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Consommer plus de protéines quand on pratique du sport à haut niveau, vraiment ?

Canal Détox BD semaine 2© Flore Avram/Inserm

Gagner en force musculaire, construire du muscle, réduire la masse grasse, améliorer la récupération musculaire… Autant de promesses qui sont faites aux consommateurs lorsqu’ils décident d’acheter des compléments alimentaires à base de protéines. Il est vrai qu’avoir un apport élevé en protéines est souvent conseillé pour les sportifs, au-delà de l’apport journalier recommandé. Le recours à des poudres protéinées pose néanmoins question, des inquiétudes pour la santé en cas de surconsommation ayant parfois été rapportées.

Comment expliquer l’importance accordée aux protéines dans le sport de haut niveau ? Quel est le rôle des protéines dans les performances sportives ? Faut-il éviter les poudres protéinées ? Canal Détox fait le point.

Les protéines sont des constituants indispensables à notre corps et environ 40 % d’entre elles sont stockées dans nos muscles. Elles jouent différents rôles importants dans l’organisme, dont un rôle de transport et un rôle structural. Ainsi, des protéines comme l’hémoglobine assurent par exemple le transport de l’oxygène dans le corps et l’élimination du dioxyde de carbone. Le rôle structural des protéines détermine quant à lui la forme des cellules et intervient dans le renouvellement des tissus, notamment des tissus musculaires.

 

Protéines et acides aminés

Les protéines sont constituées d’une chaîne de composés individuels, appelés « acides aminés ». Cette chaîne est spécifique pour une protéine donnée. Les acides aminés sont indispensables à la synthèse des protéines.

Même si le corps humain en produit certains, neuf acides aminés ne peuvent pas être synthétisés par l’organisme. Ces derniers, dits « acides aminés essentiels », doivent donc être apportés par l’alimentation, essentiellement sous forme de protéines. La quantité de chaque acide aminé nécessaire au besoin d’un organisme et à la fabrication des protéines dépend notamment de l’âge, de la taille, de la masse musculaire et de l’activité physique.

L’apport journalier recommandé (AJR) est de 0,8 à 1 g de protéines par kilogramme de poids corporel par jour pour les personnes de plus de 19 ans. Ce qui représente par exemple une consommation de 60 à 75 g par jour pour une personne de 75 kg.

Cet apport journalier peut être facilement atteint grâce à un régime équilibré. Lors d’un repas équilibré, un quart des aliments sélectionnés doit apporter des protéines. Les protéines sont présentes dans beaucoup d’aliments de notre quotidien, sous forme de protéines animales comme dans la viande de poulet (100 g contient environ 22 g de protéines), le poisson (100 g contient environ 20 g de protéines), le lait, ou encore les œufs ou bien sous forme de protéines végétales comme dans les céréales (blé, avoine) et les légumineuses (lentilles, pois chiches…).

 

Protéines et masse musculaire

Si consommer une quantité de protéines en accord avec l’AJR recommandé est suffisant pour la majorité des personnes, qu’en est-il pour les sportifs de haut niveau ? On entend régulièrement que les sportifs chevronnés devraient avoir recours à une supplémentation en protéines. Certains affirment même qu’une consommation élevée de protéines est indispensable pour atteindre ses objectifs de performance sportive.

On sait en effet que la sollicitation répétée d’un muscle normal, comme c’est le cas chez les sportifs, favorise l’accroissement de sa masse de deux façons. La première en entraînant une augmentation de la synthèse de protéine, qui ne peut se faire qu’avec des acides aminés essentiels apportés par l’alimentation.

La deuxième est que les stimuli mécaniques du muscle entraînent la survenue de microlésions musculaires. Celles-ci vont favoriser la stimulation des cellules souches du muscle et leur incorporation à la fibre musculaire, ce qui va participer à l’augmentation de la masse musculaire. Ces microlésions sont ensuite réparées grâce à l’intervention de protéines. Il est donc important d’avoir un bon apport alimentaire en acides aminés essentiels pour que tout ce mécanisme se fasse correctement.

