéliums bronchiques. Néanmoins, en comparant les infections provenant de différents donneurs, ils ont découvert que certains épithéliums, principalement ceux des enfants, étaient partiellement résistants à l’infection. Ces épithéliums sécrétaient rapidement de l’interféron de type III, protégeant les cellules épithéliales contre l’infection par le SARS-CoV-2.

Dans la suite de ces travaux, les chercheurs ont confirmé l’importance de l’interféron de type III, en supprimant dans ces épithéliums le gène responsable de sa production. Ils ont alors montré que cela conduisait à rétablir l’infection virale. À l’inverse, lorsque les épithéliums bronchiques étaient traités avec de l’interféron de type III, la propagation du virus était contrôlée et les épithéliums bronchiques étaient partiellement protégés de l’infection.

De futurs travaux viendront confirmer ces données et étudier plus en profondeur les variations de la réponse immunitaire d’un enfant à l’autre mais aussi la différence d’immunité des enfants par rapport aux adultes face à d’autres infections virales.

 

Continuer à s’intéresser à la Covid longue

Les efforts de recherche concernant les autres facteurs qui pourraient potentiellement expliquer pourquoi la Covid-19 est en général moins sévère chez les enfants devront se poursuivre. Des travaux pour continuer à décrypter les mécanismes conduisant, dans de rares cas, à une maladie inflammatoire multi-systémique s’accompagnant de myocardites post-infectieuses, se poursuivent également.

En attendant, dans le contexte des études menées sur la Covid longue, une attention particulière pourra aussi être portée aux enfants et adolescents concernés. S’il est vrai que les formes graves sont moins fréquentes dans cette population, et si le phénomène de Covid longue était considéré comme rare, une revue de littérature récente publiée dans Scientific Report, portant sur un échantillon de plus de 80 000 enfants a soulevé quelques inquiétudes.

Elle suggère en effet que 25 % des enfants et adolescents qui ont été infectés présenteraient un ou plusieurs symptômes à long terme, à commencer par des troubles de l’humeurs et du sommeil ainsi qu’une fatigue importante. Des résultats qui justifient que la recherche continue de se pencher sur la question.

 

Texte rédigé avec le soutien de Harald Wodrich, directeur de recherche Inserm (unité 5234 CNRS/Université de Bordeaux, Microbiologie fondamentale et pathogénie) et Frédéric Rieux-Laucat, directeur de recherche Inserm à l’Institut Imagine (unité 1163 Inserm/Université de Paris)

L’ARN, nouvelle star des labos, vraiment ?

Depuis le début de la pandémie de Covid, tous les yeux sont braqués sur le « vaccin à ARN ». L’ARN messager, copie de l’ADN, fournit les plans de construction des protéines de nos cellules. Et dans le cas précis du vaccin, il sert à fabriquer la protéine Spike du coronavirus afin que notre système immunitaire apprenne à le reconnaître. Mais si certains envisagent ce type de vaccin comme une révolution, d’autres se montrent très méfiants vis-à-vis de cette nouvelle technologie. Alors le vaccin à ARN peut-il mettre le bazar dans notre ADN ? Depuis quand cette technologie est-elle étudiée dans les labos ? Et va-t-on pouvoir l’utiliser pour prévenir ou soigner toutes les maladies ? Canal détox, sans paillettes, coupe court aux fausses infos.

Pour aller plus loin, nous vous proposons de consulter la bibliographie suivante, non exhaustive, qui retrace les grandes étapes de l’histoire des vaccins à ARNm : 

 

Publications scientifiques

Wolff JA, Malone RW, Williams P, Chong W, Acsadi G, Jani A, Felgner PL. Direct gene transfer into mouse muscle in vivo. Science. 1990 Mar 23; 247(4949 Pt 1):1465-8. doi: 10.1126/science.1690918. PMID: 1690918.

L’histoire des vaccins ARNm a commencé dans les années 1990 lorsque John Wolff de l’université du Wisconsin a montré dans ce papier publié dans science la fabrication chez la souris d’une protéine en quelques jours après injection intramusculaire de l’ARNm.

 

 Karikó K, Buckstein M, Ni H, Weissman D. Suppression of RNA recognition by Toll-like receptors: the impact of nucleoside modification and the evolutionary origin of RNA. Immunity. 2005 Aug;23(2):165-75. doi: 10.1016/j.immuni.2005.06.008. PMID: 16111635.

C’est grâce aux avancées de ces 15 dernières années en particulier celles de Katalin Kariko et Drew Weissman de l’université de Pennsylvanie que les vaccins covid ont pu voir le jour. Leurs travaux publiés en 2005 dans la revue immunity ont mis au point des solutions technologiques innovantes, en incorporant des nucléotides modifiés et en retirant les contaminants qui ont permis d’éliminer les réponses immunitaires parasites provoquant les réactions inflammatoires.

 

Martinon F, Krishnan S, Lenzen G, Magné R, Gomard E, Guillet JG, Lévy JP, Meulien P. Induction of virus-specific cytotoxic T lymphocytes in vivo by liposome-entrapped mRNA. Eur J Immunol. 1993 Jul;23(7):1719-22. doi: 10.1002/eji.1830230749. PMID: 8325342.

 Les chercheurs français Frédéric Martinon et Pierre Meulien ont été les premiers à utiliser un liposome renfermant un ARNm codant pour le virus de la grippe.

 

Conry RM, LoBuglio AF, Wright M, Sumerel L, Pike MJ, Johanning F, Benjamin R, Lu D, Curiel DT. Characterization of a messenger RNA polynucleotide vaccine vector. Cancer Res. 1995 Apr 1;55(7):1397-400. PMID: 7882341.

Deux articles publiés en 1995 et 1996 montrent que l’injection d’ARNm codant pour l’antigène carcino embryonnaire induisait une réponse immunitaire et une inhibition tumorale. Les travaux s’accélèrent alors dans le domaine.

 

 Burch PA, Breen JK, Buckner JC, Gastineau DA, Kaur JA, Laus RL, Padley DJ, Peshwa MV, Pitot HC, Richardson RL, Smits BJ, Sopapan P, Strang G, Valone FH, Vuk-Pavlović S. Priming tissue-specific cellular immunity in a phase I trial of autologous dendritic cells for prostate cancer. Clin Cancer Res. 2000 Jun;6(6):2175-82. PMID: 10873066.

Le premier essai clinique a lieu au début des années 2000 chez l’Homme avec injection par électroporation d’ARN messager codant l’antigène PSA dans des cellules dendritiques. Les résultats sont encourageants chez trois participants (élimination transitoire des cellules tumorales circulantes).

 

 Weide, Benjamin*; Pascolo, Steve; Scheel, Birgit; Derhovanessian, Evelyna§; Pflugfelder, Annette*; Eigentler, Thomas K.*; Pawelec, Graham§; Hoerr, Ingmar; Rammensee, Hans-Georg; Garbe, Claus* Direct Injection of Protamine-protected mRNA: Results of a Phase 1/2 Vaccination Trial in Metastatic Melanoma Patients, Journal of Immunotherapy: June 2009 – Volume 32 – Issue 5 – p 498-507 doi: 10.1097/CJI.0b013e3181a00068

En 2009 a lieu un essai clinique d’un vaccin à base d’ARN dans le mélanome malin. Les participants reçoivent un cocktail de trois ARNm pour optimiser la fonction des cellules dendritiques et les rendre plus efficaces à stimuler les lymphocytes. Ces cellules ont été administrées à des patients souffrant d’une forme avancée de mélanome, entraînant une régression de la tumeur d’environ 27 %.

 

Sahin U, Derhovanessian E, Miller M, Kloke BP, Simon P, Löwer M, Bukur V, Tadmor AD, Luxemburger U, Schrörs B, Omokoko T, Vormehr M, Albrecht C, Paruzynski A, Kuhn AN, Buck J, Heesch S, Schreeb KH, Müller F, Ortseifer I, Vogler I, Godehardt E, Attig S, Rae R, Breitkreuz A, Tolliver C, Suchan M, Martic G, Hohberger A, Sorn P, Diekmann J, Ciesla J, Waksmann O, Brück AK, Witt M, Zillgen M, Rothermel A, Kasemann B, Langer D, Bolte S, Diken M, Kreiter S, Nemecek R, Gebhardt C, Grabbe S, Höller C, Utikal J, Huber C, Loquai C, Türeci Ö. Personalized RNA mutanome vaccines mobilize poly-specific therapeutic immunity against cancer. Nature. 2017 Jul 13;547(7662):222-226. doi: 10.1038/nature23003. Epub 2017 Jul 5. PMID: 28678784.

En 2017, Biontech développe le vaccin pentatope, une plateforme de production d’ARN messagers codant les antigènes tumoraux fréquemment rencontrés dans le cancer, avec des premiers résultats en encourageants chez l’Homme.

 

Sahin, U., Oehm, P., Derhovanessian, E. et al. An RNA vaccine drives immunity in checkpoint-inhibitor-treated melanoma. Nature 585, 107–112 (2020). https://doi.org/10.1038/s41586-020-2537-9

En 2020, un essai clinique de vaccin ARN messager encapsulé dans les liposomes contre le mélanome est organisé. L’ARNm code quatre antigènes tumoraux. Les résultats cliniques encourageants (réponse partielle). Le vaccin peut être administré seul ou avec une autre immunothérapie.

