© Inserm/Frédérique Koulikoff
La fibromyalgie, ou syndrome fibromyalgique, est une forme de douleur chronique diffuse associée à d’autres symptômes invalidants tels que de la fatigue, des troubles du sommeil et de l’humeur, ou des troubles cognitifs. Entre 1,4 et 2,2 % des Français seraient atteints, mais l’absence de marqueur biologique spécifique rend le diagnostic difficile à poser. La prise en charge de ces patients est également complexe et nécessite souvent une approche multidisciplinaire adaptée à chacun.
L’Inserm a été sollicité par la Direction générale de la santé pour réaliser une expertise collective afin de disposer d’un bilan des connaissances scientifiques de la fibromyalgie chez l’adulte, mais aussi d’explorer l’existence éventuelle d’un syndrome similaire chez les enfants et les adolescents. Cette expertise a également pour objectif d’émettre des recommandations d’actions et d’établir des priorités de recherche pour mieux comprendre la fibromyalgie et améliorer l’accompagnement des patients.
L’expertise collective de l’Inserm s’appuie sur une analyse critique de la littérature scientifique internationale réalisée par un groupe pluridisciplinaire de quinze experts dans différents domaines, allant de la neurologie à la pharmacologie en passant par la pédiatrie mais aussi la sociologie ou encore l’économie de la santé.
Au total, ce sont près de 1 600 documents scientifiques publiés au cours des dix dernières années qui ont été analysés. L’expertise apporte plusieurs éléments pour mieux appréhender la réalité complexe de la fibromyalgie, mais aussi pour favoriser une prise en charge adaptée et renforcer la recherche. Elle n’avait pas pour vocation de se prononcer sur les modalités de prise en charge du syndrome fibromyalgique par les autorités sanitaires.
Une réalité clinique complexe
Si la fibromyalgie est avant tout associée à des douleurs chroniques diffuses fluctuantes, une grande majorité des patients souffre aussi de fatigue persistante, de difficultés de concentration et attentionnelles, et d’un déconditionnement physique (processus psychophysiologique conduisant à l’inactivité physique et au repli sur soi). Jusqu’à 85 % présentent des symptômes anxiodépressifs et 95 % d’entre eux se plaignent de troubles du sommeil. Cependant, l’expertise montre que la fibromyalgie est très hétérogène dans son expression clinique avec une grande variabilité dans sa sévérité. Elle fait aussi état de l’impact du syndrome fibromyalgique sur toutes les dimensions de la qualité de vie et du coût économique et social important qui y est associé.
En ce qui concerne le diagnostic, il repose sur des critères cliniques en constante évolution, le rendant difficile à poser, d’autant qu’aucun biomarqueur n’a pour le moment été identifié. Les résultats des études d’imagerie cérébrale qui ont été réalisées jusqu’à présent sont très variables et ne permettent pas d’aider au diagnostic.
Par ailleurs, l’expertise collective Inserm préconise de ne pas distinguer à ce jour un syndrome fibromyalgique juvénile chez les enfants et les adolescents souffrant de douleurs chroniques diffuses.
Enfin, les travaux scientifiques menés au cours de la dernière décennie ne prennent que rarement en compte l’hétérogénéité des symptômes, les variations de la sévérité et les divers traitements pris par les patients, ce qui limite leur portée. Ils font peu la distinction par rapport à d’autres formes de douleurs chroniques diffuses ; les différences de genre, de même que le devenir des patients, n’ont été que peu explorés.
Face à ces divers constats issus de la littérature scientifique, et pour faire face à la réalité clinique complexe de la fibromyalgie, plusieurs recommandations sont présentées.
Proposer une prise en charge la plus adaptée au patient et favoriser l’activité physique
L’expertise met l’accent sur la nécessité de favoriser un accompagnement qui s’adapte et qui évolue en fonction des symptômes. Dans tous les cas, l’adhésion du patient au programme de prise en charge qui lui est proposé est essentielle. Une prise en charge interdisciplinaire adaptée afin de mieux reconnaître et accompagner tous les symptômes présentés par les patients est recommandée chez ceux dont la qualité de vie est fortement altérée.
Une remise en mouvement précoce via une activité physique adaptée est l’un des aspects centraux de la prise en charge afin, entre autres, de prévenir ou de limiter le déconditionnement physique. C’est pourquoi l’expertise suggère d’étendre à la fibromyalgie les recommandations émises dans l’expertise collective Inserm sur la pratique de l’activité physique dans les maladies chroniques. Un tel programme d’activité physique devra être supervisé régulièrement par un professionnel de santé.
Pour les patients ayant des difficultés à gérer leur fibromyalgie ou présentant des symptômes anxiodépressifs, la psychothérapie peut faire partie de la prise en charge afin de les aider à améliorer leur bien-être psychologique et leur qualité de vie.
Si des médicaments peuvent s’avérer ponctuellement efficaces contre certains symptômes (douleur, mais aussi troubles du sommeil, anxiété ou dépression…), il est important de prévenir le mésusage médicamenteux, notamment en évitant la prescription d’opioïdes contre les douleurs diffuses, surtout chez les enfants et les adolescents.
Promouvoir une recherche de qualité
Autre grande recommandation de l’expertise, développer et poursuivre des recherches de qualité sur la douleur chronique généralisée, dont la fibromyalgie. Plusieurs axes de recherche doivent ainsi être priorisés.
Dans un premier temps, il s’agit d’améliorer les connaissances sur la fibromyalgie en explorant la douleur chronique diffuse dans les grandes cohortes françaises existantes ou à venir. Les études pourront aussi évaluer les spécificités de sous-groupes de fibromyalgie, en renforçant la recherche sur les représentations et l’expérience vécue des patients et en évaluant l’impact socioéconomique.
Par ailleurs, l’expertise souligne l’importance de renforcer les investigations chez les jeunes souffrant de douleurs chroniques diffuses et les recherches sur l’origine et les conséquences d’une telle douleur survenant dans l’enfance et l’adolescence.
Enfin, identifier les facteurs permettant de favoriser une prise en charge interdisciplinaire, notamment avec la promotion d’une recherche sur l’organisation des soins, est également considéré comme une priorité.
L’expertise collective « Fibromyalgie » de l’Inserm permet de faire un pas supplémentaire pour promouvoir une recherche d’excellence sur le sujet, au service de la santé des personnes affectées par les douleurs chroniques.
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