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Communiqués et dossiers de presse

La consommation de certains additifs alimentaires émulsifiants serait associée à un risque accru de cancers

13 Fév 2024 | Par Inserm (Salle de presse) | Santé publique

© Mathilde Touvier/Inserm

Les émulsifiants sont parmi les additifs les plus fréquemment utilisés par l’industrie agroalimentaire. Leur usage vise à améliorer la texture des produits tout en prolongeant leur durée de conservation. Des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, d’INRAE, de l’Université Sorbonne Paris Nord, d’Université Paris Cité et du Cnam, regroupés au sein de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Cress-Eren), ont entrepris d’étudier les possibles liens entre les apports alimentaires en additifs émulsifiants et la survenue des cancers. Ils ont analysé les données de santé de 92 000 adultes participant à l’étude de cohorte française NutriNet-Santé, en évaluant spécifiquement leur consommation de ce type d’additifs alimentaires. Les résultats de cette recherche suggèrent une association entre l’ingestion de certains additifs émulsifiants et un risque accru de cancers, en particulier du sein et de la prostate ; résultats qui ont été publiés dans la revue PLoS Medicine.

En Europe et en Amérique du Nord, 30 à 60 % de l’apport énergétique alimentaire des adultes provient d’aliments ultra-transformés. De plus en plus d’études épidémiologiques suggèrent un lien entre une consommation élevée d’aliments ultra-transformés et un risque accru d’obésité, de maladies cardiométaboliques et de certains cancers.

Les émulsifiants figurent parmi les additifs les plus couramment utilisés dans ces aliments. Ils sont souvent ajoutés aux aliments industriels transformés et emballés tels que certaines pâtisseries, gâteaux et desserts, glaces, barres chocolatées, pains, margarines et plats préparés, afin d’améliorer leur apparence, leur goût, leur texture et leur durée de conservation. Ils comprennent notamment les mono- et diglycérides d’acides gras, les carraghénanes, les amidons modifiés, les lécithines, les phosphates, les celluloses, les gommes et les pectines.

Comme pour tous les additifs alimentaires, la sécurité des émulsifiants a été précédemment évaluée sur la base des preuves scientifiques disponibles à l’époque. Pourtant, certaines recherches récentes suggèrent que les émulsifiants pourraient perturber le microbiote intestinal et augmenter le risque d’inflammation, pouvant potentiellement favoriser la survenue de certains cancers. Pour la première fois au niveau international, une équipe de chercheuses et chercheurs français s’est intéressée aux relations entre les apports alimentaires en émulsifiants et le risque d’apparition de plusieurs localisations de cancers dans une grande étude en population générale.

Les résultats sont fondés sur l’analyse des données françaises de 92 000 adultes (âge moyen 45 ans ; 79 % de femmes) qui ont participé à l’étude de cohorte NutriNet-Santé (voir encadré ci-dessous) entre 2009 et 2021.

Les participants ont renseigné en ligne tous les aliments et boissons consommés et leur marque (pour les produits industriels), sur au moins 3 journées d’enregistrements alimentaires, avec la possibilité de réactualiser leurs données de consommation tous les 6 mois. Ces enregistrements ont été mis en relation avec des bases de données afin d’identifier la présence et la dose des additifs alimentaires (dont les émulsifiants) dans les produits consommés. Des dosages en laboratoire ont également été effectués pour fournir des données quantitatives.

Au cours du suivi, les participants ont déclaré la survenue de cancers (2 604 cas diagnostiqués), et un comité médical a validé ces déclarations après examen des dossiers médicaux. Plusieurs facteurs de risque bien connus pour les cancers, notamment l’âge, le sexe, le poids (IMC), le niveau d’éducation, les antécédents familiaux, le tabagisme, l’alcool et les niveaux d’activité physique, ainsi que la qualité nutritionnelle globale de l’alimentation (par exemple, les apports en sucre, en sel, en énergie) et le statut ménopausique ont été pris en compte.

Après un suivi moyen de 7 ans, les chercheurs ont constaté que des apports plus élevés en monoglycérides et diglycérides d’acides gras (E471) étaient associés à des risques accrus de cancers au global (une augmentation de 15 % du risque chez les plus forts consommateurs – 3e tertile – par rapport aux plus faibles consommateurs – 1er tertile), de cancers du sein (une augmentation de 24 % du risque), et de cancers de la prostate (une augmentation de 46 % du risque). D’autre part, les femmes ayant des apports plus élevés en carraghénanes (E407 et E407a) avaient 32 % de plus de risque de développer des cancers du sein, par rapport au groupe ayant des apports plus faibles.

