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Communiqués et dossiers de presse

Il existerait un lien entre la taille du réseau social et la structure du cerveau

02 Mai 2022 | Par INSERM (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

Mère macaque toilettant son jeune singe.

Mère macaque toilettant son jeune singe. Cette image illustre la façon dont les macaques établissent des relations avec leurs compagnons. © Noah Snyder-Mackler

Plus nos relations sociales seraient nombreuses, plus certaines structures de notre cerveau seraient développées. Telle est l’hypothèse au cœur de plusieurs travaux de recherche en neurosciences depuis plusieurs années. De précédents résultats ayant mis en avant le rôle de notre environnement social en tant que l’un des facteurs clés à l’origine de l’expansion du cortex cérébral, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de l’université Lyon Claude Bernard Lyon 1, en collaboration avec l’université de Pennsylvanie, ont fait un pas supplémentaire pour mieux comprendre ce lien. Ils se sont intéressés plus spécifiquement à une espèce de macaques dont l’architecture du cerveau est comparable à celle de l’Homme. En observant les animaux dans leur état naturel et en analysant des images de leurs cerveaux, ils ont découvert que le nombre de compagnons de ce primate non-humain permettait de prédire la taille de certaines zones de son cerveau, qui sont notamment associées à la cognition sociale et l’empathie. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Science Advances.

Les liens entre le réseau social et la taille du cerveau ont fait l’objet de précédentes études dans le domaine des neurosciences. Des scientifiques se sont par exemple déjà intéressés à la variation de la taille de l’amygdale du cerveau humain, en fonction du nombre d’amis Facebook que possède un individu[1].

Pour compléter ces recherches et essayer de mieux comprendre l’organisation et les fonctions des réseaux neuronaux chez l’Homme, des équipes ont travaillé avec une espèce animale aux caractéristiques cérébrales proches de celles de l’humain, à savoir les macaques rhésus.

Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de l’université Claude Bernard Lyon 1 au sein de l’Institut cellule souche et cerveau, en collaboration avec l’université de Pennsylvanie, ont étudié un groupe de ces primates non-humains dans leur état naturel et pendant plusieurs mois avant d’imager leur cerveau. Le fait d’étudier les animaux en liberté leur a permis d’appréhender le groupe social dans toute sa complexité. Les scientifiques ont ainsi pu mesurer l’intensité[2] des interactions avec les autres individus ou encore d’identifier la position hiérarchique sociale de l’animal au sein du groupe.

Une partie des observations a porté par exemple sur les partenaires de toilettage, qui représentent des relations directes et importantes pour les macaques.

En parallèle de ce travail d’observation comportementale, les scientifiques ont analysé les scanners cérébraux des individus du groupe, qui était composé de 103 macaques rhésus dont 68 adultes et 21 jeunes macaques âgés de moins de 6 ans.

Ils ont découvert que, chez l’adulte, plus l’animal avait un nombre important de compagnons, plus certaines régions de son cerveau situées dans le lobe temporal étaient de taille importante.

Il s’agit de l’insula antérieur et de la partie médiane du Sillon temporal Supérieur[3] – des régions considérées primordiales pour se représenter les émotions et la perception des comportements d’autrui.

Pour mieux comprendre comment ce phénomène se met en place, les scientifiques ont également pu recueillir les scanners cérébraux de 21 jeunes macaques âgés de moins de 6 ans.  Les travaux ont montré qu’ils ne sont pas nés avec ces différences de taille des structures cérébrale mais qu’elles se mettent en place au cours de leur développement.

D’après les observations des chercheurs, il n’y aurait donc à la naissance aucune corrélation entre la taille du réseau social et le volume du cerveau. Ces résultats suggèrent que l’exposition à l’environnement social au cours de la vie participe à la maturation des réseaux cérébraux.

« Cet aspect est intéressant, car si nous avions observé la même corrélation chez les jeunes macaques, cela aurait pu signifier que naître d’une mère très populaire (ayant beaucoup d’interactions avec le groupe), aurait pu prédisposer le nouveau-né à devenir à son tour populaire. Au contraire, nos données suggèrent que les différences que nous observons chez l’adulte serait fortement déterminée par nos environnements sociaux, peut-être plus que par notre prédisposition innée », explique Jérôme Sallet, directeur de recherche à l’Inserm.

