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Dans un travail publié dans la revue Science Translational Medicine, Guy Gorochov et son équipe du centre de recherche CIMI (Inserm / Sorbonne Université) et du département d’Immunologie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, révèlent que nos anticorps IgA jouent un rôle de chef d’orchestre du microbiote intestinal. Ils préviennent effectivement la colonisation intestinale par la flore buccale et favorisent la présence de certaines bactéries, totalement innocentes d’un point de vue infectieux, mais jouant un rôle bénéfique.
Notre pacte avec les microbes, autrement appelé symbiose, nous les rend indispensables à une vie normale. Obésité, cancer, auto-immunité, s’accompagnent au contraire de dysbiose, c’est-à-dire d’un dérèglement de l’écosystème bactérien au profit de l’action de « mauvaises » bactéries. Jusqu’à une période récente, l’anticorps IgA que nous sécrétons massivement dans notre tube digestif (66 mg/kg/jour) était considéré comme un moyen de défense empêchant le passage de germes potentiellement dangereux à travers la barrière intestinale alors que ses effets potentiels sur l’écologie microbienne abritée par l’homme restaient flous. C’est précisément ce qu’ont voulu comprendre les chercheurs.
Il n’est pas possible d’inactiver un gène chez l’homme pour élucider sa fonction, comme cela est réalisé chez la souris. Pour évaluer l’impact de l’IgA sur le microbiote, les auteurs ont donc tiré profit d’une situation clinique de déficit immunitaire se traduisant par l’absence quasi-complète d’IgA dans le sang et les sécrétions. Les cibles bactériennes habituelles de l’IgA dans la population générale ont été par ailleurs déterminées en purifiant la partie du microbiote fécal naturellement recouverte d’IgA chez des sujets sains, une approche originale mise au point par Martin Larsen dans le laboratoire. Puis, les microbiotes totaux ou fractionnés ont été analysés dans une approche dite métagénomique, consistant à séquencer simultanément l’ensemble des génomes bactériens présents au sein d’un échantillon. Enfin, les données métagénomiques ont été rapprochées des paramètres cliniques et biologiques des patients, pour évaluer l’impact des perturbations microbiennes sur le système immunitaire.
Le travail publié aujourd’hui révèle que l’IgA joue un rôle d’organisateur du microbiote intestinal. L’IgA prévient la colonisation intestinale par la flore buccale tout en favorisant la présence de certains commensaux, totalement innocents d’un point de vue infectieux, mais jouant un rôle bénéfique.
Ces conclusions ont été obtenues grâce au concours de 21 patients déficitaires en IgA, suivis au sein des hôpitaux de l’AP-HP. Outre l’avancée fondamentale dans la compréhension du rôle de l’IgA dans l’établissement d’un équilibre physiologique indispensable à la santé, l’article ouvre la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques par supplémentation orale en IgA chez ces patients déficitaires.
Pour terminer, cette étude illustre comment l’analyse de la réponse anticorps anti-microbiote peut être un moyen commode d’étudier l’interface entre l’hôte et son propre microbiote, et donc l’empreinte immunitaire de ce dernier à l’échelle du corps entier. L’étude des signatures sérologiques individuelles anti-microbiote représentant un nouveau bio-marqueur pour l’étude des associations microbiote/maladie qui se révèlent actuellement au grand jour, notamment dans le domaine du cancer.