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Un cœur de porc pour tous, vraiment ?

Le premier patient au monde à avoir reçu une greffe de cœur d’un porc génétiquement modifié a survécu deux mois. David Bennett, 57 ans, atteint d’une insuffisance cardiaque au stade terminal et d’une arythmie, avait été opéré le 7 janvier 2022 à titre compassionnel alors qu’il n’existait plus d’autre solution thérapeutique alternative à lui proposer.

Dans le jargon scientifique, l’opération subie par ce patient américain s’appelle une xénogreffe (ou xénotransplantation). Il s’agit d’un acte chirurgical qui vise à transplanter à un patient un greffon sain (ici un organe entier, le cœur), provenant d’une espèce biologique différente de celle du receveur. Elle diffère ainsi de l’allogreffe (ou allotransplantation) dans laquelle le greffon provient de la même espèce que le receveur.

Face à une pénurie d’organes toujours plus importante, exacerbée notamment par la pandémie de Covid-19, les recherches portant sur la xénogreffe se sont multipliées. Le domaine peut en effet être considéré comme une alternative face au déséquilibre actuel existant entre un faible nombre d’organes disponibles et un grand nombre de patients en attente d’une transplantation.

Alors que cette première xénogreffe a fait l’objet de toutes les attentions médiatiques, suscitant parfois de faux espoirs, peut-on réellement considérer la xénotransplantation comme une avancée médicale majeure ? Quel avenir pour la xénogreffe ?

Canal Détox fait le point sur les limites et les réels progrès obtenus suite à cette xénogreffe.

L’aboutissement d’années de recherche 

Le concept de xénogreffe n’est pas nouveau, de nombreuses tentatives cliniques de transfert de l’animal à l’Homme ont eu lieu depuis trois siècles.

C’est d’ailleurs ainsi qu’aurait débuté l’histoire de la transfusion sanguine : le premier patient transfusé, en 1667, l’aurait été avec du sang… d’agneau. Ou encore, la première xénotransplantation de cornée (du porc à l’Homme) aurait été réalisée chez un patient en 1838, bien avant la première allotransplantation de cornée en 1905.

Les premiers essais concrets de xénogreffes répertoriés et concernant des organes entiers ont débuté dans les années 1960. En 1964, six patients atteints d’insuffisance rénale terminale ont été greffés de reins de chimpanzés. L’un d’entre eux, une institutrice de 23 ans, a survécu neuf mois après la xénogreffe. La même année, un patient américain a été transplanté d’un cœur de chimpanzé. Il est décédé dans les deux heures ayant suivi l’acte chirurgical. Puis en 1984, toujours aux États-Unis, Stephanie Fae Beauclair, surnommée Baby Fae, a été greffée d’un cœur d’une jeune femelle babouin à l’âge de 15 jours. Elle est décédée 21 jours après l’opération[1].

La modification génétique au cœur des recherches sur la xénogreffe

Comme dans le cas d’une allogreffe, l’obstacle le plus important à la xénotransplantation est le rejet de l’organe greffé par une cascade de mécanismes immunitaires. On parle de rejet hyper aigu, de rejet aigu ou de rejet chronique (voir encadré ci-dessous).

La prise de médicaments immunosuppresseurs[2] permet de réduire ce risque mais ne l’élimine pas. Le succès de la greffe dépend de la capacité à trouver un équilibre entre une immunosuppression suffisante (pour garantir l’absence de rejet lié à l’introduction dans le corps d’un organe considéré comme étranger) et la préservation des défenses de l’organisme pour lui permettre de prévenir et de combattre des infections. Le rejet chronique (ou sur le long terme) du greffon reste une problématique majeure.

Depuis quelques années, les travaux de recherche autour de la xénogreffe se fondent de plus en plus sur une approche génétique pour surmonter les questions relatives au rejet immédiat du greffon (ou hyper aigu). C’est d’ailleurs grâce à cette approche génétique que les médecins américains ont pu faciliter l’adaptation du cœur de porc à l’organisme du patient. En effet, ils ont réussi à supprimer l’expression de certains antigènes à la surface des cellules porcines, qui étaient jusqu’alors reconnues comme étrangères par le corps humain, empêchant ainsi la destruction immédiate de l’organe animal par le système immunitaire du patient greffé.

Ces résultats, combinés aux récentes avancées dans le domaine de la thérapie immunosuppressive ainsi qu’à d’autres approches de modification immunologique, ont permis d’augmenter le champ des possibles pour parvenir à surmonter le rejet hyper aigu de la xénogreffe.

Les différents types de rejets d’une greffe

Le rejet hyper aigu survient dans les minutes qui suivent la transplantation. Il correspond à la congestion massive et brutale de tout l’organe transplanté et à un arrêt brutal et définitif de sa fonction. Ce rejet est aujourd’hui évité par l’examen préalable de la compatibilité tissulaire du donneur et du receveur (système HLA). 

Le rejet aigu survient quelques jours après la greffe. Si l’immunité cellulaire est maîtrisée grâce à la prise d’immunosuppresseurs, l’immunité humorale médiée par les anticorps peut s’avérer problématique. Ces derniers reconnaissent les cellules du greffon et s’y fixent, déclenchant une cascade de réactions menant à leur destruction.

