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Communiqués et dossiers de presse

Fièvre de la Vallée du Rift : un exemple de lutte contre les maladies virales émergentes

La FVR se transmet du bétail à l’humain. © DAAF 976

Maladie virale à l’origine d’épidémies importantes, principalement en Afrique, la fièvre de la Vallée du Rift (FVR) se transmet du bétail à l’humain. Classée maladie prioritaire émergente par le programme R&D Blueprint de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2015, sa dynamique de transmission avait pourtant jusqu’ici été peu étudiée. Dans le cadre d’une collaboration multidisciplinaire, des chercheurs et professionnels de la santé publique de l’Inserm, de Santé publique France et du Cirad avec le soutien du consortium REACTing ont développé un modèle mathématique pour étudier la dynamique de l’épidémie de FVR qui a touché Mayotte en 2018-2019 et quantifier pour la première fois l’impact bénéfique de la vaccination du bétail. Ces travaux sont publiés dans la revue PNAS.

Alors que la pandémie de Covid-19 se poursuit, les recherches pour mieux comprendre les maladies émergentes et les zoonoses, pathologies infectieuses transmissibles de l’animal à l’humain, n’ont jamais été aussi importantes.

La fièvre de la Vallée du Rift (FVR) est une maladie virale zoonotique que l’on retrouve principalement dans certaines régions d’Afrique, à Mayotte et dans la péninsule arabique. Elle touche majoritairement le bétail, provoquant des vagues de fausses couches et une mortalité élevée chez les animaux les plus jeunes. Les humains peuvent quant à eux être infectés par contact direct avec les fluides corporels d’animaux contaminés ou par piqûres de moustiques infectés à partir d’animaux malades. A ce jour, aucune contamination interhumaine n’a été rapportée. Si la plupart des patients développent des formes asymptomatiques ou bénignes, la maladie peut dans de rares cas (1 à 3 % des patients) évoluer vers des formes graves, caractérisées par des troubles oculaires et méningés ainsi que par une fièvre hémorragique menant parfois au décès.

Problème de santé publique majeur dans certains pays, la FVR fait partie depuis 2015 de la liste des maladies prioritaires émergentes de l’OMS, ce qui implique un développement accéléré des moyens de contrôle épidémique. Alors que la recherche de vaccins pour le bétail avance, l’impact potentiel de la vaccination sur les dynamiques épidémiques n’avait encore jamais été évalué.

L’équipe coordonnée par la chercheuse Inserm Raphaëlle Métras et sa collègue Marion Subiros de Santé publique France, s’est intéressée à l’épidémie de FVR qui a touché Mayotte en 2018-2019. Depuis 2008, la mise en place de deux dispositifs de surveillance sur cette île, l’un centré sur les animaux (avec l’aide des services vétérinaires de Mayotte et la Coopérative des éleveurs Mahorais CoopADEM), l’autre sur l’humain, a permis de collecter de nombreuses données de surveillance de qualité sur la FVR. Celles-ci portent sur la séroprévalence chez le bétail et sur l’épidémiologie humaine (nombre de cas humains, caractéristiques sociodémographiques, critères d’exposition à la maladie, géolocalisation).

Dans leur étude, les chercheuses et leurs collègues ont développé un modèle mathématique intégrant ces données collectées conjointement par les deux dispositifs de surveillance afin de reproduire la dynamique de transmission du virus pendant l’épidémie de 2018-2019. L’un des objectifs était de mieux comprendre comment le virus passait de l’animal infecté à l’Homme.

Les scientifiques montrent ainsi pour la première fois dans le cadre d’une épidémie de FVR que la transmission du virus à l’humain par le biais des moustiques a été plus importante que la transmission par contact direct avec le bétail infecté.  En faisant l’hypothèse que 30% de la population de Mayotte travaille dans le secteur agricole, jusqu’à 55 % des infections humaines auraient été causées par des piqûres de moustiques, contre 45 % des infections par exposition au bétail.

