Menu

Des techniques miracles pour récupérer plus vite après l’effort et tenir toute la durée des JO, vraiment ?

© Inserm/Flore Avram

Participer aux Jeux Olympiques : c’est le graal pour les sportifs de haut niveau qui ont commencé leurs entraînements il y a déjà plusieurs mois, voire des années. Tenir la performance sur toute la durée des épreuves est un enjeu de taille pour ces athlètes qui visent la médaille olympique, et ce quelle que soit la discipline concernée. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à partager leurs « secrets » avec leur communauté, racontant avoir trouvé la méthode de préparation et de récupération la plus efficace pour leur permettre d’enchaîner les épreuves. Mais existe-t-il vraiment une technique miracle qui permettrait à notre corps de récupérer en un temps record ?  Canal Détox s’est penché sur quelques-unes des techniques qui semblent avoir le vent en poupe parmi les sportifs. Ventouses, cryothérapie, immersion en bain… Que dit la science ?

 Qui dit JO dit programme de compétition chargé pour les athlètes ! Alors que les épreuves s’enchaînent à un rythme soutenu, les courtes périodes de repos doivent être optimisées et considérées comme des moments clés au service de la performance sportive. D’autant qu’un état de fatigue prolongé dû à un temps de récupération insuffisant ou à une mauvaise préparation peut augmenter le risque de blessures pendant la compétition sportive[1].

 

Ventouses, cryothérapie, immersion en bain…

 De très nombreuses techniques de récupération sont utilisées par les athlètes de haut niveau afin notamment de limiter la fatigue musculaire et les douleurs. Il serait difficile de toutes les citer, même si certaines ont été beaucoup médiatisées.

Récemment, une vidéo du nageur et champion olympique Florent Manaudou a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, alors que son dos est apparu marqué de plusieurs tâches circulaires de couleur rouge pâle. Il n’est pas le seul : régulièrement, c’est le footballeur international Karim Benzema qui expose fièrement son corps marqué. La technique utilisée par ces athlètes est celle de la ventousothérapie, appelée aussi hijama ou cupping, employée aussi bien en préparation qu’en récupération musculaire – et dans certains cas pour réduire la douleur.

Cette technique traditionnelle est surtout populaire en Chine, en Corée, au Japon et en Arabie saoudite. Des ventouses, en verre ou en plastique, sont utilisées pour exercer des pressions rapides et vigoureuses sur la peau grâce à un dispositif mécanique de pompage ou via le réchauffement de la ventouse à l’aide d’une flamme. La technique peut être déclinée de différentes manières, certaines sollicitant par exemple l’utilisation d’aiguilles ou de scalpels en plus des ventouses dans l’objectif de provoquer un saignement.

Quelques articles scientifiques se sont intéressés à la ventousothérapie et aux effets de cette pratique pour aider les athlètes à récupérer ou à réduire leurs douleurs, d’autres ont été publiés pour tenter d’en expliquer les mécanismes d’action potentiels. Néanmoins, le nombre d’études cliniques réalisées, ainsi que la qualité globale de ces études reposant souvent sur des petits échantillons de participants, ne constituent pas de preuves scientifiques suffisantes pour attester de l’efficacité de cette thérapie dans la gestion de la douleur, ni sur la fatigue musculaire. Pire, les effets néfastes eux sont documentés si la technique est mal utilisée. C’est pour cela d’ailleurs que la pratique des ventouses a été interdite par l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes en 2021.

On retrouve un peu les mêmes conclusions[3] en ce qui concerne la cryothérapie, technique qui consiste au refroidissement de l’organisme corporel par exposition entière du corps pendant 2 à 3 minutes à un froid sec (-100 °C à -170 °C). Dans le milieu sportif, cette technique est considérée par certains comme utile pour prévenir les blessures ou traiter les douleurs musculaires après l’exercice, surtout dans le cas des sports d’endurance extrême (triathlon, marathon, etc.), ainsi pour les disciplines qui entraînent des chocs musculaires immédiats importants, comme par exemple le rugby.

Si des présomptions d’effets bénéfiques de la cryothérapie sur la récupération musculaire existent, les études réalisées sont encore trop peu nombreuses pour l’affirmer définitivement. La littérature scientifique manque de preuves cliniques de qualité, et notamment d’études randomisées pour attester de résultats significatifs. La pratique pose par ailleurs des problèmes de sécurité. Brûlures locales au 1er ou 2e degré, céphalées ou accentuation des douleurs présentes sont quelques-uns des effets secondaires qui ont parfois été rapportés.

Enfin, l’immersion en bain est l’une des méthodes de récupération les plus courantes dans le sport. Cette technique consiste à se plonger jusqu’au cou dans l’eau, en alternant des températures chaudes et froides pendant quelques minutes… Une méta-analyse (analyse d’un corpus de 52 publications) récente s’est intéressée à son efficacité selon différents protocoles, concluant à un effet potentiellement bénéfique de l’immersion sur la récupération musculaire 24 heures après un exercice de haute intensité, même si, comme dans les deux cas précédents, il manque des données solides et d’autres études répliquant ce résultat pour établir un niveau de preuve suffisant.

À chaque athlète sa technique de récupération

Vous l’aurez compris, il n’existe pas de méthodes miracles pour récupérer plus vite après l’effort. Aucune des méthodes décrites plus haut n’a encore fait consensus et toutes comportent des risques. Ce qui est sûr, c’est que tout comme l’entraînement, la récupération doit être adaptée et personnalisée selon les disciplines et selon l’athlète, puisque les muscles sollicités et les impacts liés à la pratique sportive sont différents, tout comme le niveau et le type de fatigue ressentie après l’effort. D’ailleurs, une étude publiée dans The International Journal of Sports Physiology and Performance met en avant l’importance de l’individualisation du programme de récupération des athlètes pour maximiser les performances et prévenir les effets néfastes tels que la sous-récupération, le surmenage, le syndrome de surentraînement, les blessures ou les maladies.

Enfin, ces programmes de récupération personnalisés doivent toujours s’accompagner de trois éléments clés pour garantir la performance : une bonne hydratation, une alimentation adaptée, ainsi que du sommeil en quantité suffisante.

 

Texte rédigé avec le soutien de Carole Cometti, directrice du CEP de l’Inserm (Centre d’expertise de la performance)

[1] https://bjsm.bmj.com/content/50/17/1030

[2] Métabolite du glucose produit par les tissus de l’organisme lorsque l’apport en oxygène est insuffisant, notamment dans le cadre d’une activité physique intense.

[3] Lire le rapport de l’Inserm : Évaluation de l’efficacité et de la sécurité de la cryothérapie du corps entier à visées thérapeutique

Faire du sport pour perdre du poids, vraiment ?

Canal Détox JO© Flore Avram/Inserm

 

« Le sport est votre meilleur allié pour perdre du poids » : voilà une phrase souvent rabâchée dans les pages bien-être et nutrition des magazines, qui définissent souvent par ailleurs la minceur comme un idéal esthétique à atteindre.

Si l’activité physique, couplée à un régime alimentaire adapté, est certes indiquée lorsque l’on est en surpoids, la relation sport = perte de poids est plus complexe qu’elle n’y parait. De plus, lorsque l’on se penche sur ce lien, il est un peu réducteur de s’intéresser seulement aux aspects « esthétiques ». En effet, l’activité physique, ainsi que le montrent de très nombreuses études scientifiques, est avant tout bénéfique pour la santé physique – notamment pour la prévention des maladies chroniques – et mentale. On vous en dit plus dans ce premier Canal Détox de la série « JO2024 : sport et santé ».

La perte de poids se caractérise par un déséquilibre de la balance énergétique. Sur le papier, il serait donc simple de perdre du poids : si les apports caloriques via l’alimentation sont inférieurs à notre dépense en énergie, ce déséquilibre conduit à une perte de masse corporelle.

Mais que « perd-t-on » exactement ? En fonction de l’activité physique pratiquée et/ou du régime choisi, une personne va perdre plutôt en masse graisseuse (tissu adipeux), en masse musculaire, voir en eau. Par exemple, un individu qui jeûne pendant une semaine va perdre de la masse grasse, mais il va aussi perdre en masse musculaire.

Or tout l’enjeu pour la santé est de parvenir à perdre en masse grasse – surtout de la graisse viscérale associée à des problèmes cardiovasculaires – tout en préservant la masse musculaire.

 

Différents types d’activité physique

Les glucides et les lipides sont la principale source d’énergie pour l’organisme. Schématiquement, on peut dire qu’au début d’une session de sport – surtout si fournit un effort intense – le corps va d’abord consommer (« brûler ») des glucides, notamment parce que ceux-ci sont plus rapidement mobilisables par le corps que les lipides.