 

Shyu AB, Wilkinson MF, van Hoof A. Messenger RNA regulation: to translate or to degrade. EMBO J. 2008;27(3):471-481. doi:10.1038/sj.emboj.7601977

 

 

Ressources complémentaires

Article The Conversation: « No, Covid Vaccines don’t stay in your body for years”

https://theconversation.com/no-covid-vaccines-dont-stay-in-your-body-for-years-169247

 

Article The Conversation: “What is mRNA?”

https://theconversation.com/what-is-mrna-the-messenger-molecule-thats-been-in-every-living-cell-for-billions-of-years-is-the-key-ingredient-in-some-covid-19-vaccines-158511

 

Article Canal Détox : La Covid-19, un impact sur la fertilité vraiment ?

https://presse.inserm.fr/la-covid-19-a-un-impact-sur-la-fertilite-vraiment/43403/

 

Article Canal Détox : Les vaccins à ARNm susceptibles de modifier notre génome vraiment ?

https://presse.inserm.fr/les-vaccins-a-arnm-susceptibles-de-modifier-notre-genome-vraiment/41781/

Article : L’ARN est il l’avenir des vaccins ?

Effet placebo, effet nocebo, aucun effet, vraiment ?

 

Le terme d’effet placebo se retrouve régulièrement au cœur de l’actualité scientifique et médicale. Début 2022, c’est son « jumeau », l’effet nocebo, qui a fait la une, suite à une publication dans le JAMA s’intéressant aux effets indésirables identifiés dans les groupes contrôle des essais cliniques vaccinaux Covid-19 (chez des personnes donc qui ne recevaient pas le vaccin).

Les données qui sont mises en lumière dans cet article scientifique – qui passe en revue les résultats de plusieurs essais cliniques – suggèrent que si la prévalence d’effets indésirables est plus importante chez les individus qui reçoivent le vaccin, ces mêmes effets ont aussi été observés dans de moindres proportions dans le groupe contrôle (voir encadré pour plus de détails sur l’étude et l’ensemble des résultats).

Il n’en fallait pas moins pour que certains articles de presse reprennent l’un des chiffres les plus frappants de l’étude : 76 % des effets indésirables systémiques (maux de tête et fatigue) rapportés après la première dose de vaccin seraient dus à ce qu’on appelle « effet nocebo ».

On parle d’effet nocebo lorsque l’effet psychologique ou physiologique associé à la prise d’une substance inerte (comme une pilule de sucre ou une solution saline), qui n’a aucun effet pharmacologique documenté, engendre des effets délétères pour l’individu. À l’inverse, suite à la prise d’une substance inerte, l’effet placebo est lui associé à des bénéfices. Quelle est la réalité scientifique derrière ces phénomènes ? L’effet placebo existe-t-il et permet-il vraiment diminuer certaines douleurs ? Et se manifeste-t-il toujours de la même manière, chez tous les individus ? Et que dire de l’effet nocebo ? Pour y voir plus clair, Canal Détox fait le point.

 

L’effet placebo, des données scientifiques de plus en plus solides

Si les recherches sur le sujet se sont accélérées ces dernières années, surtout sur l’effet placebo, il s’agit d’un phénomène encore bien mystérieux. La plupart des études ont porté sur la douleur, suggérant des effets analgésiques associés à la prise d’un placebo. Mais des données plus récentes suggèrent que l’effet placebo s’avère également utile pour accompagner les traitements de certaines maladies, comme la maladie de Parkinson ou encore la dépression, avec à la clé une réduction de certains symptômes.

Ce qui est certain c’est qu’il s’agit d’un effet bien réel, produit par le cerveau, avec des conséquences observables sur la physiologie. Des études d’imagerie cérébrale ont notamment permis de mesurer concrètement ce phénomène, montrant une diminution de l’activité de certaines régions du cerveau associées à la sensation de douleur. De plus, l’effet placebo s’accompagne aussi d’une augmentation de la sécrétion des endorphines et de la dopamine, les hormones du « plaisir ».

 

Quelques idées fausses circulent encore

Parmi les idées reçues, on estime que seules certaines personnes sont sensibles à l’effet placebo. Or, la recherche met à mal cette hypothèse. En effet, tout le monde peut être « placebo-répondeur », c’est-à-dire susceptible d’observer des effets sur leurs symptômes suite à la prise d’un placebo. Certes, cet effet est variable d’un individu à l’autre, mais il dépend surtout du contexte.

En fonction de la douleur ressentie ou de la maladie ciblée, de la relation soignant-patient, ainsi que de son vécu et de ses expériences passées, un individu pourra être plus ou moins « placebo-répondeur ». Certaines équipes de recherche tentent également d’identifier des facteurs génétiques qui pourraient permettre d’expliquer les variabilités entre les personnes, mais les données sont encore limitées sur le sujet et ne font pas consensus.

Si l’on a beaucoup parlé de l’effet placebo dans le domaine de la douleur, le concept de « chirurgie placebo » est moins connu. Pourtant, des études sérieuses ont montré que celle-ci pouvait avoir un impact bénéfique, et ce pendant plusieurs années. Certaines équipes ont par exemple réalisé des interventions de revascularisation cardiaque, une opération chirurgicale visant à rétablir un flux sanguin satisfaisant dans les artères du cœur pour restaurer l’apport en oxygène.

Des patients opérés de cette manière ont ensuite été comparés à un autre groupe, chez qui le thorax avait été ouvert sans rien toucher : les effets étaient bénéfiques chez les deux types de patients et se prolongeait pendant plusieurs années dans les deux cas. Un constat qui souligne par ailleurs que l’effet placebo n’est pas forcément de courte durée. Les études sur la « chirurgie placebo » ont toutefois soulevé des questions éthiques dans la communauté médicale car elles supposent de faire passer un patient par la table d’opération sans nécessairement pratiquer de geste chirurgical à visée thérapeutique.

Autre point important, on a souvent pensé que le fait de dire à une personne qu’elle recevait un placebo pouvait nuire à son efficacité. Une idée qui sous-tend d’ailleurs l’une des règles d’or des essais cliniques : la randomisation en double-aveugle (où ni le soignant ni le patient ne savent quelle molécule est reçue par ce dernier pour ne pas influencer les résultats). Or, des travaux récents ont montré que ce n’est pas forcément le cas. Ainsi, si l’on dit à un patient qu’il reçoit un placebo, mais en ajoutant des explications sur ce qu’est l’effet placebo et en soulignant que celui-ci va déclencher certains effets directement observables dans le cerveau, cet effet pourra tout de même être observé.

La recherche se poursuit dans le domaine pour continuer à identifier tous les mécanismes neurobiologiques, pour prédire quels individus seront répondeurs dans un contexte particulier, ou encore pour tester si l’effet placebo pourrait augmenter celui de certains traitements non médicamenteux. Longtemps mal compris, déconsidéré par la communauté médicale, l’effet placebo est aujourd’hui un sujet à part entière, étudié avec rigueur et qui pourrait avoir un rôle à jouer aussi bien dans la pratique clinique que dans l’organisation des essais cliniques futurs.

 

Petite histoire de l’effet placebo

Le médecin américain Henry Beecher a découvert la puissance de l’effet placebo pendant la seconde guerre mondiale. Alors qu’il soignait des combattants blessés, il est venu à manquer de morphine pour soulager leurs douleurs. Il leur a alors administré une solution saline en continuant de dire à ses patients qu’il s’agissait du précieux médicament analgésique. Il a ensuite été à l’origine de l’introduction systématique d’un groupe placebo dans les études cliniques.

 

Et l’effet nocebo dans tout cela ?

Si le cerveau est capable de soulager certaines douleurs et affections simplement après la prise de substances inertes, il peut aussi mener à des symptômes redoutés, voire un effet indésirable attendu ou non. Ces effets indésirables associés à l’effet nocebo sont le plus souvent non spécifiques, tels que des maux de tête et/ou des symptômes gastro-intestinaux. Ils sont aussi moins étudiés que l’effet placebo mais sont régulièrement associés à des personnes ayant un positionnement marqué par une certaine opposition ou un rejet du médicament.

Les recherches dans le domaine ont pour objectif de tenter de réduire l’effet nocebo, notamment dans les essais cliniques (par exemple en expliquant clairement aux patients que même s’ils reçoivent un placebo, ils peuvent avoir des effets indésirables). Pour la communauté médicale, toute la question est de savoir comment elle peut lutter pour rétablir la sérénité et la confiance tout en informant correctement les patients sur les risques, sans générer d’anxiété (notamment en mettant en avant la balance entre bénéfice et risque). 

Les recherches doivent là aussi se poursuivre pour mieux identifier les mécanismes sous-jacents mais aussi les personnes qui sont le plus susceptibles d’être affectées par cet effet nocebo.

 

L’étude du JAMA en détail

Les auteurs de l’étude publiée fin janvier 2022 dans le JAMA ont analysé 12 articles issus de la littérature scientifique portant sur les résultats d’essais cliniques vaccinaux Covid-19.  En tout, ce sont les données de plus de 45 000 participants qui ont été analysées (la moitié d’entre eux ayant reçu le vaccin et l’autre moitié un placebo). L’idée était d’étudier la survenue d’effets indésirables locaux (douleur au site d’injection) et systémiques (maux de tête, fièvre, fatigue…) dans les deux groupes. Les chercheurs ont montré qu’après la première dose, 35 % du groupe contrôle, qui n’avait dont pas reçu le vaccin rapportait des effets indésirables systémiques (31 % après la deuxième dose). Dans le groupe des personnes vaccinées, 46 % des participants faisaient état d’effets indésirables systémiques après la première dose (61 % après la deuxième dose).