Mais si les protéines sont centrales dans le régime d’un sportif de haut niveau, quelle doit être la quantité exacte consommée au quotidien ? Il est difficile de répondre de manière précise et de généraliser. En fait, et de manière assez logique, la quantité doit être pensée en fonction de l’activité pratiquée et de son intensité. Le mot clé ici : l’équilibre. Un entraînement intensif devra être équilibré par un grand apport en protéines, et un entraînement plus « léger » ne demandera qu’un petit apport supplémentaire, voire simplement de modifier légèrement son alimentation. Un déséquilibre pourrait avoir un effet délétère.

Pour trouver cet équilibre, le mieux est de demander de l’aide à un spécialiste (par exemple un préparateur sportif ou un médecin) qui pourra apporter des conseils sur les quantités qui sont les plus pertinentes en fonction des attentes, des objectifs et des entraînements pratiqués.

 

Quelles sont les sources de protéines ?

Quelles possibilités ont les sportifs pour consommer plus de protéines ? Une alimentation équilibrée faisant la part belle à des aliments riches en protéines (animales ou végétales) est le premier réflexe à avoir pour augmenter son apport.

Les sportifs choisissent parfois d’avoir recours à des compléments alimentaires en poudre à base de protéines. Quand on parle de ces compléments, on cite souvent la protéine « whey », aussi appelée lactosérum, ou bien la « caséine ». Ces deux protéines sont issues du lait et ont la caractéristique de contenir les neuf acides aminés essentiels, que le corps ne peut pas fabriquer lui-même.

Il faut bien avoir en tête que ces produits ne sont pas miraculeux. Les protéines en poudre ne sont utiles que si elles accompagnent un entraînement sportif intense et régulier, et qu’elles sont consommées dans le cadre d’une alimentation équilibrée, sur les conseils d’un entraîneur sportif qualifié.

D’autant qu’on sait que, contrairement aux protéines consommées via l’alimentation, on ne consomme pas en même temps d’autres nutriments utiles à l’organisme comme des fibres par exemple, lorsqu’on prend ces compléments. Attention donc, si l’on utilise ces poudres, de continuer aussi de consommer des protéines animales et/ou végétales dans le cadre de son régime alimentaire pour éviter les carences.

 

Les risques possibles

Y a-t-il un risque à consommer des protéines au-delà de l’apport journalier recommandé ?

De manière générale, la consommation à long terme de tout nutriment en grandes quantités peut avoir des effets néfastes sur la santé humaine. Dans la population générale, une consommation de protéines de manière régulière supérieure aux apports journaliers recommandés peut avoir un impact sur la capacité du foie, de l’intestin et des reins à détoxifier l’ammoniaque[1]. Parmi les effets indésirables qui peuvent alors être observés : inconfort intestinal et troubles digestifs, hyperammonémie (élévation de l’ammoniac dans le sang), hyperinsulinémie (élévation de l’insuline), déshydratation, nausées, lésions hépatiques et rénales, fatigue, maux de tête…

Certains travaux ont particulièrement insisté sur les effets délétères sur les reins et le risque d’insuffisance rénale. Cependant, en l’état actuel des connaissances, ce sont surtout les personnes ayant déjà des problèmes rénaux chroniques qui semblent être les plus vulnérables (chez elles, il est recommandé de ne pas dépasser 0,8 g d’apport protéique par kg de poids corporel par jour). D’autres craintes existent sur des possibles risques cardiovasculaires liés à un apport trop grand en protéines, même si les données sur le sujet sont encore parcellaires.

Sur les risques spécifiques à la consommation de poudres, la présence d’additifs comme des édulcorants, des émulsifiants ou des épaississants peut aussi présenter des risques pour la santé à long terme. Par ailleurs, certaines de ces poudres peuvent contenir des produits dopants comme des hormones de croissance et des stéroïdes anabolisants. Des labels antidopage existent, il est important de rester vigilant. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a mis en place une nutrivigilance sur les compléments alimentaires en général et ces produits en particulier.

Si les protéines sont un allié pour les grands sportifs et peuvent les aider dans leur recherche de performance, il faut néanmoins rester prudent afin de limiter aux mieux les effets potentiellement délétères qu’une surconsommation ou un recours à des compléments alimentaires pourrait entraîner.

