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Des régimes miracles contre la migraine, vraiment ?

légumes

L’alimentation a fait l’objet de travaux de recherche pour comprendre si certains aliments déclenchent les crises de migraine. © Unsplash

La migraine est un trouble neurologique chronique courant qui se caractérise par des crises récurrentes d’intenses céphalées. Deux à trois fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes, cette maladie a une prévalence mondiale de près de 15 % pour les deux sexes. Selon l’OMS, il s’agit de la septième maladie la plus incapacitante au monde, avec un retentissement important et documenté depuis longtemps sur plusieurs aspects de la vie quotidienne dont les relations professionnelles, sociales et familiales. Le coût économique et sociétal de la migraine est également important.

La migraine est un trouble complexe, dont tous les mécanismes ne sont pas encore bien connus, mais pour lequel des facteurs génétiques ainsi que des facteurs environnementaux (l’activité physique, sommeil, le climat ou encore le comportement alimentaire par exemple) jouent un rôle. À ce jour, il n’existe pas de traitement curatif de la migraine. La prise en charge de la maladie repose sur le traitement des crises et, chez certains migraineux, et dans certains cas, par leur prévention par un traitement de fond. Agir sur les facteurs de risque environnementaux peut également aider certains patients et réduire la fréquence et/ou la sévérité des crises : c’est dans ce contexte que nombre d’entre eux engagent une réflexion sur leurs comportements alimentaires pour tenter de limiter l’impact de la migraine et améliorer leur qualité de vie.

Depuis plusieurs années, l’alimentation a fait l’objet de travaux de recherche pour comprendre si certains aliments déclenchent les crises de migraine – ou au contraire permettent de limiter leur fréquence, durée et/ou sévérité. Les réseaux sociaux se sont parfois faits le relai de certaines publications scientifiques, mettant en avant de manière souvent exagérée les bienfaits de régimes ou aliments spécifiques. Les forums de patients regorgent aussi d’anecdotes plus ou moins scientifiques, que les internautes s’échangent à propos de leur alimentation. Au risque d’alimenter la confusion. Pour y voir plus clair, Canal Détox fait le point sur ce que l’on sait des liens entre alimentation et migraine.

 

Supprimer certains aliments de son régime, fausse bonne idée ?

Lorsque l’on tombe sur des discussions sur le web évoquant le lien entre alimentation et migraines, la plupart évoquent la nécessité d’éviter certains aliments identifiés comme problématiques.

Même si l’on sait que certains comportements alimentaires, comme par exemple le fait de faire un repas lourd ou de manger à des horaires irréguliers influencent le déclenchement de la migraine, les mécanismes sous-jacents restent peu explorés.

Par ailleurs, si certains patients ont remarqué que, pour eux, le fait de manger un aliment spécifique est souvent suivi d’une crise de migraine et décident donc de le retirer de leur alimentation, des données scientifiques suggèrent qu’en fait l’aliment incriminé ne serait pas le déclencheur de la migraine – mais plutôt un signe annonciateur. En effet, il est possible que le début d’une crise de migraine, avant l’apparition de la douleur, s’accompagne d’une modification des comportements alimentaires ou encore d’une préférence ou d’une envie de manger un aliment, par exemple du chocolat. Autrement dit, l’envie de consommer certains aliments pourrait chez certains patients représenter des manifestations cérébrales précoces de la phase prémonitoire de la crise migraineuse.

En outre, les régimes fondés sur l’évitement de certains aliments, surtout s’ils sont faits sans contrôle médical, comportent des risques. Le fait de retirer entièrement certains aliments (par exemple, les régimes sans gluten, sans tyramine[1]…) est très contraignant et peut entraîner des déséquilibres alimentaires voire des carences. Ni le régime sans gluten, chez les patients ne souffrant pas de maladie cœliaque, ni les autres régimes de ce type, ne s’appuient sur des données scientifiques suffisamment robustes pour être considérés comme efficaces et généralisés en clinique.

Il peut être d’autant plus problématique d’opter pour ces approches qu’il a été rapporté dans la littérature scientifique que l’évitement strict de certaines nourritures peut parfois entraîner du stress, des problèmes psychologiques et une mauvaise qualité de vie.