En revanche, plus l’effort physique est long et d’intensité modérée, plus l’on va brûler des lipides, pour épargner les réserves de glucides et maintenir une glycémie constante. On parle alors d’oxydation des lipides consécutive à la mobilisation des lipides (lipolyse).

Par ailleurs, plus on est entraîné, plus le corps est capable d’aller « brûler » les lipides lorsque l’on fait du sport. On sait en effet que l’exercice physique induit des adaptations facilitant la mobilisation des graisses par le tissu adipeux et leur oxydation par les muscles locomoteurs. Des études ont montré une augmentation de l’oxydation des lipides chez des individus entraînés en endurance par rapport à des contrôles sédentaires, lorsque les deux groupes effectuaient un même exercice. En outre, il a été montré que proposer un entraînement régulier en endurance – avec des exercices d’intensité légère à modérée effectués sur de longues durées – à des personnes en surpoids ou en situation d’obésité permettait en partie de restaurer les défauts de lipolyse qui sont habituellement constatés chez ces sujets.

De manière générale, lorsque l’on parle d’exercice physique pour perdre du poids, il faut distinguer les exercices d’endurance des exercices de renforcement musculaire. Si les premiers sont donc plutôt proposés pour mobiliser les réserves lipidiques et brûler les graisses, il est important également de pratiquer des exercices de renforcement musculaire pour préserver sa masse et sa force musculaire. Pour les personnes en situation de surpoids et d’obésité, les recommandations visent des programmes d’entrainement composés de une à trois séances d’endurance et une à deux séances de renforcement musculaire afin non seulement de diminuer la masse grasse viscérale (diminution du tour de taille) mais aussi de préserver la masse musculaire.

Les exercices de renforcement présentent aussi un intérêt quand on sait que le principal déterminant de cette dépense calorique au repos est la masse musculaire. Plus on est musclé, plus on dépense de d’énergie au repos, ce qui peut s’avérer bénéfique pour la perte de poids.

II faut toutefois noter que tous les individus ne sont pas égaux face à la perte de poids. Il existe une certaine hétérogénéité liée à des susceptibilités génétiques, qui sont documentées mais pas encore bien comprises. A terme néanmoins, l’idée est de poursuivre les recherches pour comprendre pourquoi certaines personnes répondent mieux à certains types d’exercices physiques et/ou perdent plus facilement du poids. A l’Inserm, les équipes planchent sur cette question, et participent à un projet européen qui vise le développement d’une médecine de précision prenant en compte l’hétérogénéité des individus dans la prise en charge de l’obésité. Des études de médecine de précision ont déjà montré l’intérêt d’individualiser les programmes nutritionnels pour la prise en charge de l’obésité et de ses complications.

 

C’est avant tout une affaire de santé

Au-delà du simple objectif de perte de poids, il faut surtout rappeler que l’activité physique est une affaire de santé. De nombreuses études ont bien montré que les personnes actives vivent plus longtemps en bonne santé. L’activité physique, couplée à un régime équilibré, a des effets bénéfiques sur les paramètres cardiovasculaires, le profil métabolique, la prévention des maladies chroniques et des cancers etc… Des travaux indiquent même des bénéfices pour prévenir les maladies neurodégénératives – comme la maladie de Parkinson – ainsi que les troubles anxio-dépressifs.

Pour en savoir plus, consultez notre expertise collective : « Activité physique, prévention et traitement des maladies chroniques »

D’ailleurs, chez les personnes en situation d’obésité, l’activité physique seule induit souvent une perte de poids modérée, mais on observe en revanche très rapidement une amélioration significative des paramètres métaboliques (glycémie, cholestérol…) ou du tour de taille (un bon indicateur de la graisse viscérale), ce qui participe efficacement à la prévention des complications cardiovasculaires et métaboliques de l’obésité.  Il est donc possible de réduire le risque cardiovasculaire et de mortalité totale par l’activité physique indépendamment d’une perte de poids très marquée.

On peut aussi mentionner l’intérêt de l’activité physique en prévention secondaire et tertiaire des maladies chroniques, pour prévenir les complications et rechutes. Ainsi, une récente étude suédoise a par exemple montré que les personnes qui font du sport après un accident vasculaire cérébral récupèrent plus vite, améliorent leur autonomie et diminuent le risque d’une récidive.

Les intérêts de l’activité sont donc multiples, à tous les âges et tout au long de la vie, pour la prévention et le traitement des maladies chroniques qu’elles soient ou non accompagnées d’obésité ou de surpoids.

 

Pour aller plus loin, consultez notre article sur le sujet en partenariat avec The Conversation

 

Texte écrit avec le soutien de Cédric Moro, directeur de recherche à l’Inserm à l’Institut de maladies métaboliques et cardiovasculaires (Toulouse).

Médecine psychédélique : du tourisme thérapeutique aux essais cliniques

© Photo de Possessed Photography sur Unsplash

En février 2024, débutait un essai clinique français impliquant l’usage d’une substance psychédélique, le premier depuis plus de cinquante ans. Mené au CHU de Nîmes, il vise à tester les effets de la psilocybine chez des patients atteint de troubles d’usage de l’alcool associés à la dépression. La France rejoint ainsi les nombreuses études conduites dans la dernière décennie à l’étranger – notamment au Royaume-Uni et aux États-Unis – explorant les effets thérapeutiques des substances psychédéliques pour le traitement de divers troubles psychiatriques.

Bien que présenté par certains professionnels de santé mentale comme un traitement « révolutionnaire », l’usage des psychédéliques à des fins thérapeutiques n’est pas nouveau. D’abord parce qu’une première vague d’essais cliniques avait été conduite en Europe et en Amérique du nord au cours des années 1950-1970. Rappelons en outre que de nombreuses sociétés autochtones des Amériques mobilisent traditionnellement ces substances issues de plantes dans le cadre de rituels thérapeutiques : l’ayahuasca en Amazonie, les champignons psilocybes ou peyotl en Mésoamérique, ou encore le cactus San Pedro dans le monde andin.

Depuis une trentaine d’années, une forme de tourisme thérapeutique s’est développée dans ces régions, et tout particulièrement en Amazonie péruvienne, où se rendent chaque année de nombreux voyageurs internationaux qui souhaitent participer à des pratiques rituelles mobilisant l’usage de l’ayahuasca, un breuvage hallucinogène préparé à partir de plantes endémiques. Principalement issus des classes moyennes ou supérieures américaines et européennes, ces personnes voyagent dans le cadre d’une quête thérapeutique, pour tenter de régler des troubles de santé mentale, améliorer leur bien-être général ou encore faire face à de évènements de vie difficiles. Cette démarche s’inscrit généralement dans un parcours de soins ayant mobilisé, le plus souvent sans succès, d’autres formes de thérapies plus « conventionnelles » dans leur pays d’origine.

Ce tourisme psychédélique a eu un impact important sur les communautés autochtones et leurs pratiques culturelles. Ce phénomène soulève notamment des questions relatives aux dynamiques d’appropriation culturelle – dans la mesure où nombre des « centres chamaniques » accueillant la clientèle internationale sont fondés et dirigés par des occidentaux – mais également aux effets potentiels sur le mode de vie de ces communautés lorsqu’elles s’engagent dans l’industrie du tourisme.

Enfin, s’ils s’appuient sur des pratiques et savoirs « traditionnels », les centres d’Amazonie péruvienne proposant des « retraites chamaniques », transforment également ces pratiques, pour proposer une offre très standardisée aux clients internationaux.

Ceux-ci se voient ainsi presque systématiquement proposer une expérience fondée sur le recours à des plantes dites « purgatives » (vomitives ou laxatives) utilisées à des fins de purification, des retraites dans la jungle accompagnant l’ingestion d’autres plantes (« diètes ») et de rituels d’ayahuasca, souvent accompagnés de groupes de parole, voire d’un accompagnement psychothérapeutique. Au sein de ces institutions éminemment interculturelles, on voit ainsi les guérisseurs autochtones adapter leurs pratiques traditionnelles et adopter un vocabulaire emprunté à la médecine et à la psychologique occidentale. Nombre d’entre affirment par exemple être à même de guérir le « burnout » ou la « dépression ».

Un intérêt scientifique renouvelé

La popularité de ce tourisme psychédélique est l’un des facteurs qui a contribué à renouveler l’intérêt de la science et de la médecine pour les propriétés thérapeutiques de ces substances. Mais cet intérêt a également été soutenu par le travail d’associations anglo-saxonnes comme la fondation Beckley ou MAPS, qui militent depuis plusieurs décennies pour la reprise des essais cliniques sur ces substances.