Si la prévalence d’effets indésirables est donc significativement plus élevée dans le groupe ayant été vacciné, ces chiffres suggèrent tout de même l’existence d’un effet nocebo pour les personnes dans le groupe contrôle. Dans un contexte où les freins à la vaccination restent nombreux, celui-ci doit être pris en compte et étudié. Le fait que dans le groupe contrôle, les effets indésirables diminuent après la deuxième dose est encourageant : l’anxiété associée à la vaccination s’estomperait après la deuxième dose.

En faisant le ratio entre les pourcentages d’effets indésirables rapportés dans le groupe vacciné et le groupe contrôle, les chercheurs estiment que chez les personnes vaccinées, 76 % des effets systémiques après une dose de vaccin et 51 % après deux doses sont liés à l’effet nocebo.

 

Texte rédigé avec le soutien de Didier Bouhassira, neurologue, directeur de l’unité Inserm Physiopathologie et pharmacologie clinique de la douleur, Hôpital Ambroise-Paré

 et Mathieu Molimard, service de Pharmacologie médicale, CHU de Bordeaux ; unité 1219 Inserm/Université de Bordeaux

Troisième dose de vaccin anti-Covid, quelles sont les données ?

anticorps « attaquant » un virus

Modélisation 3D d’anticorps « attaquant » un virus. ©Adobe Stock

Le 11 octobre 2021, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé qu’elle recommandait une troisième dose de vaccin contre la Covid-19 pour les personnes immunodéprimées, tout en insistant sur le fait que cette décision ne concerne pas le reste de la population. Une annonce qui intervient alors que l’organisation s’opposait depuis plusieurs mois au principe d’une troisième dose, préférant plutôt insister sur l’importance de rendre la vaccination accessible à tous les pays.

En France, une troisième dose de rappel avait déjà proposée aux personnes les plus fragiles et à celles âgées de plus de 65 ans depuis septembre. La reprise épidémique a conduit les autorités à généraliser cette troisième dose à toute la population adulte. 

En creux, la question qui se pose est celle de la durée de la réponse immunitaire suite à la vaccination. Est-on toujours protégé contre l’infection par le SARS-CoV-2, et surtout contre le risque de développer une forme grave de la maladie, plusieurs mois après avoir été vacciné ? Chez quelles personnes l’immunité est-elle particulièrement affaiblie ? Et pour qui une troisième dose s’avère-t-elle vraiment nécessaire ?

Depuis le début de la pandémie, de nombreuses équipes de recherche se sont penchées sur la réponse immunitaire induite par l’infection ou par la vaccination, ainsi que sur sa durée. Si des interrogations demeurent, des données solides ont déjà émergé, permettant d’y voir un peu plus clair. Canal Détox fait le point.

 

Texte mis à jour le 9 décembre 2021 pour refléter les données disponibles les plus récentes

La réponse immunitaire ne se résume pas aux anticorps

Avant toute chose, bien que les quantités d’anticorps dans le sang constituent un marqueur important de l’immunité, il est important de rappeler que la réponse immunitaire ne se résume pas seulement à cela.

Après avoir été infecté par un virus ou après vaccination, l’organisme garde en mémoire sa rencontre avec le pathogène. Le système immunitaire peut alors reconnaitre ce dernier et l’éliminer en cas d’une nouvelle exposition, protégeant la personne contre la maladie. Cette réponse immunitaire fait intervenir différents éléments, dont les anticorps neutralisants produits lors de la première exposition au pathogène qui subsistent encore dans l’organisme, mais aussi les lymphocytes T ou encore les lymphocytes B qui coordonnent la production de nouveaux anticorps (voir encadré).

Quelques rappels sur la réponse immunitaire

L’immunité innée est une réponse immédiate qui survient chez tout individu en l’absence d’immunisation préalable. Il s’agit de la première barrière de défense vis-à-vis des agents pathogènes. Elle fait principalement intervenir des anticorps préformés (naturels) et des lymphocytes qui ne présentent pas de récepteurs spécifiques à l’antigène.  

L’immunité adaptative se met en place au bout de quelques jours après le contact avec l’agent pathogène et constitue la deuxième ligne de défense de l’organisme. Contrairement à l’immunité innée, l’immunité adaptative est spécifique d’un antigène donné.

On peut distinguer deux grandes catégories de réponse immunitaire adaptative. Les réponses dites humorales sont fondées sur la production d’anticorps par les lymphocytes B. Ces anticorps reconnaissent le pathogène et le neutralisent pour l’empêcher d’infecter les cellules cibles. Les réponses dites cellulaires sont fondées sur la reconnaissance et la destruction par les lymphocytes T des cellules infectées.

Les anticorps produits lors de l’infection ou de la vaccination diminuent au cours du temps, mais nous conservons des lymphocytes T et des lymphocyte B dits « mémoires », capables de générer de nouveaux anticorps en cas de nouveau contact avec le pathogène.

Il est cependant plus difficile d’étudier ces cellules mémoires et de s’assurer qu’elles sont bien présentes dans l’organisme. En effet, pour voir si un individu en dispose, il convient de réaliser une ponction au niveau des ganglions lymphatiques. Une procédure bien plus invasive que la prise de sang effectuée pour déterminer nos taux d’anticorps.

Une quantité réduite d’anticorps dans le sang, plusieurs mois après avoir été infecté ou vacciné, ne signifie donc pas que l’on n’est plus du tout protégé contre le virus. Les lymphocytes B et T qui restent en mémoire sont en mesure de prendre le relais. 

 

Quelle immunité après l’infection ?

Plusieurs études soulignent que six à douze mois après l’infection, la plupart des anciens malades de la Covid-19 sont encore partiellement immunisés contre le virus.

Ainsi dans une étude publiée dans le journal Science, menée auprès de 200 patients convalescents, les scientifiques ont montré que 95 % d’entre eux présentaient encore une réponse immunitaire durable contre le virus dans les huit mois suivant l’infection. Les niveaux d’anticorps demeuraient stables, déclinant seulement légèrement six à huit mois après l’infection. La quantité de lymphocytes B spécifiques du virus augmentait quant à elle progressivement pour atteindre un pic six mois après infection, puis elle se stabilisait.

Enfin, les niveaux de lymphocytes T spécifiques du virus demeuraient aussi élevés. Six mois après l’infection, 92 % des individus présentaient des lymphocytes T CD4+ impliqués dans la coordination de la réponse immunitaire, tandis que la moitié d’entre eux présentaient des lymphocytes T CD8+, qui tuent les cellules infectées par le virus. La quantité de ces cellules variait beaucoup d’un individu à l’autre sans qu’aucun facteur explicatif (sexe ou âge des personnes par exemple) ne se détache particulièrement.

Ces données sont corroborées par des publications plus récentes dans le journal Nature, qui montrent que six à douze mois après infection, des patients convalescents présentent des niveaux d’anticorps stables mais également des lymphocytes B qui restent en mémoire au niveau de la moelle osseuse et peuvent réactiver la réponse immunitaire en cas de nouvelle infection.

 

Et après la vaccination ?

Les scientifiques ont aussi étudié la durée de l’immunité chez des milliers de patients vaccinés. Si nous avons un peu moins de recul sur ce sujet, les campagnes de vaccination ayant commencé il y a moins d’un an, on peut toutefois déjà souligner que les données disponibles suggèrent une efficacité toujours élevée des vaccins au cours du temps.

Une étude parue en septembre 2021 dans le New England Journal of Medicine rapporte le suivi d’environ 40 000 personnes vaccinées par le vaccin à ARN Pfizer (BNT162b2) aux États-Unis, en Amérique du Sud, en Afrique et en Europe, et montre que six mois après vaccination, une protection contre l’infection atteignant 91,3 %, est toujours constatée.

Plus récemment, deux études publiées dans la même revue sont venues compléter le tableau. La première, portant sur plus de 900 000 personnes vaccinées au Qatar, s’est intéressée à l’efficacité du même vaccin à ARN pour prévenir l’infection, mais également pour éviter les formes sévères de la maladie et les décès, dans un contexte où le variant delta était devenu dominant. Les données suggèrent là aussi un haut niveau de protection contre les formes graves de la maladie induites par le variant delta, atteignant 96 % d’efficacité deux mois après la seconde dose, et se maintenant à ce niveau jusqu’à six mois après. Toutefois, l’efficacité du vaccin pour prévenir l’infection et les formes asymptomatiques était plus faible, atteignant 77,5 % d’efficacité un mois après la première dose, mais déclinant après.

La seconde étude a été menée en Israël sur 4 868 soignants, testés mensuellement au moyen d’un test sérologique sur une durée de six mois, afin de déterminer leur taux d’anticorps neutralisants dans le sang. L’étude montre que ce taux diminue rapidement au bout de trois mois, mais qu’il reste ensuite relativement stable jusqu’au sixième mois. Des différences notables ont cependant été identifiées entre les individus. Ainsi, les personnes âgées avaient un taux d’anticorps plus faible que les plus jeunes, et les hommes un taux plus faible que les femmes. De manière générale, les personnes immunodéprimées étaient également plus susceptibles de présenter des taux réduits d’anticorps. À noter encore une fois que la diminution des anticorps dans le sang ne signifiait pas absence d’immunité. Les auteurs de cette publication n’ont pas étudié ici les autres paramètres de la réponse immunitaire, comme les lymphocytes.