Il est donc avant tout recommandé aux patients migraineux de se tourner vers un professionnel de santé pour obtenir conseils diététiques adéquats et surtout de privilégier au maximum une régularité dans les heures de repas, avec des apports suffisants et sans grignotage (comme pour le sommeil, la régularité des comportements alimentaires est clé lorsque l’on est sujet à migraines).

 

Des régimes ou des aliments miracles à privilégier ?

 Aujourd’hui, le seul régime pour lequel des données solides commencent à émerger est le régime cétogène. Ce régime caractérisé par une alimentation riche en graisses et pauvre en glucides a montré des résultats prometteurs contre la migraine. Il influencerait potentiellement plusieurs mécanismes impliqués dans le développement du trouble (par exemple, le transport du glucose, la fonction mitochondriale, le stress oxydatif, l’excitabilité cérébrale, l’inflammation ou encore le microbiome intestinal).

Cependant, il faut souligner que la plupart des études sur le sujet présentent un certain nombre de limites, notamment le fait qu’il s’agit très rarement d’études randomisées portant sur de larges échantillons de patients. Les résultats doivent donc être pris avec prudence.

Des travaux récents se sont intéressés aux bénéfices des régimes anti-inflammatoires – ce qui a poussé certains médias à vanter les mérites d’aliments « anti-inflammatoires » qui seraient potentiellement efficaces contre la migraine, par exemple le gingembre ou les myrtilles. Si des publications ont montré que le fait d’avoir un régime varié, intégrant des aliments aux propriétés anti-inflammatoires, pouvait effectivement avoir des effets bénéfiques, il n’y a aucune preuve qu’un aliment dit « anti-inflammatoire » serait à lui seul capable de réduire la fréquence, la durée ou la sévérité des crises. Dans tous les cas, des études rigoureuses pour consolider les données scientifiques déjà obtenues sur le sujet sont nécessaires.

Un message clé serait donc que, s’il est important de continuer à étudier le rôle du comportement alimentaire et plus généralement de l’alimentation sur la migraine afin de répondre aux interrogations des patients, une chose est certaine à l’heure actuelle : une régularité dans les repas et le fait de manger en quantité suffisante en respectant un certain équilibre alimentaire est primordial pour les patients sujets aux migraines chroniques.

[1] Un acide aminé qui aide à réguler la pression artérielle

 

Caféine et migraine : quel lien ?

Faut-il consommer du café ou non lorsque l’on est migraineux ? Cette question revient souvent dans les cabinets médicaux mais aussi sur les forums en ligne.

Et la réponse n’est pas si évidente. Des études ont suggéré qu’une consommation élevée de caféine pourrait être un élément déclencheur de migraine, comme cette publication dans The American Journal of Medicine. Il s’agissait d’une étude prospective examinant le lien entre consommation de café et migraines chez 101 adultes migraineux, à partir d’un journal quotidien qu’ils remplissaient concernant leur consommation de boissons caféinées ainsi que d’autres éléments concernant leurs comportements et leur style de vie.

Cependant, des données ont aussi indiqué qu’un effet protecteur de la caféine en tant que traitement des crises ou chez les patients gravement atteints ne pouvait être exclu.

Enfin, il est également connu que, chez les grands consommateurs de café, une réduction brutale de la consommation de caféine s’accompagne de « symptômes de sevrage », dont des migraines.

 

Texte rédigé avec le soutien de Xavier Moisset, neurologue au CHU de Clermont-Ferrand, membre du laboratoire Neuro-Dol – Inserm unité 1107

Identifier le haut potentiel intellectuel avec un test sur Internet, vraiment ?

Haut potentiel

© Adobe Stock

Médias, livres et plus récemment séries ont contribué à populariser la notion de « haut potentiel intellectuel » – ou HPI – auprès du grand public. Ce phénomène s’est accompagné d’un certain nombre d’idées reçues, notamment celle que les enfants HPI sont en grande majorité en décrochage scolaire ou en souffrance psychologique ou bien encore qu’ils ont souvent un profil type d’intellectuel au détriment d’un corps peu habile qui expliquerait leur maladresse. Dans ce contexte, le nombre d’offres en ligne promettant à des parents parfois démunis de diagnostiquer leurs enfants, en leur faisant passer un test de QI, a explosé.