Il s’agit de la première étude observationnelle en la matière, qui ne suffit donc pas, à elle seule, à établir de lien de cause à effet. Les auteurs soulignent certaines limites à cette étude. Par exemple, la proportion élevée de femmes, le niveau d’éducation plus élevé en moyenne et les comportements globalement plus soucieux de la santé parmi les participants à l’étude NutriNet-Santé par rapport à la population française en général, qui peuvent limiter la généralisation des résultats.

Néanmoins, l’échantillon de l’étude était de grande ampleur et les auteurs ont pu tenir compte d’un large éventail de facteurs potentiellement confondants, tout en utilisant des données détaillées et uniques sur les expositions aux additifs alimentaires, allant jusqu’à la marque des produits industriels consommés. De plus, les résultats sont restés inchangés après de multiples analyses de sensibilité, renforçant ainsi leur robustesse.

« Si ces résultats doivent être reproduits dans d’autres études à travers le monde, ils apportent de nouvelles connaissances clés au débat sur la réévaluation de la réglementation relative à l’utilisation des additifs dans l’industrie alimentaire, afin de mieux protéger les consommateurs », expliquent Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm, et Bernard Srour, professeur junior à INRAE, principaux auteurs de l’étude.

L’étude NutriNet-Santé est une étude de santé publique coordonnée par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (CRESS-EREN, Inserm/INRAE/Cnam/Université Sorbonne Paris Nord/Université Paris Cité), qui, grâce à l’engagement et à la fidélité de plus de 170 000 « nutrinautes », fait avancer la recherche sur les liens entre la nutrition (alimentation, activité physique, état nutritionnel) et la santé. Lancée en 2009, l’étude a déjà donné lieu à plus de 270 publications scientifiques internationales. Un appel au recrutement de nouveaux nutrinautes est toujours en cours afin de continuer à faire avancer la recherche publique sur les relations entre la nutrition et la santé.

En consacrant quelques minutes par mois à répondre, via Internet, sur la plateforme sécurisée etude-nutrinet-sante.fr, aux différents questionnaires relatifs à l’alimentation, à l’activité physique et à la santé, les participants contribuent à faire progresser les connaissances, vers une alimentation plus saine et plus durable.

Contacts
Contact Chercheur

Mathilde Touvier

Directrice de recherche Inserm

Directrice de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle Eren, unité 1153 Inserm/ INRAE/Cnam/Université Sorbonne Paris Nord/Université Paris Cité, Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Cress), réseau NACRe

z.gbhivre@rera.fzou.havi-cnevf13.se

Bernard Srour

Professeur junior INRAE

Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle Eren, unité 1153 Inserm/ INRAE/Cnam/Université Sorbonne Paris Nord/Université Paris Cité, Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Cress), réseau NACRe

o.febhe@rera.fzou.havi-cnevf13.se

Contact Presse

cerffr@vafrez.se

Sources

Food additive emulsifiers and cancer risk: results from the French prospective NutriNet-Santé cohort

PLoS Medicine, février 2024

https://doi.org/10.1371/journal.pmed.1004338

https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1004338

Laury Sellem1,2,#, Bernard Srour*,1,2,#, Guillaume Javaux1, Eloi Chazelas1,2, Benoit Chassaing2,3, Emilie Viennois4, Charlotte Debras1,2, Nathalie Druesne-Pecollo1,2, Younes Esseddik1, Fabien Szabo de Edelenyi1, Nathalie Arnault1, Cédric Agaësse1, Alexandre De Sa1, Rebecca Lutchia1, Inge Huybrechts5, Augustin Scalbert5, Fabrice Pierre2,6, Xavier Coumoul2,7, Chantal Julia1,8, Emmanuelle Kesse-Guyot1,2, Benjamin Allès1, Pilar Galan1,2, Serge Hercberg1,2,8, Mélanie Deschasaux-Tanguy1,2, Mathilde Touvier1,2

# Equal contributions. Joint first authors

1 Université Sorbonne Paris Nord and Université Paris Cité, Inserm, INRAE, CNAM, Center of Research in Epidemiology and StatisticS (CRESS), Nutritional Epidemiology Research Team (EREN), Bobigny, France

2 Nutrition And Cancer Research Network (NACRe Network), France

3 Inserm U1016, team « Mucosal microbiota in chronic inflammatory diseases« , CNRS UMR 8104, Université Paris Cité, Paris, France

4 Inserm U1149, Center of Research on Inflammation, Université Paris Cité, Paris, France

5 International Agency for Research on Cancer, World Health Organization, Lyon, France

6 Toxalim (Research Centre in Food Toxicology), Université de Toulouse, INRAE, ENVT, INP-Purpan, UPS, Toulouse, France

7 Inserm UMR-S 1124, Université Paris Cité, Paris, France

8 Public Health Department, Groupe Hospitalier Paris-Seine-Saint-Denis, Assistance Publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), Bobigny, France

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