Ces efforts ont conduit à une réintroduction progressive de ces substances dans la recherche. Depuis le début du 21e siècle, un nombre croissant d’essais clinique a été initié, principalement dans les pays anglo-saxons, mais également en Suisse, en Allemagne ou au Brésil. Ces recherches visent à évaluer l’efficacité des psychédéliques dans le traitement de divers troubles de santé mentale (dépression, anxiété, syndrome de stress post-traumatique, troubles obsessionnels-compulsifs ou addictions), notamment pour les patients ne répondant pas aux interventions thérapeutiques conventionnelles ou aux traitements médicamenteux actuellement disponibles.

Les premiers résultats de ces études, publiés dans de prestigieuses revues scientifiques, laissent entrevoir plusieurs applications thérapeutiques possibles pour ces substances. Parmi les travaux les plus aboutis, des études mettent par exemple en évidence l’efficacité de l’ayahuasca et de la psilocybine, substance active des champignons hallucinogènes, dans le traitement de la dépression, ou du LSD dans le traitement de l’anxiété. Dans l’attente des résultats définitifs d’essais cliniques de phase 3, certains pays, dont l’Australie et les États-Unis, ont déjà accordé des autorisations préliminaires de mise sur le marché de certains psychédéliques pour le traitement de certains troubles tels que le syndrome de stress post-traumatique et la dépression.

En France, en plus de l’étude lancée à Nîmes début 2024, trois autres essais devraient prochainement voir le jour. La première étude testera les effets du LSD dans le traitement de l’alcoolisme, la seconde ceux de la psilocybine sur cette même indication, et la dernière, menée sur plusieurs sites hospitaliers français, les effets de la psilocybine sur la dépression résistance aux traitements. Je collabore pour ma part avec les équipes de ces deux derniers projets.

Des défis cliniques et éthiques

Si la dynamique en faveur de la mise à disposition des patients de ces substances est forte, il ne suffira pas de consolider les résultats scientifiques pour que les psychédéliques soient déployés rapidement dans la pratique médicale. La « médicalisation » des psychédéliques suscite en effet d’importantes enjeux socio-économiques, culturels et éthiques, et pose des questions tout à fait inédites en termes cliniques.

A la différence des traitements psychotropes habituellement prescrits, les effets – et donc les bénéfices – de ces substances dépendent en effet fortement du contexte d’administration. Il est donc indispensable d’accompagner leur administration dans des salles dédiées et adaptées, par des équipes formées et mobilisées pendant plusieurs heures, le temps que les effets de la substance s’atténuent.

Pour en savoir plus lire notre article dans le magazine 60 de l’Inserm : « Substances psychédéliques : une révolution pour traiter la dépression ? »

La disposition psychologique des patients joue également un rôle central dans l’efficacité des psychédéliques. Des séances de préparation sont ainsi nécessaires en amont afin d’expliquer et de prévenir les effets parfois éprouvants de ces substances, tel que l’anxiété. De nombreuses études soulignant l’importance d’articuler l’usage de ces substances à des séances de psychothérapie, qui permettent d’inscrire ces expériences dans un processus thérapeutique.

Ces substances nécessitent donc un dispositif plus lourd et coûteux que les thérapies médicamenteuses conventionnelles, ce qui pose la question de sa capacité à être diffusé largement et des inégalités d’accès qui pourraient se poser.

Enfin, les psychédéliques sont connus pour susciter des expériences « mystiques », amenant certains patients à faire l’expérience du « divin », à « voir » des personnes décédées ou à se « remémorer » des expériences traumatiques supposées. Comment accompagner au mieux ces expériences, qui peuvent être vécues par les patients comme plus réelles que la réalité ordinaire? Quel statut leur accorder au sein de la prise en charge thérapeutique ? Alors que la suggestibilité est augmentée lors de ces expériences, quelles bonnes pratiques les cliniciens doivent-ils adopter pour éviter d’influencer les patients lors de leurs interventions ?

Autant de questions passionnantes et nouvelles dans le domaine de la psychiatrie, sur lesquelles les chercheurs et cliniciens ne pourront pas faire l’impasse.

 

 Texte rédigé avec le soutien de David Dupuis, chargé de recherche à l’Inserm, docteur en anthropologie et commissaire de l’exposition « Visions chamaniques » au Musée du Quai Branly.

Mincir grâce aux médicaments « coupe-faim », vraiment ?

balance© Photo i yunmai/Unsplash

Des vidéos sur TikTok qui vantent les mérites d’un médicament contre le diabète de type 2 « détourné » pour perdre du poids, des unes de journaux qui s’interrogent pour savoir si nous pourrions tous devenir « minces » grâce à une nouvelle génération de traitements de l’obésité… Ce n’est pas une nouveauté : la perte de poids est fréquemment présentée comme une préoccupation majeure dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Sur ces plateformes, des messages de prévention pour lutter contre l’obésité, qui constitue une priorité de santé publique, fondés sur des bases scientifiques solides, sont véhiculés aux côtés de nombreux stéréotypes associant beauté et minceur ainsi que de recettes « miraculeuses » pour perdre du poids. Dans ce contexte où la confusion règne et où le public se retrouve exposé à des injonctions contradictoires, le sujet des « coupe-faim », des molécules présentées comme efficaces pour perdre du poids, trouve régulièrement un écho important.

Mais à quoi renvoie réellement ce terme de « coupe-faim » et est-il vraiment adapté ? Au-delà des tendances et des soi-disant remèdes pour perdre du poids qui s’affichent sur les réseaux sociaux, quelles approches thérapeutiques sont réellement pertinentes pour les personnes en situation d’obésité ? Canal Détox fait le point.  

À l’échelle de la planète, le surpoids et l’obésité sont en augmentation depuis 1990 dans la plupart des pays, comme l’indique un récent article dans The Lancet, et touchent plus d’une personne sur huit dans le monde. Il s’agit d’un problème de santé publique très important, d’autant que cette maladie chronique est associée à de nombreuses comorbidités (diabète, cancers, maladies cardiovasculaires, du foie, des articulations…). Toutes les données scientifiques et cliniques actuellement disponibles soulignent que, pour être efficace, la prise en charge de l’obésité doit être multidisciplinaire et tenir compte du contexte et de l’environnement propre à chaque personne.

Ainsi, des interventions pour transformer les habitudes alimentaires et lutter contre la sédentarité sont nécessaires. Elles doivent néanmoins être combinées à un accompagnement personnalisé qui tienne compte des freins psychologiques, du mode de vie et de l’histoire personnelle de chacun, de la nécessité de traiter les comorbidités, mais aussi du fait que la perte de poids est conditionnée par une grande variabilité interindividuelle. En bref, la médecine de l’obésité doit être globale et holistique.

Dans certains cas, quand l’obésité est installée de manière durable et particulièrement complexe à prendre en charge, il peut être nécessaire d’avoir recours à des outils médicamenteux ou à la chirurgie bariatrique. Toutefois, cette dernière est réservée uniquement aux cas les plus sévères, c’est-à-dire à des personnes avec un indice de masse corporelle (IMC) supérieur ou égal à 35 kg/m² avec une complication associée ou avec un indice de masse corporelle supérieur à 40 kg/m².

 

Liraglutide et sémaglutide

Sur le plan des médicaments, un traitement de première génération, l’orlistat, a longtemps été prescrit aux patients souffrant d’obésité (IMC > 30 kg/m²). Cette molécule fonctionne en bloquant l’action d’une enzyme qui permet l’absorption des graisses. Néanmoins, bien qu’une réduction du risque de diabète ait été observée, son efficacité demeure assez limitée, la perte de poids moyenne constatée avec ce traitement étant relativement modérée

Ces dernières années, d’autres avancées thérapeutiques se sont matérialisées grâce au développement d’une nouvelle classe de médicaments qui imitent l’hormone glucagon-like peptide 1 (GLP-1) : les analogues du GLP-1. Ces médicaments contiennent généralement soit du liraglutide, soit du sémaglutide. Ces deux molécules analogues du GLP-1 ont notamment pour effet d’augmenter la sensation de satiété, et donc de permettre aux personnes de mieux contrôler leurs apports alimentaires.

À l’heure actuelle, le liraglutide peut être prescrit à raison d’une injection par jour, mais il n’est pas remboursé par la Sécurité sociale. Quant au sémaglutide, il n’est aujourd’hui autorisé en France que pour le traitement du diabète de type 2 et commercialisé sous le nom de marque Ozempic.

