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La vaccination dangereuse pour les femmes enceintes, vraiment ?

Vaccination anti Covid

Vaccination Anti Covid © Photo by Mufid Majnun on Unsplash

Cet article a été mis à jour le 24/08/2021 suite à la publication de nouvelles données. 

Faut-il se faire vacciner lorsqu’on attend un enfant ? A en croire les discussions sur les forums et les réseaux sociaux, de nombreuses futures mères se posent la question et s’inquiètent d’éventuelles répercussions sur le déroulement de leur grossesse et sur la santé de l’enfant.

En France, depuis le mois d’avril 2021, les femmes enceintes peuvent accéder aux vaccins à ARNm (Pfizer et Moderna) à partir du 2ème trimestre de grossesse. Toutes n’ont cependant pas été convaincues par cette idée, arguant un manque de données sur le sujet. Il faut dire que, bien que sa position ait changé depuis, l’OMS déconseillait en janvier 2021 la vaccination aux femmes enceintes, exceptées pour celles qui étaient les plus à risque de développer des formes graves de Covid-19. Par ailleurs, comme pour tous les essais thérapeutiques, ces dernières étaient exclues des premiers essais par principe de précaution.

Alors comment les connaissances ont-elles évolué depuis ? Que sait-on aujourd’hui des bénéfices et des risques de la vaccination chez les femmes enceintes ? La vulnérabilité de ce public face à l’infection justifie-t-il de se faire vacciner ? Canal Détox se penche sur cette question importante.

 

Les femmes enceintes infectées par la Covid-19 risquent davantage de développer des complications

Une étude publiée dans le journal BJOG  en Novembre 2020 s’est appuyée sur les données de 675 femmes. Parmi les 71 participantes positives à la Covid-19 au moment de leur accouchement, 13% présentaient des complications post-partum courantes (fièvre, faible taux d’oxygène dans le sang…) nécessitant parfois une hospitalisation. Ce pourcentage était le même, que les femmes souffrent de formes symptomatiques ou asymptomatiques de l’infection. A titre de comparaison, cette proportion n’était que de 4,5% chez les participantes non infectées au moment de l’accouchement.

De plus, une récente étude internationale menée sur 2130 femmes enceintes souligne que le risque de décès pendant la grossesse et post-partum est 22 fois plus élevé chez les patientes ayant été infectées par le coronavirus, bien qu’il reste très bas dans l’absolu. Elle précise par ailleurs que ces risques augmentent lorsque la patiente présente des comorbidités (obésité, diabète, hypertension…). Cependant, dans cette étude, ces chiffres ne concernaient que les femmes ayant été diagnostiquées avec un test Covid positif au troisième trimestre. Ils ne sont donc pas représentatifs pour les femmes diagnostiquées plus tôt. Ce risque avait néanmoins déjà été souligné par une étude publiée en Août 2020 dans le BMJ et actualisée en mars 2021, qui montrait que les femmes enceintes ont plus de risque de développer des formes graves de la maladie et d’être admises en réanimation, en comparaison des femmes du même âge non enceintes.

Ces risques peuvent se répercuter sur la santé de l’enfant. D’après un article de synthèse publié en Février 2021, le risque d’une naissance prématurée pendant ou après l’infection se situe en moyenne entre 10 et 25% pour une femme enceinte positive à la Covid, et monte jusqu’à 60% si celle-ci contracte une forme sévère de la maladie. Il s’agit le plus souvent d’accouchements prématurés déclenchés artificiellement afin de pouvoir mieux soigner la mère.   Par ailleurs, en Novembre 2020 une étude internationale menée sur 2130 femmes enceintes a observé que les nourrissons des femmes positives à la Covid-19 avaient plus de risques de développer des complications nécessitant parfois une hospitalisation.

En revanche, les cas de transmission de la mère au fœtus pendant la grossesse à travers le placenta sont exceptionnels. Le plus souvent, il s’agit de contamination pendant l’accouchement ou juste après la naissance. En outre, aucune malformation liée au virus n’a été décrite.

 

Les femmes enceintes sont tout autant protégées par le vaccin que les autres femmes

Dans une étude publiée en Mars 2021 dans l’American Journal of Obstetric and Gynecology, les chercheurs ont évalué la réponse immunitaire des femmes enceintes à la suite de la vaccination, par rapport à celle de femmes vaccinées, mais non enceintes. Ils ont observé que les taux d’anticorps générés par le vaccin étaient similaires chez les deux types de patientes.

Les chercheurs ont ensuite comparé ces résultats avec ceux de patientes infectées par le SARS-CoV-2 mais non vaccinées : ils ont montré que le taux d’anticorps neutralisants le virus chez toutes les femmes (enceintes et non-enceintes) était plus élevé après la vaccination qu’après une infection « naturelle ». Il a également été observé que les anticorps issus de la vaccination passaient à travers le placenta, offrant potentiellement une protection au nouveau-né. Un phénomène que l’on retrouve aussi chez les femmes vaccinées contre la coqueluche ou la grippe au cours de la grossesse.

Ces résultats montrent que la vaccination permet à la future mère de développer une réponse immunitaire robuste contre la maladie, et que la grossesse n’est pas un obstacle à l’efficacité de cette protection.

Par ailleurs, une étude de cohorte publiée en juillet 2021 a comparé sur un an deux groupes de femmes enceintes (au 2ème et 3ème trimestre de grossesse) l’un vacciné, l’autre non. Les résultats confirment que la vaccination à ARN réduit significativement le risque d’infection, et aucun effet secondaire sévère n’a été observé. 

Des effets secondaires très modérés après l’injection

D’après les données préliminaires analysées par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) américains sur des femmes enceintes vaccinées avec un vaccin ARNm entre décembre 2020 et février 2021, les effets secondaires les plus communs après l’injection (maux de têtes, fatigue, douleurs musculaires…) sont similaires à ceux rencontrés par les femmes qui ne sont pas enceintes.

Dans cette étude, parmi les enfants nés de femmes vaccinées contre la Covid-19, 9% étaient prématurés et 2% présentaient une anomalie congénitale. Ces résultats sont similaires chez les femmes non vaccinées, et il n’a pas été établi de lien entre ces complications et le vaccin. Il faut néanmoins préciser que, dans les données du CDC, les femmes de l’échantillon ont toutes été vaccinées au troisième trimestre de grossesse.

Une autre étude publiée dans NEJM en Avril 2021 confirme ces résultats, Elle souligne également que les complications de la grossesse (prématurité, fausses couches…) ne sont pas plus fréquentes chez les femmes vaccinées.

Dans tous les cas, avant toute vaccination, les professionnels de santé doivent informer les futures mères des données connues à ce jour afin de leur permettre de faire un choix éclairé. A noter que les chercheurs et les médecins recommandent aussi aux futures mères de se faire vacciner avant la conception, de façon à réduire le risque de contamination à la Covid-19 pendant la grossesse. 

En conclusion, les données concernant les bénéfices et les risques de la vaccination pour les femmes enceintes et leur enfant à naître sont donc rassurantes à ce jour. L’OMS, ainsi que les sociétés savantes d’obstétrique et de gynécologie estiment que les bénéfices dépassent les risques potentiels. Elles recommandent aux femmes enceintes les plus susceptibles d’être exposées au virus, ainsi qu’à celles ayant des comorbidités, de se faire vacciner en priorité. De plus, il n’y aurait pas de contre-indications pour les femmes enceintes en bonne santé à se faire vacciner. En France, la DGS a d’ailleurs ouvert la vaccination à toutes les femmes enceintes, avec ou sans comorbidités. Enfin, aujourd’hui, aucun risque pour l’enfant n’a été détecté dans le cas d’une mère vaccinée souhaitant allaiter.

Pour consolider les données concernant femmes enceintes, l’ANSM (agence nationale de sécurité du médicament) a fait appel à des volontaires, enceintes et vaccinées contre la Covid-19, afin de réaliser une étude de cohorte. Ainsi, toutes les femmes majeures et enceintes au moment de la vaccination, quel que soit le stade de leur grossesse, peuvent participer à l’étude.

Texte rédigé avec le soutien du Professeur Olivier Picone (U 1137 – IAME Infection antimicrobiens, modélisation, évolution – Université Paris Diderot)

Variants « britannique », « indien », « sud-africain » : Un impact sur l’efficacité de la vaccination, vraiment ?

© Philippe Roingeard et Sébastien Eymieux, unité Inserm U1259, Morphogenèse et antigénicité du VIH et des virus des hépatites, Université de Tours, France

 

Depuis la fin de l’année 2020, le terme de variant est rapidement devenu courant dans les médias et dans le langage commun, alors que le variant dit « britannique » touchait très durement le Royaume-Uni, et se propageait rapidement dans le reste du monde.

Plus récemment, c’est le variant « indien » qui a fait la une de l’actualité. Que sait-on aujourd’hui de ces différents variants et de leur impact sur la trajectoire de la pandémie ? Pourquoi certains ont-ils été classés « variants d’inquiétude » (variant of concerns) par l’OMS ? Et peuvent-ils limiter le succès des campagnes de vaccination ? On fait le point dans notre nouveau Canal Détox.