Le rejet chronique survient à plus long terme après la greffe. Au cours du temps, les greffons subissent des lésions et perdent progressivement leur fonctionnalité. Les mécanismes en cause, combinant réponse immunitaire, toxicité des médicaments immunosuppresseurs et d’autres phénomènes biologiques ou infectieux, font encore l’objet de recherches. 

Pour plus d’informations à ce sujet, lire le dossier : https://www.inserm.fr/dossier/transplantation-organes-greffe/

Quel avenir pour la xénogreffe ?

Dans un avenir proche, et dans le but de faire avancer la recherche sur la xénogreffe, il est important pour les scientifiques d’identifier les mécanismes impliqués dans le décès de David Bennet. De premières hypothèses formulées par l’équipe médicale, indiquent que le décès pourrait être lié à la présence d’un virus porcin dans le cœur de l’animal. Ce virus, appelé cytomégalovirus porcin, n’aurait pas été détecté avant la transplantation, et il aurait contribué à endommager le greffon animal provoquant ainsi un syndrome inflammatoire généralisé. Si cette hypothèse venait à être confirmée il est possible qu’une xénotransplantation de cœur exempt de virus puisse techniquement durer plus longtemps. Il serait toutefois nécessaire de faire appliquer un contrôle plus rigoureux des greffons avent leur transplantation.

À plus long terme, considérer la xénogreffe comme une alternative à la transplantation conventionnelle soulève des interrogations sur les plans éthique et juridique liées à l’utilisation d’animaux comme donneurs. Selon une étude menée auprès d’une centaine de patients greffés ou en attente de greffes, 30 % des interrogés refuseraient catégoriquement l’idée d’une xénotransplantation, 25 % poseraient des conditions avant d’accepter l’éventuelle xénogreffe et 45 % accepteraient sans condition.

Une autre limite à prendre en compte : le risque de zoonoses, ou dans ce cas précis de « xénozoonoses », des maladies infectieuses transmises des animaux aux humains dans des circonstances naturelles.

[1] Dans chacun des cas énoncés, les instances de santé américaines ont pu concéder aux chercheurs et médecins l’autorisation de procéder à l’acte chirurgical à titre compassionnel, avec l’accord des patients, puisqu’il n’existait aucune autre piste thérapeutique envisageable.

[2] Traitements qui limitent l’action du système immunitaire utilisés pour les maladies auto-immunes ou en cas de greffe.

Texte écrit avec le soutien de :

Alexandre Loupy, professeur de néphrologie et d’épidémiologie à l’hôpital Necker-Enfants malades et directeur de l’équipe Recherche en transplantation d’organes au PARCC (unité Inserm 970).

Patrick Nataf, professeur à l’université Paris Cité et chef du service de chirurgie cardiaque à l’hôpital Bichat

Les personnes appartenant au groupe sanguin O protégées contre le SARS-CoV-2, vraiment ?

Sang circulant dans une artère (Globules rouges)

Sang circulant dans une artère – globules rouges © AdobeStock

 

Dès les débuts de la pandémie de Covid-19, les scientifiques se sont intéressés au lien entre le groupe sanguin des individus et le risque de développer la maladie. En un an, une quarantaine d’études ont été publiées sur le sujet, s’appuyant sur des méthodes diverses et s’intéressant à des populations variées dans plusieurs pays.

Si ces travaux semblent généralement esquisser une association entre le fait d’appartenir au groupe sanguin O (voir notre récapitulatif sur les groupes sanguins ci-dessous) et celui d’être protégé contre le virus SARS-CoV-2, il n’est pas toujours aisé de s’y retrouver parmi toutes les données disponibles, de bien comprendre de quelle protection il s’agit ou encore quels sont les mécanismes biologiques en jeu. Canal Détox apporte donc un éclairage sur cette question et coupe court aux fausses infos.

S’intéresser à l’impact du groupe sanguin dans le cadre de cette pandémie suppose en fait pour les scientifiques de s’intéresser à deux questions distinctes : le fait d’appartenir à un groupe sanguin donné protège-t-il les individus contre le risque d’infection ? Et chez les personnes infectées, le groupe sanguin peut-il ensuite avoir un impact sur le risque d’évoluer vers une forme grave et sur la mortalité ? 

Quels groupes sanguins : A, B, AB ou O ?

 

Si la composition du sang est la même pour tous, des différences individuelles existent : les antigènes présents à la surface des cellules sanguines (globules rouges, globules blancs et plaquettes) varient d’une personne à l’autre. Plusieurs systèmes antigéniques permettent ainsi de caractériser les cellules sanguines, le plus connu et l’un des plus importants pour la transfusion étant le système ABO, qui détermine la compatibilité sanguine entre deux individus.

Les personnes peuvent être réparties en 4 groupes sanguins selon la présence ou non de deux antigènes, A et B, à la surface des globules rouges et selon le ou les anticorps systématiquement présents dans le plasma correspondant aux antigènes absents.

