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Un défi « sans sucre », vraiment ?

image décorative © Suzy Hazelwood/Pexels

Une peau resplendissante, des kilos en moins, un regain d’énergie… Sur les réseaux sociaux, les défis « sans sucre » ont le vent en poupe. Sur l’application chinoise Tiktok, le hashtag  #NoSugar réunit 1,5 milliard de vues, et le #NoSugarChallenge, pas moins de 155 millions. Une tendance relayée dans certains médias : en janvier 2025, le magazine Elle a ainsi consacré un article au No sugar January, un défi pour arrêter les sucres libres (les sucres ajoutés, et ceux naturellement présents dans le miel,  les jus de fruits ou les sirops) pendant un mois, à l’image du Dry January qui encourage l’abstinence d’alcool.

Pourtant, les glucides apportent de l’énergie et, en quantité raisonnable, sont indispensables pour être en bonne santé. Alors, faut-il vraiment faire la chasse au sucre ? Et que dit la science à ce sujet ? Canal Détox fait le point.

Les sucres ajoutés sont partout dans les produits industriels

Les défis « sans sucre » proposent d’éviter, voire d’éliminer totalement, les sucres libres de notre alimentation. Sodas, gâteaux, biscuits, certains plats préparés… La liste des aliments à bannir est longue. Les sources naturelles de sucre, comme les fruits, les légumes et les produits laitiers sans sucres ajoutés restent généralement autorisées.

Suivre un tel régime implique de revoir ses achats et ses habitudes alimentaires, car les sucres ajoutés sont omniprésents. En mars 2024, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) a publié une étude qui passe au crible plus de 54 000 produits sur le marché français. Résultat : plus des trois des quarts (77 %) des aliments étudiés comportent au moins un ingrédient « sucrant ou vecteur de goût sucré ». De façon contre-intuitive, des produits au goût salé, comme le saucisson sec, peuvent également contenir du sucre.

💡Sucres libres, sucres ajoutés, de quoi parle-t-on ?

Notre alimentation comprend plusieurs types de sucres :

– les sucres ajoutés, qui désignent les sucres raffinés qui sont ajoutés aux aliments pendant la transformation, la cuisson…, ainsi que le sucre de table ;

– les sucres libres qui incluent les sucres ajoutés, mais aussi ceux naturellement présents dans le miel, les sirops, ainsi que les sucres libérés lors de l’extraction de fruits et de légumes (par exemple, dans les jus et les nectars) ;

– les sucres naturellement présents dans le lait, les fruits et les légumes.

Les sucres totaux englobent l’ensemble des sucres présents dans l’alimentation, y compris ceux naturellement présents dans les fruits, les légumes ou le lait. L’autorité européenne de sécurité des aliments recommande des apports en sucres ajoutés et en sucres libres « aussi faibles que possible », dans le cadre d’un régime alimentaire équilibré. Ainsi, il est recommandé d’éviter les jus de fruits, tandis que la consommation de fruits est bénéfique.

Caries, diabète et obésité… L’excès de sucres libres dangereux pour notre santé

Contrôle du poids, réduction du risque de développer un diabète, une maladie cardiovasculaire, ou des caries… Les arguments mis en avant par les adeptes des régimes sans sucres libres sont nombreux.

Si la science ne permet pas encore entièrement de distinguer les effets des sucres ajoutés de ceux naturellement présents dans les aliments, il est aujourd’hui clairement avéré qu’une consommation excessive est dangereuse pour la santé.

De nombreuses études ont en effet révélé que leur consommation en excès favorise le surpoids, l’obésité, les caries,  le diabète de type 2,  la mortalité cardiovasculaire, et les maladies hépatiques comme la maladie du foie gras (en anglais MAFLD, pour metabolic dysfunction-associated steatotic liver disease). Concernant les cancers, si le lien direct est encore à l’étude, l’impact délétère des boissons sucrées sur le risque d’obésité, elle-même facteur de risque d’une douzaine de localisations de cancer, est lui, avéré.

Des promesses parfois exagérées 

Grâce à leurs conseils de bon sens, les challenges proposant de limiter ces sucres libres dans l’alimentation sont donc en accord avec les recommandations de santé publique et peuvent avoir des effets positifs, tant qu’on ne se prive pas de fruits, de yaourts sans sucre ajoutés, de légumes, et de produits céréaliers complets. Ces aliments apportent suffisamment de glucose pour permettre à l’organisme de bien fonctionner (le cerveau est l’organe le plus demandeur), et ils sont également pourvoyeurs des autres nutriments essentiels (protéines, fibres, vitamines…).

En revanche, certaines promesses de ces défis « sans sucre » sont parfois exagérées. Par exemple, arrêter le sucre ne garantit pas de perdre du poids. L’excès de sucre (boissons sucrées notamment) n’est pas le seul facteur de risque nutritionnel reconnu en matière d’obésité : les mauvaises graisses que l’on trouve dans les fast-foods jouent aussi un rôle délétère, tout comme la sédentarité. À l’inverse, un régime de type méditerranéen, riche en fibres et aliments complets, et une activité physique régulière sont des facteurs protecteurs contre la prise de poids.

Par ailleurs, comme le rappelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’obésité est une pathologie complexe. Au-delà de la nutrition, de multiples autres facteurs entrent en jeu : la génétique, les traitements médicaux (par exemple, certains antidépresseurs), les troubles des conduites alimentaires, les polluants, les perturbateurs endocriniens…

Réguler ses pics de glycémie, une tendance qui fait débat…

En plus de diminuer sa consommation de sucres ajoutés, certains créateurs de contenus préconisent de surveiller la glycémie et de tenter de réduire les pics, ces élévations du taux de glucose dans le sang. L’objectif affiché est de « maintenir une énergie stable » et d’ « éviter la fatigue post-repas ». Leurs conseils ? Éviter de manger du sucre au petit-déjeuner, commencer ses repas par des légumes ou bien faire de la marche tout de suite après manger.

Bien sûr, de manière générale, manger des légumes et faire de l’exercice physique est recommandé pour être en bonne santé. Et sur le plan scientifique, une récente méta-analyse regroupant les résultats de plusieurs grandes études réalisées en Europe, aux États-Unis et en Asie, suggère un lien entre la charge glycémique de l’alimentation et des risques de maladies chroniques comme le diabète de type 2, certains cancers, et les maladies cardiovasculaires.

Toutefois, surveiller sa glycémie au quotidien n’a pas de sens ni d’utilité pour l’ensemble de la population. Les capteurs de glycémie, qui servent à suivre le taux de sucre dans le sang tout au long de la journée, sont très à la mode. Pourtant, ils ne sont utiles que pour les personnes vivant avec un diabète. En effet, il est tout à fait normal d’avoir un pic de glycémie après les repas, il s’agit d’un phénomène physiologique élémentaire.

En outre, ces « astuces » pour réguler la glycémie ne s’appuient pas sur des preuves solides. Par exemple, les études citées pour déconseiller le sucre au petit déjeuner ont été menées uniquement auprès de personnes souffrant de diabète, d’obésité, ou en situation de surpoids. Il n’y a donc pas de raison scientifique de conseiller cela à tout le monde.

Lire aussi : Une vie sans sucre… Vraiment ? – Salle de presse de l’Inserm

… et des arguments marketing douteux

Et là où il faut vraiment se méfier, c’est lorsque les défis sans sucre servent à nous vendre des compléments alimentaires censés « réguler la glycémie ».

Par exemple, ceux à base de chrome sont extrêmement populaires. Pourtant, ils ne sont pas recommandés pour l’ensemble de la population. Bien que le chrome puisse contribuer au métabolisme normal des macronutriments tels que les protéines, les glucides et les lipides, ainsi qu’au maintien d’un taux normal de glucose dans le sang, il n’a pas d’effet reconnu sur le contrôle du poids ou sur la réduction de la fatigue, selon les autorités sanitaires européennes. De plus, l’American Diabetes Association (l’association américaine du diabète) déconseille son utilisation pour réduire la glycémie, car ses effets bénéfiques sont jugés trop faibles lorsque mis en balance avec les risques d’effets secondaires (problèmes rénaux, maux d’estomac, nausée…).

Et de manière générale, les autorités sanitaires comme l’Anses et l’Institut national du cancer (INCa) considèrent qu’il n’est pas nécessaire de recourir aux compléments alimentaires, sauf en cas de carences liées à des facteurs spécifiques comme l’âge, la grossesse ou certaines pathologies, et sous contrôle médical.

Lire aussi : Surveiller sa glycémie en l’absence de diabète, vraiment ? – Salle de presse de l’Inserm

Pas plus de 100 grammes de sucre par jour

Plutôt que de se priver totalement de sucres libres ou de surveiller sa glycémie, l’Anses conseille d’éviter les excès : ne pas dépasser 100 grammes (g) de sucres par jour pour les adultes et les adolescents de 13 à 17 ans, qu’ils soient naturellement présents dans l’alimentation ou ajoutés – en excluant le lactose et le galactose naturellement présents dans les produits laitiers. Pour les enfants de 8 à 12 ans, la limite est fixée à 75 g, et de 4 à 7 ans, à 60 g.

Ces recommandations sont cohérentes avec celles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui préconise de limiter la consommation de sucres libres à 25 g par jour, soit environ 6 cuillères à café.

Pour avoir un ordre de grandeur, un verre du jus d’orange, c’est déjà 20 g, une portion de moelleux au chocolat industriel, environ 40, une pomme équivaut à 12 g de sucre et un cheeseburger dans un fast-food, à 6 g[1].

💡Et les édulcorants ?

Les études pointant des risques potentiels liés à la consommation régulière d’édulcorants s’accumulent. Le Centre international de recherche contre le cancer de l’OMS a récemment classé l’aspartame comme « cancérigène possible pour l’humain ». Dans l’étude NutriNet-Santé portant sur plus de 100 000 adultes français, l’exposition aux édulcorants était associée à un risque plus élevé de cancers, maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2. Les autorités sanitaires ne les considèrent donc pas comme une alternative sûre au sucre.

La vraie bonne idée : regarder le Nutri-Score, éviter les aliments ultra-transformés et avoir une activité physique régulière 

Modérer sa consommation de sucre est bénéfique pour la santé, mais ce n’est pas une solution miracle pour perdre du poids, avoir une belle peau ou se sentir mieux. L’essentiel est de privilégier un équilibre alimentaire global.

Fondé sur les données scientifiques des dix dernières années, le Programme national nutrition santé (PNNS) recommande de privilégier les aliments mieux classés (A ou B) au Nutri-Score[2] et d’éviter les aliments ultra-transformés, souvent trop gras, sucrés et salés.

