Une équipe de chercheurs du CEA, de l’Inserm, des universités Paris-Sud et Paris Diderot a montré qu’une exposition à des faibles doses d’irradiation (0.02 Gy) entraîne une perte de fonction des cellules souches hématopoïétiques[1] (CSH). Cette équipe montre aussi qu’une irradiation à cette faible dose facilite la prise de greffe de moelle osseuse sans myéloablation[2]. Ces résultats, parus dans Cell Reports le 26 septembre 2017, montrent à la fois les aspects délétères et bénéfiques d’une irradiation à faibles doses.
Quelles sont les conséquences d’une exposition à de faibles doses de rayonnements ionisants, par exemple lors d’examens médicaux utilisant les rayons X ? Des études épidémiologiques préalables ont associé les expositions à de faibles doses d’irradiation (<0.1 Gy) à l’augmentation de la fréquence d’apparition de maladies hématologiques. Cependant aucun lien biologique entre une exposition à de faibles doses d’irradiation et des anomalies de cellules hématopoïétiques n’avait été montré. Les résultats obtenus par les chercheurs du CEA, de l’Inserm, de l’Université Paris Sud et l’Université Paris Diderot montrent qu’une irradiation à faibles doses de cellules souches hématopoïétiques (CSH), cellules à l’origine de l’ensemble des cellules sanguines, entraîne une diminution du nombre de CSH et de leur fonctionnalité. Ces effets sur les cellules souches sont aussi observables in vivo en cas d’inflammation et pourraient conduire à un défaut de production des cellules sanguines et à des risques d’aplasie médullaire[3] ou de transformation leucémique.
Cette équipe a utilisé cette propriété pour tester un nouveau protocole pouvant permettre une prise de greffe de moelle osseuse sans myéloablation. En effet, le protocole, actuellement utilisé lors de transplantation de moelle osseuse autologue[4] consiste en la destruction médicamenteuse de la moelle osseuse du patient avant la greffe (myéloablation), destruction qui est malheureusement associée à de nombreux effets secondaires indésirables. En se basant sur leurs observations, les chercheurs ont montré qu’une irradiation à une très faible dose, dose utilisée en imagerie médicale, précédée d’un traitement actuellement utilisé en clinique et qui permet la sortie des CSH de la moelle osseuse, permettait une prise de greffe de moelle osseuse sans myéloablation.
Ces résultats indiquent la nécessité d’une prise en charge attentive lors d’imageries médicales en particulier chez des patients présentant un syndrome inflammatoire mais pourraient aussi apporter un bénéfice thérapeutique majeur pour les patients candidats à une transplantation de moelle osseuse autologue en particulier lors de protocole de thérapie génique.
Cellules souches hématopoïétiques (CSH), non irradiée (à g.) et irradiée (à d.) à la dose de 0,02 Gy. Marquage en bleu du noyau et en rouge de la protéine Nrf2 activée et nucléaire, témoin de la réponse de la CSH au stress oxydatif engendré par l’irradiation à 0.02 Gy.
[1] Cellules souches de la moelle osseuse à l’origine des cellules sanguines : globules rouges, plaquettes et globules blancs.
[2] Destruction médicamenteuse de la moelle osseuse du patient avant la greffe.
[3] Insuffisance de production par la moelle osseuse des différentes lignées sanguines, secondaire à la raréfaction plus ou moins durable des cellules souches hématopoïétiques.
[4] Aussi appelée autogreffe, la greffe autologue en thérapie génique consiste à prélever des cellules souches hématopoïétiques chez un patient et à reconstituer son hématopoïèse avec ses propres cellules souches génétiquement modifiées.