En fonction de si elles possèdent l’antigène A (et des anticorps anti-B), l’antigène B (et des anticorps anti-A), les deux ou aucun des deux, les personnes sont donc réparties dans le groupe sanguin A, B, AB ou O.

groupe ABO

antigènes présents sur les globules rouges

anticorps présents dans le plasma

groupe A

antigènes A

anticorps anti-B

groupe B

antigènes B

anticorps anti-A

groupe AB

antigènes A et B

pas d’anticorps anti-A ni B

groupe O

pas d’antigènes A ni B

anticorps anti-A et anti-B

Ces groupes sont déterminants pour les transfusions, la règle étant de ne jamais apporter un antigène contre lequel le receveur possède un anticorps. En effet, si les anticorps anti-A (ou anti-B) du receveur se fixent sur les antigènes A (ou B) des globules rouges du donneur, ils provoquent leur agglutination, voire leur destruction.

Selon les régions du monde, certains groupes sanguins ABO vont être plus ou moins prévalents. Par exemple en Asie de l’Est, le groupe sanguin O est bien moins prévalent qu’en Amérique du Sud (où les populations amérindiennes appartiennent presque toutes au groupe O).

 

Protection contre l’infection

La plupart des études publiées sur le sujet se sont intéressées à l’effet du groupe sanguin sur le risque d’être infecté par le SARS-CoV-2. Au début de l’année 2021, 34 études comparant des patients à des « contrôles » ont ainsi rapporté une association entre le risque d’infection à la Covid-19 et le groupe sanguin. Ces études ont notamment pointé du doigts un risque diminué pour les personnes de groupe sanguin O, même si cette diminution reste relative. Ces premières données ont en outre déjà été confirmées par plusieurs méta-analyses.

Plusieurs méthodes ont été employées par les différents groupes de recherche pour arriver à ces conclusions. La plupart partent de l’hypothèse que le groupe sanguin a un impact sur le risque d’infection et tentent de la confirmer en comparant la fréquence de chaque groupe sanguin du système ABO chez des patients atteints de Covid et chez des personnes non infectées.

Six études d’association pangénomiques[1] menées chez des patients hospitalisés pour Covid-19 (sévère ou non) comparé à des individus sains vont aussi dans le même sens. L’objectif était d’identifier quelles variations génétiques sont particulièrement impliquées dans le développement de la Covid, sans présumer un effet du groupe sanguin au départ. Or, ces études ont montré que deux régions du génome étaient notamment associées au risque d’infection (une zone du chromosome 3 impliquée dans l’immunité innée et une zone du chromosome 9 porteur du gène ABO qui détermine le groupe sanguin).

En regardant plus en détail, les scientifiques ont constaté que le groupe O était plus fréquent dans le groupe contrôle et les groupes A et B étaient moins fréquents (mais plus fréquents chez les malades), ce qui suggère là aussi un effet du groupe sanguin sur la probabilité de développer la pathologie. Cette utilisation de méthodologies différentes pour des résultats similaires permet de limiter les biais et de donner plus de forces à ces résultats.

 

Quels sont les mécanismes biologiques expliquant cette relation entre groupe sanguin et infection ?

L’hypothèse la plus crédible s’intéresse aux anticorps anti-groupes sanguins A et B. En effet les cellules de l’arbre respiratoire – où se multiplie principalement le virus – synthétisent les antigènes A ou B en fonction du groupe sanguin de la personne infectée. Ces antigènes sont des sucres complexes qui sont liés à des protéines ou à des lipides présents sur la membrane des cellules, mais aussi sur l’enveloppe virale du SARS-CoV-2. Les particules virales émises par une personne des groupes A, B, ou AB pourraient alors porter ces antigènes.

Lorsqu’une personne transmet le virus à une autre personne qui possède des anticorps anti-A ou anti-B, ces particules virales ABO incompatibles pourraient être neutralisées et éliminées. Cela pourrait expliquer pourquoi les personnes de groupe sanguin O, qui possèdent à la fois des anticorps anti-A et anti-B seraient plus en mesure de lutter contre le virus. Si ce mécanisme doit encore être étudié et validé, il permet de formuler une hypothèse plausible pour expliquer les différences d’incidence de la Covid-19 en fonction du groupe ABO. 

 

Éviter les formes sévères de la maladie

Un deuxième groupe d’études s’est plus précisément intéressé à l’impact du groupe sanguin sur la sévérité de la maladie.

Pour cela, les chercheurs comparent entre eux des patients atteints de formes graves de Covid-19 pour étudier leur évolution clinique et/ou le risque de décès en fonction de leur groupe sanguin. La plupart de ces travaux concordent pour dire que ce risque est diminué pour les personnes de groupe sanguin O, même si à ce stade avancé de la maladie, la différence n’est pas très marquée. Inversement, certaines études soulignent que les autres groupes sanguins sont plus à risque d’évoluer défavorablement. 

Une étude canadienne parue dans Blood Advance a ainsi montré que les patients de groupe A et AB étaient plus à risque de rester longtemps en réanimation ou d’avoir recours à la ventilation mécanique que les autres groupes. En France, une étude dans le Journal of Clinical Medicine, portant sur des patients Covid hospitalisés ayant précédemment subi une chirurgie de remplacement de la valve aortique, a souligné que le fait d’appartenir au groupe A était le facteur prédictif de mortalité le plus significatif.

Par ailleurs, une étude italienne a montré que chez des patients plus jeunes atteints d’une forme grave de Covid et ayant des antécédents d’hypertension, le risque de décès était trois fois plus élevé chez les non O que chez les O. De tels résultats devront être confirmés par des études s’appuyant sur de plus larges échantillons de patients.