Aucune étude n’avait jusqu’ici apporté des chiffres sur la répartition des transmissions par piqûres de moustique versus les transmissions par contact direct chez l’humain.

L’équipe a également modélisé l’impact potentiel d’une vaccination du bétail pour réduire l’ampleur de l’épidémie avec un vaccin adapté ayant les caractéristiques visées par le programme Blueprint de l’OMS (l’efficacité vaccinale notamment).  Les résultats du modèle montrent que vacciner 20 % du bétail pourrait réduire le nombre de cas humains de 30 %. Des campagnes de vaccination précoces et massives du bétail seraient donc une mesure essentielle dans la diminution de l’incidence de la maladie chez l’humain.

Dans un contexte où les épidémies de maladies zoonotiques et émergentes ne cessent de se succéder, ces travaux illustrent l’importance de la mise en œuvre d’une approche « One Health », abordant de façon systémique et unifiée la santé publique, animale et environnementale aux échelles locales, nationales et planétaire.« L’urgence sanitaire associée à la pandémie de Covid-19 doit nous contraindre à repenser la manière dont nous envisageons les liens entre santé humaine, animale et environnementale. Nos travaux mettent en lumière la valeur ajoutée d’une approche multidisciplinaire et intégrée quantitative One Health dans la lutte contre les zoonoses. Ils donnent aussi des pistes pour améliorer la surveillance et la recherche sur les maladies infectieuses émergentes », conclut Raphaëlle Métras.

Contacts
Contact Chercheur

Raphaëlle Métras

Chercheuse Inserm

Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique – IPLESP (UMRS-1136)

e-mail : rf.mresni@sartem.elleahpar

Portable sur demande

Contact Presse

Inserm

rf.mresni@esserp

 

Santé Publique France

rf.ecnarfeuqilbupetnas@esserp

Sources

Estimation of Rift Valley fever virus spillover to humans during the Mayotte 2018–2019 epidemic

Raphaëlle Métrasa,b,c,d,1, W. John Edmundsd, Chouanibou Youssouffie, Laure Dommerguesf, Guillaume Fourniég, Anton Camachod,h, Sebastian Funkd, Eric Cardinaleb,i, Gilles Le Godaisj, Soihibou Comboj, Laurent Filleulk,  Hassani Youssoufk,2, and Marion Subirosk,2

aINSERM, Sorbonne Université, Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé Publique (Unité Mixte de Recherche en Santé 1136), 75012 Paris, France

bCentre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement, UMR Animal, Santé, Territoires, Risques, et Écosystèmes, Campus International de Baillarguet, 34398 Montpellier, France

cAnimal, Santé, Territoires, Risques, et Écosystèmes, I site Montpellier Université d’Excellence (I-MUSE), Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement, Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, 34398 Montpellier, France

dCentre for the Mathematical Modelling of Infectious Diseases, Department of Infectious Disease Epidemiology, London School of Hygiene and Tropical Medicine, London WC1E 7HT, United Kingdom

eGroupement de Défense Sanitaire Mayotte – Coopérative des Eleveurs Mahorais, Division Santé Animale, 97670 Coconi, Mayotte, France

fLa Coopération Agricole, Division Santé Animale, F-75538 Paris, France

gVeterinary Epidemiology, Economics and Public Health Group, Department of Pathobiology and Population Sciences, The Royal Veterinary College, Hatfield AL9 7TA, United Kingdom

hEpicentre, Research Department, 75019 Paris, France

iCentre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement, UMR Animal, Santé, Territoires, Risques, et Écosystèmes, F-97490 Sainte Clotilde, La Réunion, France

jDirection de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt de Mayotte, Service de l’Alimentation, 97600 Mamoudzou, France

kSanté Publique France, Cellule Mayotte de Santé publique France, 97600 Mamoudzou, France

 

PNAS, septembre 2020.  https://doi.org/10.1073/pnas.2004468117

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