Les éléments transposables, aussi appelés “gènes sauteurs”, sont des fragments d’ADN capables de se déplacer ou de se copier d’un endroit à un autre sur les chromosomes. Ils ont envahi le génome de la plupart des organismes vivants, des bactéries aux humains, en passant par les plantes. Lorsqu’ils sautent, ils provoquent des modifications complexes des gènes près desquels ou dans lesquels ils s’insèrent, ce qui peut modifier ou abolir leur fonction. Ce phénomène contribue à l’évolution et à l’adaptation des espèces.
Cependant, à plus court terme, les “gènes sauteurs” peuvent avoir des effets néfastes. Chez l’Homme, la seule famille actuellement active, les rétrotransposons de type LINE-1, est à l’origine de nouveaux cas de maladies génétiques, comme des hémophilies ou des dystrophies musculaires. C’est pourquoi leur activité est normalement strictement contrôlée. Cependant, dans près de la moitié des cancers épithéliaux, ils parviennent à échapper aux nombreux mécanismes de défense cellulaires qui protègent notre ADN, et ils sautent activement contribuant à l’émergence et à la progression des cancers. D’ailleurs de nombreuses études les utilisent comme biomarqueurs tumoraux à des fins diagnostiques ou pronostiques.
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L’une des difficultés majeures soulevée par l’étude des “gènes sauteurs” est liée à leur nature extrêmement répétée. Notre ADN en contient des centaines de milliers de copies presque identiques entre elles, et chaque individu possède des centaines de copies non répertoriées dans la carte de référence du génome humain. Aussi, jusqu’à présent, il était impossible de savoir si l’activation des “gènes sauteurs” résultait d’un dérèglement général conduisant à une mobilisation massive de toutes les copies, ou si, au contraire, seul un petit nombre d’entre elles parvenaient à échapper aux contrôles de protection. Grâce à une nouvelle approche, publiée dans la revue eLife, et intégrant séquençage à haut-débit, génomique, épigénomique et bioinformatique, l’équipe de Gaël Cristofari, chargé de recherche à l’Inserm, et ses collaborateurs de l’Unité 1081 “Institut de Recherche sur le Cancer et le Vieillissement de Nice (IRCAN)”, sont parvenus à mesurer l’activité des “gènes sauteurs” dans des cellules normales ou cancéreuses à une résolution inégalée.
“La notion importante ici, c’est que le petit groupe de LINE-1 qui échappe au contrôle est différent d’un type cellulaire à un autre: dans certains cancers, tel groupe est important, dans un autre type de cancer, ce sera un autre groupe de copies. Cette observation suggère qu’il y a derrière chaque groupe de LINE-1 un mécanisme et des signaux qui sont propres à un type d’organe ou de tissu particulier.” explique Gaël Cristofari.
Ces résultats permettent de mieux comprendre comment de nouvelles mutations peuvent apparaître, suggèrent l’existence de facteurs génétiques derrière ce phénomène, et apportent des données nouvelles pour utiliser de façon rationnelle les rétrotransposons LINE-1 comme biomarqueurs en cancérologie en se focalisant sur les copies actives dans un type cellulaire donné.
Ces travaux ont été rendus possibles grâce, notamment, au support financier de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, de la Fondation pour la Recherche Médicale, du Cancéropôle PACA, du Conseil Européen de la Recherche, de l’Agence Nationale de la Recherche (Labex Signalife), et du Groupement de Recherche sur les Eléments Transposable (CNRS, GDR 3546).