 

D’où vient cet effet sur la sévérité de la maladie ?

La littérature scientifique avait déjà montré un lien entre groupe sanguin et risque de thrombose (caillot obstruant les vaisseaux sanguins). Les groupes sanguins non O sont  ainsi plus à risque de développer des pathologies cardiovasculaires comme la maladie thromboembolique veineuse, l’athérosclérose vasculaire ou encore l’infarctus du myocarde.

Ce phénomène s’explique par le fait que ces personnes ont des niveaux sanguins plus élevés de certains facteurs de coagulation qui favorisent la thrombose. Les personnes de groupe sanguin O, dont le recyclage et l’élimination de ces facteurs de coagulation est accéléré, sont à l’inverse plus protégées contre les problèmes cardiovasculaires. Par ailleurs, le groupe sanguin a également un impact sur la fonction endothéliale (l’endothélium vasculaire étant la couche la plus interne des vaisseaux sanguins).

Dans le cas de la Covid sévère, les médecins constatent un emballement immunitaire important (« l’orage cytokinique ») mais aussi une dysfonction endothéliale indirectement ou directement liée au virus qui pourrait provoquer des micro-thromboses (notamment au niveau pulmonaire) et expliquer les différentes atteintes d’organes observées dans les formes graves.

Dès lors, l’appartenance à un groupe sanguin particulier et le risque de thrombose et de dysfonction endothéliale associée peut avoir un impact sur l’évolution de la maladie.

Il est important de noter que le fait d’appartenir au groupe sanguin O ne dispense en aucun cas des gestes barrières et des mesures habituelles de distanciation sociale, qui restent avec la vaccination les principales mesures de protection contre la COVID-19. Les individus de groupe O peuvent être infectés et également transmettre le virus.

 

Texte rédigé avec le soutien de Jacques Le Pendu, chercheur Inserm au U1232 CENTRE DE RECHERCHE EN CANCEROLOGIE ET IMMUNOLOGIE NANTES-ANGERS (CRCINA).

 

[1]  Analyse de nombreuses variations génétiques chez un grand groupe d’individus, afin d’étudier leurs corrélations avec des traits phénotypiques.

Les vaccins contre la Covid-19, efficaces vraiment ?

Parmi les stratégies étudiées par les différents laboratoires pour lutter efficacement contre les variants, la possibilité de faire un rappel avec les vaccins dont on dispose déjà, pour booster la réponse immunitaire, est à l’étude. Adobe Stock 

Pour lutter la Covid-19, les campagnes de vaccination suivent leurs cours dans de nombreux pays du monde. Alors que le nombre de cas continue d’augmenter et que l’émergence de nouveaux variants fait craindre une intensification de la pandémie, certains s’interrogent toutefois sur l’efficacité de ces nouveaux vaccins. Sur les réseaux sociaux et dans certains médias, des questions au sujet des publics ciblés par la vaccination, de la durée de protection ou encore des délais à respecter entre deux injections continuent régulièrement à être soulevées. Canal Détox fait le point.

 La question de l’efficacité des vaccins anti-Covid actuellement disponibles ou en cours de développement se pose de manière accrue depuis l’émergence et la diffusion de variants du SARS-CoV-2 plus contagieux. Ces vaccins parviendront-ils toujours à générer la production d’anticorps efficaces contre ces nouvelles formes du virus ?

D’après les premières données disponibles, les deux vaccins à ARN sur le marché en Europe (Moderna et Pfizer BioNtech) semblent être en mesure de neutraliser les variants, en particulier le variant britannique qui se répand rapidement en France. Moderna a même indiqué que son vaccin aurait toujours une activité neutralisante réduite mais effective contre le variant sud-africain qui est celui qui inquiète un peu plus les scientifiques.

Très récemment, le vaccin Novavax basé sur l’injection de protéines recombinantes a annoncé les premiers résultats de ses essais cliniques. Il a démontré une efficacité contre les formes sévères du Covid à 90% lorsque testé au Royaume Uni, mais réduite à 60% en Afrique du Sud. Même si des différences socio-économiques pourraient en partie expliquer ces observations, il est aussi évident que plus de 90% des cas de Covid dans l’essai conduit en Afrique du Sud impliquaient un variant différent de ceux circulants au Royaume Uni.

Parmi les stratégies étudiées par les différents laboratoires pour lutter efficacement contre les variants, la possibilité de faire un rappel avec les vaccins dont on dispose déjà est à l’étude, dans le but de booster la réponse immunitaire.  Moderna étudie par exemple déjà la possibilité d’injecter une dose supplémentaire de son vaccin déjà développé contre le SARS-CoV-2 « classique » pour développer une réponse plus puissante. ll s’agirait d’une injection à distance des deux premières, comme c’est le cas pour beaucoup de vaccins déjà existants.

L’autre approche consisterait à adapter et remplacer régulièrement les vaccins disponibles pour faire face aux mutations du virus (comme dans le cas de la grippe). Dans ce contexte, les vaccins à ARN ont notamment l’avantage de pouvoir être adaptés rapidement et à coût de production réduit pour faire face aux nouveaux variants.