 

Tous les virus mutent

Rappelons d’abord ce qu’est un variant. Tous les virus mutent (surtout les virus à ARN comme le SARS-CoV-2). Après avoir infecté nos cellules, ils se multiplient en réalisant des copies d’eux-mêmes. Ce processus n’est pas parfait et les copies peuvent comporter des « erreurs » – les « mutations ». Le matériel génétique des copies virales, les fameux variants, diffère alors du matériel génétique du virus de départ (souche historique).

La grande majorité des mutations n’ont aucune conséquence, certaines ont même un effet négatif sur le virus. D’autres en revanche, par un phénomène de sélection naturelle peuvent augmenter la transmissibilité du virus ou la gravité de la maladie. C’est en quelque sorte, un réflexe de survie du « virus ». Si les mutations favorisent la circulation du virus (on dit que ces mutations sont sélectionnées positivement), elles entraînent alors l’implantation du nouveau variant, qui peut en quelques mois seulement devenir le variant dominant. C’est ce qui s’est passé avec le variant dit « britannique » (variant B. 1.1.7), qui représente aujourd’hui en France plus de 80 % des infections.

Depuis le début de la pandémie, le SARS-CoV-2 a déjà muté de nombreuses fois et il existe des milliers de lignages du virus. Cependant, toutes ces mutations n’ont pas eu d’impact majeur sur la sévérité de la maladie ou sur la dynamique épidémique.

Plus transmissible que la souche historique du SARS-CoV-2  (de 43 à 90 % selon différents modèles mathématiques récents publiés   dans le journal Science sur la base de données publiées au Royaume-Uni) le variant britannique est caractérisé par plusieurs mutations, dont certaines localisées sur la protéine Spike (qui constitue la clé d’entrée du virus dans nos cellules). Plusieurs études ont suggéré qu’il n’était pas associé à un risque accru de mortalité (même si la transmissibilité accrue augmente mécaniquement le nombre de cas et donc le nombre de personnes hospitalisées), mais de récentes données au Royaume-Uni sont venues nuancer ce résultat.

Ce variant semble toutefois être neutralisé de manière efficace par la réponse immunitaire induite par la vaccination, écartant donc le risque de réinfection par ce variant pour les personnes ayant déjà rencontré la souche historique.

 

Le variant indien, source d’inquiétude ?

Le variant dit « indien », de son nom technique B.1.617 a d’abord été identifié en Inde en décembre 2020 et a récemment été classé variant d’inquiétude par l’OMS, le 12 mai 2021. Ce variant est en fait constitué de trois sous lignages différents : B.1.617.1, B.1.617.2 et B.1.617.3. Ceux-ci sont caractérisés par des mutations différentes mais ils partagent en commun la mutation L452R sur le domaine de liaison au récepteur d’entrée, au niveau de la protéine Spike.

Cette mutation L452R serait associée à un risque d’augmentation de la transmissibilité du virus (transmissibilité accrue de 18 à 24 % par rapport au virus historique) sans que pour le moment il n’y ait en Europe de signes d’accélération de la circulation de ce variant.

Elle est aussi associée à un possible échappement immunitaire (c’est-à-dire qui échappe à la réponse immunitaire induite par une précédente infection ou par un vaccin), selon des premières  données non encore publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture. Néanmoins, cet impact sur l’échappement immunitaire serait modeste.

Les travaux sont encore en cours pour en apprendre plus. Il apparaît pour le moment qu’en Inde, le nombre de cas a augmenté fortement surtout du fait de grands rassemblements politiques et religieux en fin d’année et d’une diminution des mesures barrières. Toutefois, la propagation du variant pourrait aussi avoir favorisé l’augmentation du nombre de cas.

S’il est encore difficile de se prononcer sur l’échappement immunitaire et l’efficacité des vaccins contre ce variant, puisqu’il n’y a pas encore de données disponibles dans le cadre d’essais cliniques ou dans la vie réelle, des travaux visant à estimer in vitro, en laboratoire, la quantité d’anticorps qui neutralisent le variant chez des personnes vaccinées ou convalescentes (ayant déjà été infectées) sont plutôt rassurants.

En effet, si une réduction de l’activité neutralisante des anticorps a été constatée in vitro contre ce variant, les chercheurs estiment qu’elle reste suffisante pour permettre de lutter contre le virus. Les vaccins conservent donc une efficacité contre le variant « indien », qui serait similaire à celle observée contre le variant « britannique ».

A lire : Un point très complet sur le variant indien rédigé par Thibault Fiolet, doctorant en santé publique à l’Université Paris-Saclay, UVSQ, Inserm, Gustave Roussy, Equipe Exposome Hérédité, CESP UMR1018.

 

Et les autres variants ?

Par ailleurs, les vaccins développés contre la Covid-19 sembleraient plus efficaces contre le variant « indien » que contre le variant dit « sud-africain » (variant B.1.351), qui a beaucoup inquiété la communauté scientifique en raison de données qui suggéraient une capacité à échapper à la réponse immunitaire.

Plusieurs travaux, dont une étude parue dans le New England Journal of Medicine, avaient en effet montré que le vaccin d’Astrazeneca/Université d’Oxford protégeait très mal de l’infection par le variant sud-africain et des formes modérées à sévères de la maladie. Toutefois, il est désormais démontré que les vaccins à ARNm conserveraient une très bonne efficacité, de 75 % selon une récente étude, contre l’infection avec le variant sud-africain.

Quant au variant dit « brésilien » (P.1) (qui circule peu en Europe mais a eu des conséquences particulièrement importantes en Amérique Latine), il serait également plus transmissible, mais bien neutralisé par tous les vaccins disponibles.

Un mot pour conclure : malgré certaines affirmations largement relayées sur les réseaux sociaux, les variants ne sont pas créés par les vaccins. Il suffit d’ailleurs de prendre l’exemple du variant britannique qui s’est propagé bien avant que la campagne de vaccination au Royaume-Uni ne commence.

A ce sujet, lire l’article rédigé avec nos partenaires Les Vérificateurs de TF1/LCI 

 

Variants d’inquiétude et variants d’intérêts

Les variants d’inquiétude et les variants d’intérêts sont étudiés de près par les autorités sanitaires et notamment par l’OMS. Les scientifiques cherchent notamment à savoir s’ils sont plus transmissibles, s’ils ont un impact sur la sévérité de la maladie ou encore s’ils échappent à la réponse immunitaire, avec un potentiel impact sur l’efficacité de la vaccination.

Les dernières informations sur ces variants et leurs impacts cliniques, datant du 24 mai 2021, sont disponibles sur le site : https://www.ecdc.europa.eu/en/covid-19/variants-concern

Texte rédigé avec le soutien de Sandrine Sarrazin, chercheuse Inserm au Centre d’Immunologie de Marseille – Luminy (CIML) 

La crise sanitaire impacte la santé mentale des enfants, vraiment ?

 

Adobe Stock

Le 19 Novembre 2020, lors de son point presse hebdomadaire, Olivier Véran déclarait que « la santé mentale des français s’est significativement dégradée ». Parmi les français, 22% ont entre 0 et 19 ans selon les données de l’Ined.

Une épidémie comme celle de la Covid-19 chamboule le quotidien des enfants et des adolescents qui voient leurs habitudes perturbées d’une part par le confinement et la fermeture des écoles, d’autre part par le stress ainsi que les difficultés professionnelles et financières des adultes qui les encadrent. Si un grand nombre d’adultes consulte pour des raisons psychologiques depuis le début de l’épidémie, les enfants n’expriment pas toujours leur mal-être. Alors faut-il se fier aux discours portant sur une dégradation brutale de la santé mentale des enfants depuis le début de l’épidémie ? Et comment évaluer l’ampleur réelle de phénomènes psychologiques qui peuvent être parfois difficiles à quantifier ? Canal Détox se penche sur cette problématique importante.

 

Développement des troubles socio-émotionnels 

Les interactions sociales sont primordiales à tout âge pour le développement émotionnel de l’enfant.  En ce sens, l’isolement généré par les confinements successifs pourrait avoir des impacts à long terme sur le développement des plus jeunes, et ,notamment, entraîner des troubles socio-émotionnels (liés aux compétences socio-émotionnelles).

Les compétences socio-émotionnelles désignent les savoirs-être qui peuvent être acquis et enseignés dès l’enfance. Parmi elles, on trouve l’estime de soi, l’empathie, le respect de l’autre, la capacité à aider autrui…. Elles seraient garantes du bien-être individuel et social de l’individu.

Par ailleurs, la crise sanitaire peut être synonyme de maladie chez les proches de l’enfant, de stress et d’anxiété chez les parents, ou de difficultés financières au sein de la famille, susceptibles également d’influer sur leur état psychique.

Des chercheurs de l’Inserm et de l’Ined ont ainsi révélé que 13% des enfants de 8 à 9 ans ont été concernés par des troubles socio-émotionnels pendant le confinement. Par ailleurs, 22% d’entre eux ont rencontré des troubles du sommeil. Des données complétées par une étude récente menée cette fois-ci en Chine qui montre que les trois principaux symptômes qui se sont manifestés pendant l’épidémie chez les enfants  scolarisés dans le primaire et dans le secondaire étaient l’anxiété, la dépression et le stress. Là où ces troubles se manifestent chez l’adulte par de la négativité ou de l’apathie, cela se traduit chez l’enfant par de l’hyperactivité et un déficit de l’attention. Une étude sur la cohorte TEMPO mise en place par l’Inserm  a justement confirmé cette tendance, montrant que 24,7% des enfants issus d’un échantillon de 432 ménages présentaient des symptômes d’hyperactivité et d’inattention pendant le premier confinement.