Ce programme met également l’accent sur l’importance d’une activité physique régulière et sur le plaisir de manger, essentiel pour adopter des habitudes durables. Il soutient des mesures telles que la taxe sur les boissons sucrées pour réguler le marketing et l’offre alimentaire. Des recettes et des astuces pour manger mieux et bouger petit à petit sont disponibles sur le site mangerbouger.fr

Réduire notre consommation de sucre est un enjeu de santé publique. Le chemin reste encore long : en France, 20 à 30 % des adultes et des adolescents consomment des quantités de sucre supérieures à celles recommandées par l’Anses, un pourcentage qui grimpe à 60 % chez les enfants de 8 à 12 ans, et atteint même 75 % chez ceux de 4 à 7 ans.

[1] Ces données sont issues de la table de composition nutritionnelle Ciqual 2020 réalisée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), disponibles sur ciqual.anses.fr.

[2] La notation au Nutri-Score s’appuie sur les conclusions d’une des plus grandes bases de données épidémiologiques nutritionnelles françaises, NutriNet-Santé (etude-nutrinet-sante.fr/) et sur plus de 130 publications scientifiques dans le monde (https://nutriscore.blog/2022/09/23/bibliography-references/).

 

Texte rédigé avec le soutien de Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm et Emmanuel Cosson, endocrinologue, Hôpital Jean-Verdier (AP-HP).

Des aliments « magiques » contre l’infertilité ?

AnanasPhoto de Brooke Lark sur Unsplash

C’est un sujet encore tabou alors même qu’il concerne un grand nombre de personnes : en France, un couple sur quatre essayant d’avoir un enfant est touché par l’infertilité. En parallèle, les chiffres de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP) ne cessent d’augmenter ces dernières années. Désormais, 3,9 % des enfants français sont conçus par différentes techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP), soit 1 enfant sur 30.

Il s’agit donc d’un problème de santé publique majeur, et les autorités commencent petit à petit à prendre conscience de l’ampleur du phénomène et à mettre en place des mesures pour y répondre, tel que recommandé dans le rapport sur les causes de l’infertilité de Hamamah et Berlioux remis au gouvernement en février 2022 pour poser les bases d’une stratégie nationale de lutte contre l’infertilité.

Malgré ces progrès et une volonté politique d’agir dans le domaine de l’infertilité, les informations fiables et claires à destination des couples qui souhaitent concevoir demeurent encore insuffisantes. D’autant que les discours sur l’infertilité se retrouvent bien souvent noyés sous une prolifération d’idées reçues, voire de fake news diffusées sur internet.  Des pseudo « aliments miracles » aux régimes alimentaires censés « booster » la fertilité, les couples peuvent être assaillis de propositions en tous genre supposées les aider. Celles-ci sont au mieux coûteuses et inutiles, au pire risquées pour la santé. Canal Détox revient sur cette problématique majeure.

 

Quelles sont les causes de l’infertilité ?

Pour accompagner les couples touchés par l’infertilité, encore faut-il bien en diagnostiquer les causes. Celles-ci sont en fait multiples et pas encore toujours bien connues, mêlant des facteurs sociétaux, environnementaux et médicaux.

Le recul de l’âge de la maternité, lié à de multiples évolutions sociales et culturelles, est considéré comme un facteur important de la hausse de l’infertilité. En effet, on sait que la fertilité est optimale à l’âge de 25 ans et décline progressivement à partir de 30 ans, or l’âge moyen des Françaises à l’accouchement est aujourd’hui de 30,7 ans.

Des facteurs environnementaux sont aussi à l’origine de la hausse de l’infertilité. Une méta-analyse réalisée en 2017 a fait apparaître un déclin de plus de 50 % de la concentration spermatique chez les hommes des pays industrialisés entre 1973 et 2011. Ce phénomène pourrait en partie être lié à une exposition régulière aux perturbateurs endocriniens. En outre, des travaux ont montré que certains comportements, comme la consommation régulière d’alcool, de tabac ou de cannabis pendant les six mois précédents la grossesse, mais aussi le fait d’être en situation d’obésité ou de souffrir de troubles alimentaires, étaient des facteurs de risque d’infertilité.

Enfin, on sait aussi que certaines pathologies peuvent être à l’origine de problèmes de fertilité, chez les hommes comme chez les femmes. Par exemple, chez les premiers, des troubles d’origine endocrinienne ou liés à des lésions des voies génitales peuvent être en cause, tandis que chez les secondes, des maladies comme l’endométriose ou le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) peuvent avoir un impact sur la fertilité.

Enfin, dans certains cas, la cause n’est pas toujours clairement identifiée et dans d’autres, plusieurs causes peuvent se combiner. On estime que dans trois quarts des cas, l’infertilité est d’origine masculine, féminine, ou elle associe les deux sexes. Dans 10 à 15 %, elle est d’origine inexpliquée : elle n’est pas attribuable à un « défaut » spécifique d’un des deux partenaires.

 

Les femmes, plus ciblées sur internet

Quand on prend conscience de cette multiplicité de causes, et de leurs interactions parfois complexes, il est difficile d’imaginer qu’il existerait un régime miracle qui résoudrait tous les problèmes d’infertilité.

C’est pourtant ce que promettent certains gros titres dans les magazines féminins, certaines discussions sur des forums en ligne, ou encore des vidéos sur Tik Tok et Instagram. Comme on l’a déjà évoqué, l’infertilité n’est pas forcément d’origine féminine, mais les messages diffusés sur ces plateformes, qui recommandent tout un tas d’aliments ou de remèdes « magiques », ciblent prioritairement les femmes.

Petit aparté : plusieurs études ont montré que les problèmes de santé considérés comme « féminins » ne sont pas toujours pris au sérieux par la médecine ou encore que les perceptions qu’ont les médecins de la gravité des symptômes de leurs patients peuvent varier en fonction du sexe de ces derniers. Des enquêtes montrent régulièrement que les femmes ont plus tendance que les hommes à ne pas se sentir suffisamment écoutées et considérées par les professionnels de santé.  C’est d’autant plus vrai quand il s’agit d’un problème de santé considéré comme intime et tabou, comme l’infertilité.

Dans ce contexte, certaines peuvent être tentées de « résoudre » le problème de leur côté, sans se tourner vers des médecins, surtout si elles sont par ailleurs régulièrement la cible de contenus diffusés en ligne proposant des solutions « faciles », toutes faites.

 

Aucune recette miracle, aucun aliment magique

Rappelons donc qu’aucune étude n’a jamais démontré les propriétés d’un régime particulier ou d’un aliment spécifique pour prévenir l’infertilité ou augmenter les chances d’une grossesse.

Certaines affirmations diffusées massivement sur les réseaux sociaux sont ainsi clairement erronées ou exagérées. Par exemple, l’idée que manger des fruits contenant des antioxydants permettrait de prévenir l’infertilité. Manger des fruits, en accord avec les quantités journalières recommandées, est certes bénéfique pour la santé, mais il serait illusoire de croire que cela serait la solution pour éviter tout problème d’infertilité, et que les antioxydants qu’ils contiennent auraient des vertus miraculeuses. De même que l’ananas ou les œufs ne sont pas les aliments « magiques » qui ont parfois été décrits.

Enfin, certains sites diffusent des messages confus autour de la vitamine B9 (acide folique), suggérant qu’elle serait utile pour stimuler la fertilité. Or si la supplémentation en vitamine B9 avant et en début de grossesse est effectivement utile pour prévenir une malformation du fœtus (le spina bifida), aucune étude solide ne montre que cela aurait un impact sur la fertilité.

La seule chose que l’on peut dire avec certitude, c’est qu’une hygiène de vie satisfaisante est recommandée aux couples souhaitant concevoir.

 

Texte rédigé avec le soutien de Samir Hamamah, professeur des universités, chercheur dans l’unité Inserm 1203 Développement embryonnaire précoce humain et pluripotence, chef de service au CHU de Montpellier, et auteur du plan national de la fertilité ; et avec le soutien de Stéphanie Chauvin, chargée de recherche Inserm au sein du laboratoire Physiologie de l’axe gonadotrope.

Autre ressource : Idées reçues sur l’infertilité, Hamamah S. 2024, éditions Le cavalier bleu

Surveiller sa glycémie en l’absence de diabète, vraiment ?

testeur de glycémie, crédits : Fotalia © Fotalia

C’est une tendance qui revient de temps à autres sur les réseaux sociaux, notamment via des comptes très suivis : de nombreux influenceurs parlent régulièrement à leurs abonnés de glycémie et évoquent l’impact du sucre sur la santé. Certains vont même jusqu’à se procurer des capteurs de glycémie, en vente libre sur internet, afin de suivre leur taux de sucre dans le sang tout au long de la journée, arguant qu’il s’agit d’un bon moyen pour mieux connaître son métabolisme et adapter son alimentation. Normalement réservés aux personnes vivant avec un diabète, ces capteurs ont-ils vraiment une utilité pour le reste de la population ? Et que penser des arguments avancés par certaines personnalités qui, sur les réseaux sociaux, font la « chasse » au glucose à tout prix ? Est-ce une méthode miracle pour être en bonne santé et perdre du poids ? Canal Détox se penche sur ce sujet.

La glycémie est le taux de glucose dans le sang. Avant tout chose, il est utile de rappeler que le glucose issu de notre alimentation est nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme. Il sert en effet de substrat énergétique à un grand nombre de cellules, qui l’utilisent pour produire de l’énergie. Tout l’enjeu est d’adapter son alimentation pour apporter cette source d’énergie au corps sans dépasser des doses qui pourraient être délétères pour la santé.

Valeurs de la glycémie

Chez une personne à jeun, les valeurs « normales » de la glycémie se situent entre 0,70g/L et 1,10g/L. Plus globalement, on peut dire qu’en l’absence de diabète, la glycémie varie naturellement au cours de la journée autour de 1 g/L, en fonction des repas ou de l’activité physique. Elle est d’environ 0,8 g/L avant les repas ou après la pratique d’une activité physique et augmente tout de suite après un repas, pour rediminuer progressivement ensuite. Ce « pic » après la prise de nourriture est donc tout à fait adapté.

Le diabète, qu’il soit de type 1 ou de type 2 (même si les mécanismes en cause sont différents), se caractérise par un excès de glucose dans le sang. Pour les personnes touchées par la maladie, la surveillance de la glycémie plusieurs fois par jour, au moyen d’un lecteur ou d’un capteur, est souvent nécessaire.