Le sémaglutide sous une forme plus dosée que l’Ozempic a par ailleurs été développé pour le traitement de l’obésité (il s’agit d’un médicament appelé Wegowy). Déjà autorisé aux États-Unis, il a pu être proposé à près de 10 000 personnes avec une obésité sévère avec au moins une comorbidité (IMC > 40 kg/m²) en France dans le cadre d’une expérimentation qui doit se poursuivre jusqu’à l’automne 2024. Cependant, des retours des agences réglementaires sont désormais attendus pour étendre sa prescription à un plus grand nombre de patients.

Les « coupe-faim », un terme inadapté ?

Dans les médias, les analogues du GLP-1 sont souvent désignés comme des « coupe- faim ». Un terme que certains médecins estiment être inadapté. En effet, ces médicaments régulent l’appétit et augmentent la sensation de satiété. Résultat : l’envie de manger n’est plus une préoccupation centrale et permanente, et les patients reprennent le contrôle de leur appétit, sans pour autant que toute sensation de faim disparaisse.

 

La folie de l’Ozempic

Ces bases étant posées, revenons sur la popularité qu’a connue l’une de ces molécules, l’Ozempic, sur les réseaux sociaux. Au cours de l’année écoulée, dans des vidéos ou des articles partagés de nombreuses fois, certains créateurs de contenus ont conseillé aux personnes qui les suivent d’utiliser ce médicament (indiqué, rappelons-le, pour le traitement du diabète de type 2), comme un « coupe-faim », afin de perdre quelques kilos. Cette tendance, qui consiste à détourner un médicament prescrit dans des circonstances bien spécifiques pour favoriser la perte de poids, est problématique à plusieurs égards.

Premièrement, parce que prendre un médicament pour une autre indication que celle pour laquelle il a été mis sur le marché, ici simplement pour perdre quelques kilos, comporte des risques pour la santé. Parmi les effets secondaires associés à l’Ozempic, on retrouve par exemple fréquemment des problèmes digestifs qui peuvent avoir un impact sur la qualité de vie.

On peut aussi citer une étude parue en octobre dans la revue JAMA, qui suggère que la prise d’analogues du GLP-1 pour perdre du poids peut entraîner des affections gastro-intestinales rares mais sévères (pancréatite, obstruction intestinale, pathologies biliaires ainsi qu’un retard dans le passage des aliments de l’estomac vers l’intestin grêle). S’exposer à ce type d’effets alors que l’on n’est pas malade et qu’on souhaite juste perdre quelques kilos n’est pas anodin. Enfin, ce médicament peut entraîner une perte de poids importante qui peut être dangereuse sans contrôle médical.

Il faut bien avoir en tête qu’il n’y a pas de solution « miracle » pour perdre du poids. Cela repose toujours sur une combinaison de facteurs individuels (adapter son mode de vie et son alimentation, avoir une activité physique régulière, changer son rythme de sommeil, agir sur le stress…) et non sur la prise d’un médicament unique qui résoudrait d’un coup tous les problèmes. Les facteurs impliqués dans l’obésité sont différents d’une personne à l’autre et doivent être analysés. Du fait, en fonction de notre patrimoine génétique, nous prenons (et perdons !) du poids différemment en réponse à l’environnement.

Deuxièmement, on sait qu’il existe déjà des tensions d’approvisionnement sur l’Ozempic : même les personnes diabétiques qui en ont vraiment besoin peuvent avoir du mal à s’en procurer. Soulignons que le mésusage et le détournement de ce médicament existe en France mais ne correspondrait qu’à 1,5 % des prescriptions selon les données de la Caisse nationale d’assurance maladie. Il n’est donc pas directement en cause dans ces tensions d’approvisionnement. Néanmoins, il s’agit d’une tendance à surveiller et à ne pas prendre la légère, ne serait-ce que pour assurer l’accès à long terme du médicament aux patients qui en ont besoin.

 

Que disent les essais pour le traitement de l’obésité ?

Au-delà de ces considérations, les scientifiques s’accordent pour dire que les analogues du GLP-1 s’avèrent prometteurs pour les personnes en situation d’obésité et pour qui la perte de poids est un impératif de santé.

Plusieurs essais cliniques (notamment les essais STEP) ont montré que chez des participants en situation d’obésité, sans diabète, la prise d’un médicament comme le Wegovy à une dose de 2,4 mg par semaine entraîne une perte de poids allant de 10 à 20 % sur un an. Par ailleurs, plusieurs études ont aussi indiqué une amélioration notable des paramètres métaboliques chez les participants (glycémie, cholestérol, inflammation…). Un suivi sur plus de trois ans a également permis de montrer une diminution de la mortalité cardiovasculaire chez des personnes obèses ou en surpoids ayant un historique de maladie cardiovasculaire.

Toutefois, là encore, la prise de ces médicaments doit se faire avec l’accompagnement d’un médecin, dans le cadre d’une prise en charge globale et en tenant bien entendu compte des éventuels effets secondaires. Ces options thérapeutiques ouvrent également de nouvelles questions sur la durée du traitement dans cette maladie chronique, avec un risque de reprise de poids en cas d’arrêt, sur lesquelles la recherche doit se pencher.

Une chose est sûre : si ces médicaments peuvent aboutir à une perte de poids importante et soutenue sur le long terme chez les patients obèses et s’ils représentent donc un outil très important à ajouter à l’arsenal thérapeutique, il faut aussi rappeler qu’aucune molécule « miracle » ne pourra à elle seule mettre fin à l’obésité.

Ces progrès ne doivent pas non plus faire oublier que l’obésité est un problème de santé publique global, majeur et qui prend un peu plus d’ampleur chaque année. Il est donc nécessaire de continuer à proposer une prise en charge complète, interdisciplinaire et, à mesure que les connaissances progressent sur la biologie de l’obésité, de plus en plus personnalisée, pour répondre aux problématiques spécifiques à chaque individu.  Mais aussi d’insister sur les mesures de prévention et politiques de santé publique, tout aussi essentielles pour agir sur les comportements et les modes de vie. Soutenir la recherche est primordial pour continuer à faire progresser les connaissances sur cette maladie complexe, et notamment tous ses mécanismes biologiques sous-jacents.

 Texte rédigé avec le soutien de Karine Clément, médecin, professeure de nutrition, directrice du laboratoire NutriOmique (Inserm/Sorbonne Université/APHP) et présidente de l’Association française d’étude et de recherche sur l’obésité – AFERO (afero.fr)

Le collagène pour soulager les douleurs, vraiment ?

CP web Collagène-gummies

© Unsplash

Sur Instagram et dans les magazines, on voit de plus en plus de publications vantant les mérites de compléments alimentaires à base de collagène pour lutter contre les douleurs articulaires, le vieillissement de la peau ou encore pour avoir de « beaux cheveux ». D’ailleurs, on retrouve la présence de collagène dans un certain nombre de produits cosmétiques. Certains sur les réseaux sociaux, n’hésitent pas à parler de « produit miracle ». Mais derrière toutes ces promesses, qu’en est-il réellement ? On revient sur le sujet dans ce nouveau Canal Détox.

Le collagène est la protéine la plus abondante du corps humain. Il s’agit du composé majoritaire des tissus conjonctifs dont la peau, les os, les ligaments, les tendons et le cartilage. Le collagène est caractérisé par une structure particulière en triple hélice, à l’origine des propriétés mécaniques spécifiques de ces tissus (élasticité, robustesse…).

Le terme « collagène » est utilisé dans le langage courant, mais il s’agit en réalité d’une vaste famille qui regroupe plusieurs « types » de collagènes. Les connaissances sur le sujet ont augmenté de façon exponentielle au cours des dernières décennies. Alors que dans les années 1970, la communauté scientifique ne parlait que de quatre types de collagènes génétiquement distincts, il est aujourd’hui admis que le grand ensemble qu’on désigne par ce terme comprend en fait jusqu’à 28 types qui diffèrent les uns des autres par leur composition moléculaire, par leur organisation au sein de l’organisme mais aussi par leurs propriétés.

Cette propension à utiliser le mot collagène de manière générique se retrouve dans le langage marketing utilisé pour promouvoir les compléments alimentaires, mais aussi parfois dans certains travaux scientifiques portant sur les effets du collagène sur la santé, qui omettent de définir le type ou la provenance du collagène considéré.

Il en résulte un certain degré de confusion : de quoi parle-t-on réellement lorsque que l’on dit que « le collagène a des effets bénéfiques » sur un problème de santé spécifique ? Fait-on référence à un type de collagène en particulier ? Tous les compléments alimentaires sur le marché ont-ils les mêmes effets ? Ces questions sont souvent laissées sans réponse, que ce soit dans la littérature scientifique ou dans les articles plus « médiatiques » qui s’intéressent au sujet.