Identifier les facteurs de risque

On peut néanmoins souligner qu’en 2018, 12,5% des enfants et adolescents étaient déjà en souffrance psychique en France, d’après le réseau européen des Défenseurs des enfants. Cela nous invite à relativiser la place de l’épidémie dans le développement des troubles socio-émotionnels. Il faut prendre en compte non seulement les comportements préexistants à l’épidémie, mais aussi la diversité des réactions individuelles.

Qu’est-ce qui fait qu’un enfant peut être davantage prédisposé à développer des troubles socio- émotionnels durant l’épidémie ?

Il existerait d’abord des prédispositions liées au genre. Des données suggèrent notamment que les garçons sont plus concernés par des troubles comportementaux comme l’hyperactivité, mais cela se traduit davantage chez les filles par des troubles du sommeil.

Ensuite, les enfants de familles monoparentales sont eux aussi plus susceptibles de connaître des niveaux élevés de troubles psychologiques. En effet, les enfants en situation de garde alternée vivent aussi bien le confinement que ceux dont les parents sont encore en ménage ; tandis que les enfants qui ne voient qu’un seul parent présentent davantage de troubles socio- émotionnels. Par ailleurs, contrairement à ce que l’on aurait tendance à croire, un enfant unique ne présente pas plus de difficultés qu’un enfant vivant dans une fratrie. On retient donc surtout l’importance du soutien des deux parents dans l’expérience du confinement et de l’épidémie.

Paradoxalement, les conditions de travail des parents (télétravail, hybride ou présentiel) ont peu d’impact sur la santé mentale de leurs enfants. C’est en réalité le milieu social qui va jouer un rôle déterminant. La qualité du sommeil des enfants était détériorée de plus de 50% dans les groupes socioéconomiques les moins favorisés, et l’étude s’appuyant sur la cohorte TEMPO confirme que les troubles socio-émotionnels se manifestent davantage lorsque les revenus de la famille sont en baisse. L’impact des faibles revenus sur la santé mentale des enfants avait déjà été établi avant l’épidémie : une étude publiée en 2013  avait en effet souligné que les enfants et adolescents issus de milieux familiaux aux faibles revenus étaient deux à trois fois plus susceptibles de développer des troubles de la santé mentale.

Enfin, la souffrance psychologique des parents est un facteur à ne pas négliger.  Dès l’âge de deux ans, les enfants sont sensibles aux changements de comportements des personnes qui les entourent. Lorsque ces changements sont inexpliqués, cela peut générer une forte anxiété. Il est donc nécessaire de repérer les parents en souffrance afin de les accompagner au mieux dans leur parentalité durant cette période.

Adolescents et jeunes adultes : un penchant pour les comportements addictifs ?

L’âge n’est pas en soi un facteur de risque, mais il influe sur la manière dont les troubles psychologiques se manifestent. D’un point de vue global, une autre étude en collaboration avec l’Inserm  estime que le niveau de stress psychologique est ressenti de façon beaucoup plus aigüe par les jeunes adultes.  Des données de recherche préliminaire collectées par de l’Université de Carleton (Canada) au cours de l’année 2020 ont  aussi observé chez les étudiants une augmentation de l’usage de cannabis, avec à un impact négatif sur les résultats scolaires.

Chez les jeunes adultes, le genre est encore un facteur à prendre en compte dans la manifestation de troubles psychologiques. Toujours selon les travaux de l’Université de Carleton, les femmes déclarent plus largement que les hommes souffrir de l’isolement social et d’une baisse de leur résultats scolaires.  

L’épidémie et les confinements semblent avoir accentué les troubles socio-émotionnels chez les enfants. La question qui se pose aujourd’hui, et qui constitue l’enjeu de la recherche de demain, est de savoir si ceux-ci vont perdurer lorsque le contexte s’améliorera, et quel sera leur impact sur le long terme.

Comment parler avec les enfants pour les aider à surmonter cette période ?

A l’échelle intra familiale, il a été montré que discuter avec l’enfant sur des sujets graves tels que les conséquences de la maladie aurait un impact bénéfique sur son développement psychologique, non seulement au cours de l’épidémie mais aussi sur le long terme. En revanche, selon une étude pour The Lancet publiée en mars 2020,  le parent doit absolument prendre en compte l’âge de l’enfant lorsqu’il lui fournit des explications sur la maladie et ses conséquences. Il s’agit de trouver le juste équilibre entre la minimisation du problème et un surplus d’informations anxiogènes.   

Texte rédigé avec le soutien de Maria Melchior, chercheuse Inserm à l’IPLESP.

Covid-19 : les écoles, haut lieu de contamination vraiment ?

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De nombreuses études ont été publiées concernant la capacité des enfants à être infectés et leur contagiosité. Crédits : Adobe Stock

Les collèges et les lycées rouvrent leurs portes aujourd’hui, une semaine après les écoles primaires. Malgré un protocole sanitaire strict, les inquiétudes persistent concernant le risque de transmission du virus dans les établissements scolaires.

Depuis des mois, les scientifiques s’interrogent pour savoir si les écoles constituent des lieux de contamination importants, jouant un rôle décisif dans le maintien de la dynamique épidémique à un niveau élevé. Cette question va de pair avec celle du risque infectieux pour les enfants : les plus jeunes font en grande majorité des formes moins graves de la maladie, mais sont-ils vraiment moins susceptibles d’être infectés par le SARS-CoV-2 ? De nombreuses données ont été publiées sur le sujet. Afin d’y voir plus clair et de mieux appréhender l’état actuel des connaissances scientifiques, Canal Détox fait le point.

Les enfants moins à risque ?

Depuis le début de la pandémie, de nombreuses études ont été publiées concernant la capacité des enfants à être infectés et leur contagiosité. Les recherches ont surtout porté sur les dynamiques de contamination dans les foyers familiaux, montrant que les enfants de moins de 10 ans sont environ 30 à 50 % moins susceptibles d’être infectés que les adultes. Ce n’est pas le cas des adolescents, qui ont le même risque d’être contaminés que les adultes. On peut par ailleurs ajouter que des études menées dans des familles ont néanmoins montré que les parents sont 3 à 4 fois plus nombreux à présenter des tests sérologiques positifs que leurs enfants.

Ces données sont toutefois à relativiser avec le fait que les enfants scolarisés ont en moyenne plus de contacts que les adultes. Même s’ils ont moins de risque d’être contaminés à chaque rencontre avec le virus, ils sont aussi plus à risque d’y être exposés plus souvent que les adultes. 

Un point fait néanmoins consensus parmi les scientifiques : même lorsqu’ils sont contaminés les enfants développent le plus souvent des formes légères ou asymptomatiques de la maladie. Les cas sévères de Covid-19 chez les moins de 18 ans demeurent rares et se retrouvent surtout chez ceux souffrant de comorbidités et de déficits immunitaires (notamment avec une réponse intérféron inadaptée).

 

Transmission virale à l’école

Quelle est la contagiosité des enfants ? Cette question fait encore débat, mais reste difficile à trancher dans la mesure où très peu de données sont aujourd’hui disponibles concernant la charge virale des enfants.

Si l’on s’intéresse à la transmission virale dans les écoles, la majorité des études qui ont été réalisées sur le sujet datent pour la plupart de la fin de l’année 2020, les établissements scolaires ayant été fermés lors de la première vague. Les résultats demeurent contradictoires d’une étude à l’autre, mais il semblerait plutôt se dessiner que l’ouverture des établissements scolaires contribue à la diffusion du virus. Il est certain que même avec des règles et un protocole sanitaire stricte, il s’agit d’un lieu de brassage où il est difficile de limiter entièrement tous les contacts sociaux.

L’étude française Comcor montre par ailleurs que les parents d’enfants scolarisés à l’école maternelle ou dans le secondaire ont également un sur-risque d’être infecté (d’environ 30 %). En revanche, aucun surrisque n’a été démontré pour les parents d’enfants à l’école primaire. 

Certaines mesures permettent cependant de diminuer les risques. Une très récente étude dans le journal Science portant sur la transmission dans les écoles aux Etats-Unis montre aussi que les parents vivant avec des enfants scolarisés en présentiel présentent un risque plus élevé d’être infectés, mais que certaines mesures barrières comme le dépistage de symptômes éventuels au quotidien, le port du masque pour les enseignants et l’arrêt des activités extra-scolaires contribuent à diminuer ce risque. Le risque pour les professeurs était plus important que s’ils faisaient cours en distanciel, mais pas plus élevé que d’autres professions travaillant au contact du public.

 

Un rôle pour les autotests ?

Afin de limiter les risques de transmission du virus dans les écoles, le ministère de de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports a élaboré un protocole sanitaire qui comprend notamment la fermeture de la classe dès le premier cas détecté.

Parmi les mesures mises en place depuis la rentrée du 26 avril, l’utilisation d’autotests et de tests salivaires à l’école (deux autotests par enseignant par semaine, un autotest hebdomadaire pour les lycéens à compter du 10 mai) afin de mieux repérer et d’isoler plus rapidement les cas positifs. La France n’est pas la seule à miser sur cette approche : les autotests sont également utilisés en milieu scolaire par plusieurs pays européens (au Royaume-Uni et en Allemagne notamment). 

