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Une étude prospective, promue par l’AP-HP, menée entre 2014 et 2015 par des équipes de chercheurs et cliniciens de l’Inserm, de l’Université Paris Descartes et de l’AP-HP, apporte un éclairage nouveau sur le mode d’accouchement en cas de grossesse gémellaire.
Selon les Prs Thomas Schmitz, et François Goffinet, qui ont coordonné cette étude intitulée JUMODA (« MOde D’Accouchement des JUmeaux »), la mise au monde par voie basse diminuerait le taux de mortalité et de morbidité néonatale des deux enfants. Ces résultats sont parus dans le numéro de juin de la revue Obstetrics & Gynecology.
Si des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années dans le domaine de la santé périnatale, la grossesse de jumeaux et leur mise au monde restent cependant des situations à haut risque. En effet, des complications parfois graves peuvent survenir à la fois chez la mère et les enfants, au cours de la grossesse (hypertension, retard de croissance, accouchement prématuré) mais également lors de l’accouchement, notamment du 2ème enfant (décollement placentaire, mauvais positionnement du cordon ombilical, contractions brutales de l’utérus au cours du travail, etc.). En France, alors que le taux de mortalité néonatale (décès dans les 27 premiers jours après la naissance) est de 2,3 pour 1000 naissances vivantes (selon une étude Inserm de 2013), celui-ci est 5 à 10 fois plus élevé en cas de grossesse gémellaire.
Jusqu’à très récemment, les pratiques d’une partie des obstétriciens français étaient guidées par les résultats d’études rétrospectives anglo-saxonnes allant à l’encontre de l’accouchement par voie vaginale en cas de grossesse gémellaire, particulièrement pour le 2ème enfant. En effet, dans ces études, l’état de santé néonatal du 2ème jumeau était meilleur après une naissance par césarienne qu’après un accouchement par les voies naturelles. Ces données ont participé à l’augmentation du taux de césariennes observé en France pour cette population depuis 20 ans, et qui était de 45% en 2010.
Selon le Pr Thomas Schmitz, les méthodes d’accouchement peuvent précisément être à l’origine de certaines complications et sont très différentes en France et dans les pays anglo-saxons. Il était donc nécessaire de réaliser dans notre pays une évaluation rigoureuse des pratiques obstétricales à l’accouchement des grossesses gémellaires.
Des chercheurs du CRESS –Inserm/Université Paris Descartes/AP-HP- ont lancé en 2014, une étude nommée JUMODA, pour « Etude prospective comparative nationale sur le MODe D’Accouchement des femmes enceintes de JUmeaux » menée par le Pr Thomas Schmitz et le Pr François Goffinet. Cette étude a eu pour but de mesurer la mortalité et la morbidité néonatale des jumeaux, selon la voie programmée d’accouchement (voie basse ou césarienne). Pour cela, les équipes ont analysé les naissances gémellaires dans 176 maternités françaises entre février 2014 et mars 2015. Un peu plus de 8 800 femmes ont pu être recrutées, soit 75% du nombre total d’accouchements de jumeaux en France sur la période analysée.
Si la césarienne reste une solution de secours incontournable lorsque surviennent certaines complications pendant les grossesses gémellaires, ces résultats récents montrent que l’accouchement par voie basse est à privilégier dans la très grande majorité des cas. Outre les complications opératoires et psychologiques associées à la césarienne qui seront évitées avec un accouchement par voie basse, l’accouchement naturel pourrait être, grâce au contact qui s’établit à ce moment-là entre le fœtus et les bactéries du vagin de la mère, le déclencheur de nombreux mécanismes immunitaires protecteurs, importants pour la santé et le développement de l’enfant à long terme. « Le message que nous souhaiterions faire passer aux patientes enceintes de jumeaux, est que la grossesse gémellaire n’est pas en soi une indication d’accouchement par césarienne. Il nous semble important que les patientes enceintes de jumeaux soient informées de ces résultats afin qu’elles puissent discuter au mieux avec leur obstétricien de leur voie d’accouchement. » conclut le PrThomas Schmitz.
Cette étude a été financée par le Programme hospitalier de recherche clinique national (PHRCN) en 2012.