Des limites méthodologiques

Au-delà de ces considérations lexicales, et même lorsque les travaux scientifiques prennent la peine de décrire les produits à base de collagènes qui ont été étudiés, d’autres problèmes se posent.

Tout d’abord, comme évoqué précédemment, le collagène est une protéine que le corps n’est pas capable d’assimiler sous cette forme. Lorsqu’il est ingéré, il est dégradé – ou « découpé » – en acides aminés. Ces acides aminés peuvent alors être utilisés par l’organisme pour construire des protéines. Ils peuvent certes intervenir dans la construction de collagène mais aussi de nombreuses autres protéines.

Plusieurs études ont toutefois été conduites sur différents compléments alimentaires à base de collagène, mais on constate qu’elles ont souvent des limites méthodologiques. Ainsi, si les données scientifiques disponibles soulignent généralement que les produits à base collagène sont sûrs et qu’ils peuvent avoir des effets bénéfiques pour limiter la douleur, en particulier dans le cadre de certaines pathologies comme l’arthrose, il existe une grande hétérogénéité en ce qui concerne la conception et le design des études, avec des échantillons de participants souvent très faibles, sans prendre en compte de potentiels facteurs de confusion et/ou sans comparaison des effets du produit à base de collagène avec ceux d’un placebo.

La plupart des études ne concluent pas non plus sur la question des doses efficaces (quelle dose de produit faut-il prendre et à quelle fréquence pour observer un effet bénéfique ?), ni sur celle de la période de traitement. Et comme le suivi à long terme des participants à ce type d’études est rarement effectué, il est également difficile de savoir si les éventuels effets bénéfiques qui peuvent être observés perdurent dans le temps, notamment si l’on cesse de prendre le produit.

On peut enfin ajouter que les messages marketing utilisés pour promouvoir les compléments alimentaires à base de collagène ne ciblent pas toujours uniquement les personnes qui souffrent d’arthrose ou de pathologies spécifiques. Ils sont parfois simplement décrits comme des produits qui permettent de « lutter contre les douleurs articulaires » et prévenir les troubles de santé, sans plus de précisions. Or en l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’existe pas à ce jour de données robustes indiquant un quelconque bénéfice de la supplémentation en collagène pour prévenir l’apparition de maladies articulaires.

 

Et sur la peau ?

Le collagène a été largement commercialisé pour ses prétendus avantages en matière de réduction des rides, de rajeunissement de la peau, voire même d’inversion du vieillissement de la peau. Pourtant, en ce qui concerne les bénéfices pour la peau – mais aussi pour les cheveux – les résultats sont encore moins clairs.

Bien que certaines études aient suggéré que la supplémentation en collagène peut améliorer certaines propriétés de la peau telles que l’élasticité et l’hydratation, les messages promus dans les médias et sur les réseaux sociaux sur les effets dermatologiques du collagène vont souvent beaucoup trop loin. Les données disponibles dans la littérature sont actuellement limitées et les effets possibles de ce produit sur la peau n’ont pas encore été entièrement élucidés ni compris.

En conclusion, face à l’engouement médiatique et commercial autour des compléments alimentaires à base de collagène, une approche prudente et sceptique est recommandée. Les données scientifiques actuelles, limitées et souvent contradictoires, ne permettent pas de soutenir les affirmations relatives aux bienfaits du collagène sur les douleurs articulaires, la santé de la peau ou la qualité des cheveux. Les études jusqu’à présent souffrent de limitations méthodologiques significatives, et les résultats « prometteurs » doivent être interprétés avec prudence, d’autant qu’ils sont souvent utilisés comme arguments marketing pour vendre ces produits.

Par conséquent, il est conseillé de rester vigilants et de ne pas considérer les suppléments de collagène comme une solution miracle pour ces problèmes de santé. Il est impératif de réaliser des recherches supplémentaires, plus rigoureuses et systématiques, pour éclaircir les effets réels du collagène et déterminer si, et dans quelle mesure, il peut être bénéfique. En attendant, les individus devraient s’appuyer sur des approches éprouvées et scientifiquement validées pour la gestion de l’arthrose, des problèmes cutanés et autres conditions de santé.

 

Des collagènes « végétaux » ?

La grande majorité des collagènes que l’on trouve actuellement sur le marché sont obtenus à partir de matières premières d’origine animale. Seuls ces types de collagènes se retrouvent généralement dans les compléments alimentaires et font l’objet de recherches cliniques.

Les compléments alimentaires à base de collagène sont fabriqués à partir de collagène animal. Il est possible d’acheter des produits à base de plantes qui contiennent les nutriments nécessaires à la fabrication du collagène, comme la vitamine C et le zinc, mais ils ne contiennent pas eux-mêmes de collagène.

Texte rédigé avec le soutien de Francis Berenbaum directeur d’une équipe de recherche Inserm au Centre de Recherche St-Antoine et chef du service de rhumatologie de l’hôpital Saint-Antoine à Paris.

Des régimes miracles contre la migraine, vraiment ?

légumes

L’alimentation a fait l’objet de travaux de recherche pour comprendre si certains aliments déclenchent les crises de migraine. © Unsplash

La migraine est un trouble neurologique chronique courant qui se caractérise par des crises récurrentes d’intenses céphalées. Deux à trois fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes, cette maladie a une prévalence mondiale de près de 15 % pour les deux sexes. Selon l’OMS, il s’agit de la septième maladie la plus incapacitante au monde, avec un retentissement important et documenté depuis longtemps sur plusieurs aspects de la vie quotidienne dont les relations professionnelles, sociales et familiales. Le coût économique et sociétal de la migraine est également important.

La migraine est un trouble complexe, dont tous les mécanismes ne sont pas encore bien connus, mais pour lequel des facteurs génétiques ainsi que des facteurs environnementaux (l’activité physique, sommeil, le climat ou encore le comportement alimentaire par exemple) jouent un rôle. À ce jour, il n’existe pas de traitement curatif de la migraine. La prise en charge de la maladie repose sur le traitement des crises et, chez certains migraineux, et dans certains cas, par leur prévention par un traitement de fond. Agir sur les facteurs de risque environnementaux peut également aider certains patients et réduire la fréquence et/ou la sévérité des crises : c’est dans ce contexte que nombre d’entre eux engagent une réflexion sur leurs comportements alimentaires pour tenter de limiter l’impact de la migraine et améliorer leur qualité de vie.

Depuis plusieurs années, l’alimentation a fait l’objet de travaux de recherche pour comprendre si certains aliments déclenchent les crises de migraine – ou au contraire permettent de limiter leur fréquence, durée et/ou sévérité. Les réseaux sociaux se sont parfois faits le relai de certaines publications scientifiques, mettant en avant de manière souvent exagérée les bienfaits de régimes ou aliments spécifiques. Les forums de patients regorgent aussi d’anecdotes plus ou moins scientifiques, que les internautes s’échangent à propos de leur alimentation. Au risque d’alimenter la confusion. Pour y voir plus clair, Canal Détox fait le point sur ce que l’on sait des liens entre alimentation et migraine.

 

Supprimer certains aliments de son régime, fausse bonne idée ?

Lorsque l’on tombe sur des discussions sur le web évoquant le lien entre alimentation et migraines, la plupart évoquent la nécessité d’éviter certains aliments identifiés comme problématiques.

Même si l’on sait que certains comportements alimentaires, comme par exemple le fait de faire un repas lourd ou de manger à des horaires irréguliers influencent le déclenchement de la migraine, les mécanismes sous-jacents restent peu explorés.

Par ailleurs, si certains patients ont remarqué que, pour eux, le fait de manger un aliment spécifique est souvent suivi d’une crise de migraine et décident donc de le retirer de leur alimentation, des données scientifiques suggèrent qu’en fait l’aliment incriminé ne serait pas le déclencheur de la migraine – mais plutôt un signe annonciateur. En effet, il est possible que le début d’une crise de migraine, avant l’apparition de la douleur, s’accompagne d’une modification des comportements alimentaires ou encore d’une préférence ou d’une envie de manger un aliment, par exemple du chocolat. Autrement dit, l’envie de consommer certains aliments pourrait chez certains patients représenter des manifestations cérébrales précoces de la phase prémonitoire de la crise migraineuse.

En outre, les régimes fondés sur l’évitement de certains aliments, surtout s’ils sont faits sans contrôle médical, comportent des risques. Le fait de retirer entièrement certains aliments (par exemple, les régimes sans gluten, sans tyramine[1]…) est très contraignant et peut entraîner des déséquilibres alimentaires voire des carences. Ni le régime sans gluten, chez les patients ne souffrant pas de maladie cœliaque, ni les autres régimes de ce type, ne s’appuient sur des données scientifiques suffisamment robustes pour être considérés comme efficaces et généralisés en clinique.