Une étude de modélisation publiée dans le dernier rapport du conseil scientifique montre que de tels dépistages réguliers ont une efficacité croissante dans la réduction de la taille de l’épidémie lorsque l’adhésion et la fréquence des tests augmentent.  Sur le cas d’étude d’une école primaire de 250 élèves, l’analyse montre qu’avec une adhésion élevée au dépistage, des tests une fois par semaine suffiraient à réduire considérablement (autour de 50%) le nombre de cas, avec une efficacité estimée être 3 fois supérieure à celle du protocole de fermeture de classe au premier cas détecté. Le nombre de jours en présence perdus en moyenne par élève seraient aussi largement réduit.

 

Les derniers chiffres de Santé Publique France sur la transmission en milieu scolaire

 Le dernier point épidémiologique, datant du 29 avril 2021, souligne que 226 265 personnes de moins de 18 ans ont été testées pour le SARS-CoV-2 lors de la semaine écoulée (vs 265 542 la semaine d’avant soit -15%). Un total de 29 683 nouveaux cas a été rapporté, en diminution (-9%) par rapport à la semaine précédente.

Les moins de 18 ans représentaient 15% de l’ensemble des nouveaux cas observés dans la population générale. Si l’on considère chaque classe d’âge dans le détail, les 0-2 ans représentent 4% des nouveaux cas parmi les moins de 18 ans, les 3-5 ans 7%, les 6-10 ans 29%, les 11-14 ans 30% et les 15-17 ans 29%.

 

Texte rédigé avec le soutien de Vittoria Colizza, épidémiologiste et directrice de recherche à l’Inserm.

Un test PCR positif après avoir été vacciné, vraiment ?

Vaccination © Inserm/Depardieu, Michel 

Le cas de personnes obtenant un résultat positif à un test PCR quelques jours après avoir été vaccinées a fait le tour des réseaux sociaux. Certains y voient une preuve que les vaccins disponibles pour lutter contre la Covid-19 ne sont pas efficaces. Mais est-ce si simple que cela ? Peut-on être infecté par le SARS-CoV-2 dans les jours qui suivent la vaccination ? Et à plus long terme ?

Notre nouveau Canal Détox fait le point en s’appuyant sur les données issues des essais cliniques vaccinaux et sur les connaissances acquises jusqu’ici sur le virus. 

Prendre en compte le délai d’incubation

Lorsque l’on est infecté par le SARS-CoV-2, les symptômes éventuels n’apparaissent pas tout de suite. Le délai d’incubation médian est de 4 à 5 jours, pouvant aller dans les cas les plus extrêmes jusqu’à 14 jours. Dès le mois de mai 2020, une étude avait montré que plus de 90 % des personnes qui développent des symptômes le font dans les 11,5 jours qui suivent l’exposition au virus.

Il est donc théoriquement possible qu’une personne soit vaccinée relativement peu de temps après avoir été infectée par le virus sans le savoir, pendant la période d’incubation. Dans ce cas, il se peut qu’elle ne manifeste des signes cliniques de la maladie et qu’elle ne soit testée positive qu’après avoir reçu sa dose de vaccin (c’est ce qui s’est par exemple passé dans le cas de la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot).Les vaccins ne peuvent en revanche pas entraîner de PCR positive, mais ils permettent d’activer le système immunitaire et de faire produire des anticorps dirigés contre le virus. Un test sérologique peut donc revenir positif suite à la vaccination (voir encadré ci-dessous).

Les tests RT-PCR sont les tests de référence pour le diagnostic de la phase aiguë de la Covid-19. Fondés sur des méthodes de biologie moléculaire, ils permettent de détecter la présence du SARS-CoV-2 dans l’organisme d’un individu à un instant T et donc de confirmer un diagnostic de Covid-19 posé par un médecin. Concrètement, des échantillons nasopharyngés sont recueillis chez les personnes qui présentent des symptômes de la maladie par le biais d’un écouvillon introduit dans la narine jusqu’au rhinopharynx. À l’heure actuelle, la période idéale pour détecter l’ARN viral est de 1 à 7 jours après l’apparition des symptômes. Ce sont ces tests qui permettent de dire que l’on est infecté par le SARS-CoV-2 à un temps T.

Les tests sérologiques quant à eux permettent de déterminer si une personne a été exposée au SARS-CoV-2, en identifiant la présence dans l’organisme d’anticorps ayant été produits suite à une infection. Un test positif ne signifie pas qu’une personne est infectée à l’heure actuelle, mais que son organisme a déjà rencontré le virus. Le test sérologique d’une personne vaccinée contre la Covid-19 peut être positif, révélant la présence d’anticorps contre le virus, dans la mesure où le vaccin est allé déclencher une réponse immunitaire.

Prendre en compte le temps nécessaire pour développer une protection

Les vaccins contre la Covid-19 aujourd’hui sur le marché sont caractérisés par une efficacité très élevée. Si l’on se penche notamment sur les deux vaccins à ARNm, les données des essais cliniques de phase 3 qui étaient disponibles en novembre 2020 faisaient état d’une efficacité de 94 % pour protéger les personnes d’une infection symptomatique pour le vaccin Moderna et de 95 % pour le vaccin Pfizer.

Il est également important de souligner la grande efficacité de ces vaccins pour prévenir les formes graves nécessitant une prise en charge hospitalière : dans les essais cliniques de phase 3 évaluant les vaccins Pfizer, Moderna ou AstraZeneca, il était exceptionnel qu’un patient présente une Covid-19 sévère après les deux doses de vaccin. Malgré la vaccination, un petit pourcentage d’individus peut être infecté par le virus SARS-CoV-2 sans présenter de symptômes (forme dite « asymptomatique ») ou avoir une Covid-19 bénigne.

Les études « en vie réelle » dans des pays où la vaccination a été massive (Israël, Royaume-Uni) montrent toutefois que la vaccination permet également de protéger contre les infections asymptomatiques, avec une efficacité variable entre les études mais généralement entre 80 et 95 %. Ces données sont très encourageantes pour espérer tarir l’épidémie.

Il est enfin nécessaire de noter qu’aucun vaccin n’atteint jamais une efficacité de 100 %. À titre de comparaison, le vaccin contre la grippe saisonnière prévient environ 60 % des infections chez les adultes en bonne santé âgés de 18 à 64 ans, et il atteint ce niveau d’efficacité environ 14 jours après la vaccination. La vaccination BCG présente quant à lui une efficacité de 75 à 85 % pour éviter de développer l’infection et prévenir les formes graves de la tuberculose chez les jeunes enfants.

 

Des cas très rares d’infection après une vaccination complète : les cas de « percée vaccinale »

Un très faible pourcentage de personnes complètement vaccinées développera la Covid-19 si elles sont exposées au virus qui le cause. C’est ce qu’on appelle « un cas de percée vaccinale » (vaccine breakthrough), définie comme une infection ≥ 14 jours après avoir terminé l’immunisation complète vaccinale. Cela s’explique par le fait que les vaccins ne sont pas efficaces à 100%.

Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC aux Etats-Unis) ont identifié au 20 Avril 2021, 7,157 cas d’infections au SRAS-CoV-2 chez plus de 87 millions de personnes entièrement vaccinées, soit 0,0082%. Il s’agit donc d’un risque très faible, même s’il est important de souligner que ces cas déclarés sont probablement sous-estimés puisque cela repose sur une surveillance passive et volontaire. Pour le moment, il n’y a pas de profils particuliers prédisposant à ces percées vaccinales, qui demeurent extrêmement rares. Il est recommandé de continuer de porter un masque, d’éviter les rassemblements et les espaces ventilés même quand on est complètement vacciné.

 

Enfin, à l’heure actuelle, le recul reste encore insuffisant pour savoir combien de temps dure la protection conférée par les vaccins contre la Covid-19. Une Correspondance dans le journal NEJM a constaté que chez 33 participants de l’essai de Phase I du vaccin de Moderna, une activité neutralisante contre le virus a été détectée 6 mois après la seconde dose. Le manque de données avec un temps de suivi plus long ne permet pas d’en savoir plus pour le moment. 

Des études scientifiques se poursuivent afin d’en savoir plus sur ce sujet et de déterminer si une dose supplémentaire de vaccin sera nécessaire pour prévenir à plus long terme l’infection chez les personnes vaccinées, voire si une vaccination annuelle comme pour la grippe doit être envisagée. Les chercheurs étudient également de manière plus fine la réponse immunitaire des personnes vaccinées, afin de mieux la comprendre et de voir comment elle varie en fonction de l’âge ou du sexe de ces individus.

Texte rédigé avec le soutien de Nathan Peiffer-Smadja, chercheur dans le laboratoire IAME : infection, antimicrobiens, modélisation, évolution (unité 1137 Inserm/Université de Paris) et Thibault Fiolet, doctorant en santé publique à l’Université Paris-Saclay, UVSQ, Inserm, Gustave Roussy, Equipe Exposome Hérédité, CESP UMR1018.

Les personnes appartenant au groupe sanguin O protégées contre le SARS-CoV-2, vraiment ?