En effet, les mesures obtenues permettent de confirmer les épisodes d’hyperglycémie ou d’hypoglycémie qui peuvent survenir chez les patients au cours de la journée, d’adapter les traitements par insuline pour ceux qui en prennent ou de mieux comprendre les effets de l’alimentation, du stress, de l’activité physique ou de la prise de médicaments sur la glycémie.

Pour en savoir plus sur le diabète de type 1 et 2 et les traitements, lire nos articles :

https://www.inserm.fr/dossier/diabete-type-1/

https://www.inserm.fr/dossier/diabete-type-2/

En revanche, ces mesures n’ont pas d’utilité démontrée pour les personnes non malades. Or certains influenceurs continuent à préconiser l’usage de capteurs de glycémie à leurs abonnés même en l’absence de diabète, ce qui conduit des professionnels de santé à s’inquiéter.

Tandis que les personnes vivant avec un diabète respectent des indications de prescription précises et sont bien suivies par leurs médecins, le risque pour celles qui utilisent ces dispositifs sans être malade est de surinterpréter les résultats. Adopter cette pratique peut dès lors susciter des inquiétudes non fondées vis-à-vis de sa santé et conduire à « pathologiser » une réaction physiologique naturelle, comme celle d’un pic de glycémie après la prise de nourriture. Cela constitue un terreau qui peut pousser certaines personnes vers des comportements obsessionnels pouvant évoluer vers des troubles du comportement alimentaire.

Des conseils nutritionnels pour contrôler sa glycémie ?

Au-delà de l’usage des capteurs de glycémie, certains conseils nutritionnels pour « limiter le sucre » ont grandement été relayés par des comptes très populaires sur les réseaux sociaux. Le problème est qu’il peut être difficile de faire la part des choses entre des conseils qui peuvent avoir une certaine légitimité, et des informations erronées ou trompeuses.

Prenons par exemple l’idée très relayée selon laquelle il faudrait commencer ses repas par de fruits et de légumes ou bien faire de la marche tout de suite après manger pour limiter les pics de glycémie. Il n’y a pas en soi de données scientifiques solides qui viennent appuyer ces idées permettant d’affirmer que l’on doit assigner un ordre aux aliments que l’on mange ou que faire de l’activité physique à un moment précis est beaucoup plus bénéfique qu’à un autre.

Néanmoins, ces conseils peuvent tout de même avoir des avantages indirects pour la santé des personnes, dans la mesure où cela les incite à consommer plus de fruits et légumes ou à lutter contre la sédentarité. Cela peut expliquer pourquoi certains peuvent se sentir « mieux » en appliquant cette méthode.

Le problème, c’est que ces conseils de bons sens sont souvent justifiés au moyen de théories farfelues et d’une diabolisation à l’extrême du glucose. Surtout, cela met en avant l’idée qu’il y aurait une approche « miracle » pour rester en bonne santé ou pour perdre du poids. On sait pourtant que ce n’est pas le cas : la santé métabolique et la perte de poids dépendent de nombreux facteurs, à la fois génétique et environnementaux, et il ne suffit pas de faire la « chasse au glucose ». Les recommandations du Programme National Nutrition Santé (PNNS) ont été élaborées, elles, sur des bases scientifiques solides. Elles regroupent l’ensemble des conseils à appliquer pour contribuer à limiter la prise de poids et l’obésité, et à prévenir les maladies chroniques (cardiovasculaire, diabète de type 2, cancer…). Des déclinaisons existent selon l’âge ou la situation de chacun (grossesse, sportifs…).

Si de plus en plus d’études portant sur des dizaines de milliers de participants semblent pointer vers un lien entre index glycémique des aliments et risque accru de diabète, maladies cardiovasculaires, cancers liés au diabète et mortalité, ce n’est pas en surveillant les fluctuations naturelles de notre glycémie à longueur de journée que l’on améliorera la prévention. Les clés résident dans l’adoption d’une alimentation en adéquation avec les recommandations du PNNS et le fait de privilégier les aliments mieux classés au Nutri-Score (qui sont notamment moins riches en sucre et en gras).

Il est aussi important de se méfier des sites qui vendent des compléments alimentaires « miracles » pour « réguler sa glycémie ». Aucune instance de santé publique ne les recommande à l’heure actuelle pour la population générale en bonne santé.

En matière de glycémie, de nutrition, comme en matière de santé en général, les  » fake news  » sont nombreuses sur les réseaux sociaux et sur internet. Il est fondamental de s’assurer de la fiabilité des sources d’information consultées…  et de se rappeler que si une méthode conseillée pour prendre soin de sa santé ou pour perdre du poids semble « miraculeuse », c’est qu’elle est sûrement trop belle pour être vraie !

Consulter aussi notre vidéo Canal Détox : Une vie sans sucre vraiment ?

Texte rédigé avec le soutien de Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm et Emmanuel Cosson, endocrinologue, Hôpital Jean-Verdier (AP-HP).

« Descente d’organes » : les femmes après la grossesse sont les seules concernées, vraiment ?

Le prolapsus est un problème de santé souvent tabou, alors qu’une femme sur trois pourrait être concernée à un moment de sa vie, et qu’une femme sur dix pourrait avoir besoin d’une chirurgie. Communément appelé « descente d’organes », ce problème survient quand l’un des organes présents dans le bassin (la vessie, le rectum ou l’utérus)[1] n’est plus maintenu par les muscles et les ligaments constituant le plancher pelvien.

Le manque de communication autour de la descente d’organes implique que de nombreuses fausses informations circulent toujours, entravant la capacité des femmes touchées à prendre des décisions éclairées sur leur santé. Récemment par exemple, une étude publiée dans le Journal of Obstetrics and gynaecology Canada soulignait les dangers d’une pratique appelée « sauna vaginal », qui consiste à s’assoir au-dessus d’un récipient contenant de l’eau brûlante et des plantes, et qui a parfois été vantée comme permettant d’atténuer les symptômes du prolapsus.

Pourtant, il s’agit d’une approche risquée, qui n’est absolument pas fondée sur des données scientifiques rigoureuses, et qui peut entraîner des brûlures au deuxième degré. De plus, certains sites d’information véhiculent parfois des idées reçues, comme par exemple que le prolapsus concernerait exclusivement les femmes après la grossesse.

Quels sont réellement les facteurs de risque qui prédisposent au prolapsus ? Quelles sont les options thérapeutiques aujourd’hui disponibles pour les personnes qui en souffrent ? Canal Détox revient sur ces questions dans ce nouvel article de sa série « Santé des femmes ».

 

Le prolapsus touche de nombreuses personnes

Souvent considérée comme taboue, la descente d’organe est souvent reléguée, dans l’imaginaire collectif à un trouble peu fréquent, qui ne toucherait que les femmes après l’accouchement.

Il est vrai que la grossesse est un facteur de risque et que la probabilité de développer un prolapsus augmente si la patiente a eu plusieurs accouchement et/ou a accouché par voie basse, notamment avec l’utilisation de forceps.  Cependant, les femmes n’ayant pas eu d’enfant peuvent aussi être concernées, d’autres facteurs pouvant en effet augmenter la probabilité de développer un prolapsus. Parmi les autres facteurs de risque, l’âge est, jusqu’à 50 ans significativement associé à une augmentation de la prévalence.

Après la ménopause, la prévalence demeure stable mais la sévérité du prolapsus, elle, augmente. La constipation chronique, l’obésité, certaines malformations congénitales au niveau vaginal, certaines maladies rares des tissus conjonctifs (comme les syndromes d’Ehlers-Danlos) ou encore la pratique de certaines activités physiques très intenses et régulières ont aussi été mises en cause. 

Enfin, si le prolapsus rectal – lorsque le rectum n’est plus soutenu par le plancher pelvien – touche toujours plus les femmes que les hommes, ces derniers peuvent aussi être concernés.  Quand c’est le cas, le prolapsus survient plus précocement que chez les femmes, avant l’âge de 40 ans. De manière général, le prolapsus rectal est moins fréquent dans la population adulte que les autres formes, avec une prévalence de 0,5 % environ selon certaines sources (même si les données sur le sujet restent rares et la détection difficile).

 

Développer de nouveaux traitements

Dans le cas du prolapsus génital qui touche les femmes, les options thérapeutiques proposées vont dépendre de l’âge de la patiente et de la sévérité des symptômes. Pour un cas modéré, il est possible de proposer des mesures de prévention (perte de poids si nécessaire, adaptation de l’activité physique…) visant à contrôler l’évolution des symptômes, des mesures de rééducation périnéale, ou le port d’un pessaire (un dispositif intravaginal en silicone).

La chirurgie est proposée si les autres mesures ne sont pas suffisantes et si les symptômes deviennent handicapants au quotidien. Plusieurs techniques (chirurgie par voie abdominale et chirurgie par voie vaginale) sont possibles en fonction du profil de la patiente, mais toutes comportent des limites.

Le problème principal est qu’actuellement, les prothèses synthétiques qui étaient utilisées pour soutenir les organes dans le cadre de la chirurgie par voie vaginale – plus rapide que la chirurgie abdominale et ne nécessitant pas d’anesthésie générale – ne sont plus autorisées.

En effet, elles provoquent parfois des complications sévères, des douleurs extrêmes, voire des handicaps. En France, elles seraient responsables de complications graves dans 2,8 % des cas à court terme après la chirurgie. Il est par ailleurs très difficile de les retirer une fois posées.

Des équipes de recherche, notamment à l’Inserm, travaillent donc pour proposer de alternatives, par exemple des prothèses en matière biologique, ne cisaillant pas les organes et limitant les réactions inflammatoires. Cependant, ces travaux majeurs nécessiteront encore du temps et des financements pour être menés à terme.

En attendant, le nombre limité de solutions pour certaines femmes peut les conduire à se tourner vers des thérapies alternatives, parfois présentées comme « miraculeuses », alors qu’elles peuvent comporter des risques.

Rappelons donc encore une fois que ni les « saunas vaginaux » évoqués plus haut, ni la consommation d’Aloe vera, ni les techniques comme l’acupression ou la réflexologie plantaire n’ont fait leurs preuves dans la prévention ou dans le traitement du prolapsus. Leur utilité pour accompagner la rééducation du périnée ne repose pas non plus sur des bases scientifiques solides. 

Le prolapsus constitue un problème de santé publique auquel vont devoir faire face les médecins. Proposer une médecine centrée sur l’écoute des patientes afin de mettre en place les bonnes mesures de prévention au bon moment et diagnostiquer rapidement, mais aussi continuer les recherches au bénéfice des femmes, constituent des priorités pour le système de santé dans les années à venir.