 

Un risque d’émergence de nouveaux variants

À ce jour, les données disponibles concordent donc pour montrer que si la réponse immunitaire diminue au cours du temps, les individus continuent à être partiellement immunisés. D’autres cellules que les anticorps neutralisants peuvent prendre le relais en cas de nouvelle rencontre avec le virus. Par ailleurs, les vaccins continuent à être efficaces pour lutter contre les formes graves de Covid-19 et les décès, jusqu’à six mois après avoir reçu un schéma vaccinal complet. Le risque d’être infecté existe néanmoins, surtout suite à l’émergence de variants plus contagieux, comme le variant delta.

Par principe de précaution, notamment pour protéger les personnes ayant un système immunitaire plus fragile (en particulier les personnes âgées et immunodéprimées), qui ont potentiellement développé une réponse immunitaire moins forte suite aux premières doses de vaccins, certains pays ont donc introduit le principe d’une dose de rappel.

Avant de généraliser cette pratique, de nombreux scientifiques estiment cependant que la priorité reste de rendre la vaccination accessible à toutes les populations, dans tous les pays. Ne pas le faire implique de prendre le risque de laisser le virus circuler activement dans certaines régions du monde, ce qui pourrait aboutir à l’émergence de nouveaux variants potentiellement résistants aux vaccins.

Efficacité de la 3e dose, vaccination contre le variant omicron : les premières données disponibles

 Une troisième dose de vaccin (dose de rappel ou ‘booster’) est privilégiée par les autorités sanitaires de nombreux pays pour compléter le schéma vaccinal des individus et lutter contre la reprise épidémique. Des données solides concernant l’efficacité de cette mesure sont désormais disponibles. Ainsi une large étude a été publiée le 8 décembre 2021 dans le New England Journal of Medicine portant sur plus de 850 000 personnes âgées de plus de 50 ans en Israël. La grande majorité (760 000 d’entre elles) avait reçu une troisième dose au moins cinq mois après leur deuxième dose. Les chercheurs se sont intéressés à l’efficacité de cette dose de rappel sur le risque de mortalité. Ils montrent que cette efficacité est de 90 % pour prévenir la mortalité liée au variant delta (65 décès dans le groupe ayant reçu la 3e dose vs 137 dans le groupe ne l’ayant pas reçu). Les facteurs de risque de mortalité étaient toujours l’âge ou le fait d’être atteint d’une pathologie affectant la réponse immunitaire. Ces données viennent confirmer que la dose booster renforce la qualité et l’intensité de la réponse immunitaire.

Face à l’émergence du variant omicron, la question de l’échappement immunitaire et de l’efficacité des vaccins disponibles s’est aussi très rapidement posée. Les premières données transmises par les laboratoires et issues de préprints, qui sont donc très préliminaires, suggèrent que les vaccins dont nous disposons seraient moins efficaces contre ce variant. Une perte du pouvoir neutralisant des anticorps induits par la vaccination est constatée face à omicron. Toutefois, la troisième dose de vaccin permettrait aux anticorps de regagner une capacité de neutralisation du virus plus importante. A long terme, adapter les vaccins au variant omicron est une stratégie envisagée.

Texte réalisé avec le soutien de Frédéric Altare, directeur de recherche Inserm au Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers

Les vaccins à ARNm susceptibles de modifier notre génome, vraiment ?

 

Cette photo représente le coronavirus SARS-CoV-2 responsable de la maladie COVID-19 observé en gros plan à la surface d’une cellule épithéliale respiratoire humaine. Sa double membrane et sa couronne de glycoprotéines sont bien visibles. © M.Rosa-Calatrava/O.Terrier/A.Pizzorno/E.Errazuriz-cerda

 

Article actualisé le 6 décembre 2021 à l’aide des données scientifiques dont nous disposons à ce jour.

Cet article a été publié le 14 décembre 2020. Il est susceptible d’évoluer au fur et à mesure que de nouvelles données émergent.

 

Les premiers vaccins autorisés contre la Covid-19 sont des « vaccins à acides nucléiques » qui reposent sur la technologie de l’ARN messager. Arrivés sur le marché en seulement un an, ces nouveaux vaccins, qui ouvrent des pistes pour la vaccination dans d’autres domaines de la médecine, ont aussi suscité des craintes et des questions au sein de la population.

Sur quoi se fonde cette technique ? Comment expliquer la rapidité de développement de ces vaccins ? Quels sont leurs avantages et leurs limites ? Pour couper court aux fausses infos et répondre aux interrogations, Canal Détox fait le tour de la question.

 

 

Le principe de la vaccination est simple : il consiste à injecter une forme atténuée ou inactivée d’un agent infectieux ou certains de ses composants dans l’organisme pour le préparer à un contact ultérieur avec un virus. La rencontre de l’organisme avec l’agent pathogène lors de la vaccination permet en effet de développer des cellules immunitaires « mémoires », capables de reconnaître à nouveau immédiatement cet agent si l’individu venait à y être exposé « naturellement ». L’objectif est de déclencher une réaction immunitaire permettant d’éviter une possible contamination dans le futur.

Rigoureusement testés pour valider leur efficacité et leur sûreté, les vaccins sont développés dans le but de protéger les personnes contre certaines maladies virales tout en leur évitant au maximum les effets indésirables liés à l’administration de ces produits.

Un « leurre » pour le système immunitaire

Le principe des vaccins à acides nucléiques (vaccins à ARN ou à ADN)[1] est un peu différent de celui expliqué précédemment, même si l’idée de base est bien également de confronter le système immunitaire à un « leurre » pour le pousser à développer des anticorps et des cellules immunitaires mémoires contre le virus.

Néanmoins, dans le cas de ces nouveaux vaccins, il s’agit de faire produire les fragments d’agents infectieux directement par les cellules de l’individu vacciné. Pour cela, ce n’est pas le virus dans sa forme atténuée qui est injecté mais seulement l’information, sous la forme de molécules d’ADN ou d’ARN, permettant de produire les antigènes (protéines) de l’agent pathogène.

Les cellules de la personne vaccinée localisées au niveau du site d’injection (principalement les cellules du système immunitaire) sont alors en mesure de fabriquer elles-mêmes lesdites protéines, choisies en amont pour leur capacité à déclencher une réponse immunitaire protective capable de neutraliser le virus.

Le candidat vaccin de Pfizer/BioNTech comme celui de Moderna sont des vaccins à ARN. Ils reposent sur l’injection d’un ARN messager codant la protéine Spike présente à la surface du coronavirus SARS-CoV-2 (qui constitue la « clé » permettant au virus de s’accrocher aux cellules puis d’y pénétrer et de les infecter).

Des avantages en période pandémique

Parmi les avantages associés aux vaccins à ARN, on compte notamment leur rapidité de développement. En effet, une grande partie du processus de développement et de manufacture des vaccins traditionnels se trouve éliminée. Il est par exemple possible d’éviter tout le travail de production des virus vivants atténués, inactivés ou recombinants à injecter aux patients ou encore de purification des protéines virales. En outre, les molécules d’ARN sont produites synthétiquement de manière très contrôlée et très rapide.

Par ailleurs, la vitesse de circulation du virus dans la population pendant la pandémie et les efforts fournis par les agences réglementaires pour raccourcir les délais lors des essais cliniques ont permis d’obtenir plus rapidement des résultats d’efficacité, contribuant à expliquer ce délai de mise au point extraordinairement court des vaccins anti-Covid.

Enfin, jamais les fonds attribués à ce type de recherche vaccinale n’avaient été aussi élevés, et ces financements ont donné à la communauté scientifique des moyens qu’ils n’avaient pas jusqu’alors pour mener des essais cliniques aussi rapidement et efficacement.

Au-delà de la rapidité de développement, les vaccins à ARN présentent un intérêt certain car il est très facile et rapide de les modifier et de les adapter pour d’autres maladies, ou pour des variants du SARS-CoV-2. Il suffit en effet de modifier la séquence génétique codée par l’ARN.

Cette nouvelle technologie vaccinale devrait désormais permettre de réagir plus vite en période pandémique et pourra facilement être adaptée lors de futures éventuelles épidémies.

Pas de risque pour notre matériel génétique

Il est néanmoins légitime que cette technologie vaccinale, du fait de sa relative nouveauté pour le grand public, suscite des questions. Il faut cependant déjà souligner que les vaccins à acides nucléiques sont étudiés depuis trente ans dans les laboratoires de recherche et que la technologie est bien connue et bien maîtrisée par les scientifiques. Si aucun vaccin de ce type n’était encore arrivé sur le marché jusqu’ici, des études précliniques et des essais cliniques de phases précoces avaient déjà été menés pour d’autres maladies, comme Zika, avec des résultats prometteurs. La plateforme vaccinale[2] était donc déjà développée, et prête à être adaptée au SARS-CoV-2 et déployée dans le cadre d’un essai clinique.

