Une journée scientifique intitulée « Neurobiological basis of Anxiety disorders » réunit lundi 18 juin à Paris les scientifiques des 6 organismes partenaires de DEVANX [1], projet européen coordonné par l’Inserm, démarré en 2008. L’occasion de faire un point sur l’état des connaissances acquises sur les bases neurobiologiques de l’anxiété.
La connaissance des circuits cérébraux et les molécules-clés impliqués dans les manifestations de l’anxiété a fait de grand progrès depuis quelques années. L’utilisation de modèles animaux a beaucoup contribué à cette compréhension. Chez la souris, il est ainsi possible d’observer les changements comportementaux qui interviennent dans les situations de conflit émotionnel, par exemple comment l’animal va choisir entre l’exploration d’un espace neuf (curiosité) et le repli sur soi (peur). L’étude de l’animal dans une situation de peur apprise a aussi été bien décrite : comment l’animal va apprendre à associer un environnement neutre avec un danger potentiel.
La sérotonine et le GABA sont les 2 principales molécules « messagères » entre les neurones (« neurotransmetteurs ») qui sont impliquées dans les états anxieux. Ce sont de fait les cibles communes des médicaments « anxiolytiques ».
Mais le rôle exact de ces molécules, leurs interactions avec l’environnement sont encore à préciser. L’apport de la génétique et les nouvelles données concernant la plasticité du cerveau doivent s’intégrer à la compréhension chaque jour plus fine des mécanismes en jeu. Patricia Gaspar et Laurence Lanfumey, directrices de recherche Inserm – coordinatrices du projet DEVANX – et leurs collègues, ont cherché à aborder l’étude des bases neurobiologique de l’anxiété sous divers angles.
1. LES ASPECTS PHARMACOLOGIQUES
Les récepteurs GABAb, présents sur les neurones, sont des cibles de nouvelles molécules dont le mode d’action est complètement différent des anxiolytiques classiques (benzodiazépines) qui, quant à eux, agissent sur les récepteurs GABAa. La connaissance de la structure et de la fonction des récepteurs GABAb, ainsi que leurs interactions avec le système sérotoninergique permet de proposer des nouvelles cibles thérapeutiques.
Sous unités du récepteur GABAB : GABAB1a, GABAB1b et GABAB2.
© Gassmann et Bettler, 2012
Ces sous unités sont des récepteurs à sept domaines transmembranaires couplées aux protéines G via la sous unité GABAB2 .Les sous unités GABAB1a et GABAB1b diffèrent entre elles par la présence de deux domaines terminaux (sushi-domain) sur la sous unitéGABAB1a.
2. LE RÔLE DE LA SÉROTONINE
Chez les personnes souffrant de dépression, d’attaques de panique, d’anxiété, ou de phobies, un traitement permettant d’augmenter le niveau de sérotonine réduit ces pathologies.
Cependant, peu de données étaient disponibles sur la cause initiale de ce manque de sérotonine, déclencheur de ces troubles. C’est pourquoi différents modèles animaux sont nécessaires aux chercheurs pour découvrir et analyser les différentes situations d’un cerveau « pauvre » en sérotonine.
La sérotonine est impliquée dans de nombreux rôles physiologiques : rythmes veille-sommeil, impulsivité, appétit, douleur, comportement sexuel, et anxiété. Son action est médiée par près d’une quinzaine de sous-types de récepteurs différents.
Le système sérotoninergique est en fait multiple : il est présent dans le système nerveux central (dans les noyaux du raphé dans le cerveau) et périphérique (dans les cellules entérochromaffines du tube digestif).
La « spécialisation » de neurones en « neurones à sérotonine » est contrôlée par différents facteurs moléculaires, selon leur localisation, et ne se fait pas aux mêmes moments du développement.
3. LES AUTRES CIRCUITS EN JEU : CIRCUITS DE LA PEUR
Les connexions avec des travaux sur la peur et les derniers enseignements d’un point de vue neurocomportemental permettent de croiser les approches.
Il apparaît de plus en plus que ce sont des circuits neuronaux normaux de réaction à l’environnement qui sont détournés ou amplifiés de manière pathologique dans l’anxiété. Dès lors, il est très important de comprendre et d’analyser le fonctionnement de ces circuits chez les animaux « en situation ». A terme, l’objectif consiste à trouver les moyens de « déconditionner » certains circuits cérébraux anormalement ou excessivement activés.
La recherche dans le domaine de l’anxiété, comme dans de nombreux domaines des Neurosciences, met à profit des approches intégrées, qui nécessitent des expertises multiples. Les études moléculaires doivent à présent impérativement s’intégrer dans le contexte de l’animal entier qui exprime des comportements les plus proches possibles de situations physiologiques, tout en étant rigoureusement contrôlées sur le plan expérimental. Les outils génétiques donnent une puissance inégalée pour rechercher la fonction d’une molécule déterminée ou d’un assemblage moléculaire dans un circuit donné et dans une fenêtre temporelle précise. Ce type d’approche est appelé à se développer dans les années à venir avec des outils qui permettront d’activer ou de rendre silencieux certains circuits neuronaux sélectionnés.
La résolution, pas à pas, de ces processus élémentaires imbriqués, devrait permettre d‘expliquer les mécanismes sous-tendant l’anxiété pathologique.
[1] DEVANX: “Serotonin and GABA-B receptors in anxiety : From developmental risk factors to treatment”, projet soutenu par la Commission Européenne, démarré en 2008, dont les partenaires sont l’Inserm (coordinateur), University College Cork, Irlande, European Molecular Biology Laboratory, Italie/Allemagne, Central Institute of Mental Health, Mannheim, Allemagne, Universitaet Basel, Suisse, Universidad Pablo de Olavide, Espagne