Texte rédigé avec le soutien de Diane Potart et Yoann Torres, chercheurs au sein du laboratoire Biotis de l’Inserm à Bordeaux.

 

[1] On parlera de prolapsus génital lorsque le vagin s’extériorise par la vulve. On parlera de prolapsus rectal lorsque le rectum s’extériorise par l’anus, les hommes aussi peuvent être touchés.

Le « Féminin Sacré » pour lutter contre l’endométriose, vraiment ?

« Je propose des soins énergétiques du Féminin sacré pour renouer avec soi-même, retrouver sa véritable nature sensuelle, puissante, sauvage et libre… Des soins pour soulager l’endométriose et le syndrome polykystique. »

« Je vous guide vers la guérison de votre féminin blessé (endométriose, cancer du sein, de l’utérus, troubles gynécologiques …). »

De telles propositions fleurissent sur certains sites de thérapeutes auto-proclamés ou encore sur des comptes Instagram. Au cœur des discours qui sont relayés, on retrouve bien souvent le concept de Féminin sacré, qui se situe à l’intersection entre la spiritualité et le développement personnel.

Définir le Féminin sacré n’est pas aisé, car il s’agit d’un mouvement pluriel, qui ne fait ni référence à une communauté homogène ni à des pratiques ou des idées toujours bien définies. Néanmoins, un aspect semble être central : la notion que les femmes possèderaient un « pouvoir », une puissance intérieure particulière, à explorer et à célébrer.

Comme la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) le souligne dans un rapport datant de 2022, le Féminin sacré est d’ailleurs souvent présenté comme un travail de « reconnexion » du corps et de l’esprit, enseigné lors de stages et de rituels ou encore auprès de personnes qui se définissent comme « thérapeutes ».

Si l’émancipation des femmes, la sororité et la quête de sens sont au cœur de la théorie du Féminin sacré, certains observateurs, dont la Miviludes, s’inquiètent toutefois de potentielles dérives. Parmi les critiques qui sont soulevées : une tendance à essentialiser les femmes en les réduisant à des fonctions biologiques ou des facultés reproductives, ou encore le fait que le Féminin sacré s’apparente souvent à un business, reposant sur une offre de stages et de pratiques non réglementées aux coûts élevés.

Ces dernières années, des craintes ont également été évoquées en lien avec de potentielles répercussions sur la santé des femmes, notamment celles qui souffrent d’endométriose. Canal Détox revient ici plus spécifiquement sur cette problématique.

 

Des patientes à la recherche de solutions

L’endométriose est une maladie gynécologique qui concerne environ une femme sur dix en âge de procréer. Causée par la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus, elle peut provoquer des douleurs parfois invalidantes, notamment au moment des règles. D’autres symptômes peuvent être observés, variables d’une femme à l’autre : troubles digestifs, fatigue chronique, douleurs pendant les rapports sexuels, en allant aux toilettes… Enfin, pour les femmes en âge de procréer, la maladie peut dans certains cas être associée à une infertilité.

Ces dernières années ont été marquées par un renouveau d’intérêt pour l’endométriose dans la communauté scientifique et médicale, renforcé en 2022 par le lancement de la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose.

Aucune solution n’existe à ce jour pour guérir de l’endométriose. Des traitements visant à réduire les symptômes sont disponibles, mais ils ne sont pas efficaces pour toutes les patientes. En cas d’échec de ces médicaments, une chirurgie peut être proposée pour éliminer les lésions associées à la maladie, ce qui peut entraîner une disparition des symptômes à plus ou moins long terme.

Néanmoins, cette stratégie n’est là encore pas toujours efficace, puisqu’il y a un risque de récidive. Des travaux ont ainsi estimé qu’environ la moitié des patientes présentaient des symptômes récurrents dans les cinq ans, quelle que soit l’approche thérapeutique utilisée.

Par ailleurs, des retards de diagnostic peuvent aussi compliquer la prise en charge. Il n’existe aujourd’hui pas de technique de dépistage spécifique de la maladie, que ce soit pour les femmes à risque ou en population générale. Les patientes qui présentent des symptômes peuvent se voir proposer un examen clinique (examen gynécologique) qui permet ensuite d’orienter la prescription d’une échographie endovaginale ou d’une IRM pelvienne. Seuls ces examens couplés à une biopsie (lorsque celle-ci est possible) sont capables de donner des réponses fiables aux patientes.

Cette situation, associée à une connaissance insuffisante de l’endométriose par les professionnels de santé, engendre des retards de diagnostic importants, et explique qu’à l’heure actuelle, il s’écoule en moyenne un délai de 7 à 12 ans, selon les études, avant que le diagnostic ne soit définitivement posé.

Confrontées à une large palette de symptômes qui impactent directement leur qualité de vie, à des traitements pas toujours efficaces et à des retards de diagnostic qui peuvent partiellement être dus à une minimisation, une normalisation ou une psychologisation des symptômes par certains professionnels de santé, une forme de découragement et de défiance des patientes envers la médecine peut s’installer. 

Certaines patientes peuvent être amenées à se détourner d’une prise en charge médicale « conventionnelle » pour chercher d’autres solutions.

 

Des approches non médicamenteuses utiles ?

Les premiers résultats issus de la cohorte ComPaRe Endométriose coordonnée par la chercheuse Marina Kvaskoff, Prix Inserm Science et société-Opecst 2023, ont ainsi souligné que 80 % des participantes atteintes d’endométriose ont eu recours au moins une fois à une pratique alternative comme l’ostéopathie, l’acupuncture, la méditation ou la sophrologie…

Il faut noter qu’à l’heure actuelle, la plupart de ces pratiques n’ont pas démontré d’efficacité propre, supérieure à un placebo. Si certaines études démontrent une efficacité pour certaines pratiques, leur méthodologie peut comporter des limites. Et à l’inverse, d’autres travaux n’ont pas démontré l’efficacité de ces pratiques. Aucun consensus clair n’est donc en mesure de se dégager à leur sujet.

Néanmoins, il semblerait que l’efficacité perçue de certaines approches non conventionnelles serait principalement liée au contexte de ces consultations : les praticiens qui proposent ces approches prennent généralement le temps de recevoir les patientes, et ont une écoute attentionnée et bienveillante qui peut parfois manquer dans les consultations de médecine conventionnelle.

En ce sens, les effets contextuels, présents dans ces approches comme dans tout acte thérapeutique, peuvent aider les patientes dans la gestion de leurs symptômes. Toutefois, le recours à ces pratiques ne doit en aucun cas se substituer entièrement aux traitements médicaux, et il est important d’en faire part à l’équipe médicale qui suit la patiente.

 

« Culpabilisation » des femmes

Or c’est justement ce point qui inquiète certains soignants. Ils craignent que des « thérapeutes » autoproclamés qui proposent des approches non médicamenteuse – tout particulièrement des approches peu documentées s’appuyant sur une rhétorique propre au Féminin sacré – conduisent certaines patientes à renoncer entièrement aux soins et aux traitements médicamenteux.

Nuançons : nous ne disposons pas de données solides concernant le nombre de patientes qui ont recours à de telles approches pour « soigner leur féminin blessé » ou qui participent à des cérémonies de bénédiction de l’utérus – des rituels s’appuyant sur une « technique énergétique cherchant à harmoniser les énergies des femmes » – dans l’espoir d’apaiser leurs symptômes. Il est néanmoins utile, alors que les mouvements fondés sur le Féminin sacré prennent de l’ampleur, de rappeler que toutes les approches « thérapeutiques » qui en découlent ne s’appuient en aucun cas sur des preuves scientifiques solides, qu’elles sont souvent coûteuses pour les patientes et qu’elles peuvent conduire à une culpabilisation des femmes.

Sur ce dernier point, la Miviludes alertait notamment sur le fait que certaines femmes peuvent être confrontées à un discours hasardeux et culpabilisant, qui les ferait se sentir responsables de leurs symptômes : « Il est affirmé que si une femme a des règles douloureuses, c’est qu’elle n’est pas en accord avec sa nature profonde de femme. En d’autres termes, elle serait responsable de cette souffrance. »

L’endométriose est une maladie qui est longtemps restée dans l’ombre, ce qui explique le désarroi des patientes et leur volonté de se tourner parfois vers des solutions non médicamenteuses et des alternatives à la médecine conventionnelle.

De nouvelles connaissances sur l’endométriose, et un accompagnement plus bienveillant des patientes, émergent peu à peu, ouvrant la voie à un meilleur repérage ainsi qu’une meilleure prise en charge.

Il est maintenant nécessaire de continuer les efforts de recherche et de communication auprès des patientes et d’apprendre à mieux les écouter.

Améliorer les parcours de soin, notamment en matière de relation de soin, est une voie qu’il faut poursuivre si l’on veut réellement accompagner les patientes et si l’on souhaite éviter toute dérive et tout renoncement à une prise en charge médicale.

Il pourrait également être intéressant que les soignants soient eux-mêmes formés sur les fondements des « thérapies » ou des pratiques qui n’ont pas de base scientifique solide, ainsi que sur leurs dérives, afin qu’ils puissent mieux informer les patientes de manière transparente, et que celles-ci puissent faire un choix parfaitement éclairé sur les soins complémentaires auxquels elles souhaitent avoir recours.

Texte rédigé avec le soutien de Marina Kvaskoff, directrice de recherche Inserm, épidémiologiste au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP) à Villejuif et d’Hélèna Schoefs, doctorante en sociologie au Laboratoire de psychologie sociale et cognitive (Lapsco), université Clermont-Auvergne – Unité de recherche Adaptation, résilience et changement (ARCh), université de Liège (Belgique)

Changement climatique : un impact différent sur la santé des femmes, vraiment ?

Le dérèglement climatique est l’une des plus graves menaces qui pèse sur la planète. Si des recherches supplémentaires sont nécessaires pour bien décrire tous les risques associés à ce phénomène, l’impact sur la santé de différentes populations commence à être bien documenté.

On sait par exemple aujourd’hui que la hausse des températures modifie la répartition géographique de certaines maladies à transmission vectorielle. Les températures plus élevées et l’exposition aux UV constituent aussi une menace directe pour la physiologie et la santé humaine. Citons notamment les conséquences délétères des canicules, plus fréquentes du fait du changement climatique : en Europe la chaleur record de l’été 2022 a par exemple entraîné plus de 61 000 décès.