Des inquiétudes ont été soulevées concernant les effets secondaires à long terme encore mal documentés de ces vaccins. Il faut dans un premier temps souligner que les personnes qui ont été vaccinées dès le début des campagnes vaccinales ont été suivies de près par les médecins pour répertorier tout effet indésirable qui pouvait se produire.

Aujourd’hui la plupart des effets indésirables graves documentés concernent des allergies et des cas de myocardites qui peuvent être bien pris en charge par les médecins. Si pour le moment il n’y a pas de recul au-delà d’un an et demi, il faut aussi savoir que les effets secondaires des vaccins apparaissent généralement dans les semaines qui suivent l’injection, et qu’il n’y a pas à craindre le développement d’effets secondaires à plus long terme.

Par ailleurs, il est important de préciser que l’ARN injecté via le vaccin contre la Covid n’a aucun risque de transformer notre génome ou d’être transmis à notre descendance, dans la mesure où il pénètre dans le cytoplasme des cellules, mais pas dans le noyau. Cette donnée est confirmée par 30 ans de recherche plus générale en laboratoire sur les vaccins à acides nucléiques, qui confirment que les molécules d’ARN du vaccin ne se retrouvent jamais dans le noyau. Or, c’est dans ce noyau cellulaire que se situe notre matériel génétique. Même après l’injection du vaccin, lors de la division cellulaire, les noyaux continuent à ne contenir que notre ADN humain naturel.

Par ailleurs, l’injection est locale et les cellules qui reçoivent l’ARN codant la protéine Spike sont principalement des cellules immunitaires: en aucun cas l’ARN ne va jusqu’aux cellules des organes reproducteurs (les gonades). Il ne peut donc pas être transmis d’une génération à l’autre. 

Enfin, l’ARN étranger injecté est instable et ne reste donc pas longtemps dans l’organisme : il produit juste ce qu’il faut de protéine Spike pour entraîner le système immunitaire à réagir en cas d’infection « naturelle » par le virus, avant d’être éliminé.

Texte rédigé avec le soutien de Frédéric Martinon, chercheur Inserm, U1184 IMMUNOLOGIE DES MALADIES VIRALES, AUTO-IMMUNES, HEMATOLOGIQUES ET BACTERIENNES (IMVA-HB)

[1] L’ADN et l’ARN sont des molécules présentes dans toutes les cellules des êtres vivants. Les molécules d’ADN sont porteuses du patrimoine génétique, situé à l’intérieur du noyau. Les molécules d’ARN sont synthétisées à partir de fragments d’ADN et sont ensuite utilisées comme patron par une machinerie complexe pour fabriquer, à l’extérieur du noyau, les protéines nécessaires au fonctionnement de l’organisme.

[2] Par plateforme vaccinale, on entend une stratégie particulière de production et de présentation d’un antigène (la protéine Spike dans le cas du SARS-CoV-2) au système immunitaire.

Être réinfecté par le SARS-CoV-2, vraiment ?

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 (© Philippe Roingeard et Sébastien Eymieux, unité Inserm U1259, Morphogenèse et antigénicité du VIH et des virus des hépatites, Université de Tours, France)

 

Article actualisé le 2 décembre 2021 à l’aide des données scientifiques dont nous disposons à ce jour.

Cet article a été publié le 27 octobre 2020. Il est susceptible d’évoluer au fur et à mesure que de nouvelles données émergent.

 

La question de la réinfection par le SARS-CoV-2 s’est posée très tôt au cours de la pandémie. Dès l’automne 2020, plusieurs études de cas évaluées par les pairs et publiées dans des journaux scientifiques confirmaient qu’il était possible d’être réinfecté.

Toutefois, les données disponibles sur le sujet sont longtemps demeurées parcellaires et même, aujourd’hui, en l’état actuel des connaissances, la plupart des scientifiques s’accordent pour dire que le phénomène de réinfection demeure relativement rare.

Il apparaît néanmoins nécessaire de continuer les recherches sur cette thématique, et de manière plus générale sur l’immunité, afin de mieux la comprendre et d’appréhender les éventuelles caractéristiques immunologiques et génétiques communes qui pourraient exister entre les patients réinfectés. Pour y voir plus clair, Canal Détox fait le point sur ce que l’on sait et sur ce que l’on cherche encore à savoir au sujet des réinfections et de la réponse immunitaire après l’infection.

Premières pistes

Dès le printemps 2020, une étude publiée dans Nature Review Immunology menée sur des modèles animaux a montré qu’en réinfectant des primates non humains quelques temps après une première exposition au SARS-CoV-2, ceux-ci ne développaient aucun symptôme de la maladie. Par ailleurs, aucun signe de réplication du virus n’était observé dans des prélèvements nasopharyngés. Les conclusions de cette étude étaient donc prudemment optimistes, suggérant un certain degré d’immunisation contre le virus après une première infection.

À la même époque, des études décrivant les premiers cas de réinfection potentielle chez l’humain sont parues. Cependant, elles présentaient un certain nombre de limites. Par exemple, une étude publiée dans l’American Journal of Emergency Medicine documentait le cas d’un patient de 82 ans admis à l’hôpital en avril. Après 28 jours en soins intensifs, celui-ci avait pu réintégrer son domicile à l’issue de deux tests PCR négatifs. Dix jours plus tard, l’émergence de nouveaux symptômes l’obligeait à se diriger vers les services hospitaliers.

La réinfection n’avait cependant pas pu être confirmée, les chercheurs estimant que des traces du virus auraient pu subsister dans son organisme entre ses deux passages à l’hôpital et que les tests PCR auraient pu donner des résultats faux négatifs. D’autres publications ont fait état de situations similaires, sans parvenir non plus à montrer qu’il s’agissait de réinfection.

 

Réinfections confirmées

Une étude publiée dans Clinical Infectious Diseases a d’abord montré qu’un patient avait été infecté à deux reprises à 142 jours d’intervalles. Il était asymptomatique la deuxième fois. Ces résultats ont été rendus possibles grâce à l’analyse du génome viral contenu dans des prélèvements effectués lors de la première et de la seconde infection, et à leur comparaison avec les séquences de SARS-CoV-2 sur la plateforme GISAID[1]. Les chercheurs ont montré qu’il s’agissait de deux souches différentes et que la patient avait donc été infecté deux fois, par deux formes génétiques distinctes de SARS-CoV-2. 

Des résultats similaires ont été publiés concernant d’autres études de cas où des patients étaient réinfectés par d’autres variants, mais aussi dans des études plus larges dans différents pays, confirmant que les réinfections sont possibles mais peu fréquentes, et qu’elles donnent rarement lieu à des formes sévères. Dans plusieurs cas, il a aussi été montré que le risque d’être réinfecté si l’on a déjà eu la Covid est moins élevé lorsque l’on est également vacciné.

Récemment, une large étude publiée dans NEJM et menée au Qatar s’est intéressée à 1304 cas de réinfections identifiés au sein d’une large base de données nationale. Parmi ces cas, ils ont notamment montré que 31 % étaient causés par le variant bêta, 4,4 % par le variant alpha. Par ailleurs, les chercheurs montrent encore que les réinfections aboutissent rarement à des symptômes sévères de la maladie. Dans cette étude, seuls 4 cas sur 1304 ont nécessité une hospitalisation, mais il n’y a eu aucun patient en réanimation et aucun décès.

 

Quelle immunité après l’infection ?

Si les personnes réinfectées souffrent peut-être d’un défaut de réponse immunitaire qu’il faut encore mettre en évidence, les données disponibles suggèrent donc qu’une forme d’immunité, même partielle, se met en place suite à un premier contact avec le virus. De nombreuses études ont ainsi été publiées permettant de mieux comprendre la réponse immunitaire montée par l’organisme après avoir été infecté par le SARS-CoV-2.

Plusieurs travaux soulignent ainsi que six à douze mois après l’infection, la plupart des anciens malades de la Covid-19 sont encore partiellement immunisés contre le virus.

Ainsi dans une étude publiée dans le journal Science, menée auprès de 200 patients convalescents, les scientifiques ont montré que 95 % d’entre eux présentaient encore une réponse immunitaire durable contre le virus dans les huit mois suivant l’infection. Les niveaux d’anticorps demeuraient stables, déclinant seulement légèrement six à huit mois après l’infection. La quantité de lymphocytes B spécifiques du virus augmentait quant à elle progressivement pour atteindre un pic six mois après infection, puis elle se stabilisait.

Enfin, les niveaux de lymphocytes T spécifiques du virus demeuraient aussi élevés. Six mois après l’infection, 92 % des individus présentaient des lymphocytes T CD4+ impliqués dans la coordination de la réponse immunitaire, tandis que la moitié d’entre eux présentaient des lymphocytes T CD8+, qui tuent les cellules infectées par le virus. La quantité de ces cellules variait beaucoup d’un individu à l’autre sans qu’aucun facteur explicatif (sexe ou âge des personnes par exemple) ne se détache particulièrement.

Ces données sont corroborées par des publications plus récentes dans le journal Nature, qui montrent que six à douze mois après infection, des patients convalescents présentent des niveaux d’anticorps stables mais également des lymphocytes B qui restent en mémoire au niveau de la moelle osseuse et peuvent réactiver la réponse immunitaire en cas de nouvelle infection.