Pour éviter les faux pas, le mieux est encore de se faire aider d’un spécialiste de la préparation physique qui saura vous conseiller au mieux pour maximiser vos efforts et les résultats ou d’un expert en nutrition pour adapter au mieux son alimentation.

 

 

Texte rédigé avec le soutien de Catherine Coirault, directrice de recherche Inserm au Centre de Recherche en Myologie, et de Catherine Feart-Couret, chargée de recherche au Bordeaux population health research center.

[1] Dans un foie sain, l’ammoniac n’est présent dans l’organisme qu’en très petites quantités. Chez les personnes en bonne santé, l’intestin et le foie doivent détoxifier environ 5000 mg d’ammoniaque par jour.

FIV : des interrogations sur la santé à long terme, vraiment ?

Embryon humain à huit cellules observé 72 heures après fécondation © Inserm/Lassalle, Bruno

L’assistance médicale à la procréation (AMP) concerne environ une naissance sur 30 en France, selon les données les plus récentes publiées sur le sujet. Parmi les techniques proposées (voir à la fin de l’article), la fécondation in vitro (FIV) est la plus utilisée, représentant 70 % des enfants conçus par AMP. Au cours des quarante dernières années, depuis les premiers succès de la FIV, ces chiffres n’ont cessé de croître.

En parallèle, de nombreux travaux ont été menés afin d’explorer les questionnements médicaux, scientifiques et éthiques suscités par ces techniques. L’une des interrogations centrales, régulièrement évoquée par les médias de manière plutôt pessimiste, concerne la santé à moyen et long terme des enfants nés par FIV.

Ces individus sont-ils vraiment plus à risque de développer certains problèmes de santé en grandissant – par exemple des altérations de la croissance, des troubles cardiovasculaires ou neuro-développementaux, ou même des cancers ? À l’âge adulte, sont-ils plus concernés par des problèmes de fertilité ? Quels travaux de recherche seraient aujourd’hui nécessaires afin de mieux appréhender ce sujet complexe ? Canal Détox fait le point.

Cet article a été préparé en s’appuyant sur le rapport très complet de l’Académie nationale de médecine sur le sujet : “ “Santé à moyen et à long terme des enfants conçus par fécondation in vitro (FIV)” Jouannet P., Claris O., Le Bouc Y. au nom d’un groupe de travail de l’Académie nationale de médecine

 

Des résultats globalement rassurants

La première chose à noter c’est que la période qui correspond à la fécondation et au développement embryonnaire avant l’implantation dans l’utérus est particulièrement fragile. Elle est marquée par des évènements majeurs au niveau génétique et épigénétique, qui jouent un rôle clé pour le développement de l’embryon mais aussi après la naissance. Lors de la FIV, cette période correspond aux phases où gamètes et embryons sont manipulés in vitro.

Il est donc logique que les scientifiques se soient intéressés de près aux conséquences de la FIV pour le développement et pour la santé des enfants et des jeunes adultes conçus de cette manière. Les études publiées sur le sujet tentent d’évaluer notamment s’ils sont plus fréquemment atteints de certains troubles – et si c’est le cas, dans quelle mesure un lien de causalité peut être établi avec les manipulations effectuées pendant la FIV.

Les données disponibles issues de ces travaux de recherche sont encore assez hétérogènes. Le message principal est que si les enfants conçus par FIV peuvent parfois être atteints de troubles de la santé, aucun problème particulier ne domine et leur prévalence est relativement modérée. Cette prévalence n’est pas beaucoup plus importante que chez les enfants conçus naturellement.

Prenons quelques exemples de pathologies qui ont souvent fait l’objet d’investigations. Dans un contexte où il a parfois été rapporté dans les médias que les enfants conçus par FIV présentent des retards de croissance, plusieurs études se sont intéressées à ce sujet, mettant en lumière des résultats plutôt rassurants. Si certains travaux soulignent bien des indices de masses corporels (IMC) plus faibles chez les enfants conçus par FIV, surtout en dessous de l’âge de 3 ans, des données ont ensuite montré que les éventuelles différences de croissance s’estompent à l’adolescence.