Par ailleurs, les catastrophes naturelles liées au changement climatique, telles que les épisodes de sécheresse et les inondations, s’accélèrent avec des impacts directs et indirects sur la santé. Ces catastrophes entraînent en effet des problèmes de sécurité alimentaire ainsi que d’accès à l’eau potable, d’assainissement et d’hygiène, et limitent l’accès aux services de santé et à l’information médicale. Le changement climatique est aussi associé à un risque pandémique futur dans la mesure où il pourrait accélérer les déplacements d’espèces sauvages qui constituent de potentiels réservoirs viraux ainsi que les mouvements de populations, augmentant ainsi la diffusion des maladies.

Tous ces phénomènes sont de plus en plus médiatisés et expliqués au public. Néanmoins, il faut se rendre à l’évidence : les conséquences du dérèglement climatique ne touchent pas toutes les populations de la même manière.

Des facteurs de risque liés au pays de résidence, à l’âge, au sexe et au genre ou encore au milieu socio-économique peuvent rendre les individus plus vulnérables au changement climatique. Parmi ces différents facteurs, de nombreuses études ont été publiées pour examiner le poids du sexe et du genre et décrire la manière dont ces inégalités s’entrecroisent avec les inégalités de santé face aux phénomènes climatiques.

Alors les femmes sont-elles plus à risque de voir leur santé se dégrader à cause du changement climatique ? L’impact du changement climatique sur la santé des femmes est-il seulement physique ? Comment s’intéresser, dans ce contexte, à la santé mentale ? Canal Détox fait le point dans ce nouvel article de son hors-série sur la santé des femmes.

Des problèmes pour la santé maternelle bien documentés

C’est souvent sous l’angle de la santé maternelle que la question du sexe, du genre et du changement climatique a été étudiée.

Soulignons tout d’abord que les chaleurs extrêmes augmentent l’aire de répartition géographique de certains vecteurs de maladies notamment les tiques ou les moustiques, et donc la propagation des maladies à transmission vectorielle telles que le paludisme ou le virus Zika. Or ces maladies ont des impacts particulièrement délétères sur la santé des femmes enceintes et des nouveau-nés.

Des études ont montré que les femmes enceintes étaient particulièrement à risque d’être piquées par des moustiques, du fait de plusieurs changements physiologiques et comportementaux qui se produisent pendant la grossesse. Une étude menée en Gambie a par exemple montré que la température corporelle des femmes enceintes attire plus facilement les moustiques. Par ailleurs, les femmes enceintes vont plus souvent quitter la protection des moustiquaires pour uriner la nuit et se font ainsi piquer par des moustiques, plus actifs aux heures nocturnes. Ceci a des conséquences à la fois sur la santé des mères, qui vont développer plus fréquemment des maladies portées par les moustiques, mais aussi sur celle des enfants qu’elles portent. Le paludisme maternel augmenterait en effet le risque d’avortement spontané, d’accouchement prématuré, de mortinatalité et d’insuffisance pondérale à la naissance. Quant au virus Zika, il est aujourd’hui bien établi que si la mère est infectée pendant la grossesse, le risque de malformations congénitales, dont la microcéphalie, est accru.

Les résultats de travaux qui s’intéressent aux effets de la chaleur et de la pollution atmosphérique sur la santé maternelle et infantile sont plus contrastés. Mais dans l’ensemble, les données disponibles suggèrent une augmentation de plusieurs problèmes, dont le risque de prééclampsie, de mortinatalité (enfants nés sans vie après 6 mois de grossesse) et de fausses couches.

Une grande analyse de littérature scientifique publiée dans le journal JAMA Network s’est intéressée à 32 798 152 naissances aux États-Unis et a montré une association significative entre exposition à de fortes températures et complications lors de l’accouchement. En France, l’exposition des mères à la chaleur au cours de la grossesse a été associée à un risque accru de prématurité et à une diminution du poids de naissance. De moindres performances pulmonaires étaient également observées chez les nouveau-nés filles, suggérant ainsi que des inégalités liées au sexe sont présentent dès le début de la vie. L’exposition aux particules fines ou à l’ozone a aussi été associée à un risque accru de naissance prématurée et à un faible poids de naissance dans la plupart des études considérées.

Par ailleurs, le dérèglement climatique affecte la santé sexuelle et reproductive des femmes et leur capacité à recevoir un accompagnement gynécologique adapté. Comme le souligne un rapport du Fonds des Nations Unies pour la population, des données montrent que les catastrophes climatiques entraînent notamment des perturbations majeures dans l’accès à la contraception et que les décès maternels liés à des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses sont susceptibles d’être beaucoup plus nombreux dans ces situations d’urgence.

Une équipe Inserm étudie l’impact de la pollution atmosphérique sur le placenta

Comment l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse impacte-t-elle son bon déroulement et le développement de l’enfant à naître ?

C’est ce qu’une étude de l’Inserm et de l’université de Grenoble tente de comprendre. En comparant les données obtenues chez près de 1 500 femmes enceintes, elle a ainsi pu observer que l’exposition à ces polluants durant la grossesse était associée à des modifications épigénétiques susceptibles d’altérer le développement du fœtus, en particulier au niveau métabolique, immunitaire et neurologique. Les résultats obtenus par les scientifiques montrent en outre que les périodes de susceptibilité aux polluants de l’air seraient différentes en fonction du sexe du fœtus, impactant ainsi le développement de façon différenciée entre les filles et les garçons.

Pour aller plus loin, consultez nos communiqués :

https://presse.inserm.fr/vulnerabilite-du-placenta-a-la-pollution-de-lair-quels-effets-sur-le-developpement-de-lenfant-a-naitre/68392/

https://presse.inserm.fr/quel-impact-de-la-pollution-atmospherique-sur-le-placenta/31777/

La répartition genrée des rôles augmente la vulnérabilité aux catastrophes climatiques et aux maladies

La santé maternelle n’est toutefois pas la seule problématique à prendre en compte quand on s’intéresse aux intersections entre sexe, genre, santé et changement climatique. Certains travaux soulignent ainsi que dans de nombreuses sociétés, les inégalités de genre, le rôle attribué aux femmes et le poids des normes culturelles peuvent accroître leurs vulnérabilités face au changement climatique, avec des effets directs et indirects sur leur santé.

Une analyse portant sur les effets des catastrophes climatiques dans 141 pays a ainsi montré que, si ces évènements créent des difficultés pour tout le monde, ils tuent en moyenne plus de femmes que d’hommes, ou du moins ils tuent les femmes à un âge plus jeune que les hommes.

Il faut néanmoins noter que cet effet est beaucoup plus marqué dans les pays où les femmes ont un statut social, économique et politique particulièrement bas. Quand les inégalités entre les genres sont moindres, hommes et femmes sont touchés par les catastrophes climatiques de manière moins différenciée.

La même étude a souligné que les différences physiques entre les hommes et les femmes n’expliquent probablement pas toutes les inégalités qui peuvent parfois être constatées lors de catastrophes climatiques. Les normes sociales et culturelles jouent quant à elles un grand rôle. Comme le rappelle un rapport de l’OMS intitulé Gender, Climate Change and Health, dans les sociétés où les femmes ont peu d’indépendance et jouent un rôle principalement au sein de leur foyer, s’occupant des enfants et des personnes âgées, elles ont souvent moins la possibilité de s’enfuir et d’aller chercher du secours et des aides alimentaires, notamment parce qu’elles ont plus tendance à rester sur les lieux de la catastrophe pour aider leurs proches. D’autres facteurs comme les normes vestimentaires ou comportementales (interdiction d’apprendre à nager par exemple) peuvent avoir un impact sur la mobilité des femmes et leur capacité à fuir.

Enfin, sans même parler de survie face à des catastrophes, les femmes sont aussi plus vulnérables face à certaines maladies du fait des tâches quotidiennes qu’elles sont amenées à effectuer. Prenons l’exemple de l’eau, aussi décrit dans le rapport de l’OMS : les femmes sont chargées dans de nombreux pays d’aller chercher l’eau utilisée par le foyer.

Or alors que les épisodes de sécheresse deviennent de plus en plus fréquents sur la planète, on constate une réduction de la disponibilité et de la fiabilité de l’approvisionnement en eau douce. Les trajets pour la collecte de l’eau se font parfois plus longs provoquent de l’épuisement, des douleurs et des lésions osseuses pour les femmes qui en sont responsables.

En outre, lorsque l’eau est rare, les pratiques hygiéniques sont souvent sacrifiées à des besoins en eau plus pressants, tels que la boisson et la cuisine. Le manque d’hygiène peut être à l’origine de maladies telles que le trachome[1] et la gale, également appelées « maladies de l’eau », qui touchent d’autant plus les femmes qu’elles font souvent passer les besoins en eau du reste du foyer avant les leurs.

Et la santé mentale ?

La question de la santé mentale commence plus récemment à être abordée. Si les hommes et les femmes voient leur santé mentale se dégrader face aux effets du changement climatique, les manifestations diffèrent souvent selon le genre.

Dans le contexte de catastrophes climatiques, les femmes sont plus souvent exposées à la violence sexiste, à des migrations forcées et à d’autres facteurs de stress socio-économiques qui ont des effets néfastes sur la santé mentale, avec notamment un risque plus élevé d’anxiété et de dépression.

Le stress lié à la perte de revenus et à l’endettement qui découle de certaines situations liées au changement climatique, par exemple les sécheresses ou les inondations, peuvent néanmoins aussi se répercuter sur la santé mentale des hommes, avec un risque de suicide plus élevé. Certaines données établissent par exemple un lien entre la sécheresse et le suicide chez les hommes en Australie.

Enfin, l’éco-anxiété est un phénomène de plus en plus étudié. Si les résultats varient d’une étude à l’autre, et que la question du genre n’est pas encore tranchée, plusieurs travaux suggèrent tout de même que les femmes, surtout jeunes, sont plus sujettes à l’éco-anxiété que les hommes. Toutefois, la plupart des données sur l’éco-anxiété proviennent des pays occidentaux, et des recherches futures seront donc nécessaires dans d’autres pays.

En conclusion, les effets du changement climatique sur la santé affectent différemment les hommes et les femmes principalement en raison de facteurs socio-économiques et culturels sous-jacents. Des facteurs physiologiques entrent aussi en jeu dans ces inégalités de genre, mais ils ont encore été insuffisamment étudiés. Le changement climatique menace d’aggraver les inégalités de santé existantes entre les hommes et les femmes dans tous les pays, avec toutefois des différences plus marquées dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.

Pour la recherche, un enjeu est de continuer à intégrer la perspective du sexe et du genre dans les travaux sur les effets sanitaires du changement climatique, et ce afin de mieux orienter les politiques publiques existantes en matière de climat, de développement et d’accès aux soins pour réduire les inégalités.