Texte rédigé avec le soutien de Fréderic Altare, Directeur de Recherche Inserm

Directeur de l’Unité de Recherche Inserm « Immunologie et Nouveaux Concepts en Immunothérapie » (INCIT)

Vacciner les enfants pour lutter contre la pandémie de Covid-19, vraiment ?

enfant covid transmission

Plusieurs études ont été publiées sur la transmission en milieu scolaire. © Pixabay

 

Article actualisé le 29 novembre 2021 à l’aide des données scientifiques dont nous disposons à ce jour.
Cet article a été publié le 23 mars 2021. Il est susceptible d’évoluer au fur et à mesure que de nouvelles données émergent.

 

Face à une nouvelle vague épidémique de Covid-19 en Europe, et alors que l’Agence européenne des médicaments a donné son feu vert à l’utilisation du vaccin de Pfizer pour les moins de 11 ans (et la HAS aux moins de 11 à risque de formes graves), la question récurrente de la vaccination des enfants est à nouveau au cœur des préoccupations et de l’actualité. 

Quelles sont les données disponibles pour le moment concernant la vaccination et l’immunité des enfants face à la Covid-19 ? Pourquoi n’ont-ils pas été identifiés comme public prioritaire au début de la campagne vaccinale en janvier 2021 ? Et vacciner les enfants pourrait-il ralentir significativement l’épidémie ? Canal Détox se penche sur ces questions et coupe court aux fausses infos.

Pourquoi les enfants n’ont-ils pas été définis comme population prioritaire à la vaccination ?

Les études sur la réponse des enfants et des adolescents face aux candidats vaccins contre la Covid-19 et l’efficacité de ces derniers sur ces groupes d’âge sont moins nombreuses que celles sur les adultes. En effet, les essais qui ciblent les plus jeunes ont démarré plus tardivement. Pour comprendre pourquoi, il faut prendre la mesure de l’urgence imposée par la pandémie dans laquelle ces essais ont été menés.

Les essais cliniques sur les enfants sont plus longs à mettre en place : des autorisations particulières sont requises (article 32 du règlement – UE – n° 536/2014 du Parlement européen du 16 avril 2014) et il faut pouvoir montrer que le bénéfice apporté à la population pédiatrique est supérieur aux risques potentiels encourus.

Ce dernier point est ici central, car les enfants et les adolescents sont peu affectés par les formes graves de Covid-19 qui se retrouvent surtout chez les adultes et plus rarement chez des enfants souffrant de comorbidités et de déficits immunitaires (notamment avec une réponse interféron inadaptée[1]).

Par ailleurs, dans de très rares cas, des formes inflammatoires post-infectieuses ressemblant à la maladie de Kawasaki ont été relevées chez des enfants infectés par le virus. C’est une inflammation sévère qui se déclenche 4 à 6 semaines après l’infection, et pour deux tiers des cas, ce syndrome inflammatoire a atteint le cœur, entraînant des cas de myocardite. Là encore, il s’agit d’un phénomène peu fréquent : environ 700 cas de cette pathologie liée à l’infection (appelée PIMS ou MISC) ont été enregistrés en France (selon les données de Santé publique France au 21 octobre 2021). Dans la grande majorité des cas, l’infection par le SARS-CoV-2 donne lieu à des formes asymptomatiques (ou peu symptomatiques) chez les enfants.

Lors des premières vagues épidémiques, la priorité était de réduire la pression hospitalière et la mortalité. Cependant, le nombre de doses de vaccins disponibles était encore limité, ce qui explique pourquoi il avait été demandé de tester les candidats vaccins et de vacciner en priorité les personnes plus vulnérables au virus (les personnes âgées et/ou souffrant de certaines maladies).

Des données intéressantes sur les adolescents

Depuis quelques mois cependant, des données solides ont commencé à émerger sur la vaccination des adolescents. Elles sont jusqu’ici rassurantes à la fois sur le plan de l’efficacité et de la sûreté. En juillet 2021, une étude publiée dans le New England Journal of Medicine par la société Pfizer, annonçait déjà une efficacité de près de 100 % de son vaccin chez les 12-15 ans dans un essai clinique de phase 3. Les participants avaient développé une réponse immunitaire très importante et le vaccin était bien toléré, avec seulement des effets secondaires mineurs de type douleur au site d’injection, maux de tête et fatigue. Les données issues de la vaccination en vie réelle semblent confirmer ces résultats.

Face à ces données encourageantes et suite au feu vert des autorités sanitaires, la vaccination a été ouverte aux adolescents de 12 à 17 ans dans de nombreux pays, et notamment en France depuis le mois de juin 2021.

Si des craintes concernant de potentiels effets secondaires graves ont été rapportées depuis, il faut souligner qu’ils sont loin d’être fréquents. De très rares cas de myocardites ont été documentés suite à la vaccination (dans un délai de 7 jours après l’injection), principalement chez des jeunes hommes de 12 à 29 ans.

En effet, comme l’indique une récente enquête de pharmacovigilance, le nombre de cas de myocardites serait de 11,5 sur 1 million pour le vaccin Pfizer-Biontech et de 36,2 sur 1 million pour le vaccin Moderna (raison pour laquelle la Haute Autorité de santé a préconisé d’utiliser plutôt le vaccin fabriqué par Pfizer-BioNTech chez les hommes de moins de 30 ans). De plus, ces myocardites chez les adolescents ont pour la plupart été modérées et ont parfaitement répondu aux traitements[2].

Renforcer la vaccination des adultes et des ados

Quand on se penche sur les chiffres, on constate que les adolescents constituent la tranche d’âge la moins vaccinée en France à l’heure actuelle. Ainsi, au 23 novembre 2021, seul 60 % des 12-17 ans étaient entièrement vaccinés, contre 74,9 % de la population globale (et 76 % des 18-24 ans ou encore 84 % des 64-74 ans).

Des différences très notables entre les régions sont par ailleurs à souligner. Ainsi, si 88,8 % des adolescents bretons sont vaccinés, cette proportion n’atteint par exemple « que » 70 % en région PACA ou 73 % en Ile-de-France.

Toujours avec l’objectif de continuer à protéger les populations contre les formes graves de Covid-19 et tenter d’atteindre un taux de vaccination suffisamment élevé pour se rapprocher d’une immunité collective[3], certains scientifiques estiment qu’avant de penser à vacciner les plus jeunes, il serait nécessaire de renforcer d’abord les efforts pour favoriser la vaccination des adolescents et des adultes, notamment dans les régions où la couverture vaccinale est la plus faible.

Et les jeunes enfants ?

Certains pays, comme les États-Unis ou Israël, ont cependant décidé d’ouvrir la vaccination aux enfants de 5 à 11 ans. Une étude parue en novembre 2021 dans NEJM portant sur 2 268 enfants (1 517 recevant le vaccin de Pfizer et 751 un placebo) a montré que la vaccination est sûre (pas d’effets secondaires graves rapportés) et efficace (seuls 3 enfants dans le groupe vacciné ont été infectés par le virus plus de 7 jours après la deuxième dose contre 16 dans le groupe placebo).

Il est néanmoins important de souligner que l’échantillon de participants considéré dans cet essai est relativement limité. Ces résultats devront donc être complétés par d’autres études plus larges ainsi que par des données obtenues en vie réelle.

Rappelons aussi que si les vaccins disponibles permettent de limiter les formes sévères de la maladie et les hospitalisations, ils ne sont que partiellement efficaces pour freiner la transmission du virus (surtout face au variant Delta plus contagieux). Il est donc nécessaire d’insister à nouveau sur l’importance des mesures barrières, en particulier dans les espaces publics peu aérés, et notamment en milieu scolaire, même lorsque la majorité des élèves sont vaccinés. 

 

Texte rédigé avec le soutien de Frédéric Rieux-Laucat, directeur de recherche Inserm à l’Institut Imagine à Paris.

 

[1] Lorsque des cellules sont infectées par un virus, elles produisent des interférons (IFN), de puissantes molécules antivirales : c’est la réponse interféron (qui « interfère » avec la réplication du virus). Si elle est inadaptée, le virus peut se multiplier plus rapidement et la réponse immunitaire qui en découle peut devenir pathologique.

[2] Selon les données de pharmacovigilance françaises validées par l’ANSM du 27 décembre 2020 au 15 juillet 2021

[3] Avec le variant Delta, le R0 est estimé à 7 environ, et on sait que pour obtenir une protection collective le calcul de la population à vacciner est de 1-(1/R0) (soit environ 85 % pour un R0 à 7, et il faudrait 90 % de la population vaccinée si le R0 passe à 10).

Certains traitements antidépresseurs efficaces pour prévenir les formes sévères de Covid-19, vraiment ?

médicaments

©  Adobe Stock

 

Texte mis à jour le 10 décembre 2021 pour refléter les données disponibles les plus récentes.

Certains traitements antidépresseurs pourraient-ils être efficaces en cure courte (10 à 15 jours de traitement) pour prévenir les formes sévères de Covid-19 en cas d’infection ? C’est en tous cas la promesse rapportée dans la presse générale et scientifique ces derniers mois, notamment aux États-Unis. Mais sur quoi ces articles se fondent-ils ?

Plusieurs études publiées suggèrent que certaines molécules aux propriétés antidépressives connues, et notamment la fluoxétine (Prozac®) et la fluvoxamine (Floxyfral®), prescrites depuis 30 ans à des millions de patients dans le monde, pourraient s’avérer particulièrement bénéfiques dans la Covid. Pour faire le point sur les données disponibles à l’heure actuelle et sur les perspectives qu’elles ouvrent pour l’avenir, Canal Détox s’est penché sur le sujet.  

