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L’ivermectine, nouveau traitement « miracle » contre la Covid-19, vraiment ?

L’ivermectine serait-il le traitement miracle qui manquait à l’arsenal thérapeutique contre la Covid-19 ? Alors que la pandémie progresse encore à travers le monde et que le début de l’année 2021 a marqué le coup d’envoi de campagnes de vaccination dans de nombreux pays, la recherche sur les traitements potentiels contre cette maladie infectieuse émergente continue […]

Le 26 Jan 2021 | Par INSERM (Salle de presse)

Epithélium respiratoire humain infecté par le SARS-CoV-2 © Manuel Rosa-Calatrava, Inserm ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé

L’ivermectine serait-il le traitement miracle qui manquait à l’arsenal thérapeutique contre la Covid-19 ? Alors que la pandémie progresse encore à travers le monde et que le début de l’année 2021 a marqué le coup d’envoi de campagnes de vaccination dans de nombreux pays, la recherche sur les traitements potentiels contre cette maladie infectieuse émergente continue à avancer. 

Depuis l’apparition du nouveau coronavirus SARS-CoV-2, des équipes de recherche se sont penchées sur des stratégies de repositionnement thérapeutique. Concrètement, les scientifiques ont testé des médicaments déjà autorisés pour d’autres indications, afin de déterminer s’ils pouvaient avoir des effets bénéfiques contre la Covid-19. Dans ce contexte, les débats se sont souvent cristallisés sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine, sans que les nombreuses données scientifiques et cliniques disponibles ne permettent à ce jour de confirmer un quelconque intérêt thérapeutique de cette molécule.

Depuis quelques semaines néanmoins, c’est un autre traitement antiparasitaire, l’ivermectine, qui a fait beaucoup parler de lui en ligne. Possédant des propriétés anti-inflammatoires intéressantes, ce médicament est en particulier utilisé dans le traitement de plusieurs pathologies, dont la gale et  l’onchocercose (ou cécité des rivières).  

Plusieurs équipes de recherche se sont déjà penchées sur les effets de cette molécule pour lutter contre l’infection. Toutefois, à l’heure actuelle, la majorité de ces travaux n’ont été publiés qu’en préprint (c’est-à-dire qu’ils ne sont pas encore parus dans des revues scientifiques à comité de lecture) et/ou sont limités par des biais méthodologiques.

 

Etudes préliminaires insuffisantes

Certains arguments en faveur de l’utilisation de l’ivermectine évoquent tout d’abord une étude publiée dans Antiviral Research et réalisée sur des cellules in vitro, qui rapporte une activité antivirale de ce médicament contre le SARS-CoV-2.

Si ce type de modèles cellulaires étudiés en laboratoire est utile pour isoler des virus à partir de prélèvement clinique et/ou mieux comprendre les interactions possibles entre le virus et certaines molécules d’intérêt, il est très difficile en l’absence de résultats issus d’autres modèles précliniques plus pertinents d’un point de vue physiologique (tels que les modèles animaux) et surtout d’essais cliniques d’en tirer des conclusions quant à un potentiel usage bénéfique chez l’humain. Les études dans différents modèles in vitro sont certes une première étape, mais seuls les essais cliniques sans biais méthodologiques permettent de répondre à la question du bénéfice et du risque d’un médicament en clinique.

 En outre, cette étude utilise un modèle de cellules d’origine simienne qui n’est pas entièrement pertinent pour explorer l’infection par le SARS-CoV-2. Dans ces cellules, certains mécanismes endogènes de la réponse cellulaire antivirale humaine (interférons) sont notamment absents. Ces résultats devraient donc être répliqués sur d’autres types cellulaires exprimant ces interférons, afin de mieux caractériser l’effet antiviral de l’ivermectine et avant de pouvoir passer au prochain stade des études cliniques.

Par ailleurs, d’autres analyses suggèrent aussi que des doses jusqu’à 100 fois supérieures à celles autorisées chez l’homme pour son indication première, seraient nécessaires pour atteindre les concentrations plasmatiques efficaces contre le virus détectées in vitro, avec des inquiétudes quant à la dose efficace d’ivermectine chez l’homme et sa tolérance.

 

Essais cliniques et limites méthodologiques

Sur le point des biais méthodologiques dans les essais cliniques, on peut par exemple citer l’étude parue en janvier dans la revue Chest, qui suggère une mortalité plus faible chez des patients hospitalisés avec atteintes pulmonaires, infectés par le SARS-CoV-2 et traités par ivermectine, en comparaison à des sujets non traités.

Cette étude connaît cependant une limite méthodologique importante : les deux groupes sont difficilement comparables, car les patients traités avec l’ivermectine étaient également plus nombreux à avoir aussi reçu des corticoïdes (dont plusieurs études ont déjà démontré les bénéfices pour les patients atteints de formes sévères de la maladie).

Récemment, une « Research Letter » publiée dans le British Journal of Dermatology, souligne que l’ivermective pourrait avoir eu un rôle protecteur contre la Covid-19 dans un EPHAD où le médicament avait été donné pour traiter des cas de gale. Néanmoins, plusieurs limites sont là aussi à prendre en compte dont le caractère observationnel de l’étude et l’absence de corrélation démontrée in vitro/in vivo.

Cette idée de biais méthodologique et en conséquence, d’un faible niveau de preuves, est renforcée par des méta-analyses. On peut notamment citer la plateforme proposée par le BMJ et McMaster University – la « Covid-19 Living Network Analysis » – qui s’appuie sur un suivi et une analyse détaillée de la littérature scientifique pour recenser les niveaux de preuves concernant l’efficacité de plusieurs traitements utilisés contre la Covid-19. A l’heure actuelle, le niveau de preuves de l’efficacité de l’ivermectine est considéré comme « très bas », trop peu d’études robustes et concluantes ayant réussi à montrer un effet bénéfique de la molécule.

En conclusion, l’ivermectine est un médicament antiparasitaire qui n’est actuellement approuvé dans le traitement d’aucune infection virale, y compris l’infection à SARS-CoV-2. La question de sa dose efficace n’est pas résolue, tout comme son positionnement thérapeutique et/ou prophylactique. A ce jour, l’ivermectine n’est donc pas encore recommandée pour le traitement ou la prévention de la Covid-19 en dehors du cadre d’un essai clinique. Plusieurs essais sont justement en cours pour répondre à toutes ces questions.

Texte rédigé avec le soutien de Manuel Rosa-Calatrava, chercheur Inserm au Centre international de recherche en infectiologie (CIRI).

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