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Communiqués et dossiers de presse

L’appendice n’est pas une structure inutile et serait corrélé à un allongement de la durée de vie

03 Août 2021 | Par Inserm (Salle de presse) | Physiopathologie, métabolisme, nutrition

koala

L’appendice est une structure anatomique que l’on retrouve chez de nombreuses espèces pourtant très différentes, de l’orang-outan au koala, en passant par le castor et bien sûr l’humain. © David Clode/Unsplash

 

Longtemps considéré comme une structure anatomique inutile, l’appendice fait désormais l’objet de nombreux travaux pour mieux comprendre son rôle. Présent chez de nombreux mammifères, dont l’espèce humaine, il serait apparu au moins 16 fois au cours de l’histoire évolutive des mammifères et sa fonction confèrerait donc un avantage sélectif positif à ceux qui le possèdent. Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Inserm et du Muséum National d’Histoire Naturelle suggère que la présence de l’appendice serait en fait corrélée à l’allongement de la longévité. Les résultats sont publiés dans le Journal of Anatomy.

Petite structure anatomique de quelques centimètres située dans l’abdomen, appendue au côlon, la fonction de l’appendice est longtemps demeurée mal comprise. Selon les théories de Charles Darwin, il s’agirait même d’une structure vestigiale, inutile et dénuée de fonction. Il pourrait même s’avérer dangereux pour la santé en raison du risque d’inflammation qui peut survenir. On parle alors d’« appendicite » et en l’absence de traitement, cette inflammation peut évoluer en péritonite et conduire jusqu’au décès.

Depuis plusieurs années, des travaux de recherche ont été menés afin d’en apprendre plus sur le rôle de l’appendice. Des études ont, par exemple, montré qu’une appendicectomie réalisée en cas d’appendicite avérée avant l’âge de 20 ans a des effets protecteurs contre la survenue d’une forme spécifique d’inflammation chronique du côlon et du rectum : la rectocolite hémorragique.

Par ailleurs, des chercheurs ont démontré que l’appendice n’est pas uniquement présent chez l’Homme. Il apparaît pour la première fois chez les mammifères il y au moins 80 millions d’années, puis au cours de l’évolution, il fait ensuite des apparitions multiples et indépendantes chez de nombreuses lignées mammaliennes, sans corrélation évidente avec le régime alimentaire, la vie sociale, ou l’environnement. On le retrouve aujourd’hui aussi bien chez l’orang-outan, le koala et le lamantin que le castor ou encore l’ornithorynque. Toutefois, sa fonction demeurait encore mystérieuse, aucune étude ne parvenant à une conclusion définitive.

Un lien avec la longévité des mammifères

L’équipe menée par le chercheur Inserm Eric Ogier-Denis et son collègue Michel Laurin du Muséum National d’Histoire Naturelle s’est penchée sur la question en analysant les données de 258 espèces de mammifères dont 39 avec et 219 sans appendice. Les scientifiques se sont notamment intéressés à la longévité maximale théorique (la durée de vie théorique des mammifères, établie en fonction de leur poids) et à la longévité maximale réelle des différentes espèces considérées.

Ils ont ainsi montré pour la première fois que la présence de l’appendice est corrélée à un allongement de longévité maximale observée pour l’espèce. Comparé à un mammifère de même poids ne possédant pas d’appendice, un mammifère qui présente cette structure anatomique a une durée de vie plus longue.

« L’idée de s’intéresser à la longévité nous a été suggérée par nos travaux portant sur la relation entre appendicite/appendicectomie, rectocolite hémorragique et l’implication du système immunitaire. Avec un système immunitaire plus actif et mieux éduqué, on doit théoriquement mieux résister à l’environnement et vivre plus longtemps. Nous avons donc testé cette hypothèse en nous associant avec deux experts de l’évolution internationalement connus du Muséum National d’Histoire Naturelle. Il s’agit de la première démonstration de l’existence d’une corrélation entre la présence de l’appendice et un trait de l’histoire de vie des mammifères », souligne Eric Ogier-Denis.

Un sanctuaire bactérien

Pour les chercheurs, l’hypothèse la plus probable permettant d’expliquer le lien entre présence de l’appendice et longévité est que cette structure, de par sa forme, favoriserait la constitution d’un « sanctuaire bactérien » sélectif qui permettrait de diminuer la mortalité par diarrhée infectieuse en favorisant la recolonisation rapide des espèces bactériennes essentielles à l’hôte. La présence de l’appendice serait ainsi associée à une diminution de la mortalité et donc à l’allongement de la longévité chez les mammifères qui en sont dotés.

« Cela ne signifie pas qu’une appendicectomie pour appendicite réalisée chez l’Homme modifie la longévité. En effet, l’appendicite dans le jeune âge est certainement bénéfique en exacerbant l’éducation du système immunitaire et en lui permettant de lutter plus efficacement en cas d’infection ultérieure. Le traitement de l’appendicite reste l’appendicectomie et ce travail n’apporte aucun argument suggérant de modifier cette attitude thérapeutique. Seule l’appendicectomie réalisée sans appendicite pourrait avoir des conséquences délétères dans le contexte de pathologies inflammatoires et infectieuses intestinales », précise Eric Ogier Denis.

Ces travaux ouvrent donc de nouvelles pistes solides pour répondre à la question controversée de la fonction de l’appendice. Ils seront complétés dans les mois à venir par des études de terrain avec différentes espèces de mammifères pour confirmer le lien entre appendice et longévité. 

Contacts
Contact Chercheur

Eric Ogier-Denis

U1242 Inserm

Université de Rennes 1

revp.btvre-qravf@vafrez.se

 

Michel Laurin

CR2P (“Centre de Recherches sur la Paléobiodiversité et les Paléoenvironnements”; UMR 7207)

CNRS/MNHN, Sorbonne Université, Muséum National d’Histoire Naturelle

zvpury.ynheva@zaua.se

 

Téléphones sur demande

Contact Presse

cerffr@vafrez.se

Sources

The cecal appendix is correlated with greater maximal longevity in mammals

Journal of Anatomy, juillet 2021

DOI : https://doi.org/10.1111/joa.13501

 

Maxime K. Collard1, Jérémie Bardin2, Michel Laurin2, Eric Ogier-Denis1,3,4 

 

1 Centre de Recherche sur l’Inflammation, INSERM, U1149, CNRS, ERL8252, Team

Gut Inflammation, Université de Paris, Paris, France

2 CR2P “Centre de Recherches sur la Paléobiodiversité et les Paléoenvironnements”, UMR 7207, CNRS/ MNHN, Muséum National d’Histoire Naturelle, Sorbonne Université, Paris,

France

3 INSERM U1242, Université de Rennes 1, Rennes, France

4 Centre de Lutte contre le Cancer Eugène Marquis CLCC, Rennes, France 

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