Autre inquiétude souvent relayée, celle d’une prévalence accrue des cancers pédiatriques chez les enfants nés par FIV. Si les résultats divergent d’une étude à l’autre, des travaux solides menés à partir des données de milliers d’enfants, notamment en Scandinavie, se sont montrés rassurants puisque les résultats n’indiquent pas de différence significative du taux de cancer chez les enfants conçus par FIV par rapport à ceux conçus naturellement.

Enfin, un point sur les anomalies cardiovasculaires, qui ont été centrales dans les débats scientifiques et médiatiques. Le consensus qui se dégage pour le moment est que les enfants et jeunes adultes nés par FIV présentent un risque modéré de troubles cardiovasculaires. Une augmentation légère de la pression artérielle est observée dans certaines études chez ces enfants et pourrait être associée à l’âge adulte à l’hypertension artérielle et à des maladies cardiovasculaires. Il est donc nécessaire de bien informer les parents à propos de ce risque et des stratégies de prévention pour le réduire, tout en y consacrant une attention particulière dans le suivi médical des enfants.

 

Des mécanismes imputables à la FIV ?

Un autre point intéresse les scientifiques et médecins qui travaillent dans le domaine : comment expliquer les incertitudes qui persistent sur certains troubles et les données contradictoires qui se dégagent parfois d’une étude à l’autre ?

Cela peut être en partie dû à des variations méthodologiques. En effet, les effectifs étudiés sont très variables, souvent avec un nombre faible de sujets et les groupes contrôles ne sont pas toujours pertinents. Les résultats peuvent aussi varier en fonction des catégories d’âge considérées, et les perturbations observées à un âge donné peuvent disparaitre à un âge plus avancé. Enfin, il n’est pas à exclure que le diagnostic des différents troubles puisse en partie être lié à une plus grande attention portée par les parents au développement et à la santé de leurs enfants nés par FIV par rapport au reste de la population.

Par ailleurs, les altérations observées chez les enfants ne sont pas forcément toutes directement imputables à la FIV. D’autres facteurs de risque propres à cette population pourraient aussi expliquer certains des troubles décrits.

Par exemple, dans le cas des troubles neuro-développementaux, la FIV ne semble globalement pas avoir d’effet délétère. Lorsque certains troubles sont diagnostiqués (troubles du spectre de l’autisme, de l’apprentissage, hyperactivité, anxiété…), ils pourraient plutôt être dus à d’autres facteurs de risque comme la prématurité. En outre, le contexte socio-familial doit mieux être pris en compte dans ce type d’étude.

Les couples infertiles peuvent aussi être plus à risque de transmettre à leurs enfants des facteurs responsables de perturbations de santé. Par exemple, certains garçons nés à la suite d’une FIV avec micro-injection de spermatozoïde dans l’ovocyte (ICSI), une technique proposée en cas d’infertilité masculine d’origine génétique, ont un risque accru d’être stériles comme leur père.

Priorités de recherche

Enfin, il est important de continuer les travaux pour mieux comprendre les mécanismes impliqués dans la survenue des troubles, notamment au niveau épigénétique, ainsi que les étapes de la FIV qui peuvent potentiellement augmenter certains des risques décrits.

Des études s’intéressent donc actuellement aux procédures utilisées pour réaliser une FIV, et suggèrent que dans ce cadre, ce sont les traitements hormonaux de stimulation ovarienne, les conditions de la culture embryonnaire et la congélation des embryons qui sont le plus souvent suspectés d’être à l’origine des troubles observés.

À l’heure actuelle, la priorité est aussi de poursuivre les études scientifiques dans des populations mieux caractérisées, notamment à des âges plus avancés de la vie, pour étudier la santé à long terme des individus nés par FIV. Il convient de mener des travaux à la fois cliniques et fondamentaux, pour comprendre d’où proviennent les altérations éventuelles et comment les éviter.

Malgré certaines incertitudes qui persistent, il faut enfin surtout continuer à informer, de manière aussi claire, objective et précise que possible, les personnes ayant recours à la FIV en les rassurant face aux messages pessimistes auxquels elles peuvent être confrontées mais aussi en leur donnant tous les éléments sur les risques potentiels à moyen et à long terme pour les enfants qui naitront.