Il peut être d’autant plus problématique d’opter pour ces approches qu’il a été rapporté dans la littérature scientifique que l’évitement strict de certaines nourritures peut parfois entraîner du stress, des problèmes psychologiques et une mauvaise qualité de vie.

Il est donc avant tout recommandé aux patients migraineux de se tourner vers un professionnel de santé pour obtenir conseils diététiques adéquats et surtout de privilégier au maximum une régularité dans les heures de repas, avec des apports suffisants et sans grignotage (comme pour le sommeil, la régularité des comportements alimentaires est clé lorsque l’on est sujet à migraines).

 

Des régimes ou des aliments miracles à privilégier ?

 Aujourd’hui, le seul régime pour lequel des données solides commencent à émerger est le régime cétogène. Ce régime caractérisé par une alimentation riche en graisses et pauvre en glucides a montré des résultats prometteurs contre la migraine. Il influencerait potentiellement plusieurs mécanismes impliqués dans le développement du trouble (par exemple, le transport du glucose, la fonction mitochondriale, le stress oxydatif, l’excitabilité cérébrale, l’inflammation ou encore le microbiome intestinal).

Cependant, il faut souligner que la plupart des études sur le sujet présentent un certain nombre de limites, notamment le fait qu’il s’agit très rarement d’études randomisées portant sur de larges échantillons de patients. Les résultats doivent donc être pris avec prudence.

Des travaux récents se sont intéressés aux bénéfices des régimes anti-inflammatoires – ce qui a poussé certains médias à vanter les mérites d’aliments « anti-inflammatoires » qui seraient potentiellement efficaces contre la migraine, par exemple le gingembre ou les myrtilles. Si des publications ont montré que le fait d’avoir un régime varié, intégrant des aliments aux propriétés anti-inflammatoires, pouvait effectivement avoir des effets bénéfiques, il n’y a aucune preuve qu’un aliment dit « anti-inflammatoire » serait à lui seul capable de réduire la fréquence, la durée ou la sévérité des crises. Dans tous les cas, des études rigoureuses pour consolider les données scientifiques déjà obtenues sur le sujet sont nécessaires.

Un message clé serait donc que, s’il est important de continuer à étudier le rôle du comportement alimentaire et plus généralement de l’alimentation sur la migraine afin de répondre aux interrogations des patients, une chose est certaine à l’heure actuelle : une régularité dans les repas et le fait de manger en quantité suffisante en respectant un certain équilibre alimentaire est primordial pour les patients sujets aux migraines chroniques.

[1] Un acide aminé qui aide à réguler la pression artérielle

 

Caféine et migraine : quel lien ?

Faut-il consommer du café ou non lorsque l’on est migraineux ? Cette question revient souvent dans les cabinets médicaux mais aussi sur les forums en ligne.

Et la réponse n’est pas si évidente. Des études ont suggéré qu’une consommation élevée de caféine pourrait être un élément déclencheur de migraine, comme cette publication dans The American Journal of Medicine. Il s’agissait d’une étude prospective examinant le lien entre consommation de café et migraines chez 101 adultes migraineux, à partir d’un journal quotidien qu’ils remplissaient concernant leur consommation de boissons caféinées ainsi que d’autres éléments concernant leurs comportements et leur style de vie.

Cependant, des données ont aussi indiqué qu’un effet protecteur de la caféine en tant que traitement des crises ou chez les patients gravement atteints ne pouvait être exclu.

Enfin, il est également connu que, chez les grands consommateurs de café, une réduction brutale de la consommation de caféine s’accompagne de « symptômes de sevrage », dont des migraines.

 

Texte rédigé avec le soutien de Xavier Moisset, neurologue au CHU de Clermont-Ferrand, membre du laboratoire Neuro-Dol – Inserm unité 1107

Les régimes intermittents, plus efficaces pour la perte de poids, vraiment ?

fruits légumes

Des études cherchent à déterminer si les régimes intermittents améliorent l’équilibre alimentaires des personnes. Crédits Julia Zolotova sur Unsplash 

 

Dans les magazines et sur les réseaux sociaux, les régimes intermittents ont le vent en poupe. Des influenceurs qui racontent leur expérience aux pseudo-experts qui alimentent leurs blogs de conseils pour permettre à chacun de s’y mettre, Internet se fait le relai, depuis plusieurs années, de cette tendance. Cependant, le terme « régime intermittent » recouvre plusieurs réalités, avec des pratiques variées (voir encadré). Leur point commun est toujours d’alterner des périodes plus ou moins longues de restrictions alimentaires avec des périodes où l’on peut manger normalement.   

Ce type de régime est souvent présenté comme plus efficace pour favoriser la perte de poids. Certains estiment notamment qu’il permet d’éviter les contraintes et les frustrations éventuelles liées à une restriction alimentaire continue, et donc qu’il conduit à une meilleure adhésion. D’autres mettent en avant des effets bénéfiques sur des paramètres métaboliques (pression artérielle, glycémie, cholestérol…), voire pour la prévention de certaines maladies (cancers, maladies inflammatoires, métaboliques, cardiovasculaires…).

Il faut toutefois noter que des études scientifiques bien construites, avec des méthodologies solides, manquent encore pour évaluer correctement ces régimes et leurs effets au sein de différentes populations. De plus, même lorsque des résultats intéressants sont obtenus, il peut être difficile de les généraliser à l’ensemble des régimes intermittents étant donné l’hétérogénéité des pratiques.

Alors, que peut-on dire concernant l’effet des régimes intermittents sur la perte de poids ? Sont-ils plus efficaces que d’autres régimes à long terme ? Et quel est leur impact sur le comportement alimentaire ?  Canal Détox se penche sur ces questions.

Les régimes intermittents les plus pratiqués

  • Le régime 5 : 2 consiste à manger normalement pendant 5 jours puis à diminuer le nombre de calories de manière importante les 2 jours qui suivent (500 calories/jour pour les femmes et 600 calories/jour pour les hommes).

 

  • Le régime 16/8 consiste à jeûner au cours de la journée pendant une période de 14 à 16 heures et à prendre ses repas sur les 8 à 10 heures restantes (on peut par exemple prendre un goûter à 16 h et ne plus rien consommer jusqu’au matin suivant).

 

  • L’alternate day fasting est le fait de jeûner un jour sur deux.

Les régimes intermittents ne sont pas plus efficaces que d’autres régimes

La promesse principale des régimes intermittents serait de faciliter la perte de poids tout en allégeant les contraintes par rapport à d’autres régimes restrictifs. Or lorsqu’on se penche sur les études les plus rigoureuses ou sur les revues de littérature scientifique (méta-analyses), on s’aperçoit que les résultats sont variables. La plupart des publications ne montrent pas de supériorité du régime intermittent (quelles que soient ses modalités) par rapport à d’autres régimes en matière de perte de poids.

Parmi les études publiées sur le sujet avec une méthodologie rigoureuse, citons-en quelques-unes, qui se sont notamment intéressées au régime 5 : 2 (5 jours libres et 2 jours avec une consommation très réduite de calories).

Un travail publié dans l’International Journal of Obesity a été mené auprès de 332 personnes en situation d’obésité divisées en trois groupes (restriction continue avec réduction du nombre de calories consommées chaque jour ; restriction alternée une semaine sur deux et restriction intermittente classique 5 : 2). Après 12 mois, seuls 146 sujets ont été au terme de l’étude, avec une perte de poids modérée similaire dans les trois groupes (respectivement 6,6 kg, 5,1 kg et 5 kg en moyenne).

Des résultats semblables ont été constatés dans une étude portant sur 109 sujets suivis pendant 24 mois, avec une perte de poids similaire la première année pour les trois types de régimes et une stabilisation de ce poids entre 12 et 24 mois. Il n’est toutefois pas possible à partir de ces données d’apporter des conclusions sur d’autres types de régimes intermittents.

Ces différentes études se sont aussi intéressées à des paramètres métaboliques cruciaux pour la santé, notamment cardiovasculaires, sans parvenir à montrer la supériorité d’un régime sur les autres. Dans les travaux comparant le régime 5 : 2 aux régimes restrictifs plus classiques par exemple, si le cholestérol global a diminué, le taux de glucose dans le sang et les triglycérides[1] sont restés inchangés dans tous les groupes. De même, dans l’étude comparant ces régimes à une alimentation sans restriction, aucune différence n’a été relevée en ce qui concerne les paramètres métaboliques.

Si les régimes intermittents ne seraient donc pas moins efficaces que d’autres pour la perte de poids, ils ne peuvent toutefois être considérés comme des « régimes miracles ». D’autant que d’autres facteurs sont à prendre en compte, par exemple leur impact sur l’appétit et l’équilibre alimentaire.