Un mot sur le sexe et le genre

 Si l’on synthétise, on peut définir ces deux concepts de la manière suivante :

  • le « sexe » fait référence aux caractéristiques biologiques et physiologiquesqui différencient les hommes des femmes (comme les gonades, les organes reproductifs, les chromosomes, les hormones) ;
  • le genre est une construction sociale, psychologique et culturelle qui s’effectue dans le cadre du processus de socialisation. Différentes sociétés et cultures peuvent donc avoir des conceptions différentes de ce qui est « masculin » ou « féminin ».

La littérature scientifique porte le plus souvent sur les interactions entre sexe et changement climatique, ou étudie le sexe et le genre de manière indifférenciée, mais de plus en plus de publications s’intéressent spécifiquement au genre en tant que construction sociale et à son lien avec les inégalités climatiques.

Dans ce texte, qui n’est pas exhaustif, nous avons choisi d’employer les deux concepts et de proposer au lecteur des références bibliographiques qui s’intéressent à la fois au sexe et au genre.

Texte rédigé avec le soutien de Johanna Lepeule, épidémiologiste, chargée de recherche dans l’équipe Inserm d’épidémiologie environnementale appliquée au développement et à la santé respiratoire à l’Institut pour l’Avancée des biosciences

[1]Le trachome est une maladie infectieuse de l’œil due à la bactérie Chlamydia trachomatis.

 

Références utiles

Bekkar B, Pacheco S, Basu R et al. Association of air pollution and heat exposure with preterm birth, low birth weight, and stillbirth in the US: a systematic review. JAMA Network Open. 2020;3(6):e208243 doi: 10.1001/jamanetworkopen.2020.8243.

Beltran AJ, Wu J, Laurent O. Associations of meteorology with adverse pregnancy outcomes: A systematic review of preeclampsia, preterm birth and birth weight. Int J Environ Res Public Health. 2014;11(1):91-172 doi: 10.3390/ijerph110100091.

Kuehn L, McCormick S. Heat exposure and maternal health in the face of climate change. Int J Environ Res Public Health 2017;14(8):853 doi: 10.3390/ijerph14080853.

Rothschild J, Haase E. Women’s mental health and climate change Part II: Socioeconomic stresses of climate change and eco-anxiety for women and their children. Int J Gynaecol Obstet. 2023;160(2):414-420 doi: 10.1002/ijgo.14514.

Sorensen C, Saunik S, Sehgal M, Tewary A, Govindan M, Lemery J, Balbus J. Climate Change and Women’s Health: Impacts and Opportunities in India. Geohealth. 2018 Oct 17;2(10):283-297. doi: 10.1029/2018GH000163. PMID: 32159002; PMCID: PMC7007102.

https://www.unwomen.org/en/news-stories/explainer/2022/02/explainer-how-gender-inequality-and-climate-change-are-interconnected

https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/144781/9789241508186_eng.pdf

Les femmes vivent plus longtemps et en meilleure santé que les hommes, vraiment ?

Au cours des deux derniers siècles, la population mondiale a, dans son ensemble, connu un accroissement de sa durée de vie. Avec une constante : dans la plupart des pays, l’espérance de vie des femmes est plus longue que celle des hommes. Les chiffres de 2019, avant la pandémie de Covid-19, suggèrent que, dans les pays les plus développés, les femmes vivent en moyenne 5 à 7 années de plus que les hommes.  Cette différence est moins marquée dans les pays à plus faibles revenus, mais elle existe tout de même. Mais si l’on veut mieux comprendre les inégalités de sexe et de genre en matière de santé et de mortalité, il est important d’aller plus loin dans la réflexion et de ne pas s’intéresser uniquement aux chiffres de l’espérance de vie.

Quelles sont les raisons de cet écart entre les hommes et les femmes : sont-elles biologiques, résultent-elles de différences comportementales ou sociétales ? Les hommes sont-ils prédisposés à certaines maladies et, à l’inverse, existe-t-il des maladies pour lesquelles le fait d’être un homme serait « protecteur » ? Comment réduire les écarts de morbidité et de mortalité entre les hommes et les femmes ?

Répondre à ces questions est utile pour tenter d’évaluer la pertinence de mesures de santé publique visant à réduire les inégalités, mais aussi pour prédire les tendances futures en matière de mortalité et d’espérance de vie. Ce nouveau Canal Détox propose donc une réflexion plus approfondie sur ce sujet.   

 

Un écart qui se réduit ?

On l’a souligné, les femmes vivent globalement plus longtemps que les hommes. L’ampleur de cet écart a néanmoins évolué au cours du temps. Dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il a ainsi augmenté au cours de la période 1950-1970, puis il s’est réduit dans les décennies suivantes. Des travaux avaient suggéré que cela pouvait s’expliquer par une diminution plus rapide de la mortalité due aux maladies cardiovasculaires chez les hommes que chez les femmes, en particulier chez les personnes âgées de 70 à 74 ans, et par une consommation tabagique croissante chez les femmes, de plus en plus similaire à celle des hommes.

L’écart entre les hommes et les femmes pourrait toutefois se creuser à nouveau. Une étude récemment publiée dans la revue JAMA Internal Medicine a ainsi montré qu’aux États-Unis, l’écart entre les femmes et les hommes s’est à nouveau creusé pour atteindre 5,8 ans, son niveau le plus élevé depuis 1996. Un effet de la pandémie de Covid-19, une maladie qui a souvent causé des complications plus sévères chez les hommes et s’est souvent avérée plus mortelle, a été suggéré.

 

Comprendre les différences entre les hommes et les femmes

Quelle que soit la manière dont cet écart évoluera dans les prochaines années, les scientifiques continuent à mener des travaux pour mieux en comprendre les raisons.

Certains travaux ont mis l’accent sur des différences biologiques, notamment au niveau génétique et hormonal, qui pourraient favoriser l’espérance de vie des femmes. Soulignons d’abord que cette différence ne se retrouve pas qu’au sein de l’espèce humaine mais aussi chez d’autres mammifères. Une hypothèse avancée par certains chercheurs est que l’avantage lié au sexe féminin pourrait être lié au double chromosome X (alors que les personnes de sexe masculin ont un chromosome X et un chromosome Y). Les informations génétiques importantes sur le chromosome X sont donc dupliquées chez les femmes et peuvent compenser d’éventuelles mutations génétiques délétères pour la santé sur l’autre chromosome X.

Cependant, plusieurs études ont plutôt attribué la majeure partie de l’écart entre les hommes et les femmes à des facteurs liés aux comportements, au style de vie ou aux rôles sociaux attribués en fonction du sexe attribué à la naissance. Parmi les facteurs les plus souvent mis en exergue  pour expliquer pourquoi les hommes meurent plus jeunes : un tabagisme plus important et une consommation d’alcool généralement plus élevée chez les hommes (même si, on l’a mentionné, ces comportements sont de plus en plus observés chez les femmes), des risques professionnels spécifiques (les hommes sont en moyenne toujours plus représentés dans le travail sur les chantiers de construction par exemple).

Des travaux menés aux États-Unis soulignent que les hommes seraient aussi moins susceptibles d’être réguliers dans leur suivi médical et de se soumettre à des bilans de santé de routine en prévention. Cette différence disparait lorsque l’on prend des patients souffrant d’une pathologie chronique diagnostiquée. Lorsqu’ils sont dans ce cas, les hommes et femmes suivent leurs traitements et consultent les professionnels de santé de la même manière.

Enfin, les hommes sont aussi plus à risque de connaître une situation d’isolation sociale. Or, pour des raisons qui ne sont pas tout à fait claires, les personnes ayant moins de liens sociaux ont tendance à avoir des taux de mortalité plus élevés, à des âges plus jeunes.

 

Plus grande espérance de vie, moins bonne santé ?

Si les femmes continuent donc à vivre en moyenne plus longtemps que les hommes, la recherche à tout de même mis en évidence un paradoxe : à tout âge de la vie, les femmes semblent en moyenne être en moins bonne santé que les hommes.

Si on regarde dans le détail, pour un âge donné, les hommes sont certes plus susceptibles de souffrir de maladies chroniques potentiellement mortelles, notamment de maladies cardiovasculaires, de certains cancers, de cirrhose du foie et de maladies rénales. Là encore, ces différences sont dues à des facteurs biologiques mais aussi environnementaux et comportementaux.

En revanche, les femmes sont, au niveau mondial, plus susceptibles de souffrir de maladies aiguës et d’affections chroniques non mortelles, telles que l’arthrite, les troubles thyroïdiens, les troubles de la vésicule biliaire, ou encore les migraines. Ces troubles entraînent une moins bonne évaluation de l’état de santé et diminuent la qualité de vie, mais contribuent peu au risque de décès. Vivant plus longtemps, les femmes arrivent aussi dans la vieillesse en accumulant un plus grand nombre de problèmes de santé non mortels mais handicapants, et elles sont plus nombreuses à souffrir de la maladie d’Alzheimer, dont le facteur de risque principal est l’âge.

Tous ces différents éléments permettent de comprendre, avec un peu plus de nuance, les différences qui sont observées entre hommes et femmes, que ce soit en matière d’espérance de vie ou plus généralement d’état de santé. De telles données permettent de réfléchir plus en détail aux mesures de santé publique qu’il serait utile de mettre en place. Parmi les axes privilégiés : tenter d’agir sur les causes des décès « évitables » qui aujourd’hui contribuent largement aux écarts entre les sexes, en développant des stratégies de prévention efficaces pour lutter contre certains déterminants environnementaux et comportementaux de santé (alimentation, consommation de tabac et d’alcool, sédentarité…) auprès de publics bien ciblés.

 

Espérance de vie en bonne santé

Au-delà de l’espérance de vie, d’autres indicateurs importants ont été pensés pour décrire l’état de santé d’une population et les éventuelles inégalités qui peuvent exister.

L’espérance de vie en bonne santé en est un exemple. Cet indicateur mesure le nombre d’années qu’une personne peut compter vivre sans souffrir d’incapacité et de maladie dans les gestes de la vie quotidienne. Si l’espérance de vie en bonne santé est là encore plus élevée pour les femmes que pour les hommes en moyenne, l’écart est moindre.