 

L’AMP en pratique

Il existe différentes techniques pouvant être proposées aux couples infertiles candidats à l’AMP : insémination artificielle, FIV, FIV-ICSI…

Retrouvez toutes les informations sur ces différentes approches dans notre dossier dédié : https://www.inserm.fr/dossier/assistance-medicale-procreation-amp/

 

Texte rédigé avec le soutien de Thierry Galli (directeur de recherche Inserm et directeur de l’Institut Biologie cellulaire, développement et évolution), Jean Rosenbaum (directeur de recherche Inserm, Institut Biologie cellulaire, développement et évolution) et Christine Lemaitre (Institut Biologie cellulaire, développement et évolution et secrétaire générale du comité d’éthique de l’Inserm).

Le VIH transmis par les piqûres des moustiques, vraiment ?

Les moustiques ne peuvent pas transmettre le VIH. Crédits : Adobe Stock

Il est impossible d’être infecté par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) par le biais d’une piqûre de moustique. Pourtant, la question est régulièrement débattue sur certaines plateformes en ligne et sur les réseaux sociaux. Si les connaissances sur la transmission de ce virus à l’origine de la maladie du SIDA sont aujourd’hui bien établies par les scientifiques, elles ne sont pas toujours bien connues de tous. Canal Détox fait le point.

Le VIH ne peut pas être transmis à l’homme par les moustiques, à la différence des virus Zika ou des parasites du paludisme. Tout d’abord, il n’est pas si facile pour un virus de se diffuser par le biais des moustiques, qu’il s’agisse ou non du VIH.

On pourrait penser qu’il suffit à l’insecte d’ingérer un virus lors d’un repas sanguin sur une personne infectée pour qu’il puisse le transmettre à une personne saine lors du repas suivant. En fait, c’est un peu plus compliqué que cela.

En effet, après avoir été ingéré pendant un repas sanguin, un virus doit résister à l’environnement hostile présent dans l’intestin du moustique (acidité, enzymes de digestion, …). Il doit ensuite atteindre les cellules de la paroi de l’intestin et y trouver un point d’ancrage pour pouvoir entrer dans les cellules et s’y reproduire, ce qui là encore n’est pas sans difficulté. Ensuite, après augmentation de la charge virale (c’est à dire la quantité de virus), le virus doit être libéré dans le corps du moustique, infecter les glandes salivaires et s’y multiplier à nouveau. Et c’est seulement là que, stocké avec la salive anticoagulante au niveau des cavités des glandes salivaires (lumen), il pourrait être injecté à un nouvel hôte, lors d’un prochain repas sanguin du moustique. 

Des virus plus ou moins « exigeants »

Par ailleurs, tous les virus ne sont pas identiques : certains virus pénètrent et se reproduisent plus facilement que d’autres dans les cellules. C’est le cas des virus Zika ou Chikungunya. Le virus de l’hépatite C et le VIH sont à l’inverse beaucoup plus « exigeants » : ils n’infectent que quelques types de cellules bien spécifiques qui ne sont pas présentes chez toutes les espèces.

Chez l’humain, les cibles du VIH sont principalement les lymphocytes T auxiliaires, les monocytes, les macrophages et les cellules dendritiques. Ces cellules sont essentielles au bon fonctionnement du système immunitaire. Le virus est en effet capable de reconnaître et de s’arrimer à des « points d’ancrage » ou marqueurs exprimés à la surface de ces cellules, les récepteurs CD4. C’est pour lui le moyen de se répliquer et de se diffuser dans l’organisme.

Pour en savoir plus sur le VIH et la manière dont il se transmet, consultez le dossier d’informations de l’Inserm 

Les cellules du moustique en revanche ne présentent pas ces points d’ancrage à leur surface. Même si un moustique se nourrit du sang d’une personne infectée par le VIH, celui-ci ne pourrait dont pas pénétrer dans ses cellules. En outre, même si c’était le cas, il ne pourrait s’y multiplier, en l’absence de facteurs cellulaires essentiels à sa reproduction.

Le VIH ne peut donc en aucun cas infecter le moustique et être transmis à un individu de manière « active ».

