L’homme et la levure ont un point commun : ils utilisent le même processus moléculaire pour assurer l’intégrité de leur patrimoine génétique pendant la reproduction. C’est ce que viennent de découvrir des chercheurs du CNRS, de l’Inserm et de l’Université Joseph Fourier à Grenoble. Les scientifiques vont donc étudier la levure pour comprendre les nombreux cas d’infertilité masculine liés au mauvais déroulement de ce processus lors de la spermatogenèse.
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Les 50 dernières années, la fertilité masculine n’a fait que baisser. Les hommes auraient perdu la moitié de leurs spermatozoïdes en un demi-siècle, sans doute à cause des polluants. Mais la fragilité des spermatozoïdes restants est aussi responsable de cette situation. Si l’ADN qu’ils portent est endommagé, cela empêche le développement d’un embryon sain.
Lors de leur « voyage » vers l’ovule dans le corps féminin, les spermatozoïdes subissent des changements de température et autres agressions chimiques. Pour résister à ces conditions, l’ADN est compacté au cours de la spermatogenèse : il perd environ 90% en volume. Au niveau moléculaire, cela se traduit par la perte des histones, les molécules autour desquelles l’ADN est enroulé, au profit de plus petites, les protamines. Des défauts dans le processus de compactage sont responsables de nombreux cas d’infertilité masculine. Ils ont été mis en évidence notamment par la présence des histones qui restent dans l’ADN des spermatozoïdes.
L’équipe de Saadi Khochbin, directeur de recherche CNRS à l’Institut Albert Bonniot (Inserm/Université Joseph Fourrier à Grenoble) (1) a comparé les étapes moléculaires du compactage chez la souris à celles qui se produisent lors de la sporulation (la dissémination de spores) chez la levure, un champignon unicellulaire. La sporulation répond à un besoin de protection du patrimoine génétique contre les agressions de l’environnement. D’un point de vue fonctionnel, il est comparable au compactage lors de la spermatogenèse. Ce que les chercheurs ont découvert, c’est qu’il l’est aussi d’un point de vue moléculaire. Avant leur remplacement par les protamines, les histones ont déjà subi une altération chimique appelée hyperacétylation. C’est elle qui lance le signal du compactage. Les chercheurs ont mis en évidence l’existence de cette hyperacétylation chez la levure et d’un facteur moléculaire similaire chez la levure et chez l’homme, qui agit sur les histones acétylées.
Cette étude suggère que la spermatogenèse aurait évolué à partir du processus plus simple de la sporulation, tout en conservant les mêmes principes moléculaires. Mais plus important encore : la sporulation chez la levure, un système simple à étudier, va pouvoir servir de modèle pour comprendre la spermatogenèse et étudier les pathologies humaines affectant la fertilité masculine.
(1) en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Pennsylvanie