En effet, le principe de ce vaccin repose sur l’injection de molécules d’ARN codant pour les protéines du virus afin que celles-ci soient produites par les cellules de l’individu et réveillent la réponse immunitaire. A partir du moment où l’on connaît le code génétique des nouveaux variants, on peut rapidement mettre au point un vaccin codant leurs protéines d’intérêt.

 

 

Qui, quand comment ?

Dans le cadre de la stratégie de vaccination française, et face aux difficultés à s’approvisionner en vaccins, s’est posé la question de savoir s’il était possible de décaler l’injection de la seconde dose du vaccin de Pfizer/BionTech pour pouvoir administrer la première dose à un plus grand nombre de personnes. Cette stratégie n’a pas été retenue par crainte d’une efficacité diminuée du vaccin si la seconde dose n’était pas donnée dans les délais testés dans les essais cliniques. Par ailleurs, le risque existe qu’une immunité collective insuffisante/partielle, obtenue avec une seule dose, laisse le temps au virus de muter.

La HAS a défini les publics prioritaires ciblés par la vaccination. La phase 1 de la campagne cible en priorité les populations exposées à deux facteurs de risque : la vulnérabilité liée à l’âge et l’exposition accrue au virus (notamment les professionnels du secteur de la santé).  Les premiers vaccins autorisés en France, celui de Moderna et de Pfizer/BioNtech, sont donc réservés en priorité à ces personnes. Les essais cliniques menés par les deux laboratoires, dont les données ont été publiées dans des revues à comité de lecture (NEJM et The Lancet) et sur lesquelles les autorités sanitaires se sont appuyées pour autoriser les deux vaccins, montrent des résultats d’efficacité élevés pour les personnes âgées.

Pour ce groupe d’âge, des questions sur l’efficacité ont toutefois été soulevées en ce qui concerne le vaccin de Astrazeneca, le troisième vaccin à être autorisé dans l’UE. En effet, pour ces essais cliniques, le laboratoire a dans un premier temps recruté des participants jeunes, les plus âgés ayant été inclus un peu après. Au total, dans les premières études analysées par l’Agence européenne du médicament, seul 13 % des participants avaient plus de 65 ans. Les données accessibles à l’heure actuelle montrent de plus que sur 660 personnes de plus de 65 ans participant à ces essais, deux d’entre-elles ont été infectées par le SARS-CoV-2 dans le groupe recevant le vaccin contre 6 dans le groupe contrôle.

Il s’agit là d’un échantillon insuffisant pour réaliser une analyse statistique robuste et se prononcer avec certitude sur l’efficacité dans cette classe d’âge. C’est du moins l’avis des autorités sanitaires allemandes, qui ont été les premières en Europe à décider de réserver ce vaccin aux personnes de moins de 65 ans. Une décision également suivie par plusieurs pays européens dont la France, la HAS recommandant ce vaccin en priorité aux soignants de moins de 65 ans et aux patients atteints de comorbidités âgées de 50 à 64 ans. Des données complémentaires concernant l’efficacité de ce vaccin chez les plus âgés devraient toutefois prochainement être disponibles, notamment dans le cadre d’un essai clinique en cours aux Etats-Unis.

 

L’intérêt de poursuivre les essais cliniques va d’ailleurs au-delà de la problématique d’Astrazeneca. Il est important de continuer à tester de nouveaux candidats vaccins pour élargir l’arsenal d’outils disponibles contre la pandémie, mais aussi de poursuivre des essais complémentaires portant sur des vaccins déjà autorisés afin de répondre à des questions encore en suspens et affiner encore la prise en charge.

C’est par exemple l’objectif de la plateforme d’essais vaccinaux Covireivac promue par l’Inserm.  Il ne s’agit pas dans ce cas de démontrer à nouveau la sécurité et l’efficacité de ces produits mais de caractériser plus finement la réponse immunitaire et identifier des marqueurs biologiques prédictifs de l’efficacité d’un vaccin donné, de l’étudier dans des populations spécifiques (certains groupes d’âges, les femmes enceintes etc…), ou encore de s’intéresser à la durée de l’immunité conférée par ces vaccins.

La question de l’efficacité à long terme des vaccins contre la Covid demeure en effet au cœur des préoccupations. Si l’efficacité des vaccins déjà autorisés fait consensus sur la base des données disponibles, le recul sur ces dernières n’est que de quelques mois. Il est donc important de continuer les recherches pour déterminer si l’efficacité diminue au cours du temps.

 Texte rédigé avec le soutien de Cecil Czerkinsky, directeur de recherche Inserm à l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire.

Un variant du SARS-CoV-2 inquiétant, vraiment ?

Coronavirus SARS-CoV-2 accrochés au niveau des cils de cellule épithéliale respiratoire humaine. © Manuel Rosa-Calatrava, INSERM ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

Le variant du SARS-CoV-2 (VUI 202012/01 renommé VOC 202012/01) qui a émergé de façon rapide depuis septembre depuis le sud-est de l’Angleterre continue de susciter de nombreuses interrogations. En France, des personnes porteuses du variant ont été identifiées dans plusieurs villes dont Marseille, Lille ou encore Paris et l’estimation du nombre de cas est probablement encore sous-évaluée. Le variant aurait par ailleurs déjà été détecté dans des dizaines d’autres pays.