 

Instabilité du virus

Et de manière passive alors ? La trompe du moustique peut-elle être un vecteur de transmission si l’insecte qui vient de se repaître du sang d’un individu séropositif pique tout de suite un autre individu? Là encore, pour deux raisons, c’est impossible.

En effet, la trompe du moustique, que l’on appelle le « proboscis », contient en réalité deux canaux distincts : un pour aspirer le sang et un autre, plus petit, pour injecter la salive. La circulation s’y faisant à sens unique, le seul moyen pour un moustique de pouvoir transmettre le virus serait qu’il soit infecté et que ce pathogène se retrouve dans sa salive après s’être multiplié. Comme on l’a vu plus tôt, le VIH ne pouvant se reproduire dans les cellules du moustique, cette possibilité peut être écartée. Par ailleurs, il s’agit d’un virus instable qui ne survit pas longtemps hors des cellules dans lesquelles il se reproduit ou dans les fluides corporels.

Enfin, on peut ajouter que même si un moustique avec un proboscis recouvert de sang contaminé piquait tout de suite un individu non séropositif, il serait incapable de lui transmettre le virus. La charge virale contenue dans les quelques lymphocytes contaminés qui seraient transmis à cet individu serait en effet trop faible. Dans une publication parue il y a déjà plus de 20 ans, il a été démontré qu’il faudrait dix millions de piqûres de moustiques infectés pour que la charge virale transmise passivement par le proboscis soit suffisante et conduise à infecter une personne.  

 

Texte rédigé avec le soutien de Stéphanie Blandin, chercheuse Inserm à l’IBMC (Institut de biologie moléculaire et cellulaire, à Strasbourg) qui étudie le système immunitaire des moustiques, et son collègue Matteo Negroni, chercheur CNRS à l’IBMC, spécialiste de l’évolution moléculaire du VIH.

Un virus sélectionné en laboratoire, vraiment ?

Covid-19: Observation intracellulaire d’épithélium respiratoire humain reconstitué MucilAir™ infecté par le SARS-CoV-2. © Manuel Rosa-Calatrava, Inserm ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda  UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

 

Parmi les nombreuses interrogations que génère l’épidémie de Covid-19, une en particulier nourrit l’élaboration de théories parfois complotistes : le virus SARS-CoV-2 est-il issu des aléas de la sélection naturelle, ou a-t-il été sciemment sélectionné en laboratoire pour sa capacité à infecter l’être humain ?

Cette théorie est souvent confondue avec une autre également très populaire mais aux présupposés radicalement différents qui imagine que le SARS-CoV-2 serait un virus dit « recombiné », c’est-à-dire créé de toutes pièces par l’Homme à partir de deux virus préexistants (voir notre décryptage à ce sujet).

La théorie du virus « sélectionné en laboratoire » soutient quant à elle que l’épidémie de Covid-19 serait issue d’un coronavirus déjà présent chez l’animal mais inoffensif pour l’être humain, jusqu’à ce que des mutations « dirigées » en laboratoire l’aient rendu dangereux. Intentionnellement sélectionné parmi d’autres formes virales mutées, il aurait acquis la capacité d’infecter l’être humain avec une efficacité redoutable. Mais qu’en disent les scientifiques ?

Cette théorie repose sur la notion de « franchissement de barrière d’espèce », soit ici la capacité d’un virus à passer de son espèce réservoir (l’animal chez lequel il vit naturellement) à une autre espèce (ici, l’être humain), de pouvoir s’y répliquer, et finalement de devenir transmissible au sein de la population de la nouvelle espèce touchée. Chez l’Homme, on parle de transmission interhumaine. Certains coronavirus animaux ne nécessiteraient que peu de mutations pour pouvoir s’adapter à l’organisme humain. C’est par exemple le cas du virus SARS-CoV, responsable du SRAS, qui a entraîné en Chine l’interdiction de la consommation de viande de civette, hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l’humain. Parmi les virus Influenza, le virus H5N1 est quant à lui parvenu à passer d’un réservoir aviaire à l’Homme – chez qui il peut provoquer des maladies parfois mortelles – sans toutefois être capable de se propager au sein de la population humaine.

