L’exposition de la femme enceinte aux polluants atmosphériques et au trafic routier augmente de manière significative le risque de retard de croissance fœtale, même à des niveaux bien inférieurs aux niveaux stipulés dans les directives actuelles de l’Union européenne (UE) sur la qualité de l’air. Ces conclusions publiées aujourd’hui dans The Lancet Respiratory Medicine sont les résultats d’une des plus vastes études de cohorte de ce type coordonnée en France par Remy Slama (Unité Inserm 823 « Institut Albert Bonniot, Grenoble) en lien avec plusieurs équipes de chercheurs dans toute l’Europe (projet Escape).
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En s’appuyant sur les données de la European Study of Cohorts for Air Pollution Effects (ESCAPE – Étude européenne de cohortes sur les effets de la pollution atmosphérique), les investigateurs ont réuni les données de 14 études de cohorte menées dans 12 pays européens et impliquant 74 000 femmes ayant accouché (hors grossesses multiples) entre 1994 et 2011.
Les concentrations de polluants atmosphériques (dioxyde d’azote et particules fines en suspension, ou PM2,5) ont été évaluées durant la grossesse à l’adresse du domicile de chaque femme. La densité du trafic sur la route la plus proche et le volume total de trafic sur toutes les routes principales dans un rayon de 100 m autour du lieu de résidence ont également été enregistrés.
Les chercheurs estiment que pour toute augmentation de 5 microgrammes par mètre cube (5µg/m³) de l’exposition aux particules fines pendant la grossesse, (particules que l’on trouve par exemple dans les gaz d’échappement et les émissions liées au chauffage et aux activités industrielles), le risque de donner naissance à un bébé de petit poids (inférieur à 2500 g pour un enfant né après 37 semaines de grossesse) à terme augmente de 18 %. Il est important de noter que ce risque accru persiste à des taux inférieurs à la limite annuelle actuelle fixée par les directives de l’UE sur la qualité de l’air, qui est de 25 µg/m³ pour les particules fines.
Plusieurs polluants atmosphériques, et plus particulièrement les particules fines (PM2,5 – avec un diamètre de 2,5 micromètres ou moins), ainsi que la densité du trafic, sont associés avec une augmentation du risque de petit poids de naissance à terme et avec une réduction de la circonférence crânienne moyenne à la naissance, après prise en compte des autres facteurs tels que le tabagisme maternel, l’âge, le poids et le niveau d’éducation de la mère.
Les taux d’exposition moyens aux PM2,5 pendant la grossesse dans la population étudiée allaient, selon la zone, de moins de 10 μg/m³ à près de 30 μg/m³. Les chercheurs ont estimé que si les niveaux de PM2,5 étaient réduits à 10 µg/m³ (la valeur cible annuelle de l’OMS), 22 % (intervalle de confiance, 8 à 33%) des cas de petits poids de naissance à terme pourraient être évités.
« Ces résultats suggèrent qu’une proportion importante des cas de petit poids de naissance à terme pourrait être évitée en Europe si la pollution de l’air urbain, et en particulier les particules fines, diminuait », conclut Remy Slama, directeur de recherche Inserm