Contact Chercheur
Cécile Chevrier Chargée de recherche Inserm 02 23 23 61 26 prpvyr.purievre@vafrez.seJean-François VielProfesseur des universités - praticien hospitalier
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Dans un article publié dans la revue Environnement International, des chercheurs de l’Inserm (Unité Inserm 1085 – IRSET, Institut de Recherche sur la Santé, l’Environnement et le Travail, Rennes) en lien avec le laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation (Université Rennes 2) apportent de nouveaux éléments suggérant la neurotoxicité chez l’homme des insecticides du groupe des pyréthrinoïdes, présents dans une grande variété de produits et d’usages. Une augmentation des taux urinaires de deux métabolites des pyréthrinoïdes (3‑PBA et cis-DBCA) chez les enfants est associée à une baisse significative de leurs performances cognitives[1], en particulier de la compréhension verbale et de la mémoire de travail. Cette étude a été réalisée sur près de 300 couples mère-enfant de la cohorte PELAGIE (Bretagne).
L’exposition aux pyréthrinoïdes
Les pyréthrinoïdes constituent une famille d’insecticides largement employés dans divers domaines : agricole (diverses cultures), vétérinaire (produits anti-parasitaires) et domestique (shampooings anti-poux, produits anti-moustiques). Leur mode d’action consiste en un blocage de la neurotransmission des insectes provoquant leur paralysie. Du fait de leur efficacité et de leur relative sécurité chez l’homme et les mammifères, ils se sont substitués à des molécules plus anciennes (organochlorés, organophosphorés, carbamate) considérées comme plus toxiques.
L’exposition des enfants aux pyréthrinoïdes est fréquente. Elle diffère de celle des adultes étant donnés leur plus grande proximité aux poussières du sol (qui stocke des polluants), des contacts main-bouche plus fréquents, des shampooings anti-poux, etc… Chez l’enfant, les pyréthrinoïdes sont absorbés principalement par voie digestive, mais aussi par voie cutanée. Ils sont rapidement métabolisés au niveau du foie, puis éliminés majoritairement dans les urines en 48 heures sous forme de métabolites.
Compte-tenu de ces éléments et du mode d’action (neurotoxicité) des insecticides pyréthrinoïdes, les chercheurs ont émis l’hypothèse d’un éventuel effet de ces contaminants sur le système nerveux et son développement chez l’enfant.
L’apport de la cohorte mère-enfant PELAGIE
La grossesse est également une période de vie importante pour la santé ultérieure de l’enfant. C’est pourquoi les chercheurs ont étudié la cohorte mère-enfant PELAGIE mise en place entre 2002 et 2006, suivant 3 500 couples mères-enfants. Cette cohorte prend en compte de façon simultanée l’exposition aux insecticides pyréthrinoïdes pendant la vie fœtale et pendant l’enfance.
Un total de 287 femmes sélectionnées au hasard dans la cohorte PELAGIE et contactées avec succès au sixième anniversaire de leur enfant, ont accepté de participer à cette étude.
Deux psychologues se sont rendues à leur domicile. L’une a procédé à l’évaluation des performances neuro-cognitives de l’enfant à l’aide de l’échelle WISC (indice de compréhension verbale – ICV, et indice mémoire de travail – IMT). L’autre psychologue a caractérisé l’environnement et les stimulations familiales ayant possiblement un rôle sur le développement intellectuel de l’enfant, a procédé au recueil d’un échantillon d’urines de l’enfant et collecté des échantillons de poussières.
L’exposition aux insecticides pyréthrinoïdes a été estimée par le dosage de cinq métabolites (3-PBA, 4-F-3-PBA, cis-DCCA, trans-DCCA et cis-DBCA) dans les urines de la mère (recueillies entre la 6ème et la 19ème semaine de grossesse) et de l’enfant (recueillies à son 6ème anniversaire).
Une baisse constatée des performances cognitives chez l’enfant
Les résultats montrent qu’une augmentation des taux urinaires chez l’enfant de deux métabolites (3 PBA et cis-DBCA) est associée à une baisse significative des performances cognitives, alors qu’aucune association n’est observée pour les trois autres métabolites (4-F-3-PBA, cis-DCCA, trans-DCCA). En ce qui concerne les concentrations de métabolites durant la grossesse aucun lien n’est mis en évidence avec les scores neuro-cognitifs.
« Les conséquences d’un déficit cognitif de l’enfant sur ses capacités d’apprentissage et son développement social constituent un handicap pour l’individu et la société. Les efforts de recherche doivent se poursuivre afin d’identifier des causes qui puissent faire l’objet de mesures de prévention » souligne Jean-François Viel, co-auteur de ces travaux.
La cohorte PELAGIE
L’étude PELAGIE (Perturbateurs Endocriniens : Étude Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l’Infertilité et l’Enfance) a été mise en place pour répondre aux préoccupations de santé, en particulier celle des enfants, dues à la présence de composés toxiques dans nos environnements quotidiens. Il s’agit d’un suivi d’environ 3 500 mères-enfants réalisé en Bretagne depuis 2002. L’impact d’expositions prénatales à des contaminants (solvants, pesticides) sur le développement intra-utérin a été suggéré ; l’évaluation des conséquences sur le développement de l’enfant est en cours. L’étude PELAGIE s’intègre dans le réseau européen de cohortes mères-enfants qui sont un outil épidémiologique lourd et complexe, mais indispensable pour répondre à ces préoccupations de Santé Publique.
[1] Les fonctions cognitives sont les capacités du cerveau qui permettent notamment de communiquer, de percevoir son environnement, de se concentrer, de se souvenir d’un événement ou d’accumuler des connaissances. https://aqnp.ca/la-neuropsychologie/les-fonctions-cognitives/
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