Ce processus d’adaptation à l’humain repose sur la sélection naturelle de souches virales qui possèdent des mutations adaptatrices, un mécanisme naturel qui ne nécessite pas l’intervention humaine. En revanche, on peut stimuler ce processus en laboratoire en sélectionnant progressivement les souches qui portent ce type de mutations, apparues spontanément au cours de l’étude d’un virus (par exemple, lors du passage du virus d’un animal de laboratoire infecté à un autre). Si ce procédé ne permet pas d’obtenir un virus capable de franchir la barrière d’espèce à coup sûr, cette possibilité n’est pas à écarter.

À l’heure actuelle, il n’existe aucun élément scientifique en faveur de l’hypothèse d’une sélection en laboratoire du SARS-CoV-2 à partir de souches naturelles.

Si une telle manipulation avait été réalisée, cela ne pourrait être probablement démontré qu’à partir des données issues du laboratoire impliqué.

L’analyse du génome ne donne aucun indice car elle ne permet pas de différencier des mutations spontanées ayant été sélectionnées en laboratoire de celles survenues dans la nature.

L’hypothèse actuelle est que le SARS-CoV-2 est bien un virus zoonotique (se transmettant de l’animal à l’humain) dont le réservoir est probablement une chauve-souris du genre Rhinolophus, connue pour être le réservoir d’un très grand nombre de coronavirus. Grâce au hasard de la sélection naturelle, le virus aurait muté et franchi la barrière d’espèce entre la chauve-souris et l’humain. Peut-être encore possédait-il la capacité à infecter l’humain depuis longtemps.

En l’état actuel des connaissances, l’hypothèse la plus vraisemblable reste donc celle d’un virus de chauve-souris qui se serait adapté à l’humain via une ou plusieurs étapes intermédiaires.

Un ou plusieurs hôtes intermédiaires – comme le pangolin – auraient pu être infectés par proximité avec la chauve-souris, dans la nature ou en captivité.

 

Texte réalisé en collaboration avec le chercheur Vincent Maréchal (Centre d’immunologie et des maladies infectieuses, unité 1135 Inserm/Sorbonne Université).

Un virus créé en laboratoire, vraiment ?

Coronavirus SARS-CoV-2 responsable de la maladie COVID-19 observé en gros plan à la surface d’une cellule épithéliale respiratoire humaine.©M.Rosa-Calatrava/O.Terrier/A.Pizzorno/E.Errazuriz-cerda

Parmi les nombreuses interrogations que suscite l’épidémie de Covid-19, une en particulier inspire des théories parfois complotistes : le virus SARS-CoV-2 est-il issu des aléas de la sélection naturelle, ou a-t-il été fabriqué de toutes pièces en laboratoire ? Si cette idée semble plutôt populaire, en particulier en France, il est néanmoins possible d’y apporter une réponse scientifique la plus précise possible en convoquant les connaissances disponibles en génétique, en virologie et en infectiologie.

Certaines spéculations fortement relayées sur les réseaux sociaux évoquent la possibilité que le SARS-CoV-2 soit en réalité un virus « chimère » issu de la recombinaison en laboratoire d’un coronavirus dont la chauve-souris serait le réservoir initial et d’un autre virus. Certains avancent même que la chimère aurait été obtenue à partir du VIH, et serait le produit d’une tentative infructueuse pour mettre au point un vaccin. Mais qu’en disent les scientifiques ?

Tout d’abord, il faut bien différencier cette hypothèse d’un virus créé en laboratoire d’une autre théorie avec laquelle elle est souvent confondue : celle d’une éventuelle sélection en laboratoire d’un virus ayant naturellement muté. Cette dernière fera l’objet d’un point de décryptage ultérieur car elle implique des notions scientifiques différentes.

 

De la théorie…

Il faut savoir qu’il est possible, bien que complexe, de créer un virus chimère à visée vaccinale en laboratoire. Cette technique consiste à insérer à un endroit choisi du génome d’un premier virus (virus A) la séquence génétique codant pour l’antigène d’un autre virus (virus B) contre lequel on veut fabriquer un vaccin. Le virus A, appelé « plateforme vaccinale », est en général un virus vivant « atténué » (son pouvoir pathogène lui a été retiré) déjà utilisé comme base de vaccin. En combinant les deux, on obtient ainsi un virus chimère qui, une fois inoculé, permet à la plateforme vaccinale de « présenter » l’antigène du virus B au système immunitaire. Ce dernier le gardera en mémoire et sera capable de le reconnaître immédiatement si le virus B venait à infecter l’individu par la suite.

