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Le système immunitaire intestinal associe différentes populations de cellules immunitaires innées et adaptatives qui nous protègent des infections. Une fois le pathogène repéré, les premières déclenchent l’attaque initiale et appellent en renfort les lymphocytes B et T de l’immunité adaptative pour « terminer le travail » et mémoriser le profil de l’intrus. Si la séquence des évènements est connue, la coopération entre les différents acteurs est encore mal comprise. Les chercheurs essayent ainsi de révéler les relations qui s’établissent au cœur de l’intestin entre les lymphocytes T et les cellules lymphoïdes innées (ILC pour Innate Lymphoïd Cells). Découvertes en 2008 simultanément par 12 laboratoires, dont celui d’Éric Vivier, les ILCs représentent un nouveau type de lymphocytes jusque-là complètement ignoré. Ces cellules constituent en quelque sorte la « version rapide » des lymphocytes T. Réparties en différents groupes, elles ont une morphologie de cellule lymphoïde, produisent les mêmes cocktails de cytokines que les lymphocytes T mais, à l’instar de leurs congénères, elles sont dépourvues de récepteurs spécifiques aux antigènes.
Les auteurs révèlent aujourd’hui un autre aspect de leur biologie: leur chorégraphie avec les lymphocytes T. En utilisant la bactérie Citrobacter rodentium chez la souris comme modèle de diarrhées humaines à Escherichia coli entéropathogène (EPEC) et E. coli entérohémorragique (EHEC), ils ont ainsi démontré que l’action protectrice des lymphocytes T et d’un sous type d’ILCs (les ILC3 NCR+) est non seulement redondante, mais que ces dernières sont à même « d’assurer le travail » en cas de défaillance des lymphocytes T.
À terme, cette découverte pourrait ainsi ouvrir la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques contre les diarrhées intestinales, un enjeu de santé publique d’échelle planétaire puisque chaque année près de 4 milliards de personnes sont touchées par ces maladies, qui représentent près de 4% des décès dans le monde.
Par ailleurs, cette étude renferme une autre découverte inattendue : au cours de l’infection, ces mêmes ILCs protègent le couple cæcum/appendice de l’inflammation et d’éventuels dommages. « Depuis longtemps, le caecum et l’appendice sont considérés comme des organes vestigiaux du point de vue immunitaire. Nos travaux s’inscrivent dans une hypothèse toute différente qui propose un rôle de cette partie de l’intestin comme refuge à bactéries commensales lors d’infections. Ainsi les ILCs aideraient à essaimer les « bonnes » bactéries qui contribuent à maintenir l’équilibre du microbiote intestinal et ainsi à mieux lutter contre les infections » conclut le Professeur Éric Vivier.