Là encore les données issues de la recherche sont assez hétérogènes. On peut néanmoins citer des résultats qui suggèrent qu’un régime restrictif en continu pourrait être associé à une plus grande amélioration de l’équilibre alimentaire, avec une consommation de repas plus variés et des habitudes plus saines, que les régimes intermittents.

Quant à la question de savoir si les personnes qui pratiquent un régime intermittent « surcompensent » en mangeant plus dans les périodes où cela leur est autorisée, elle n’est pas encore entièrement tranchée.

Et enfin, il faut souligner que l’adhésion à long terme à des régimes, qu’ils soient intermittents ou non, est souvent faible. Dans plusieurs études, on observe que les participants abandonnent le régime en cours de route, avec un risque de reprendre les kilos perdus. Favoriser une alimentation équilibrée avec un soutien médical, mettant aussi l’accent sur des rythmes réguliers pour les repas et une activité physique reste une approche efficace pour de nombreux individus.

 

Pour aller plus loin : une sélection d’études sur le poids, l’appétit et les paramètres métaboliques 

Sundfør T.M., Tonstad S., Svendsen M. Effects of intermittent versus continuous energy restriction for weight loss on diet quality and eating behavior. A randomized trial. Eur J Clin Nutr. 2019; 73 (7): 1006-1014

Jospe M.R., Roy M., Brown R.C., et al. Intermittent fasting Paleolithic, or Mediterranean diets in the real world: exploratory secondary analyses of a weight-loss trial that included choice of diet and exercise. Am J Clin Nutr. 2020; 111 (3): 503-514

Roman Y.M., Dominguez M.C., Easow T.M., et al. Effects of intermittent versus continuous dieting on weight and body composition in obese and overweight people: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Int J Obes (Lond). 2019; 43 (10): 2017-2027

Coutinho S.R., Halset E.H., Gåsbakk S., et al. Compensatory mechanisms activated with intermittent energy restriction: A randomized control trial. Clin Nutr. 2018; 37(3):815-823. doi: 10.1016/j.clnu.2017.04.002

Trepanowski J.F., Kroeger C.M., Barnosky A., et al. Effect of alternate-day fasting on weight loss, weight maintenance, and cardioprotection among metabolically healthy obese adults: a randomized clinical trial. JAMA Intern Med. 2017

 

Régime intermittent, effet sur d’autres pathologies : l’exemple du cancer  

Tout un pan de la recherche scientifique a également commencé à s’intéresser au lien entre régime intermittent et développement de maladies, en particulier le cancer. Néanmoins, les résultats sont à prendre avec prudence car ils ont été obtenus dans des modèles animaux. Par exemple, un régime intermittent a eu des effets bénéfiques dans un modèle de souris obèses avec cancer du sein, ralentissant la croissance tumorale et réduisant les métastases pulmonaires sans que les animaux n’aient perdu du poids par ailleurs. Il n’est toutefois pas possible de généraliser ces conclusions chez l’humain à l’heure actuelle en l’absence d’essai clinique rigoureux.

Soulignons enfin que pour les patients atteints de cancer, comme le rappelle un article relayé par l’American Cancer Society, si des études précliniques suggèrent que les régimes intermittents pourraient réduire la toxicité de la chimiothérapie, leurs risques – notamment en matière de dénutrition – sont bien plus importants.

En conclusion, si les régimes intermittents semblent globalement sûrs pour des individus sains et peuvent contribuer à réduire le poids chez certaines personnes en surpoids, leur supériorité par rapport à d’autres régimes n’est pas confirmée. De plus, des questions subsistent quant à leurs effets sur d’autres paramètres en lien avec la santé cardiovasculaire. Une alimentation équilibrée, s’appuyant sur le Programme national nutrition santé (PNNS), couplée à une activité physique régulière, est à privilégier pour favoriser la perte de poids et la santé.

[1] Des lipides sanguins dont une concentration trop élevée augmente le risque cardiovasculaire

 

Lire le communiqué de presse : La consommation d’aliments moins bien classés au moyen du Nutri-Score associée à une mortalité accrue

Lire la synthèse de l’expertise collective de l’Inserm : Activité physique : Prévention et traitement des maladies chroniques

Texte écrit avec l’aide de la chercheuse Karine Clément, unité 1269 Inserm/Sorbonne Université, Nutrition et obésités : approches systémiques (Nutriomique)

Objectif summer body : tous égaux face à la perte de poids, vraiment ?

Adobe Stock

Avec l’arrivée des beaux jours, les « objectifs bikini » ou summer body font la couverture des magazines. Les gros titres promettent aux lecteurs et lectrices des méthodes infaillibles pour une perte de poids rapide et efficace, pour un corps sculpté, plus esthétique ou plus athlétique, alliant à la fois ventre plat et tablettes de chocolat. Incontournable pour passer « l’épreuve » du maillot de bain cet été.

Mais que penser de ces formules « miracles » ? Les méthodes fréquemment proposées fonctionnent-elles ? Et sommes-nous tous égaux face à la perte de poids ?

Canal Détox fait le point sur les recherches scientifiques qui ont tenté de mieux comprendre comment notre poids est finement régulé.

La formule d’une perte de poids miracle, efficace, vraiment ?

Le surpoids et l’obésité sont communément liés à un déséquilibre entre l’apport énergétique (les calories consommées) et la dépense énergétique (activité physique) : l’apport énergétique dépasse la dépense sur une longue période. Les stratégies de perte de poids relayées dans les médias suivent le plus souvent cette logique, conseillant à la fois une augmentation de l’activité physique et une restriction de la prise alimentaire.

Un très grand nombre d’études s’est déjà penché sur l’efficacité des régimes alimentaires reposant sur une restriction des calories consommées qui promettent un maximum de résultats en très peu de temps. Pour les scientifiques, leur efficacité reste pourtant limitée sur le long terme. Si une perte de poids dans les six premiers mois peut parfois être constatée, entre un et deux tiers du poids perdu serait regagné dans les cinq années.

Les études s’accordent toutefois à dire qu’une perte de poids, même de 5 %, entraînerait des bénéfices métaboliques importants : baisse du glucose, baisse du niveau des triglycérides dans le sang, réduction des risques cardiovasculaires.

L’existence d’une « susceptibilité individuelle »

Outre l’efficacité limitée des régimes, les scientifiques ont constaté une très grande variation interindividuelle dans la façon dont notre corps régule le poids, y compris lorsque le suivi des apports alimentaires est très contrôlé dans le cadre de la recherche. Des résultats qui soulignent l’importance de s’intéresser aux trajectoires individuelles pour comprendre les mécanismes de la perte de poids et élaborer des solutions personnalisées, adaptées à chacun.

Cette variabilité que l’on peut désigner sous le terme de « susceptibilité individuelle » a été mise en évidence grâce à plusieurs études épidémiologiques. Par exemple, dans le cadre d’une étude menée au début des années 1990 au Québec, des chercheurs ont convié des jumeaux monozygotes à tous consommer 1 000 calories de plus par jour, par rapport à leur consommation habituelle, pendant environ 100 jours. À l’issue de l’étude, des inégalités dans la prise de poids et de masse grasse ont été constatées, mais la variabilité était plus faible au sein d’une même paire de jumeaux (qui partageait donc le même patrimoine génétique) qu’entre différentes paires. Des résultats semblables ont été obtenus vis-à-vis de la perte de poids, en étudiant des jumeaux soumis à un régime calorique restrictif.

Des facteurs génétiques pourraient donc être impliqués dans le développement de l’obésité. Un individu a deux à huit fois plus de chances d’être obèse si des membres de sa famille le sont eux-mêmes. Plusieurs équipes ont identifié de nombreux gènes impliqués dans la prise de poids, l’obésité sévère et/ou les complications de l’obésité. Une autre étude a montré par ailleurs que la minceur serait en partie expliquée par les gènes.  À noter que si chaque gène pris individuellement n’exerce qu’un faible rôle sur la masse et la composition corporelle, la contribution de ces gènes devient significative lorsqu’ils interagissent avec des facteurs externes tels que le déséquilibre énergétique.

Lire le dossier sur l’obésité : Obésité, une maladie des tissus adipeux

Outre la génétique, l’âge, le stress, les hormones ou encore le sommeil et les rythmes biologiques, sont autant de facteurs qui peuvent influer sur la régulation du poids et qui interviennent de façon différente d’une personne à l’autre. Des études scientifiques ont par exemple révélé que la durée du sommeil avait une incidence sur la prise ou la perte de poids. Récemment, les résultats d’une étude menée aux États-Unis montraient que dormir plus longtemps facilitait la perte de poids. Le manque de sommeil étant considéré comme un facteur de risque reconnu d’obésité, ces résultats soulignent une nouvelle fois l’importance d’explorer aussi les relations entre poids et sommeil pour favoriser la perte de poids à titre individuel.