Mais quels sont les fondements scientifiques de cette pratique ? Comment définit-on concrètement le concept de « haut potentiel » ? Et quelles sont les priorités pour les chercheurs qui travaillent dans ce domaine ?

Le concept de haut potentiel intellectuel a évolué au cours des 20 dernières années et fait l’objet de débats entre spécialistes. Néanmoins, la définition de l’OMS, généralement retenue dans la littérature scientifique, précise que le HPI correspond à un quotient intellectuel (QI) d’au moins 130. Cela représenterait un peu plus de 2 % de la population, soit en France plus de 200 000 enfants.

Si on s’appuie sur la définition de l’OMS donc, il suffirait d’obtenir un score de 130 ou plus à ce test pour être désigné HPI. Cependant, plusieurs questions se posent notamment en ce qui concerne le coût du test de QI et la qualité des évaluations complémentaires proposées aux familles : en l’absence d’une analyse rigoureuse par un psychologue ou neuropsychologue clinicien spécialiste du sujet, un score donné par un test effectué en ligne ou par un expert peu scrupuleux n’a pas une grande valeur.

En effet, des travaux attestent désormais de l’importance d’évaluer les enfants dans leur globalité, non pas uniquement avec des tests de QI mais aussi avec des évaluations pluridimensionnelles normées (prenant en compte des aspects du développement neuropsychomoteur, et notamment l’attention, le langage, le développement psychoaffectif…).

Enfin, si toutes ces évaluations constituent des outils précieux, les résultats sont toujours à replacer et à analyser dans le contexte environnemental dans lequel un enfant évolue (environnement familial, socioculturel et scolaire), ainsi qu’en fonction de son histoire singulière. Ainsi, c’est lorsque que l’enfant qui présente un développement verbal mature, commence à poser des problèmes de comportement à la maison ou à l’école (et dès la maternelle), avec ou sans retentissement sur les notes scolaires, qu’il peut être intéressant de commencer à l’évaluer afin de comprendre s’il existe des raisons expliquant son comportement. Trop souvent, l’enfant est évalué tardivement au niveau du collège parce qu’à ce moment-là, tout se complique au quotidien, en l’occurrence au niveau de l’exigence scolaire. À l’inverse, tous les comportements turbulents ne doivent pas être systématiquement associés à un profil HPI et peuvent résulter d’autres causes.

À quoi ressemble un test de QI ?

Pour les enfants de 6 à 17 ans, le test en vigueur le plus indiqué est le WISC-V. Il permet d’obtenir le profil cognitif complet ainsi qu’un score pour les cinq composantes principales de l’intelligence cognitive : indice de compréhension verbale, indice visuo-spatial, indice de raisonnement fluide (raisonnement logique), indice de mémoire de travail (mémoire à court terme) et indice de vitesse de traitement (vitesse de pensée et d’exécution). Chacun de ces indices est construit en faisant passer aux enfants différents tests (des « subtests »).

Une bonne pratique peut être de présenter les résultats au test sous forme d’intervalles de confiance, en évitant le plus possible, tant avec les familles qu’avec les équipes, l’adhésion aux scores et en essayant ouvrir une discussion sur le profil cognitif en incluant d’autres types d’évaluation.

Lire notre texte : Le QI, une mesure fiable de l’intelligence… vraiment ?

S’intéresser à la motricité des enfants

Pour que les évaluations proposées soient pertinentes et puissent ainsi améliorer l’identification des enfants, les scientifiques estiment qu’il est nécessaire de mener des recherches rigoureuses pour mieux documenter les caractéristiques du HPI, et ce dès les premiers stades du développement (et non seulement lorsque les enfants sont en âge scolaire).

Des données ont par exemple permis de confirmer qu’au-delà d’avoir un QI supérieur à 130, ces enfants se caractérisent par un développement moteur et langagier précoce par rapport aux enfants « neurotypiques ». La capacité à s’assoir, l’acquisition de la marche ou encore l’accès au langage (avec l’apparition des premières phrases) se feraient par exemple plus tôt que pour les autres enfants.