Sang circulant dans une artère (Globules rouges)

Sang circulant dans une artère – globules rouges © AdobeStock

 

Dès les débuts de la pandémie de Covid-19, les scientifiques se sont intéressés au lien entre le groupe sanguin des individus et le risque de développer la maladie. En un an, une quarantaine d’études ont été publiées sur le sujet, s’appuyant sur des méthodes diverses et s’intéressant à des populations variées dans plusieurs pays.

Si ces travaux semblent généralement esquisser une association entre le fait d’appartenir au groupe sanguin O (voir notre récapitulatif sur les groupes sanguins ci-dessous) et celui d’être protégé contre le virus SARS-CoV-2, il n’est pas toujours aisé de s’y retrouver parmi toutes les données disponibles, de bien comprendre de quelle protection il s’agit ou encore quels sont les mécanismes biologiques en jeu. Canal Détox apporte donc un éclairage sur cette question et coupe court aux fausses infos.

S’intéresser à l’impact du groupe sanguin dans le cadre de cette pandémie suppose en fait pour les scientifiques de s’intéresser à deux questions distinctes : le fait d’appartenir à un groupe sanguin donné protège-t-il les individus contre le risque d’infection ? Et chez les personnes infectées, le groupe sanguin peut-il ensuite avoir un impact sur le risque d’évoluer vers une forme grave et sur la mortalité ? 

Quels groupes sanguins : A, B, AB ou O ?

 

Si la composition du sang est la même pour tous, des différences individuelles existent : les antigènes présents à la surface des cellules sanguines (globules rouges, globules blancs et plaquettes) varient d’une personne à l’autre. Plusieurs systèmes antigéniques permettent ainsi de caractériser les cellules sanguines, le plus connu et l’un des plus importants pour la transfusion étant le système ABO, qui détermine la compatibilité sanguine entre deux individus.

Les personnes peuvent être réparties en 4 groupes sanguins selon la présence ou non de deux antigènes, A et B, à la surface des globules rouges et selon le ou les anticorps systématiquement présents dans le plasma correspondant aux antigènes absents.

En fonction de si elles possèdent l’antigène A (et des anticorps anti-B), l’antigène B (et des anticorps anti-A), les deux ou aucun des deux, les personnes sont donc réparties dans le groupe sanguin A, B, AB ou O.

groupe ABO

antigènes présents sur les globules rouges

anticorps présents dans le plasma

groupe A

antigènes A

anticorps anti-B

groupe B

antigènes B

anticorps anti-A

groupe AB

antigènes A et B

pas d’anticorps anti-A ni B

groupe O

pas d’antigènes A ni B

anticorps anti-A et anti-B

Ces groupes sont déterminants pour les transfusions, la règle étant de ne jamais apporter un antigène contre lequel le receveur possède un anticorps. En effet, si les anticorps anti-A (ou anti-B) du receveur se fixent sur les antigènes A (ou B) des globules rouges du donneur, ils provoquent leur agglutination, voire leur destruction.

Selon les régions du monde, certains groupes sanguins ABO vont être plus ou moins prévalents. Par exemple en Asie de l’Est, le groupe sanguin O est bien moins prévalent qu’en Amérique du Sud (où les populations amérindiennes appartiennent presque toutes au groupe O).

 

Protection contre l’infection

La plupart des études publiées sur le sujet se sont intéressées à l’effet du groupe sanguin sur le risque d’être infecté par le SARS-CoV-2. Au début de l’année 2021, 34 études comparant des patients à des « contrôles » ont ainsi rapporté une association entre le risque d’infection à la Covid-19 et le groupe sanguin. Ces études ont notamment pointé du doigts un risque diminué pour les personnes de groupe sanguin O, même si cette diminution reste relative. Ces premières données ont en outre déjà été confirmées par plusieurs méta-analyses.

Plusieurs méthodes ont été employées par les différents groupes de recherche pour arriver à ces conclusions. La plupart partent de l’hypothèse que le groupe sanguin a un impact sur le risque d’infection et tentent de la confirmer en comparant la fréquence de chaque groupe sanguin du système ABO chez des patients atteints de Covid et chez des personnes non infectées.

Six études d’association pangénomiques[1] menées chez des patients hospitalisés pour Covid-19 (sévère ou non) comparé à des individus sains vont aussi dans le même sens. L’objectif était d’identifier quelles variations génétiques sont particulièrement impliquées dans le développement de la Covid, sans présumer un effet du groupe sanguin au départ. Or, ces études ont montré que deux régions du génome étaient notamment associées au risque d’infection (une zone du chromosome 3 impliquée dans l’immunité innée et une zone du chromosome 9 porteur du gène ABO qui détermine le groupe sanguin).

En regardant plus en détail, les scientifiques ont constaté que le groupe O était plus fréquent dans le groupe contrôle et les groupes A et B étaient moins fréquents (mais plus fréquents chez les malades), ce qui suggère là aussi un effet du groupe sanguin sur la probabilité de développer la pathologie. Cette utilisation de méthodologies différentes pour des résultats similaires permet de limiter les biais et de donner plus de forces à ces résultats.

 

Quels sont les mécanismes biologiques expliquant cette relation entre groupe sanguin et infection ?

L’hypothèse la plus crédible s’intéresse aux anticorps anti-groupes sanguins A et B. En effet les cellules de l’arbre respiratoire – où se multiplie principalement le virus – synthétisent les antigènes A ou B en fonction du groupe sanguin de la personne infectée. Ces antigènes sont des sucres complexes qui sont liés à des protéines ou à des lipides présents sur la membrane des cellules, mais aussi sur l’enveloppe virale du SARS-CoV-2. Les particules virales émises par une personne des groupes A, B, ou AB pourraient alors porter ces antigènes.

Lorsqu’une personne transmet le virus à une autre personne qui possède des anticorps anti-A ou anti-B, ces particules virales ABO incompatibles pourraient être neutralisées et éliminées. Cela pourrait expliquer pourquoi les personnes de groupe sanguin O, qui possèdent à la fois des anticorps anti-A et anti-B seraient plus en mesure de lutter contre le virus. Si ce mécanisme doit encore être étudié et validé, il permet de formuler une hypothèse plausible pour expliquer les différences d’incidence de la Covid-19 en fonction du groupe ABO. 

 

Éviter les formes sévères de la maladie

Un deuxième groupe d’études s’est plus précisément intéressé à l’impact du groupe sanguin sur la sévérité de la maladie.

Pour cela, les chercheurs comparent entre eux des patients atteints de formes graves de Covid-19 pour étudier leur évolution clinique et/ou le risque de décès en fonction de leur groupe sanguin. La plupart de ces travaux concordent pour dire que ce risque est diminué pour les personnes de groupe sanguin O, même si à ce stade avancé de la maladie, la différence n’est pas très marquée. Inversement, certaines études soulignent que les autres groupes sanguins sont plus à risque d’évoluer défavorablement. 

Une étude canadienne parue dans Blood Advance a ainsi montré que les patients de groupe A et AB étaient plus à risque de rester longtemps en réanimation ou d’avoir recours à la ventilation mécanique que les autres groupes. En France, une étude dans le Journal of Clinical Medicine, portant sur des patients Covid hospitalisés ayant précédemment subi une chirurgie de remplacement de la valve aortique, a souligné que le fait d’appartenir au groupe A était le facteur prédictif de mortalité le plus significatif.

Par ailleurs, une étude italienne a montré que chez des patients plus jeunes atteints d’une forme grave de Covid et ayant des antécédents d’hypertension, le risque de décès était trois fois plus élevé chez les non O que chez les O. De tels résultats devront être confirmés par des études s’appuyant sur de plus larges échantillons de patients.

 

D’où vient cet effet sur la sévérité de la maladie ?

La littérature scientifique avait déjà montré un lien entre groupe sanguin et risque de thrombose (caillot obstruant les vaisseaux sanguins). Les groupes sanguins non O sont  ainsi plus à risque de développer des pathologies cardiovasculaires comme la maladie thromboembolique veineuse, l’athérosclérose vasculaire ou encore l’infarctus du myocarde.

Ce phénomène s’explique par le fait que ces personnes ont des niveaux sanguins plus élevés de certains facteurs de coagulation qui favorisent la thrombose. Les personnes de groupe sanguin O, dont le recyclage et l’élimination de ces facteurs de coagulation est accéléré, sont à l’inverse plus protégées contre les problèmes cardiovasculaires. Par ailleurs, le groupe sanguin a également un impact sur la fonction endothéliale (l’endothélium vasculaire étant la couche la plus interne des vaisseaux sanguins).

Dans le cas de la Covid sévère, les médecins constatent un emballement immunitaire important (« l’orage cytokinique ») mais aussi une dysfonction endothéliale indirectement ou directement liée au virus qui pourrait provoquer des micro-thromboses (notamment au niveau pulmonaire) et expliquer les différentes atteintes d’organes observées dans les formes graves.

Dès lors, l’appartenance à un groupe sanguin particulier et le risque de thrombose et de dysfonction endothéliale associée peut avoir un impact sur l’évolution de la maladie.

Il est important de noter que le fait d’appartenir au groupe sanguin O ne dispense en aucun cas des gestes barrières et des mesures habituelles de distanciation sociale, qui restent avec la vaccination les principales mesures de protection contre la COVID-19. Les individus de groupe O peuvent être infectés et également transmettre le virus.