Pour mieux appréhender l’impact potentiel des mutations du virus et l’émergence de nouveaux variants, Canal Détox fait le point et coupe court aux fausses infos.

Attention : ce texte rend compte de la situation au 11 janvier 2021. Celle-ci évoluant rapidement, de nouvelles données scientifiques sont susceptibles d’être disponibles après cette date. 

Tous les virus mutent : après avoir infecté nos cellules, ils se multiplient en réalisant des copies d’eux-mêmes. Ce processus n’est pas parfait et les copies peuvent comporter des « erreurs » : les fameuses mutations. Le matériel génétique des copies virales diffère alors du matériel génétique du virus de départ.

Ces mutations peuvent n’avoir aucune conséquence, voire même avoir un effet négatif sur le virus. D’autres en revanche peuvent avoir un impact par exemple sur la transmissibilité du virus ou sur la gravité de la maladie.

Si les mutations favorisent la circulation du virus (on dit que ces mutations sont sélectionnées positivement), elles entraînent alors l’implantation du nouveau variant, qui peut en quelques mois seulement devenir le variant dominant.

Tout l’enjeu de la surveillance et du séquençage des virus circulants (c’est-à-dire la détermination de leur code génétique) est non seulement d’identifier les mutations rapidement mais aussi de chercher à comprendre leurs effets potentiels sur les patients et sur la dynamique de l’épidémie. Depuis le début de la pandémie, le SARS-CoV-2 a déjà muté de nombreuses fois et il existe des dizaines de lignages de SARS-CoV-2, mais ces mutations n’avaient pas eu d’impact majeur jusqu’ici.

Pour plus de détails à ce sujet lire notre texte « Des mutations rendant le SARS-CoV-2 plus dangereux, vraiment ? »

 

Identifié au Royaume-Uni

Un « variant » est un organisme (ici le virus SARS-CoV-2) qui se distingue du virus d’origine par une ou plusieurs mutations. Le 14 décembre 2020, les autorités sanitaires au Royaume-Uni ont alerté l’OMS de l’émergence du nouveau variant, désigné sous le nom de « SARS-CoV-2 VOC 202012/01 ». Ce dernier est d’abord apparu dans le sud-est de Londres et il est désormais majoritaire dans le pays. Les causes exactes de son émergence demeurent encore incertaines.

Ce variant se distingue de la souche de référence par 23 mutations, dont 17 affectent la nature de protéines essentielles. Il s’agit de substitutions de nucléotides[1] (les molécules organiques à la base de l’ADN) et de délétions de nucléotides[2]. Certaines de ces mutations se situent au niveau de la protéine Spike du virus, qui lui sert de point d’attache pour s’arrimer à nos cellules et les infecter. Si l’effet de cette nouvelle combinaison de mutations n’a pas encore été caractérisé, certaines d’entre elles ont été étudiées individuellement par le passé. Elles pourraient notamment affecter la transmission du virus, sa capacité à se répliquer voire même son antigénicité (sa capacité à être reconnu par le système immunitaire).

Les données cliniques recueillies jusqu’ici confirmeraient que ce variant possède une capacité accrue de transmission (de 50 à 70% supérieure aux SARS-Cov-2 « classiques ») sans modification significative de sa virulence. Le faible nombre de réinfections identifiées ne permet pas de tirer de conclusions sur l’efficacité de la réponse immunitaire croisée entre ce variant et les virus précédents.

 

Accumuler des connaissances scientifiques sur le variant

En l’état, les chercheurs supposent que les mutations de la protéine Spike ne modifieraient pas de façon majeure sa capacité à être reconnu par le système immunitaire ; les vaccins distribués actuellement resteraient donc efficaces. Des données de laboratoire devront toutefois confirmer cette hypothèse. Il faudra également vérifier l’impact de ces mutations sur la capacité des jeunes enfants à être infectés par le variant et à le transmettre, ce qui pourrait modifier la place que nous leur donnons actuellement dans la circulation virale.

En outre, des chercheurs ont souligné que l’une des délétions locales dans le gène codant la protéine Spike entraine une anomalie de certains tests RT-PCR (test Thermofisher). Cependant, les tests actuellement commercialisés détectent plusieurs régions du génome viral (RT-PCR multiplex) si bien qu’actuellement, il n’y a pas d’inquiétude sur les tests de diagnostic.

Les scientifiques se montrent très prudents face à ce nouveau variant, estimant qu’il faut surtout continuer à accumuler des connaissances sur le sujet, à limiter sa diffusion dans les populations par une détection et un isolement précoce des porteurs, et à accroitre les capacités de séquençage afin de mieux définir le niveau de circulation de cette nouvelle souche. Il convient aussi de s’intéresser à d’autres facteurs extérieurs qui pourraient expliquer la plus forte transmission du variant à cette période de l’année (climat plus propice à la transmission, rassemblements et fêtes de fin d’année…).

Un autre variant a également été identifié en Afrique du Sud le 18 décembre 2020, désigné sous le nom de « variant 501Y.V2 ». Il présente également des mutations au niveau de la protéine Spike. Les études préliminaires indiquent qu’il est rapidement devenu dominant dans le pays – il aurait émergé en août dernier – et qu’il est probablement plus transmissible et associé à une charge virale salivaire plus élevée. Là encore, aucune donnée ne vient soutenir l’idée qu’il causerait des formes plus sévères de Covid-19.

