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Des chercheurs de l’Inserm et d’Aix-Marseille Université révèlent dans une étude chez le rat que l’exposition prénatale aux cannabinoïdes a des effets spécifiques au sexe sur les descendants adultes. Selon cette étude publiée dans eLife, la consommation de cannabis au cours de la grossesse pourrait entraîner à l’âge adulte des déficits comportementaux et neuronaux chez les descendants mâles. Les résultats mettent également en évidence une stratégie pharmacologique qui permettrait d’inverser ces effets chez l’homme.
Une étude, menée chez le rat par des chercheurs de l’Inserm et d’Aix-Marseille Université, au sein de l’Institut de Neurobiologie de la Méditerranée, suggère que l’usage de cannabis pendant la grossesse peut entraîner chez les mâles une diminution de la sociabilité et un accroissement de l’excitabilité neuronale.
Selon Olivier Manzoni, Directeur de recherche Inserm responsable de l’étude à l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée et Directeur du Laboratoire International Associé Inserm-Indiana University, CannaLab : « Comme les cannabinoïdes traversent le placenta, ils risquent d’interférer au cours du neurodéveloppement avec le signalement endocannabinoïde fœtal, qui est impliqué dans la régulation de divers processus (plasticité synaptique, l’appétit, la sensation de douleur) et dans la médiation des effets pharmacologiques du cannabis. Ces interférences pourraient alors, à leur tour, être à l’origine de graves déficiences sur le long terme. Toutefois, en dépit du nombre croissant de signalements concernant la consommation de cannabis en cours de grossesse, les conséquences à long terme d’une exposition prénatale aux cannabinoïdes restent mal comprises. »
Pour améliorer les connaissances dans ce domaine, les chercheurs Marseillais ont étudié avec leurs collaborateurs de l’Université de Rome (Italie) et d’Indiana University (USA) comment l’exposition prénatale aux cannabinoïdes influençait les fonctions synaptiques et comportementales du cortex préfrontal médial – une région du cerveau souvent impliquée dans les troubles neuropsychiatriques – chez les rats adultes, mâles et femelles.
Leurs résultats ont révélé que les rats mâles exposés in utéro aux cannabinoïdes étaient moins sociables que les animaux normaux et passaient moins de temps à interagir avec leurs congénères. Leurs comportements sociaux (interactions et jeux) étaient altérés, alors que le nombre d’attaques entre mâles demeurait inchangé.
« Les effets délétères de l’exposition prénatale aux cannabinoïdes sur le comportement social étaient spécifiques aux descendants mâles uniquement », indique la co-première auteure et doctorante Anissa Bara. « Toutefois, si l’interaction sociale était spécifiquement altérée chez les mâles, les fonctions locomotrices, l’anxiété et la cognition restaient identiques chez les rats mâles et femelles, suggérant des conséquences comportementales spécifiques au sexe. »
Les résultats ont également révélé que l’expression du gène mGlu5 – un effecteur du système endocannabinoïde dans le cortex préfrontal – était réduite chez les mâles exposés in utéro aux cannabinoides. L’équipe a découvert que l’amplification de la signalisation via mGlu5 pourrait permettre de normaliser, en partie, les anomalies synaptiques et comportementales induites par l’exposition prénatale aux cannabinoïdes via une activation des récepteurs cannabinoïdes de type 1 (CB1R). De même, des tests ultérieurs ont également permis de mettre en évidence que l’augmentation du taux d’anandamide (un type d’endocannabinoïde) chez les mâles exposés permettait de restaurer des comportements sociaux normaux via le récepteur CB1R.
« Dans leur ensemble, ces résultats prouvent sans équivoque les effets spécifiques au sexe d’une exposition prénatale aux cannabinoïdes », conclu la co-première auteure Antonia Manduca, également chercheuse postdoctorale de l’Inserm à l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée. « Le fait que l’amplification de la signalisation mGlu5 et l’augmentation du taux d’anandamide permettent d’inverser, chez le rat, les effets négatifs d’une exposition précoce laissent également entrevoir la possibilité d’une nouvelle stratégie pharmacologique qui pourrait un jour faire l’objet d’essais chez l’homme. »