 

Texte rédigé avec le soutien de Jacques Le Pendu, chercheur Inserm au U1232 CENTRE DE RECHERCHE EN CANCEROLOGIE ET IMMUNOLOGIE NANTES-ANGERS (CRCINA).

 

[1]  Analyse de nombreuses variations génétiques chez un grand groupe d’individus, afin d’étudier leurs corrélations avec des traits phénotypiques.

Vitamine D : efficace contre la Covid-19, vraiment ?

alimentation vitamine D

Le rôle de la vitamine D dans la bonne santé osseuse et musculosquelettique a depuis longtemps été souligné. Les récepteurs à la vitamine D sont également présents dans de nombreuses cellules du corps, ce qui suggère un rôle important pour assurer les différentes fonctions de l’organisme.

Depuis plusieurs mois, de nombreux articles se multiplient en ligne pour s’interroger sur le lien entre supplémentation en vitamines D et risque de développer la Covid-19. Certains estiment que la vitamine D aurait en effet un effet protecteur. Pour l’instant néanmoins, les données manquent encore sur le sujet. Canal Détox se penche sur la question. 

 

Effets de la vitamine D sur la santé 

Contrairement aux autres vitamines que l’on retrouve principalement dans l’alimentation, la vitamine D ne se retrouve que de façon limitée dans notre assiette (poisson gras, œufs, produits laitiers, en particulier lorsqu’ils sont enrichis en vitamine D). Elle s’acquiert en effet majoritairement par notre exposition au soleil : les rayonnements UVB vont en induire la synthèse (particulièrement au printemps et en été).

Que ce soit en période de pandémie de Covid-19 ou non, maintenir une alimentation variée et riche en vitamine D est nécessaire pour éviter toute carence. Le dépistage de la carence en vitamine D doit être réalisé chez les patients à risques. La supplémentation peut alors être recommandée, notamment en hiver, pour les populations à risque, comme les personnes de plus de 65 ans, les femmes ménopausées, les enfants ou les femmes enceintes, dans le but de maintenir leur santé squelettique. Elle est encouragée également pour les personnes s’exposant peu au soleil ou présentant des problèmes de santé comme des malabsorptions intestinales ou une insuffisance rénale.

Pour les effets sur les autres pathologies comme les cancers, la sclérose en plaque ou les maladies auto-immunes, observées pour l’instant dans le cadre d’études épidémiologiques ou cliniques, la supplémentation semble avoir un effet prometteur, mais les données disponibles sont encore trop hétérogènes et peu concluantes. À titre d’exemple, aucun effet protecteur de la supplémentation en vitamine D sur le risque de cancer ou de maladie cardiovasculaire n’a pu être démontré dans une large étude parue en 2019 dans le New England Journal of Medicine.

 

Des effets contre la Covid-19 ?

En ce qui concerne la Covid-19, malgré de nombreuses publications en ligne et sur les réseaux sociaux concernant la vitamine D, l’efficacité de la supplémentation face à la maladie demeure à ce jour incertaine. Le National Institutes of Health aux Etats-Unis et la Société française de pharmacologie ont d’ailleurs fait passer ce message, précisant que les données disponibles ne permettent pas d’affirmer qu’il existe un éventuel effet protecteur contre la maladie.

Toutefois, plusieurs études sont actuellement menées sur le sujet, pour ouvrir des pistes de réflexion intéressantes. On peut notamment citer le fait que depuis 2012, des chercheurs de la Queen Mary University of London s’attachent à démontrer que la supplémentation en vitamine D aurait un effet de prévention sur les infections respiratoires aiguës avec des résultats encourageants actualisés en juillet 2020.

En effet, ces scientifiques ont montré que la réduction relative du risque de développer une infection respiratoire aiguë est notable chez les personnes ayant reçu une supplémentation en vitamine D. La réduction était même maximale pour une supplémentation quotidienne de 400 à 1000 Ul, pendant une période inférieure ou égale à 12 mois. Cependant les chercheurs précisent que « la pertinence de ces résultats dans le cas de la Covid-19 n’est pas connue et nécessite des recherches dédiées ».

Concernant la question de savoir si la vitamine D peut aider les patients atteints de formes graves de Covid-19, notamment les individus admis en unités de soins intensifs, les Hôpitaux Universitaires de Genève ont publié une revue critique de la littérature qui précise que les études menées sur l’effet de la vitamine D n’arrivent là aussi qu’à des conclusions partielles et encore non concluantes.  La supplémentation systématique en vitamine D n’est donc pas recommandée à ce jour pour se protéger de la Covid-19 et de ses formes sévères. 

Comme toute supplémentation, celle en vitamine D n’est pas anodine et doit toujours s’effectuer dans le cadre d’une prescription médicale. La posologie doit être adaptée au profil du patient et au degré de sa carence. En effet, même si le risque d’intoxication aigue est faible, des effets indésirables peuvent néanmoins apparaitre dans le cadre de prises de supplémentation excessives ou inadaptées. Par ailleurs, l’Anses recommande un apport journalier en vitamine D autour des 15 microgrammes soit 600 UI pour un adulte.

Texte rédigé avec le soutien de Mélanie Deschasaux, Chargée de Recherche
Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (EREN)

Les vaccins contre la Covid-19, efficaces vraiment ?

Parmi les stratégies étudiées par les différents laboratoires pour lutter efficacement contre les variants, la possibilité de faire un rappel avec les vaccins dont on dispose déjà, pour booster la réponse immunitaire, est à l’étude. Adobe Stock 

Pour lutter la Covid-19, les campagnes de vaccination suivent leurs cours dans de nombreux pays du monde. Alors que le nombre de cas continue d’augmenter et que l’émergence de nouveaux variants fait craindre une intensification de la pandémie, certains s’interrogent toutefois sur l’efficacité de ces nouveaux vaccins. Sur les réseaux sociaux et dans certains médias, des questions au sujet des publics ciblés par la vaccination, de la durée de protection ou encore des délais à respecter entre deux injections continuent régulièrement à être soulevées. Canal Détox fait le point.

 La question de l’efficacité des vaccins anti-Covid actuellement disponibles ou en cours de développement se pose de manière accrue depuis l’émergence et la diffusion de variants du SARS-CoV-2 plus contagieux. Ces vaccins parviendront-ils toujours à générer la production d’anticorps efficaces contre ces nouvelles formes du virus ?

D’après les premières données disponibles, les deux vaccins à ARN sur le marché en Europe (Moderna et Pfizer BioNtech) semblent être en mesure de neutraliser les variants, en particulier le variant britannique qui se répand rapidement en France. Moderna a même indiqué que son vaccin aurait toujours une activité neutralisante réduite mais effective contre le variant sud-africain qui est celui qui inquiète un peu plus les scientifiques.

Très récemment, le vaccin Novavax basé sur l’injection de protéines recombinantes a annoncé les premiers résultats de ses essais cliniques. Il a démontré une efficacité contre les formes sévères du Covid à 90% lorsque testé au Royaume Uni, mais réduite à 60% en Afrique du Sud. Même si des différences socio-économiques pourraient en partie expliquer ces observations, il est aussi évident que plus de 90% des cas de Covid dans l’essai conduit en Afrique du Sud impliquaient un variant différent de ceux circulants au Royaume Uni.

Parmi les stratégies étudiées par les différents laboratoires pour lutter efficacement contre les variants, la possibilité de faire un rappel avec les vaccins dont on dispose déjà est à l’étude, dans le but de booster la réponse immunitaire.  Moderna étudie par exemple déjà la possibilité d’injecter une dose supplémentaire de son vaccin déjà développé contre le SARS-CoV-2 « classique » pour développer une réponse plus puissante. ll s’agirait d’une injection à distance des deux premières, comme c’est le cas pour beaucoup de vaccins déjà existants.

L’autre approche consisterait à adapter et remplacer régulièrement les vaccins disponibles pour faire face aux mutations du virus (comme dans le cas de la grippe). Dans ce contexte, les vaccins à ARN ont notamment l’avantage de pouvoir être adaptés rapidement et à coût de production réduit pour faire face aux nouveaux variants.

En effet, le principe de ce vaccin repose sur l’injection de molécules d’ARN codant pour les protéines du virus afin que celles-ci soient produites par les cellules de l’individu et réveillent la réponse immunitaire. A partir du moment où l’on connaît le code génétique des nouveaux variants, on peut rapidement mettre au point un vaccin codant leurs protéines d’intérêt.

 

 

Qui, quand comment ?

Dans le cadre de la stratégie de vaccination française, et face aux difficultés à s’approvisionner en vaccins, s’est posé la question de savoir s’il était possible de décaler l’injection de la seconde dose du vaccin de Pfizer/BionTech pour pouvoir administrer la première dose à un plus grand nombre de personnes. Cette stratégie n’a pas été retenue par crainte d’une efficacité diminuée du vaccin si la seconde dose n’était pas donnée dans les délais testés dans les essais cliniques. Par ailleurs, le risque existe qu’une immunité collective insuffisante/partielle, obtenue avec une seule dose, laisse le temps au virus de muter.

La HAS a défini les publics prioritaires ciblés par la vaccination. La phase 1 de la campagne cible en priorité les populations exposées à deux facteurs de risque : la vulnérabilité liée à l’âge et l’exposition accrue au virus (notamment les professionnels du secteur de la santé).  Les premiers vaccins autorisés en France, celui de Moderna et de Pfizer/BioNtech, sont donc réservés en priorité à ces personnes. Les essais cliniques menés par les deux laboratoires, dont les données ont été publiées dans des revues à comité de lecture (NEJM et The Lancet) et sur lesquelles les autorités sanitaires se sont appuyées pour autoriser les deux vaccins, montrent des résultats d’efficacité élevés pour les personnes âgées.

