Des maux de tête importants et à répétition sont associés à une présence plus forte de petites lésions cérébrales détectables par imagerie du cerveau (IRM). Pour autant, ils n’augmentent pas le risque de déclin cognitif. Ceci est vrai pour les céphalées classiques comme pour les migraines. Cette conclusion rassurante apportée par des chercheurs de l’Unité mixte Inserm-Université Pierre et Marie Curie, Paris « Neuroépidémiologie », est fondée sur le suivi d’une cohorte de 780 personnes de plus de 65 ans issues de la population générale à Nantes.
Les résultats de cette étude sont publiés ce jour dans la revue British Medical Journal online.
Des travaux récents, notamment l’étude CAMERA, ont examiné par IRM le cerveau des migraineux et ont montré qu’ils présentaient plus souvent des lésions des micro-vaisseaux du cerveau que le reste de la population.
Or, selon plusieurs études, la présence en grande quantité de ce type de lésions cérébrales augmente le risque de détérioration cognitive (raisonnement, mémoire, etc.) et de maladie d’Alzheimer. C’est pourquoi l’équipe de recherche coordonnée par Christophe Tzourio, directeur de l’Unité mixte Inserm-Université Pierre et Marie Curie 708 « Neuroépidémiologie », a fait l’hypothèse que la migraine pourrait « abîmer » le cerveau.
Examens cérébraux par IRM de deux personnes participant à l’étude EVA. A gauche on ne voit pas de lésion détectable. A droite, chez un autre participant de même âge, on visualise de nombreuses lésions en hypersignal (flèches) autour des ventricules et dans la substance blanche profonde. © Inserm, T. Kurth et coll.
Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont évalué l’impact de la migraine sur la cognition. L’équipe a utilisé la cohorte EVA composée de personnes âgées de plus de 65 ans recrutées dans la population générale à Nantes et suivies pendant une dizaine d’années. Des IRM cérébrales ont été pratiquées chez plus de 800 d’entre elles et ces personnes ont également eu un interrogatoire sur leurs céphalées par un neurologue.
Les tests de cognition effectués portaient sur l’évaluation de l’orientation des volontaires dans le temps et dans l’espace, leur mémoire à court terme ou encore leur capacité et leur rapidité à effectuer correctement des tâches spécifiques.
Les résultats montrent que 21 % des personnes souffrent ou ont souffert de céphalées sévères au cours de leur vie. Pour plus de 70 % d’entre elles, il s’agissait de migraines dont certaines avec aura (voir encadré ci-dessous). Les IRM des participants ayant des céphalées sévères confirment qu’ils ont deux fois plus de risque d’avoir une quantité importante de lésions des micro-vaisseaux cérébraux par rapport aux sujets sans céphalées. En revanche, les scores cognitifs étaient identiques chez les personnes avec ou sans céphalées sévères, qu’ils aient ou non des lésions des micro-vaisseaux cérébraux. Chez les participants ayant une migraine avec aura (2% de l’ensemble de l’échantillon), une augmentation spécifique des infarctus cérébraux silencieux et de certaines lésions a été observée, confirmant ainsi les études précédentes, mais sans atteinte cognitive décelable. « Il s’agit d’un résultat très rassurant pour les nombreuses personnes qui souffrent de migraine. Malgré la présence accrue de lésions des micro-vaisseaux cérébraux, cette pathologie n’augmente pas le risque de déclin cognitif. Nous n’avons donc pas observé de conséquence négative de la migraine sur le cerveau. » conclut Tobias Kurth, premier auteur de cette étude, qui a conçu et réalisé ces analyses.