Par exemple en France, en 2020, une femme pouvait vivre jusqu’à 85,1 ans et les hommes jusqu’à 79,1 ans (soit une différence de 6 ans). Mais si l’on regarde dans le détail et qu’on considère l’espérance de vie en bonne santé, une femme de 65 ans pouvait en 2020 espérer vivre 12,1 ans sans incapacité et un homme, 10,6 ans (soit une différence de « seulement » 1,5 ans). Les femmes vivent donc plus longtemps que les hommes, mais pas forcément en bonne santé. Passé un certain âge, elles sont nombreuses à souffrir de maladies invalidantes, de pathologies neurodégénératives ou encore d’arthrose.

Texte rédigé avec le soutien de François Alla, professeur de santé publique à l’université de Bordeaux et chercheur rattaché au laboratoire Bordeaux Population Health (Inserm/université de Bordeaux)

Le soutien-gorge mis en cause dans le cancer du sein, vraiment ?

C’est une rumeur qui court depuis une vingtaine d’années et qui revient régulièrement sur le devant de la scène : le port de soutien-gorge augmenterait le risque de développer un cancer du sein. Si les études sérieuses sur le sujet sont rares, on peut toutefois affirmer que ce n’est pas le cas. A l’occasion d’Octobre Rose et du lancement d’une nouvelle série Canal Détox sur la santé des femmes, on revient sur cette idée reçue, dont il semble encore difficile de se débarrasser.

Entre octobre et décembre 2024, l’Inserm publiera pour sa rubrique Canal Détox une série de six textes dont les thématiques diverses ont toutes en commun d’aborder la santé des femmes. L’idée :  montrer comment la recherche scientifique, notamment la recherche à l’Inserm, se saisit de ces problématiques afin de mieux comprendre les inégalités de santé et d’améliorer la prise en charge de toutes et tous, mais aussi de lutter contre la désinformation. 

C’est l’ouvrage Dressed to Kill, publié en 1995 par le médecin américain Sydney Singer, qui a été l’un des premiers à semer le trouble et à accuser le soutien-gorge d’être responsable de cancer du sein. Dans son « étude », qui n’a jamais été examinée par des experts ni publiée dans une revue à comité de lecture, Singer avance que les femmes qui ne portent pas de soutien-gorge ont « 1 chance sur 168 » de développer un cancer du sein contre « 3 à 4 chances » pour celles qui portent un soutien-gorge 24 heures sur 24 (autrement dit aussi la nuit). Son hypothèse est alors la suivante : le port du soutien-gorge avec armatures entraverait la circulation lymphatique, empêcherait l’évacuation des « toxines » et offrirait un terrain idéal pour la formation de tumeurs.

Mais aucune étude scientifique rigoureuse n’a jamais confirmé ces observations. À l’inverse, une étude américaine de 2014 a par exemple infirmé catégoriquement cette « rumeur » selon laquelle le port du soutien-gorge serait un facteur de risque du cancer. Pour les auteurs, qui ont comparé un groupe de 1 044 femmes ménopausées touchées par des carcinomes invasifs du sein avec un groupe de 469 femmes en bonne santé, le risque serait le même, quel que soit la taille du bonnet du soutien-gorge, la présence ou non d’armatures, le nombre d’heure moyen porté par jour ou encore l’âge à partir duquel ces femmes ont commencé à porter un soutien-gorge régulièrement.

Dernière observation : l’augmentation du nombre de cancers du sein n’est absolument pas corrélée avec l’apparition du soutien-gorge (un brevet pour le premier soutien-gorge « moderne » a été déposé en 1889). On observe en effet une augmentation du cancer du sein depuis 1920 en France, celle-ci étant particulièrement marquée surtout depuis la fin du XXe siècle.  Un doublement du nombre de cas a notamment été identifié entre 1990 et 2018.

L’origine de cette augmentation serait plutôt à chercher du côté de l’évolution du comportement des femmes. De plus en plus d’études mettent en avant le rôle délétère de la consommation d’alcool et le tabagisme. D’autres facteurs sont également étudiés : le fait d’avoir des enfants plus tard et en moins grand nombre, mais aussi d’être en surpoids ou de ne pas pratiquer d’activité physique augmenteraient les risques de cancer. On estime par exemple que 10 % des cancers du sein survenant après 50 ans sont liés au surpoids.

 Texte tiré du livre Fake News Santé de l’Inserm, publié aux Editions du Cherche-Midi

Des compléments alimentaires à base de mélatonine contre les troubles du sommeil, vraiment ?

L’insomnie est un problème de santé publique majeur, puisque 20 % des Français[1] seraient affectés. Et ce n’est que la face visible de l’iceberg : une part encore plus grande de la population serait ponctuellement concernée par des difficultés à s’endormir ou aurait une quantité de sommeil insuffisante et/ou de mauvaise qualité. Si certains patients touchés par l’insomnie peuvent avoir recours à des médicaments (notamment des somnifères), l’approche privilégiée pour la prise en charge initiale des troubles du sommeil implique d’agir sur les mauvaises habitudes et d’aider les personnes concernées à adopter un comportement adapté pour favoriser le sommeil nocturne. Néanmoins, il n’est pas toujours aisé de mettre en place les bons réflexes, et les difficultés peuvent persister. Pour régler leurs problèmes de sommeil, certains choisissent alors de se tourner vers tout un tas de remèdes dont les vertus sont régulièrement vantées sur les réseaux sociaux ainsi que dans les publicités.

C’est le cas notamment de compléments alimentaires à base de mélatonine[2], auxquels on prête très souvent de grandes qualités pour favoriser l’endormissement et améliorer le sommeil, mais aussi pour lutter contre le décalage horaire et même selon certains, pour traiter certaines maladies, notamment certains troubles de santé mentale. Mais qu’en est-il réellement ? Que disent les études scientifiques actuelles ? Comprend-t-on bien tous les mécanismes en jeu ? On revient sur le sujet dans notre nouveau Canal Détox.

Mélatonine, la panacée ?

La mélatonine est une hormone synthétisée au niveau de la glande pinéale, située à l’arrière du cerveau, dont la fonction est d’apporter à l’organisme l’information sur la rythmicité jour/nuit, et de favoriser ainsi l’endormissement. Concrètement, la synthèse de la mélatonine s’accroît en fin de journée, lorsque l’intensité de la lumière diminue, signalant au cerveau qu’il sera bientôt temps d’aller dormir. Puis, sa concentration augmente pour atteindre son maximum vers 3 ou 4 heures du matin, avant de redevenir minimale peu de temps après le réveil.

La mélatonine a pour fonction principale la synchronisation de notre horloge biologique sur le rythme circadien, ce cycle de 24 heures auquel la plupart des fonctions de notre organisme sont soumises.

En prenant la mélatonine de synthèse contenue dans des compléments alimentaires, l’idée est de « forcer » un peu la nature, pour augmenter la concentration de mélatonine dans l’organisme et favoriser l’endormissement. Une promesse qui séduit les consommateurs.

De nombreux compléments alimentaires contenant de la mélatonine ont ainsi fait leur apparition sur le marché français. Des données ont indiqué qu’en 2018, jusqu’à 1,4 millions de boîtes auraient été vendues, témoignant de l’intérêt du public pour ce type de produits. Et au-delà des indications liées au sommeil, on voit de plus en plus de messages marketing affubler de multiples propriétés thérapeutiques à la mélatonine, concernant la plupart des maladies humaines, du cancer à la Covid-19 en passant par les maladies psychiatriques comme la dépression.

Le problème, c’est que les fondements scientifiques qui sous-tendent ces promesses demeurent encore fragiles pour certaines indications. De manière générale, les études qui s’intéressent aux effets de la prise de mélatonine sur le sommeil ou sur différents troubles comportent souvent des limites méthodologiques. Par exemple, les doses de mélatonine contenues dans les compléments testés (et dans ceux qui sont commercialisés), la durée des expériences et du suivi des participants ainsi que les critères d’inclusion varient souvent d’une étude à l’autre, ce qui complique la possibilité de généraliser les résultats. C’est d’autant plus vrai que les effets de la mélatonine peuvent varier en fonction de différents facteurs dont l’âge, la consommation de caféine, le fait d’être fumeur ou des interactions avec d’autres pathologies ou médicaments.

Les études les plus solides montrent que la mélatonine a des effets bénéfiques pour traiter les troubles du sommeil qui dépendent d’une dérégulation du rythme circadien (par exemple, en cas de décalage horaire, mais aussi de retard de phase du sommeil, très prévalent chez l’adolescent).

La mélatonine peut être un traitement très efficace chez des personnes souffrant de cécité totale, dont le rythme circadien n’est pas synchronisé sur une journée classique (notamment parce que ces individus ne perçoivent pas la lumière du jour), et qui souffrent souvent de fait d’insomnies récurrentes et/ou de somnolence en journée. Les consensus internationaux concluent que l’administration de mélatonine est le traitement de choix pour retrouver un rythme circadien normal de 24h chez l’aveugle en situation de « libre-cours », et permet de retrouver un sommeil de qualité et réduire un grand nombre de symptômes associés (cognitifs, de la santé mentale, métaboliques).

Certaines revues de la littérature scientifique soulignent aussi qu’en population générale, ces compléments peuvent être bénéfiques pour raccourcir un peu le temps d’endormissement surtout chez les sujets de plus de 55 ans[1], même si les effets varient en fonction des individus et de la formulation des produits consommés.

En revanche, peu d’effets ont été rapportés concernant la fréquence des réveils pendant la nuit ou sur la qualité du sommeil.

Certains chercheurs se sont aussi intéressés aux effets de la mélatonine pour traiter les complications liées au sommeil dans plusieurs troubles neurologiques ou psychiatriques. On sait que pour nombre de ces maladies l’horloge biologique peut être désynchronisée, et ce phénomène est responsable à la fois des problèmes de sommeil et de l’humeur. Prendre de la mélatonine a donc été envisagé comme une possible solution. Des effets intéressants ont d’ailleurs été observés dans le cadre de quelques études sur la maladie de Parkinson par exemple. Néanmoins, ces effets n’ont pas été validés dans de grandes cohortes de patients et il est donc prématuré de recommander de prescrire largement la mélatonine dans le cadre de ces pathologies.

 

Et la toxicité ?

Au-delà de la question de l’efficacité, la question de la sécurité se pose également. En 2018, l’Anses s’en était saisie après avoir reçu des déclarations d’effets indésirables susceptibles d’être liés à la consommation de compléments alimentaires contenant de la mélatonine. Il faut néanmoins mettre le nombre de cas rapporté à l’Anses en perspective par rapport aux nombres de compléments alimentaires à base de mélatonine vendus chaque année.