Depuis le début de la pandémie, de nombreuses équipes ont cherché à savoir si certaines molécules déjà autorisées pour le traitement d’autres maladies pouvaient également permettre de réduire les risques de formes graves, d’hospitalisation et de mortalité liés à la Covid. C’est ce qu’on appelle le « repositionnement thérapeutique ».

En France, l’équipe du Dr Nicolas Hoertel et du Pr Frédéric Limosin s’est intéressée à cette question dès le début de l’épidémie. Ils ont constaté que seule une infime minorité des patients âgés hospitalisés dans leur service de psychiatrie développait une forme symptomatique de Covid, même lorsqu’ils avaient été en contact avec des personnes positives. Cette observation a été confirmée récemment dans une large étude observationnelle menée chez 49 089 patients hospitalisés en Île-de-France, indiquant une faible proportion de patients ayant un trouble psychiatrique chez les personnes hospitalisées et une mortalité significativement plus faible que celle attendue du fait de leur âge et de leurs comorbidités.

Or nombre de ces patients souffrant de troubles psychiatriques sont traités par antidépresseurs. Les chercheurs ont alors fait l’hypothèse que certains traitements antidépresseurs pourraient possiblement prévenir l’aggravation de la Covid. Cette hypothèse semblait d’autant plus pertinente que de nombreux traitements antidépresseurs ont des propriétés anti-inflammatoires bien connues, ciblant notamment des marqueurs inflammatoires associés aux formes sévères de la Covid (IL-6, IL-10, TNF alpha…). Il est d’ailleurs intéressant de souligner que le tout premier antidépresseur identifié, l’iproniazide, est un médicament « repositionné » : il s’agissait initialement d’un traitement antibiotique antituberculeux. 

Valider l’hypothèse

Afin de conforter cette hypothèse, l’équipe a mené une large étude observationnelle portant sur 7 230 patients hospitalisés en Île-de-France pendant la première vague de Covid. Celle-ci a montré une association significative entre la prise d’un traitement antidépresseur dans les 48 heures suivant l’admission à l’hôpital et un moindre risque de décès ou d’intubation.

Toutefois, les résultats suggéraient que cet effet n’était pas le même pour tous les antidépresseurs utilisés. Certains traitements tels que la fluoxétine étant plus fortement associés à la réduction de ce risque (réduction potentielle allant jusqu’à 74 %), tandis que d’autres antidépresseurs ne semblaient pas modifier ce risque, sans qu’il soit possible à ce stade d’expliquer pourquoi. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Molecular Psychiatry en février 2021.

D’autres travaux sont venus appuyer cette observation :

  • Une étude observationnelle menée en Espagne chez des patients hospitalisés pour Covid a retrouvé une association significative entre la prise d’un traitement antidépresseur et la réduction de la mortalité (réduction potentielle de 57 %) ;
  • Une large étude observationnelle publiée JAMA Network Open et menée aux Etats-Unis chez 83 584 patients diagnostiqués pour la Covid a également montré une réduction significative de la mortalité chez les patients ayant une prescription d’antidépresseur, réduction particulièrement forte chez les patients prenant de la fluoxétine ;
  • Enfin, plusieurs études suggèrent que plusieurs traitements antidépresseurs, et particulièrement la fluoxétine, inhiberaient fortement la réplication virale dans différents modèles cellulaires, y compris l’épithélium pulmonaire humain, et pour différents variants.

L’effet anti-céramide, mécanisme clé expliquant à la fois l’effet antiviral et anti-inflammatoire de ces molécules ?

D’autres travaux menés par des équipes de recherche des Universités de Duisburg-Essen et d’Erlangen-Nuremberg en Allemagne ont permis d’aller plus loin, notamment en ce qui concerne la compréhension des mécanismes biologiques sous-jacents. Les premières études (dans Cell Report Medicine et dans le Journal of Biological Chemistry) ont ainsi conclu que les traitements antidépresseurs observés comme potentiellement efficaces contre la Covid sont ceux qui inhibent la sphingomyélinase acide (ASM), une enzyme présente dans les cellules et qui permet la synthèse de céramides, un sous-type particulier de lipides, à la surface des cellules. Parmi les antidépresseurs inhibant le plus fortement cette enzyme figurent notamment la fluoxétine, la paroxétine et la fluvoxamine (cette dernière molécule est très peu prescrite en Europe et aux États-Unis).

L’inhibition de cette enzyme ASM a pour effet de réduire la quantité de céramides à la surface des cellules. Or, ces deux études suggèrent que les céramides sont capables de piéger et de regrouper les récepteurs ACE2 du virus[2] à la surface des cellules, dont elles augmentent fortement l’infection par le SARS-CoV-2. La rapide diminution des céramides suite au blocage de l’enzyme ASM par certains traitements antidépresseurs freinerait donc nettement l’entrée du virus dans les cellules et sa capacité à se répliquer.

En outre, plusieurs études publiées dans l’International Journal of Molecular Sciences et  Scientific Reports, indiquent que la quantité de céramides dans le sang est fortement associée au pronostic clinique des patients et à la sévérité de l’inflammation dans le sang. Cette observation est appuyée par des études observationnelles suggérant un effet bénéfique des médicaments réduisant les céramides sur la charge virale et le pronostic clinique.

L’ensemble de ces données suggèrent que les antidépresseurs inhibant l’ASM exercent un effet à la fois anti-viral et anti-inflammatoire au cours de la maladie.

Que disent les essais cliniques ?

Afin de prouver formellement l’efficacité d’un traitement, il est essentiel de réaliser des essais cliniques randomisés. Aux États-Unis, un premier essai clinique randomisé incluant 152 patients symptomatiques pris en charge en ambulatoire, et dont les résultats ont été publiés dans la revue JAMA, a montré que les participants ayant reçu de la fluvoxamine pendant 15 jours présentaient un risque significativement plus faible d’aggravation clinique ou d’hospitalisation que ceux prenant un placebo (0 cas d’aggravation dans le groupe traité versus 8,3 % (n=6) dans le bras placebo).

Ces résultats ont été confirmés dans un deuxième essai clinique dit « ouvert » portant sur 113 patients symptomatiques et pris en charge en ambulatoire (pas de placebo ni de randomisation cette fois, le traitement était donné selon le choix des patients). Résultat : aucun des patients traités par fluvoxamine prescrit pour une durée de 14 jours n’a été hospitalisé et ne présentait de symptômes résiduels au bout de 2 semaines, contre respectivement 12,5 % et 60 % des participants non traités.

Suite à ces résultats, une large étude canadienne, TOGETHER, a été menée au Brésil, dont les données ont été publiées dans la revue Lancet Global Health. Incluant 1 497 patients symptomatiques en ambulatoire, cette étude a retrouvé une réduction significative du risque d’hospitalisation ou d’observation prolongée aux urgences (réduction de 32 % dans l’analyse principale et de 66 % en ne considérant que les patients observants qui prenaient correctement et en continu le traitement ou le placebo). Pour ces patients observants, la mortalité était significativement réduite de 91 %. Le risque d’effets indésirables ne différait pas entre les deux groupes.

Enfin, les résultats d’un essai clinique ouvert mené chez 102 patients hospitalisés en réanimation pour une forme critique de Covid-19, publiés dans la revue British Journal of Clinical Pharmacology, indiquent que les patients débutant un traitement par fluvoxamine en réanimation en plus des soins usuels avaient un risque significativement réduit de 42% de décéder, comparativement à des patients présentant les même caractéristiques en termes d’âge, de sexe, de comorbidités, de sévérité et de statut vaccinal.  

D’autres essais cliniques sont en cours (ACT-6, COVID-OUT, TOGETHER, etc.) ou sur le point de débuter dans différents pays (États-Unis, Brésil, et Inde notamment) testant soit la fluvoxamine soit la fluoxétine, seules ou en association avec d’autres traitements potentiels.

Ces données suggèrent que certains antidépresseurs inhibant l’ASM, notamment la fluvoxamine et la fluoxétine, pourraient être des traitements efficaces et bien tolérés de la Covid-19. Bien connus des médecins, mais aussi d’un faible coût et facilement disponibles partout dans le monde, ils permettraient un usage large, en particulier dans les pays ne disposant pas d’un accès aux vaccins et à des traitements potentiels coûteux. Il faut toutefois noter que comme tous médicaments, ces molécules peuvent parfois entraîner des effets secondaires, bien que le plus souvent mineurs (par exemple céphalées ou troubles digestifs). Ils nécessitent donc systématiquement une analyse de la balance bénéfice/risque individuelle et une surveillance par un professionnel de santé.

Enfin, les scientifiques insistent sur l’importance de continuer à approfondir nos connaissances sur l’effet de certains antidépresseurs sur les céramides. De fait, ce mécanisme d’action pourrait potentiellement ouvrir la voie à des innovations thérapeutiques dans d’autres pathologies, infectieuses et non infectieuses, et, peut-être, permettre de mieux comprendre comment les antidépresseurs agissent sur la dépression.