À la suite de cette étude, les chercheurs souhaitent désormais étudier les changements anatomiques au niveau cellulaire, afin de révéler les mécanismes en œuvre lors de l’augmentation de la taille des zones du cerveau identifiées à l’aide d’imagerie cérébrale.

 

[1] Kanai R., Bahrami B., Roylance R. and Rees G. 2012. Online social network size is reflected in human brain structure, Proc. R. Soc. B.

[2] Les chercheurs ont mesuré le nombre d’interactions des animaux, leur durée et si ces interactions étaient coopératives ou agressives.

[3] La partie médiane du Sillon temporal Supérieur est impliquée dans la perception et la cognition sociale. 

Contacts
Contact Chercheur

Jérôme Sallet

Chercheur Inserm

Institut cellule souche et cerveau U1208

E-mail : rf.mresni@tellas.emorej

Téléphone sur demande

Contact Presse

rf.mresni@esserp

Sources

Social connections predict brain structure in a multidimensional free-ranging primate society

Science Advances, Avril 2022

Camille Testard1*, Lauren J.N. Brent2, Jesper Andersson3, Kenneth L. Chiou4,5, Josue
E. Negron-Del Valle4,5, Alex R. DeCasien6,7,8, Arianna Acevedo-Ithier1, Michala K. Stock9, Susan C. Antón6,7, Olga Gonzalez10, Christopher S. Walker11, Sean Foxley3,12, Nicole R. Compo13,6 Samuel Bauman13, Angelina V. Ruiz-Lambides13, Melween I. Martinez13, J. H. Pate Skene15,16, Julie E. Horvath16,17,18,19, Cayo Biobank Research Unit†, James P. Higham6,7, Karla Miller3, Noah Snyder-Mackler4,5, Michael J. Montague1, Michael L. Platt1,20,21‡, Jérôme Sallet22,23‡*

1 Department of Neuroscience, University of Pennsylvania; Philadelphia, PA, USA

2 Centre for Research in Animal Behaviour, University of Exeter; Exeter, UK

3 Wellcome Integrative Neuroimaging Centre, fMRIB; Oxford, UK

4 Center for Evolution and Medicine, Arizona State University; Tempe, AZ, USA

5 School of Life Sciences, Arizona State University; Tempe AZ, USA

6 Department of Anthropology, New York University; New York, NY, USA

7 New York Consortium in Evolutionary Primatology, NYCEP; New York, NY, USA

8 Section on Developmental Neurogenomics, National Institute of Mental Health, DC, USA

9 Department of Sociology and Anthropology, Metropolitan State University of Denver, CO, USA

10 Texas Biomedical Research Institute, TX, USA

11 Department of Molecular Biomedical Sciences, College of Veterinary Medicine, North Carolina State University, Raleigh, NC, USA

12 Department of Radiology, University of Chicago; Chicago,USA

13 Caribbean Primate Research Center, University of Puerto Rico; Sabana Seca, Puerto Rico

14 Department of Neurobiology, Duke University, Durham, NC, USA

15 Institute of Cognitive Science, University of Colorado, Boulder, CO, USA

16 Department of Biological and Biomedical Sciences, North Carolina Central University, Durham,NC 27707, USA

17 Department of Biological Sciences, North Carolina State University, Raleigh, NC, USA

18 North Carolina Museum of Natural Sciences, Raleigh, NC 27601, USA

19 Department of Evolutionary Anthropology, Duke University, Durham, NC 27708, USA 20Department of Psychology, University of Pennsylvania; Philadelphia, PA, USA

21 Marketing Department, University of Pennsylvania; Philadelphia, PA, USA,

22 Wellcome Integrative Neuroimaging Centre, Department of Experimental Psychology; Oxford, UK

23 Université Lyon 1, Inserm, Institut cellule souche et cerveau U1208; Bron, France

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