Globalement, les problèmes sont rares et la mélatonine est généralement considérée comme peu à risque.  Des études, menées principalement dans des modèles animaux, ont d’ailleurs suggéré qu’il faut des doses très élevées, bien plus que celles contenues dans des compléments alimentaires, pour observer des effets toxiques. Parmi les effets secondaires, globalement sans gravité, qui ont pu être observés : des maux de tête, des nausées, des somnolences, des vertiges et des maux d’estomac.

Il faut tout de même rappeler que chez certains patients, des interactions médicamenteuses ayant des conséquences plus graves peuvent survenir. Il faut être particulièrement vigilant en cas de grossesse ou d’allaitement, d’épilepsie, de problèmes de coagulation ou encore de maladies auto-immunes.

Il est également important d’avoir en tête que les compléments alimentaires à base de mélatonine se prennent avant d’aller dormir ou en fin de journée pour certains troubles, mais qu’à tout autre moment de la journée, ils peuvent engendrer une somnolence. Cela peut être problématique dans certaines activités, par exemple si l’on doit conduire.

De nombreux parents se questionnent aussi sur l’opportunité de donner de la mélatonine à leurs enfants, quand ceux-ci souffrent de troubles de sommeil, d’autant que les professionnels de santé sont souvent démunis face à l’insomnie pédiatrique. Un récent consensus européen conclut que la mélatonine n’est ni un « bonbon » ni un produit toxique, et qu’elle peut être donnée aux enfants qui souffrent de troubles de l’endormissement, à des doses faibles, et pendant une durée courte, en accord avec un médecin qui connaît bien le domaine du sommeil.

De manière générale, même si les risques sont faibles, mieux vaut ne pas s’auto-médiquer et faire appel à un médecin qui pourra mieux déterminer si la mélatonine peut avoir un réel intérêt pour un patient donné, en fonction de ses troubles. On peut aussi rappeler ici que prendre de la mélatonine ne traitera pas le « fond » des troubles de sommeil si ceux-ci sont liés par exemple à des problèmes de stress ponctuels, et qu’en cas de trouble chronique, mieux vaut consulter un professionnel.

 

Des pistes à creuser

Plusieurs priorités de recherche sont désormais nécessaires, afin d’aller plus loin et surtout de sortir d’une situation où des résultats de recherche sont parfois extrapolés pour des raisons marketing, afin de prêter à la mélatonine des vertus quasi miraculeuses.

En premier lieu, il faudrait mener des travaux pour mieux comprendre quelle est la dose de mélatonine la plus efficace et la mieux tolérée, en fonction des troubles, mais aussi de l’âge et du sexe. Un plus grand nombre d’essais cliniques randomisés, avec des critères d’inclusion et de doses plus homogènes, permettrait de réaliser des méta-analyses plus solides sur le sujet.

Il serait aussi intéressant d’évaluer l’efficacité à plus long terme de la prise de compléments à base de mélatonine pour mieux comprendre l’impact d’une interruption du traitement ou d’une prise quotidienne, à long terme, de ces molécules.

 

Texte rédigé avec le soutien de et avec Claude Gronfier, chronobiologiste, chercheur Inserm au centre de recherche en neurosciences de Lyon et Armelle Rancillac chercheuse Inserm en neurosciences, au Collège de France.

 

[1] Par ailleurs, selon l’enquête INSV/MGEN 2023, 37% des Français sont insatisfaits de la qualité de leur sommeil, en majorité les femmes (44%).

[2] Si la mélatonine est principalement vendue sous la forme de compléments alimentaires, elle  aussi disponible sous la forme de deux médicaments (CIRCADIN dosé à 2 mg par comprimé et SLENYTO dosé à 1 mg par comprimé, tous deux à libération prolongée). Sur la marché français, le circadin dispose d’une AMM (autorisation de mise sur le marché) pour traiter l’insomnie chez les + de 55 ans, et le Slenyto  dispose d’une RTU (recommandation temporaire d’utilisation) chez l’enfant de 2-18 ans. Elle peut aussi être prescrite par le médecin via une préparation magistrale, réalisée pour un patient déterminé chez le pharmacien, pour les troubles circadiens et psychologiques.

 

Des techniques miracles pour récupérer plus vite après l’effort et tenir toute la durée des JO, vraiment ?

© Inserm/Flore Avram

Participer aux Jeux Olympiques : c’est le graal pour les sportifs de haut niveau qui ont commencé leurs entraînements il y a déjà plusieurs mois, voire des années. Tenir la performance sur toute la durée des épreuves est un enjeu de taille pour ces athlètes qui visent la médaille olympique, et ce quelle que soit la discipline concernée. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à partager leurs « secrets » avec leur communauté, racontant avoir trouvé la méthode de préparation et de récupération la plus efficace pour leur permettre d’enchaîner les épreuves. Mais existe-t-il vraiment une technique miracle qui permettrait à notre corps de récupérer en un temps record ?  Canal Détox s’est penché sur quelques-unes des techniques qui semblent avoir le vent en poupe parmi les sportifs. Ventouses, cryothérapie, immersion en bain… Que dit la science ?

 Qui dit JO dit programme de compétition chargé pour les athlètes ! Alors que les épreuves s’enchaînent à un rythme soutenu, les courtes périodes de repos doivent être optimisées et considérées comme des moments clés au service de la performance sportive. D’autant qu’un état de fatigue prolongé dû à un temps de récupération insuffisant ou à une mauvaise préparation peut augmenter le risque de blessures pendant la compétition sportive[1].

 

Ventouses, cryothérapie, immersion en bain…

 De très nombreuses techniques de récupération sont utilisées par les athlètes de haut niveau afin notamment de limiter la fatigue musculaire et les douleurs. Il serait difficile de toutes les citer, même si certaines ont été beaucoup médiatisées.

Récemment, une vidéo du nageur et champion olympique Florent Manaudou a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, alors que son dos est apparu marqué de plusieurs tâches circulaires de couleur rouge pâle. Il n’est pas le seul : régulièrement, c’est le footballeur international Karim Benzema qui expose fièrement son corps marqué. La technique utilisée par ces athlètes est celle de la ventousothérapie, appelée aussi hijama ou cupping, employée aussi bien en préparation qu’en récupération musculaire – et dans certains cas pour réduire la douleur.

Cette technique traditionnelle est surtout populaire en Chine, en Corée, au Japon et en Arabie saoudite. Des ventouses, en verre ou en plastique, sont utilisées pour exercer des pressions rapides et vigoureuses sur la peau grâce à un dispositif mécanique de pompage ou via le réchauffement de la ventouse à l’aide d’une flamme. La technique peut être déclinée de différentes manières, certaines sollicitant par exemple l’utilisation d’aiguilles ou de scalpels en plus des ventouses dans l’objectif de provoquer un saignement.

Quelques articles scientifiques se sont intéressés à la ventousothérapie et aux effets de cette pratique pour aider les athlètes à récupérer ou à réduire leurs douleurs, d’autres ont été publiés pour tenter d’en expliquer les mécanismes d’action potentiels. Néanmoins, le nombre d’études cliniques réalisées, ainsi que la qualité globale de ces études reposant souvent sur des petits échantillons de participants, ne constituent pas de preuves scientifiques suffisantes pour attester de l’efficacité de cette thérapie dans la gestion de la douleur, ni sur la fatigue musculaire. Pire, les effets néfastes eux sont documentés si la technique est mal utilisée. C’est pour cela d’ailleurs que la pratique des ventouses a été interdite par l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes en 2021.

On retrouve un peu les mêmes conclusions[3] en ce qui concerne la cryothérapie, technique qui consiste au refroidissement de l’organisme corporel par exposition entière du corps pendant 2 à 3 minutes à un froid sec (-100 °C à -170 °C). Dans le milieu sportif, cette technique est considérée par certains comme utile pour prévenir les blessures ou traiter les douleurs musculaires après l’exercice, surtout dans le cas des sports d’endurance extrême (triathlon, marathon, etc.), ainsi pour les disciplines qui entraînent des chocs musculaires immédiats importants, comme par exemple le rugby.

Si des présomptions d’effets bénéfiques de la cryothérapie sur la récupération musculaire existent, les études réalisées sont encore trop peu nombreuses pour l’affirmer définitivement. La littérature scientifique manque de preuves cliniques de qualité, et notamment d’études randomisées pour attester de résultats significatifs. La pratique pose par ailleurs des problèmes de sécurité. Brûlures locales au 1er ou 2e degré, céphalées ou accentuation des douleurs présentes sont quelques-uns des effets secondaires qui ont parfois été rapportés.

Enfin, l’immersion en bain est l’une des méthodes de récupération les plus courantes dans le sport. Cette technique consiste à se plonger jusqu’au cou dans l’eau, en alternant des températures chaudes et froides pendant quelques minutes… Une méta-analyse (analyse d’un corpus de 52 publications) récente s’est intéressée à son efficacité selon différents protocoles, concluant à un effet potentiellement bénéfique de l’immersion sur la récupération musculaire 24 heures après un exercice de haute intensité, même si, comme dans les deux cas précédents, il manque des données solides et d’autres études répliquant ce résultat pour établir un niveau de preuve suffisant.

À chaque athlète sa technique de récupération

Vous l’aurez compris, il n’existe pas de méthodes miracles pour récupérer plus vite après l’effort. Aucune des méthodes décrites plus haut n’a encore fait consensus et toutes comportent des risques. Ce qui est sûr, c’est que tout comme l’entraînement, la récupération doit être adaptée et personnalisée selon les disciplines et selon l’athlète, puisque les muscles sollicités et les impacts liés à la pratique sportive sont différents, tout comme le niveau et le type de fatigue ressentie après l’effort. D’ailleurs, une étude publiée dans The International Journal of Sports Physiology and Performance met en avant l’importance de l’individualisation du programme de récupération des athlètes pour maximiser les performances et prévenir les effets néfastes tels que la sous-récupération, le surmenage, le syndrome de surentraînement, les blessures ou les maladies.

Enfin, ces programmes de récupération personnalisés doivent toujours s’accompagner de trois éléments clés pour garantir la performance : une bonne hydratation, une alimentation adaptée, ainsi que du sommeil en quantité suffisante.

 

Texte rédigé avec le soutien de Carole Cometti, directrice du CEP de l’Inserm (Centre d’expertise de la performance)

[1] https://bjsm.bmj.com/content/50/17/1030

[2] Métabolite du glucose produit par les tissus de l’organisme lorsque l’apport en oxygène est insuffisant, notamment dans le cadre d’une activité physique intense.

[3] Lire le rapport de l’Inserm : Évaluation de l’efficacité et de la sécurité de la cryothérapie du corps entier à visées thérapeutique

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