Les coronavirus sont des virus difficiles à manipuler en laboratoire. D’abord, ils sont encore mal connus. Mais surtout, ils appartiennent à la catégorie des virus à ARN pour laquelle les techniques de manipulation génétique décrites plus haut ne sont pas aussi abouties, et sont plus contraignantes que pour les virus à ADN. Le SARS-CoV-2 présente donc en théorie un profil peu adapté à la manipulation génétique, en particulier à but vaccinal.

 

… À la pratique

À ces arguments théoriques, des arguments d’analyses génétiques et structurelles du SARS-CoV-2 viennent réfuter l’idée d’un virus chimérique.

Dans le cas d’une chimère, pour que l’antigène du virus B s’exprime correctement à la surface du virus A, la séquence provenant du virus B doit avoir une longueur suffisante et être insérée à un endroit précis du génome du virus A. Une telle modification est très facilement détectable à l’aide d’outils permettant de comparer les séquences génomiques entre elles, au sein de banques de données. Les séquences génomiques similaires d’un virus à l’autre ou celles d’un même virus au sein d’une population sont alors mises en évidence.

En admettant que ce type de manipulation génétique a pu être réalisé sur le SARS-CoV-2, des « cicatrices » résiduelles devraient être détectables avec les techniques dont disposent les scientifiques actuellement, d’autant plus si cette manipulation a été faite avec la séquence d’un virus comme le VIH, très différent du SARS-CoV-2. On détecterait alors des régions du génome étranger à des endroits très spécifiques du génome du SARS-CoV-2.

Or, le génome du SARS-CoV-2 a été séquencé et comparé à de multiples reprises dans de nombreux laboratoires à travers le monde, au cours des derniers mois.

Une modification très importante, comme l’insertion d’un pan entier de la séquence d’un autre virus, aurait immédiatement été détectée par les outils de bio-informatique et n’aurait pas échappé à la communauté scientifique.

Il est par ailleurs tout à fait normal et fréquent de trouver de petites homologies (séquences génétiques similaires) répétées en comparant l’intégralité des génomes de deux ou plusieurs virus. Ces homologies apparentes résultent le plus souvent du hasard.

Les homologies de séquence identifiées entre le génome du SARS-CoV-2 et celui du VIH, en plus d’être également retrouvées chez d’autres virus, sont trop courtes (moins de 20 bases) par rapport à la taille globale du génome du SARS-CoV-2 (30 000 bases) pour être autre chose que le fruit du hasard.

Des travaux parus dans Nature Communications le 17 mars 2020 montrent une très haute affinité de liaison entre la protéine Spike, qui donne sa forme de couronne au SARS-CoV-2, et le récepteur ACE2 des cellules humaines qui permet au virus de se fixer pour infecter ces dernières. Selon les auteurs de l’étude, une telle affinité est très probablement le produit de mutations et de la sélection naturelle, et non le résultat d’une manipulation volontaire en laboratoire. Une autre publication plus récente, comparant la structure de la protéine Spike du SARS-CoV-2 avec celle d’un coronavirus de chauve-souris très proche génétiquement, vient renforcer l’hypothèse d’une provenance naturelle du virus.

Enfin, une modification aussi importante qu’une recombinaison aurait fortement réduit le niveau de ressemblance du virus avec les autres coronavirus. Or, le SARS-CoV-2 présente une très forte homologie avec plusieurs coronavirus retrouvés chez les chauves-souris du genre Rhinolophus.

À ce jour, aucun argument scientifique solide ne permet donc d’affirmer que le SARS-CoV-2 serait un virus recombiné. À l’inverse, les publications dans les revues à comité de lecture mettent en avant des arguments de plus en plus nombreux en faveur d’une origine naturelle du virus.

Texte réalisé en collaboration avec les chercheurs Vincent Maréchal et Guy Gorochov (Centre d’immunologie et de maladies infectieuses, unité 1135 Inserm/Sorbonne Université).

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