Pour ce groupe d’âge, des questions sur l’efficacité ont toutefois été soulevées en ce qui concerne le vaccin de Astrazeneca, le troisième vaccin à être autorisé dans l’UE. En effet, pour ces essais cliniques, le laboratoire a dans un premier temps recruté des participants jeunes, les plus âgés ayant été inclus un peu après. Au total, dans les premières études analysées par l’Agence européenne du médicament, seul 13 % des participants avaient plus de 65 ans. Les données accessibles à l’heure actuelle montrent de plus que sur 660 personnes de plus de 65 ans participant à ces essais, deux d’entre-elles ont été infectées par le SARS-CoV-2 dans le groupe recevant le vaccin contre 6 dans le groupe contrôle.

Il s’agit là d’un échantillon insuffisant pour réaliser une analyse statistique robuste et se prononcer avec certitude sur l’efficacité dans cette classe d’âge. C’est du moins l’avis des autorités sanitaires allemandes, qui ont été les premières en Europe à décider de réserver ce vaccin aux personnes de moins de 65 ans. Une décision également suivie par plusieurs pays européens dont la France, la HAS recommandant ce vaccin en priorité aux soignants de moins de 65 ans et aux patients atteints de comorbidités âgées de 50 à 64 ans. Des données complémentaires concernant l’efficacité de ce vaccin chez les plus âgés devraient toutefois prochainement être disponibles, notamment dans le cadre d’un essai clinique en cours aux Etats-Unis.

 

L’intérêt de poursuivre les essais cliniques va d’ailleurs au-delà de la problématique d’Astrazeneca. Il est important de continuer à tester de nouveaux candidats vaccins pour élargir l’arsenal d’outils disponibles contre la pandémie, mais aussi de poursuivre des essais complémentaires portant sur des vaccins déjà autorisés afin de répondre à des questions encore en suspens et affiner encore la prise en charge.

C’est par exemple l’objectif de la plateforme d’essais vaccinaux Covireivac promue par l’Inserm.  Il ne s’agit pas dans ce cas de démontrer à nouveau la sécurité et l’efficacité de ces produits mais de caractériser plus finement la réponse immunitaire et identifier des marqueurs biologiques prédictifs de l’efficacité d’un vaccin donné, de l’étudier dans des populations spécifiques (certains groupes d’âges, les femmes enceintes etc…), ou encore de s’intéresser à la durée de l’immunité conférée par ces vaccins.

La question de l’efficacité à long terme des vaccins contre la Covid demeure en effet au cœur des préoccupations. Si l’efficacité des vaccins déjà autorisés fait consensus sur la base des données disponibles, le recul sur ces dernières n’est que de quelques mois. Il est donc important de continuer les recherches pour déterminer si l’efficacité diminue au cours du temps.

 Texte rédigé avec le soutien de Cecil Czerkinsky, directeur de recherche Inserm à l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire.

L’ivermectine, nouveau traitement « miracle » contre la Covid-19, vraiment ?

Epithélium respiratoire humain infecté par le SARS-CoV-2 © Manuel Rosa-Calatrava, Inserm ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé

L’ivermectine serait-il le traitement miracle qui manquait à l’arsenal thérapeutique contre la Covid-19 ? Alors que la pandémie progresse encore à travers le monde et que le début de l’année 2021 a marqué le coup d’envoi de campagnes de vaccination dans de nombreux pays, la recherche sur les traitements potentiels contre cette maladie infectieuse émergente continue à avancer. 

Depuis l’apparition du nouveau coronavirus SARS-CoV-2, des équipes de recherche se sont penchées sur des stratégies de repositionnement thérapeutique. Concrètement, les scientifiques ont testé des médicaments déjà autorisés pour d’autres indications, afin de déterminer s’ils pouvaient avoir des effets bénéfiques contre la Covid-19. Dans ce contexte, les débats se sont souvent cristallisés sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine, sans que les nombreuses données scientifiques et cliniques disponibles ne permettent à ce jour de confirmer un quelconque intérêt thérapeutique de cette molécule.

Depuis quelques semaines néanmoins, c’est un autre traitement antiparasitaire, l’ivermectine, qui a fait beaucoup parler de lui en ligne. Possédant des propriétés anti-inflammatoires intéressantes, ce médicament est en particulier utilisé dans le traitement de plusieurs pathologies, dont la gale et  l’onchocercose (ou cécité des rivières).  

Plusieurs équipes de recherche se sont déjà penchées sur les effets de cette molécule pour lutter contre l’infection. Toutefois, à l’heure actuelle, la majorité de ces travaux n’ont été publiés qu’en préprint (c’est-à-dire qu’ils ne sont pas encore parus dans des revues scientifiques à comité de lecture) et/ou sont limités par des biais méthodologiques.

 

Etudes préliminaires insuffisantes

Certains arguments en faveur de l’utilisation de l’ivermectine évoquent tout d’abord une étude publiée dans Antiviral Research et réalisée sur des cellules in vitro, qui rapporte une activité antivirale de ce médicament contre le SARS-CoV-2.

Si ce type de modèles cellulaires étudiés en laboratoire est utile pour isoler des virus à partir de prélèvement clinique et/ou mieux comprendre les interactions possibles entre le virus et certaines molécules d’intérêt, il est très difficile en l’absence de résultats issus d’autres modèles précliniques plus pertinents d’un point de vue physiologique (tels que les modèles animaux) et surtout d’essais cliniques d’en tirer des conclusions quant à un potentiel usage bénéfique chez l’humain. Les études dans différents modèles in vitro sont certes une première étape, mais seuls les essais cliniques sans biais méthodologiques permettent de répondre à la question du bénéfice et du risque d’un médicament en clinique.

 En outre, cette étude utilise un modèle de cellules d’origine simienne qui n’est pas entièrement pertinent pour explorer l’infection par le SARS-CoV-2. Dans ces cellules, certains mécanismes endogènes de la réponse cellulaire antivirale humaine (interférons) sont notamment absents. Ces résultats devraient donc être répliqués sur d’autres types cellulaires exprimant ces interférons, afin de mieux caractériser l’effet antiviral de l’ivermectine et avant de pouvoir passer au prochain stade des études cliniques.

Par ailleurs, d’autres analyses suggèrent aussi que des doses jusqu’à 100 fois supérieures à celles autorisées chez l’homme pour son indication première, seraient nécessaires pour atteindre les concentrations plasmatiques efficaces contre le virus détectées in vitro, avec des inquiétudes quant à la dose efficace d’ivermectine chez l’homme et sa tolérance.

 

Essais cliniques et limites méthodologiques

Sur le point des biais méthodologiques dans les essais cliniques, on peut par exemple citer l’étude parue en janvier dans la revue Chest, qui suggère une mortalité plus faible chez des patients hospitalisés avec atteintes pulmonaires, infectés par le SARS-CoV-2 et traités par ivermectine, en comparaison à des sujets non traités.

Cette étude connaît cependant une limite méthodologique importante : les deux groupes sont difficilement comparables, car les patients traités avec l’ivermectine étaient également plus nombreux à avoir aussi reçu des corticoïdes (dont plusieurs études ont déjà démontré les bénéfices pour les patients atteints de formes sévères de la maladie).

Récemment, une « Research Letter » publiée dans le British Journal of Dermatology, souligne que l’ivermective pourrait avoir eu un rôle protecteur contre la Covid-19 dans un EPHAD où le médicament avait été donné pour traiter des cas de gale. Néanmoins, plusieurs limites sont là aussi à prendre en compte dont le caractère observationnel de l’étude et l’absence de corrélation démontrée in vitro/in vivo.

Cette idée de biais méthodologique et en conséquence, d’un faible niveau de preuves, est renforcée par des méta-analyses. On peut notamment citer la plateforme proposée par le BMJ et McMaster University – la « Covid-19 Living Network Analysis » – qui s’appuie sur un suivi et une analyse détaillée de la littérature scientifique pour recenser les niveaux de preuves concernant l’efficacité de plusieurs traitements utilisés contre la Covid-19. A l’heure actuelle, le niveau de preuves de l’efficacité de l’ivermectine est considéré comme « très bas », trop peu d’études robustes et concluantes ayant réussi à montrer un effet bénéfique de la molécule.

En conclusion, l’ivermectine est un médicament antiparasitaire qui n’est actuellement approuvé dans le traitement d’aucune infection virale, y compris l’infection à SARS-CoV-2. La question de sa dose efficace n’est pas résolue, tout comme son positionnement thérapeutique et/ou prophylactique. A ce jour, l’ivermectine n’est donc pas encore recommandée pour le traitement ou la prévention de la Covid-19 en dehors du cadre d’un essai clinique. Plusieurs essais sont justement en cours pour répondre à toutes ces questions.

Texte rédigé avec le soutien de Manuel Rosa-Calatrava, chercheur Inserm au Centre international de recherche en infectiologie (CIRI).

Un variant du SARS-CoV-2 inquiétant, vraiment ?