Le rôle du cerveau dans la régulation du poids

Pour mieux comprendre les mécanismes associés à la prise et la perte de poids, les scientifiques ne peuvent faire l’impasse sur le rôle clé du cerveau. Des équipes de recherche s’intéressent plus spécifiquement à l’étude des mécanismes qui sont impliqués au niveau cérébral et à l’action clé de « senseurs énergétiques » dans la régulation de la prise alimentaire et du poids corporel. Ces molécules agissent tels les indicateurs de carburant dans nos voitures, elles signalent à notre cerveau nos besoins en fonction du niveau de nos réserves énergétiques.

Parmi ces molécules étudiées depuis plus de 20 ans, on retrouve la leptine ou « hormone de satiété » : elle est sécrétée par le tissu adipeux, proportionnellement aux réserves de graisses dans l’organisme, et régule l’appétit en contrôlant la sensation de satiété. De nombreuses études ont révélé que le transport de la leptine et sa signalisation était altéré chez les sujets obèses et en surpoids, expliquant en partie des dysfonctionnements dans la régulation de l’appétit, puisque l’information de satiété parvient plus difficilement à atteindre le cerveau.

Si la recherche s’accorde sur le fait qu’il n’existe pas de solution « miracle » pour garantir une perte de poids efficace, qui convienne à tous les individus, les bienfaits d’une activité physique régulière sur la santé ont par ailleurs été démontrés.

Les scientifiques recommandent également d’accompagner l’activité physique d’une alimentation moins riche en sucres, graisses saturées, sel et calories et plus riche en fibres et fruits et légumes. C’est ainsi qu’est né le logo Nutri-Score, développé pour aider les consommateurs à choisir des produits de meilleure qualité nutritionnelle dans les rayons, et encourager les industriels à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits.

Lire le communiqué de presse : La consommation d’aliments moins bien classés au moyen du Nutri-Score associée à une mortalité accrue

Lire la synthèse de l’expertise collective de l’Inserm : Activité physique : Prévention et traitement des maladies chroniques

Texte écrit avec l’aide de la chercheuse Karine Clément, unité 1269 Inserm/Sorbonne Université, Nutrition et obésités : approches systémiques (Nutriomique)

Éliminer le gluten pour un intestin plus zen, vraiment ?

L’industrie alimentaire rajoute massivement du gluten dans ses préparations pour améliorer la texture, donner du volume ou du moelleux à ses produits. © Unsplash

Depuis plusieurs années, les rayonnages regorgent de produits estampillés « sans gluten », offrant aux consommateurs la promesse d’une digestion facile et d’un regain d’énergie. Ce marché connaîtrait une croissance constante de l’ordre de 20 % depuis cinq ans et toucherait près de 12 millions de consommateurs réguliers en France, alors que de plus en plus de personnes disent éprouver des difficultés digestives associées à la consommation de gluten.

Mais qu’en est-il réellement ? Le gluten est-il vraiment si difficile à digérer ? De quoi parle-t-on quand on parle d’intolérance ? Qui a réellement besoin de l’exclure entièrement de son alimentation ? Et fait-on face à une épidémie d’intolérance au gluten ?

Première chose à savoir : le gluten n’est pas directement présent dans les céréales mais apparaît au moment de la fabrication de la pâte à pain. Certaines céréales (blé, orge, seigle et hybrides de ces variétés) contiennent en effet des protéines qui vont se lier entre elles en présence d’eau pour former le gluten. C’est ainsi lorsque l’on ajoute de l’eau à la farine que le gluten apparaît.

Cette association de protéines forme alors un réseau qui donne sa texture élastique à la pâte à pain et rentre dans la composition d’environ 70 % des produits alimentaires « classiques » (pains, gâteaux, plats préparés, etc.). Une fois ingéré, le gluten est dégradé par des enzymes puis digéré chez la grande majorité des gens.

Intolérants, allergiques, hypersensibles…

Il arrive toutefois que ces enzymes fassent défaut et ne permettent donc pas de dégrader correctement le gluten lors de la digestion. C’est ce qui se passe chez les personnes atteintes de la maladie de cœliaque et qui sont totalement intolérantes au gluten. Les éléments issus de la mauvaise dégradation du gluten vont alors déclencher la production d’anticorps qui vont s’attaquer à la paroi de l’intestin et perturber l’absorption des nutriments. Cette maladie auto-immune, qui touche entre 0,7 et 2 % de la population, provoque une inflammation de l’intestin, des douleurs abdominales, des diarrhées, peut conduire à un amaigrissement et prédispose à certains cancers. Le seul traitement possible à l’heure actuelle consiste à suivre à vie un régime strict sans gluten.

A ne pas confondre avec ces intolérants au gluten, il existe des allergiques au blé, plus rares (entre 0,1 et 0,5 % de la population). Chez eux, le système immunitaire réagit de manière excessive aux protéines de blé, comme c’est le cas chez les personnes qui souffrent d’allergies saisonnières ou autres. Dans le cas présent c’est le blé, et par extension le gluten, qui est à exclure de l’alimentation au risque de déclencher une réaction allergique immédiate (éruption cutanée, œdème de Quincke, etc.). Si l’on additionne donc ces populations intolérantes et allergiques, qui peuvent être diagnostiquées, cela ne représente tout au plus que 2,5 % de la population qui doit éliminer totalement le gluten de son alimentation.

Nous arrivons à la troisième catégorie, les « hypersensibles » qui présentent des troubles digestifs lors de la consommation de gluten mais qui ne sont pas 100 % intolérants au gluten comme les personnes atteintes de la maladie de cœliaque. Si le nombre de personnes se déclarant hypersensibles semble en augmentation – il concernerait entre 0,5 et 15 % de la population –, il est impossible d’en évaluer la prévalence exacte. Et pour cause, à l’heure actuelle, il n’existe aucun outil pour diagnostiquer précisément ce trouble. Plusieurs études tentent aujourd’hui de comprendre les causes de cette hypersensibilité, en identifiant par exemple les variétés de blés donnant des produits plus ou moins riches en « gluten » ou les types de pain les mieux digérés par les personnes sensibles.      

En attendant leurs conclusions, il faut noter que l’industrie alimentaire rajoute massivement du gluten dans ses préparations pour améliorer la texture, donner du volume ou du moelleux à ses produits. Il s’agit aujourd’hui d’étudier de plus près ce phénomène, mais il n’est pas à exclure que ces pratiques aient un lien avec l’augmentation des problèmes intestinaux de la population générale. Les mécanismes sous-jacents sont également à l’étude, notamment ceux impliquant notre microbiote intestinal.

Avant de s’astreindre à un régime sans gluten draconien, qui finalement n’est adapté que pour une partie très restreinte de la population, mieux vaut se tourner vers un médecin, diététicien.ne, ou autre professionnel de santé qualifié. En effet, on risquerait de se priver de sources intéressantes de glucides complexes et notamment de fibres, qui elles, sont importantes pour l’équilibre alimentaire, le transit, et la prévention des maladies chroniques comme le cancer colorectal ou les maladies cardiovasculaires.

Etudier les FODMAPs

Certains sucres fermentés présents dans les céréales avec gluten pourraient avoir leur part de responsabilité dans les problèmes digestifs évoqués par les « hypersensibles au gluten ». Ils font partie d’une catégorie d’aliments appelée FODMAPs (un acronyme anglais pour « Fermentable Oligo-, Di-, Mono-saccharides and Polyols ») et sont également très étudiés par les chercheurs.

Texte réalisé avec le soutien de Mathilde Touvier, directrice de recherche Inserm et directrice de l’équipe Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle EREN (Inserm/Inrae /Cnam /Université Sorbonne Paris Nord)

Mille solutions pour l’érection, vraiment ?

Plus d’un homme sur deux rencontrera un problème d’érection au cours de sa vie. La mise sur le marché du Viagra en 1998 a fait évoluer les choses, mais la question reste encore taboue. Internet devient dès lors une précieuse mine d’informations pour trouver, discrètement, des solutions à son problème. Et d’ailleurs, des remèdes présentés comme solutions, il y en a : bois bandé, corne de rhinocéros, sécrétion de coléoptères… Mais peut-on compter sur les remèdes naturels pour éviter les pannes sexuelles ? Le viagra, ça marche toujours ?  Et les injections de plasma dans le pénis sont-elles vraiment efficaces ? Canal détox, sans relâche, coupe court aux fausses infos.

fermer