Texte rédigé avec le soutien du Dr Nicolas Hoertel a et du Pr Frédéric Limosin b

a Maître de conférences des universités-praticien hospitalier (MCU-PH) à l’Université de Paris, Inserm (unité 1266, Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris) et l’AP-HP (Hôpital Corentin-Celton)

Professeur des universités-praticien hospitalier (PU-PH) à l’Université de Paris, Inserm (unité 1266, Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris ) et l’AP-HP et directeur médical du DMU Psychiatrie et addictologie

Sources pour aller plus loin :

Németh ZK, Szûcs A, Vitrai J, Juhász D, Németh JP, Holló A. Fluoxetine use is associated with improved survival of patients with COVID-19 pneumonia: A retrospective case-control study. Ideggyogy Sz. 2021 Nov 30;74(11-12):389-396. English. doi: 10.18071/isz.74.0389. PMID: 34856085.

Hoertel N, Sánchez-Rico M, Gulbins E, Kornhuber J, Carpinteiro A, Lenze EJ, Reiersen AM, Abellán M, de la Muela P, Vernet R, Blanco C, Cougoule C, Beeker N, Neuraz A, Gorwood P, Alvarado JM, Meneton P, Limosin F; AP-HP / Université de Paris / INSERM COVID-19 research collaboration, AP-HP COVID CDR Initiative, “Entrepôt de Données de Santé” AP-HP Consortium. Association Between FIASMAs and Reduced Risk of Intubation or Death in Individuals Hospitalized for Severe COVID-19: An Observational Multicenter Study. Clin Pharmacol Ther. 2021 Dec;110(6):1498-1511. doi: 10.1002/cpt.2317. Epub 2021 Jul 2. PMID: 34050932; PMCID: PMC8239599.

La Covid-19, un impact sur la fertilité, vraiment ?

© Aditya Romansa/Unsplash photos

En décembre 2020, les docteurs britannique Michael Yeadon et allemand Wolfgang Wodarg ont lancé une pétition pour interpeller l’Agence européenne du médicament concernant de potentiels risques d’infertilité chez les femmes qui seraient causés par le vaccin contre la Covid-19. Néanmoins, les données actuelles issues des essais cliniques ont montré que ces vaccins, comme tous les autres, n’ont aucun effet néfaste connu sur la fertilité des femmes et des hommes.

Pourtant, certains continuent de douter. Alors, est-il possible qu’il existe un lien entre Covid-19 et infertilité ? Que recommandent les études actuelles aux personnes qui souhaitent concevoir un enfant ? Est-il contre-indiqué de se faire vacciner si l’on suit un traitement pour la fertilité ? Canal Détox se penche sur ces questions importantes.

 

Les impacts de l’épidémie sur la santé reproductive et sexuelle

À ce jour, il n’a pas été démontré avec certitude que la Covid-19 affectait la fertilité des femmes d’un point de vue physiologique. Par exemple, selon des observations menées sur 237 femmes positives au SARS-CoV-2 et en âge de procréer en janvier 2021 (publiées sur la National Library of Medicine), aucune perturbation significative du cycle menstruel n’a été notée après l’infection. Chez les hommes, un article publié dans la revue Fertility and Sterility en mars 2021 suggère que les éventuels troubles cardiovasculaires causés par le virus et leurs traitements chez certains pouvaient entraîner des troubles de l’érection et de l’éjaculation, de même qu’un passage en soins intensifs ou en réanimation. Cependant, il est possible que ces troubles soient liés au stress ou au syndrome infectieux en général mais pas au virus lui-même. De plus, il s’agit d’un article scientifique isolé et aucune autre étude n’a, jusqu’ici, corroboré ces observations.

Toutefois, cet article précisait aussi que le risque de naissances prématurées ou de fausses couches augmentait lorsque la mère ou le père avait été en soins intensifs à cause de la Covid-19 avant la conception du bébé, ou pendant la grossesse dans le cas des mères. Cette donnée a également été observée dans un autre article de synthèse publié en février 2021, qui montrait que le risque d’une naissance prématurée pendant ou après l’infection se situait en moyenne entre 10 et 25 % pour une femme enceinte infectée par le SARS-CoV-2, et allait jusqu’à 60 % si celle-ci contractait une forme sévère de la maladie. Il s’agit le plus souvent d’accouchements prématurés déclenchés artificiellement afin de pouvoir mieux soigner la mère.

En outre, des facteurs sociaux et psychologiques liés à la pandémie ont pu perturber la santé sexuelle de la population. Un rapport du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), repris par The Lancet en avril 2020, a montré que la priorité donnée à la Covid-19 perturbait les services de santé liés à la sexualité, la reproduction et la fertilité. Cela expose les femmes les moins favorisées à des difficultés pour accéder à la contraception, à l’avortement, et fait obstacle à l’accompagnement des futures mères dans leur grossesse. Quant au nombre de naissances, l’Institut national d’études statistiques a enregistré une baisse de 13 % entre janvier 2020 et 2021, attribuée à la pandémie et à un sentiment d’incertitude chez les couples concernant l’avenir, mais pas à une chute généralisée de la fertilité.

 

À ce jour, aucun impact du vaccin n’a été observé sur la fertilité des hommes et des femmes

Concernant le lien entre vaccination anti-Covid et infertilité, les données sont peu nombreuses mais tout à fait rassurantes jusqu’à présent. Les équipes de recherche se sont notamment penchées sur l’impact des vaccins sur le succès des traitements de l’infertilité.

Une étude observationnelle[1] publiée en mai 2021 a par exemple évalué l’influence du vaccin anti-SARS-CoV-2 à ARNm sur le processus de fécondation in vitro (FIV). Les chercheurs ont étudié des couples qui passaient par cette procédure, avant et après l’injection du vaccin. Sur 36 couples qui avaient repris le processus de FIV entre 7 et 85 jours après avoir reçu le vaccin, aucune différence n’a été observée au niveau de l’activité ovarienne, ni aucune modification des caractéristiques des embryons.

La Société britannique de fertilité a recommandé en février 2021 que les personnes suivant un traitement contre l’infertilité (FIV, congélation des ovules, insémination intra-utérine), bien qu’elles puissent sans risque se faire vacciner en cours de traitement, prennent en compte les potentiels effets secondaires qui peuvent survenir quelques jours après l’injection (fièvre, fatigue…). Ainsi, il peut être plus judicieux d’attendre quelques jours après la vaccination pour commencer ou reprendre un traitement pour la fertilité, afin que les effets secondaires du vaccin ne soient pas attribués par erreurs aux effets du traitement. C’est pourquoi, il est également conseillé d’avoir reçu les deux doses de vaccin avant de commencer ou reprendre le traitement.

Par ailleurs, une étude publiée dans Jama Network datant de juin 2021 a analysé le sperme d’un petit échantillon de 45 hommes en bonne santé avant et après l’injection des deux doses du vaccin à ARNm contre la Covid. Aucune différence n’a été observée au sein du liquide séminal. Il n’est donc, à ce jour, pas contre-indiqué de se faire vacciner si l’on souhaite donner son sperme, de même qu’il n’y a pas de contre-indication pour les femmes souhaitant faire don de leurs ovules. Des études sur un échantillon plus large et avec un suivi sur le plus long terme seront nécessaires pour confirmer ces observations.

Des études sur modèles animaux apportent aussi quelques pistes pour évaluer l’impact des vaccins sur la santé reproductive. Ainsi, des données ont montré que le vaccin ARNm testé chez 44 souris femelles n’avait eu aucun effet sur leur performance reproductive, leur fertilité ou leurs paramètres ovariens et utérins en général. Le développement fœtal avant et après la naissance était également normal. Ces modèles animaux, bien qu’ils soient moins directement applicables à l’humain, permettent d’obtenir des données supplémentaires rassurantes sur les effets du vaccin ARNm.

Lire notre Canal Détox « La vaccination dangereuse pour les femmes enceintes, vraiment ? »

Il n’existe donc aujourd’hui aucune preuve ni théorie scientifique valide qui suggérerait que le vaccin contre la Covid présenterait un risque sur la fertilité des hommes et des femmes.

 L’American Society for Reproductive Medicine a d’ailleurs déclaré que les vaccins ARN « ne causent pas un risque élevé d’infertilité, de fausse couche au premier et second trimestre ou d’anomalies congénitales ». L’agence américaine des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) a également confirmé que « pour tous les vaccins, il n’y a pas de preuve suggérant qu’ils causent des problèmes de fertilité ». La balance bénéfice-risque concernant la santé reproductive est donc aujourd’hui en faveur du vaccin. Plusieurs essais cliniques sont à présent en cours pour continuer à évaluer son efficacité et ses effets secondaires sur la fertilité et la grossesse.

Le manque de données concernant les potentiels impacts de la vaccination sur la fertilité interroge aussi la réelle pertinence de ce questionnement. A ce jour,  il n’existe aucune donnée sur d’autres vaccins qui auraient un lien avec des troubles de la reproduction ni aucune hypothèse scientifique antérieure en faveur d’un lien entre ces deux points. La question scientifique semble peu pertinente comparativement aux autres problématiques de santé liée à l’infection par le SARS-CoV-2 lui-même, et explique le fait que la communauté scientifique ne se soit pas encore mobilisée pour traiter ce sujet en priorité.

[1] Une étude observationnelle est une étude dans laquelle le chercheur observe simplement le sujet sans contrôler aucune variable ni intervenir.

 

Texte rédigé avec le soutien du Professeur Olivier Picone (U 1137 – IAME Infection antimicrobiens, modélisation, évolution – Université Paris Diderot)

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