Coronavirus SARS-CoV-2 accrochés au niveau des cils de cellule épithéliale respiratoire humaine. © Manuel Rosa-Calatrava, INSERM ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

Le variant du SARS-CoV-2 (VUI 202012/01 renommé VOC 202012/01) qui a émergé de façon rapide depuis septembre depuis le sud-est de l’Angleterre continue de susciter de nombreuses interrogations. En France, des personnes porteuses du variant ont été identifiées dans plusieurs villes dont Marseille, Lille ou encore Paris et l’estimation du nombre de cas est probablement encore sous-évaluée. Le variant aurait par ailleurs déjà été détecté dans des dizaines d’autres pays.

Pour mieux appréhender l’impact potentiel des mutations du virus et l’émergence de nouveaux variants, Canal Détox fait le point et coupe court aux fausses infos.

Attention : ce texte rend compte de la situation au 11 janvier 2021. Celle-ci évoluant rapidement, de nouvelles données scientifiques sont susceptibles d’être disponibles après cette date. 

Tous les virus mutent : après avoir infecté nos cellules, ils se multiplient en réalisant des copies d’eux-mêmes. Ce processus n’est pas parfait et les copies peuvent comporter des « erreurs » : les fameuses mutations. Le matériel génétique des copies virales diffère alors du matériel génétique du virus de départ.

Ces mutations peuvent n’avoir aucune conséquence, voire même avoir un effet négatif sur le virus. D’autres en revanche peuvent avoir un impact par exemple sur la transmissibilité du virus ou sur la gravité de la maladie.

Si les mutations favorisent la circulation du virus (on dit que ces mutations sont sélectionnées positivement), elles entraînent alors l’implantation du nouveau variant, qui peut en quelques mois seulement devenir le variant dominant.

Tout l’enjeu de la surveillance et du séquençage des virus circulants (c’est-à-dire la détermination de leur code génétique) est non seulement d’identifier les mutations rapidement mais aussi de chercher à comprendre leurs effets potentiels sur les patients et sur la dynamique de l’épidémie. Depuis le début de la pandémie, le SARS-CoV-2 a déjà muté de nombreuses fois et il existe des dizaines de lignages de SARS-CoV-2, mais ces mutations n’avaient pas eu d’impact majeur jusqu’ici.

Pour plus de détails à ce sujet lire notre texte « Des mutations rendant le SARS-CoV-2 plus dangereux, vraiment ? »

 

Identifié au Royaume-Uni

Un « variant » est un organisme (ici le virus SARS-CoV-2) qui se distingue du virus d’origine par une ou plusieurs mutations. Le 14 décembre 2020, les autorités sanitaires au Royaume-Uni ont alerté l’OMS de l’émergence du nouveau variant, désigné sous le nom de « SARS-CoV-2 VOC 202012/01 ». Ce dernier est d’abord apparu dans le sud-est de Londres et il est désormais majoritaire dans le pays. Les causes exactes de son émergence demeurent encore incertaines.

Ce variant se distingue de la souche de référence par 23 mutations, dont 17 affectent la nature de protéines essentielles. Il s’agit de substitutions de nucléotides[1] (les molécules organiques à la base de l’ADN) et de délétions de nucléotides[2]. Certaines de ces mutations se situent au niveau de la protéine Spike du virus, qui lui sert de point d’attache pour s’arrimer à nos cellules et les infecter. Si l’effet de cette nouvelle combinaison de mutations n’a pas encore été caractérisé, certaines d’entre elles ont été étudiées individuellement par le passé. Elles pourraient notamment affecter la transmission du virus, sa capacité à se répliquer voire même son antigénicité (sa capacité à être reconnu par le système immunitaire).

Les données cliniques recueillies jusqu’ici confirmeraient que ce variant possède une capacité accrue de transmission (de 50 à 70% supérieure aux SARS-Cov-2 « classiques ») sans modification significative de sa virulence. Le faible nombre de réinfections identifiées ne permet pas de tirer de conclusions sur l’efficacité de la réponse immunitaire croisée entre ce variant et les virus précédents.

 

Accumuler des connaissances scientifiques sur le variant

En l’état, les chercheurs supposent que les mutations de la protéine Spike ne modifieraient pas de façon majeure sa capacité à être reconnu par le système immunitaire ; les vaccins distribués actuellement resteraient donc efficaces. Des données de laboratoire devront toutefois confirmer cette hypothèse. Il faudra également vérifier l’impact de ces mutations sur la capacité des jeunes enfants à être infectés par le variant et à le transmettre, ce qui pourrait modifier la place que nous leur donnons actuellement dans la circulation virale.

En outre, des chercheurs ont souligné que l’une des délétions locales dans le gène codant la protéine Spike entraine une anomalie de certains tests RT-PCR (test Thermofisher). Cependant, les tests actuellement commercialisés détectent plusieurs régions du génome viral (RT-PCR multiplex) si bien qu’actuellement, il n’y a pas d’inquiétude sur les tests de diagnostic.

Les scientifiques se montrent très prudents face à ce nouveau variant, estimant qu’il faut surtout continuer à accumuler des connaissances sur le sujet, à limiter sa diffusion dans les populations par une détection et un isolement précoce des porteurs, et à accroitre les capacités de séquençage afin de mieux définir le niveau de circulation de cette nouvelle souche. Il convient aussi de s’intéresser à d’autres facteurs extérieurs qui pourraient expliquer la plus forte transmission du variant à cette période de l’année (climat plus propice à la transmission, rassemblements et fêtes de fin d’année…).

Un autre variant a également été identifié en Afrique du Sud le 18 décembre 2020, désigné sous le nom de « variant 501Y.V2 ». Il présente également des mutations au niveau de la protéine Spike. Les études préliminaires indiquent qu’il est rapidement devenu dominant dans le pays – il aurait émergé en août dernier – et qu’il est probablement plus transmissible et associé à une charge virale salivaire plus élevée. Là encore, aucune donnée ne vient soutenir l’idée qu’il causerait des formes plus sévères de Covid-19.

 

Renforcer le séquençage et la collaboration entre chercheurs

Afin de mieux suivre l’évolution et la diffusion de ces variants dans la population ainsi que leur impact clinique, il est très important de mettre en place une stratégie robuste de surveillance et de séquençage de virus. Celle-ci doit s’accompagner d’une mise à disposition très rapide des séquences sur des bases de données internationales en accès libre, avec l’ensemble des données associées (sexe, âge, date et lieu du prélèvement etc.). Comme l’indique un récent article du New England Journal of Medicine, il s’agit d’avoir une approche proactive pour suivre la manière dont le SARS-CoV-2 mute et mieux contrôler l’épidémie.

Pour le suivi de ces mutations, les scientifiques s’appuient sur des technologies de séquençage haut débit pour décrypter le génome entier du SARS-CoV-2. Ces technologies, développées pour le séquençage du génome humain, permettent d’obtenir un grand nombre de données afin de caractériser finement le génome viral. Elles sont plus précises et plus performantes que la technique « ancestrale » de séquençage appelée méthode Sanger (du nom de son inventeur). Ces techniques « haut débit », bien qu’elles soient assez lourdes et coûteuses s’avèrent nécessaires dans le cas de ce nouveau coronavirus en raison de la taille très importante de son génome (environ 30 000 nucléotides ; à titre de comparaison, le VIH a un génome d’un peu de plus de 9 000 nucléotides).

Ces travaux doivent donc s’appuyer sur une collaboration étroite entre virologues et bio-informaticiens afin de pouvoir analyser et organiser de manière cohérente les très nombreuses données qui sont issues d’un séquençage du génome complet du SARS-CoV-2, puis d’identifier les éventuelles mutations.

Dans ce cadre, un autre outil a montré son utilité pendant cette pandémie : GISAID, la plateforme de collecte et d’analyse des données de séquences du SARS-CoV-2. Mise en place à l’origine pour rassembler et analyser les séquences du virus de la grippe, GISAID permet aux chercheurs d’avoir accès rapidement à plus de 130 000 séquences complètes du virus provenant de 122 pays. Cette plateforme est donc très importante pour suivre les évolutions du SARS-CoV-2 et de la pandémie. Échanger des informations via cette base de données sur les mutations d’intérêt permet aux scientifiques de mieux anticiper l’émergence de variants ayant potentiellement un impact sur la trajectoire de l’épidémie et sur l’évolution de la maladie.

Comme tous les virus, le SARS-CoV-2 va continuer à muter et dans les prochains mois, d’autres variants pourraient potentiellement émerger.

Ils pourraient être recherchés par les scientifiques par exemple lorsque l’on identifie un foyer où la circulation du virus semble plus rapide ou si la maladie change de présentation clinique.  Cette recherche pourrait en parallèle s’appuyer sur une analyse plus aléatoire en séquençant plus systématiquement des souches hospitalières, des souches de ville, chez des patients et des porteurs non-symptomatiques et en respectant un maillage territorial pertinent.

[1] Remplacements de nucléotide par un autre

[2] Suppression d’un ou plusieurs nucléotides du code génétique du virus

Texte rédigé avec le soutien de Vincent Maréchal, professeur de virologie et chercheur au Centre de recherche Saint Antoine (Inserm/Sorbonne Université) et Anne Goffard, virologue au Centre d’infection et d’immunité de Lille (Inserm/Université de Lille/Institut Pasteur de Lille/CHU de Lille)

 

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