 

Renforcer le séquençage et la collaboration entre chercheurs

Afin de mieux suivre l’évolution et la diffusion de ces variants dans la population ainsi que leur impact clinique, il est très important de mettre en place une stratégie robuste de surveillance et de séquençage de virus. Celle-ci doit s’accompagner d’une mise à disposition très rapide des séquences sur des bases de données internationales en accès libre, avec l’ensemble des données associées (sexe, âge, date et lieu du prélèvement etc.). Comme l’indique un récent article du New England Journal of Medicine, il s’agit d’avoir une approche proactive pour suivre la manière dont le SARS-CoV-2 mute et mieux contrôler l’épidémie.

Pour le suivi de ces mutations, les scientifiques s’appuient sur des technologies de séquençage haut débit pour décrypter le génome entier du SARS-CoV-2. Ces technologies, développées pour le séquençage du génome humain, permettent d’obtenir un grand nombre de données afin de caractériser finement le génome viral. Elles sont plus précises et plus performantes que la technique « ancestrale » de séquençage appelée méthode Sanger (du nom de son inventeur). Ces techniques « haut débit », bien qu’elles soient assez lourdes et coûteuses s’avèrent nécessaires dans le cas de ce nouveau coronavirus en raison de la taille très importante de son génome (environ 30 000 nucléotides ; à titre de comparaison, le VIH a un génome d’un peu de plus de 9 000 nucléotides).

Ces travaux doivent donc s’appuyer sur une collaboration étroite entre virologues et bio-informaticiens afin de pouvoir analyser et organiser de manière cohérente les très nombreuses données qui sont issues d’un séquençage du génome complet du SARS-CoV-2, puis d’identifier les éventuelles mutations.

Dans ce cadre, un autre outil a montré son utilité pendant cette pandémie : GISAID, la plateforme de collecte et d’analyse des données de séquences du SARS-CoV-2. Mise en place à l’origine pour rassembler et analyser les séquences du virus de la grippe, GISAID permet aux chercheurs d’avoir accès rapidement à plus de 130 000 séquences complètes du virus provenant de 122 pays. Cette plateforme est donc très importante pour suivre les évolutions du SARS-CoV-2 et de la pandémie. Échanger des informations via cette base de données sur les mutations d’intérêt permet aux scientifiques de mieux anticiper l’émergence de variants ayant potentiellement un impact sur la trajectoire de l’épidémie et sur l’évolution de la maladie.

Comme tous les virus, le SARS-CoV-2 va continuer à muter et dans les prochains mois, d’autres variants pourraient potentiellement émerger.

Ils pourraient être recherchés par les scientifiques par exemple lorsque l’on identifie un foyer où la circulation du virus semble plus rapide ou si la maladie change de présentation clinique.  Cette recherche pourrait en parallèle s’appuyer sur une analyse plus aléatoire en séquençant plus systématiquement des souches hospitalières, des souches de ville, chez des patients et des porteurs non-symptomatiques et en respectant un maillage territorial pertinent.

[1] Remplacements de nucléotide par un autre

[2] Suppression d’un ou plusieurs nucléotides du code génétique du virus

Texte rédigé avec le soutien de Vincent Maréchal, professeur de virologie et chercheur au Centre de recherche Saint Antoine (Inserm/Sorbonne Université) et Anne Goffard, virologue au Centre d’infection et d’immunité de Lille (Inserm/Université de Lille/Institut Pasteur de Lille/CHU de Lille)

 

Un virus créé en laboratoire, vraiment ?

Coronavirus SARS-CoV-2 responsable de la maladie COVID-19 observé en gros plan à la surface d’une cellule épithéliale respiratoire humaine.©M.Rosa-Calatrava/O.Terrier/A.Pizzorno/E.Errazuriz-cerda

Parmi les nombreuses interrogations que suscite l’épidémie de Covid-19, une en particulier inspire des théories parfois complotistes : le virus SARS-CoV-2 est-il issu des aléas de la sélection naturelle, ou a-t-il été fabriqué de toutes pièces en laboratoire ? Si cette idée semble plutôt populaire, en particulier en France, il est néanmoins possible d’y apporter une réponse scientifique la plus précise possible en convoquant les connaissances disponibles en génétique, en virologie et en infectiologie.

Certaines spéculations fortement relayées sur les réseaux sociaux évoquent la possibilité que le SARS-CoV-2 soit en réalité un virus « chimère » issu de la recombinaison en laboratoire d’un coronavirus dont la chauve-souris serait le réservoir initial et d’un autre virus. Certains avancent même que la chimère aurait été obtenue à partir du VIH, et serait le produit d’une tentative infructueuse pour mettre au point un vaccin. Mais qu’en disent les scientifiques ?

Tout d’abord, il faut bien différencier cette hypothèse d’un virus créé en laboratoire d’une autre théorie avec laquelle elle est souvent confondue : celle d’une éventuelle sélection en laboratoire d’un virus ayant naturellement muté. Cette dernière fera l’objet d’un point de décryptage ultérieur car elle implique des notions scientifiques différentes.