D’autres travaux mettent en exergue néanmoins que certains enfants HPI peuvent présenter ce qu’on appelle un « profil de QI hétérogène », c’est-à-dire que les scores obtenus aux différents indices du test sont marqués par de grands écarts. Les scores les plus bas révèleraient ainsi des difficultés sur certains aspects, par exemple au niveau de la motricité fine (difficultés pour écrire lisiblement, trouble de la coordination ou visuo-spatiaux…), même quand d’autres indices sont particulièrement élevés (par exemple l’indice de compréhension verbale).

Certains de ces enfants répondraient même aux critères diagnostics d’un trouble développemental de la coordination (TDC ou dyspraxie), qui se traduit par des difficultés importantes dans différentes activités de la vie quotidienne (utiliser des couverts, s’habiller, attacher ses lacets…) ou dans des activités ludiques (jeux de construction, puzzles…).

Par ailleurs, les données suggèrent que les enfants HPI avec un profil de QI hétérogène peuvent présenter une plus grande tendance à l’isolement, à l’introversion, et à l’anxiété. Par ailleurs, certains d’entre eux peuvent présenter des réactions fortes à la frustration et même certains traits de dépression. Or cela passe souvent inaperçu car ils arrivent généralement à masquer leurs difficultés par des stratégies de compensation.

Ces résultats issus de la recherche soulignent donc là encore la nécessité de proposer aux enfants des évaluations plus complètes, qui s’intéressent au profil de QI et aux éventuelles disparités entre les indices du test. De plus, il est important que ces investigations complémentaires utilisées soient standardisées et normées notamment dans les domaines neuropsychomoteur, neuropsychologique et psychoaffectif. Ce dernier domaine n’est pas à négliger, car les tests peuvent faire apparaître des difficultés au niveau de la cognition sociale (difficultés d’empathie, hypersensibilité émotionnelle…).

Scolarité et prise en charge

Alors que c’est souvent l’aspect qui est le plus mis en avant, notamment dans les médias, il est important de souligner aussi que HPI n’est pas forcément toujours synonyme de difficultés scolaires. Les HPI les plus connus étant ceux qui consultent, il n’est pas étonnant de retrouver dans ce groupe des problèmes qui en font leur réputation. S’il est avéré que les enfants à haut potentiel peuvent présenter des troubles des apprentissages, il est également important de souligner que tous ne sont donc pas systématiquement en situation d’échec scolaire. À l’inverse, tous les enfants qui connaissent des difficultés scolaires ne présentent pas un HPI.

Face au risque de décrochage, il est essentiel lors des évaluations de l’enfant d’analyser s’il existe des problèmes qui peuvent expliquer un décrochage scolaire : par exemple, si l’enfant montre de l’anxiété. En effet, les troubles anxieux sont présents chez 40,5 % des enfants HPI et associés de façon hétérogène à un haut potentiel verbal avec des troubles de la motricité qui impactent par exemple leur écriture.

Pour les scientifiques, la priorité est de continuer les recherches pour mieux identifier le fonctionnement et bien décrire les caractéristiques particulières, les compétences cognitives et les éventuelles difficultés des enfants HPI dans toute leur diversité, en s’appuyant sur une articulation entre les professionnels de l’Éducation nationale, de la santé et de la recherche.

Texte rédigé avec le soutien Laurence Vaivre-Douret

Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (UMR 1018-Inserm/UVSQ/Université Paris Cité), Equipe Psy-Dév « Neurodéveloppement et troubles des apprentissages », site Necker.

Professeure des universités en neuropsychologie du développement, Faculté de Santé, UFR de Médecine Paris Descartes, Université Paris Cité, et Chaire de phénotypage clinique neurodéveloppementale de l’Institut Universitaire de France (IUF).

Psychologue-neuropsychologue clinicienne, psychothérapeute, attachée à l’hôpital Universitaire Necker-Enfants Malades, AP-HP.Centre, Université Paris Cité.

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