 

De la théorie…

Il faut savoir qu’il est possible, bien que complexe, de créer un virus chimère à visée vaccinale en laboratoire. Cette technique consiste à insérer à un endroit choisi du génome d’un premier virus (virus A) la séquence génétique codant pour l’antigène d’un autre virus (virus B) contre lequel on veut fabriquer un vaccin. Le virus A, appelé « plateforme vaccinale », est en général un virus vivant « atténué » (son pouvoir pathogène lui a été retiré) déjà utilisé comme base de vaccin. En combinant les deux, on obtient ainsi un virus chimère qui, une fois inoculé, permet à la plateforme vaccinale de « présenter » l’antigène du virus B au système immunitaire. Ce dernier le gardera en mémoire et sera capable de le reconnaître immédiatement si le virus B venait à infecter l’individu par la suite.

Les coronavirus sont des virus difficiles à manipuler en laboratoire. D’abord, ils sont encore mal connus. Mais surtout, ils appartiennent à la catégorie des virus à ARN pour laquelle les techniques de manipulation génétique décrites plus haut ne sont pas aussi abouties, et sont plus contraignantes que pour les virus à ADN. Le SARS-CoV-2 présente donc en théorie un profil peu adapté à la manipulation génétique, en particulier à but vaccinal.

 

… À la pratique

À ces arguments théoriques, des arguments d’analyses génétiques et structurelles du SARS-CoV-2 viennent réfuter l’idée d’un virus chimérique.

Dans le cas d’une chimère, pour que l’antigène du virus B s’exprime correctement à la surface du virus A, la séquence provenant du virus B doit avoir une longueur suffisante et être insérée à un endroit précis du génome du virus A. Une telle modification est très facilement détectable à l’aide d’outils permettant de comparer les séquences génomiques entre elles, au sein de banques de données. Les séquences génomiques similaires d’un virus à l’autre ou celles d’un même virus au sein d’une population sont alors mises en évidence.

En admettant que ce type de manipulation génétique a pu être réalisé sur le SARS-CoV-2, des « cicatrices » résiduelles devraient être détectables avec les techniques dont disposent les scientifiques actuellement, d’autant plus si cette manipulation a été faite avec la séquence d’un virus comme le VIH, très différent du SARS-CoV-2. On détecterait alors des régions du génome étranger à des endroits très spécifiques du génome du SARS-CoV-2.

Or, le génome du SARS-CoV-2 a été séquencé et comparé à de multiples reprises dans de nombreux laboratoires à travers le monde, au cours des derniers mois.

Une modification très importante, comme l’insertion d’un pan entier de la séquence d’un autre virus, aurait immédiatement été détectée par les outils de bio-informatique et n’aurait pas échappé à la communauté scientifique.

Il est par ailleurs tout à fait normal et fréquent de trouver de petites homologies (séquences génétiques similaires) répétées en comparant l’intégralité des génomes de deux ou plusieurs virus. Ces homologies apparentes résultent le plus souvent du hasard.

Les homologies de séquence identifiées entre le génome du SARS-CoV-2 et celui du VIH, en plus d’être également retrouvées chez d’autres virus, sont trop courtes (moins de 20 bases) par rapport à la taille globale du génome du SARS-CoV-2 (30 000 bases) pour être autre chose que le fruit du hasard.

Des travaux parus dans Nature Communications le 17 mars 2020 montrent une très haute affinité de liaison entre la protéine Spike, qui donne sa forme de couronne au SARS-CoV-2, et le récepteur ACE2 des cellules humaines qui permet au virus de se fixer pour infecter ces dernières. Selon les auteurs de l’étude, une telle affinité est très probablement le produit de mutations et de la sélection naturelle, et non le résultat d’une manipulation volontaire en laboratoire. Une autre publication plus récente, comparant la structure de la protéine Spike du SARS-CoV-2 avec celle d’un coronavirus de chauve-souris très proche génétiquement, vient renforcer l’hypothèse d’une provenance naturelle du virus.

Enfin, une modification aussi importante qu’une recombinaison aurait fortement réduit le niveau de ressemblance du virus avec les autres coronavirus. Or, le SARS-CoV-2 présente une très forte homologie avec plusieurs coronavirus retrouvés chez les chauves-souris du genre Rhinolophus.

À ce jour, aucun argument scientifique solide ne permet donc d’affirmer que le SARS-CoV-2 serait un virus recombiné. À l’inverse, les publications dans les revues à comité de lecture mettent en avant des arguments de plus en plus nombreux en faveur d’une origine naturelle du virus.

Texte réalisé en collaboration avec les chercheurs Vincent Maréchal et Guy Gorochov (Centre d’immunologie et de maladies infectieuses, unité 1135 Inserm/Sorbonne Université).

Guérir d’un coup de ciseaux, vraiment ?

Depuis les années 2000, les chercheurs ont entre les mains la totalité du génome humain, et disposent d’une série d’outils efficaces pour supprimer ou remplacer les gènes de leur choix. Ces modifications du génome font beaucoup parler d’elles dans les médias, surtout depuis l’arrivée en 2012 d’une nouvelle famille de « ciseaux génétiques », efficaces et bon marché : les « Crispr ». Mais que peut-on réellement faire avec ces ciseaux ? Peuvent-ils nous aider à faire grossir nos muscles ou notre cerveau sur commande ? Et grâce à eux, peut-on espérer réparer n’importe quel gène malade ?

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