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Communiqués et dossiers de presse

Maladie de Charcot : une nouvelle piste pour améliorer le diagnostic et le suivi des patients

14 Mar 2024 | Par Inserm (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

Neurones noradrénergiques présents dans le locus coeruleus de sourisNeurones noradrénergiques présents dans le locus coeruleus de souris et dont le dysfonctionnement contribue à l’hyperexcitabilité corticale dans la SLA. © Caroline Rouaux

La sclérose latérale amyotrophique ou maladie de Charcot est une maladie neurodégénérative qui entraîne une paralysie progressive puis le décès du patient. Le diagnostic est difficile à poser et aucun traitement curatif n’existe à ce jour; autant de défis pour la recherche. Dans une nouvelle étude, la chercheuse Inserm Caroline Rouaux et son équipe au Centre de recherche en biomédecine de Strasbourg (Inserm-Université de Strasbourg), en collaboration avec des chercheurs et chercheuses de l’Université Ludwig Maximilian à Munich, du CNRS et de Sorbonne Université, montrent que l’électroencéphalographie pourrait devenir un outil diagnostic et pronostic de la maladie. Grâce à cet examen, les scientifiques ont pu mettre en évidence un profil d’ondes cérébrales atypique qui pourrait s’avérer spécifique de la maladie. Ces travaux parus dans Science Translational Medicine, ont en outre permis de découvrir une possible cible thérapeutique. Ces avancées fondamentales pourraient à terme bénéficier aux patients.

La sclérose latérale amyotrophique ou maladie de Charcot demeure un véritable défi pour les cliniciens. Cette maladie neurodégénérative qui se déclare le plus souvent entre les âges de 50 à 70 ans conduit à une paralysie progressive et au décès des patients en seulement deux à cinq ans. Elle est due à la mort des motoneurones, les cellules nerveuses qui contrôlent les muscles, à la fois dans le cerveau (motoneurones centraux) et dans la moelle épinière (motoneurones périphériques).

Le diagnostic de la SLA est difficile à poser. En effet, les manifestations de la SLA sont hétérogènes au début de la maladie : faiblesses ou crampes au niveau d’un bras, d’une jambe, difficultés de déglutition ou d’articulation… Par ailleurs, il n’existe pas de biomarqueur spécifique de la maladie. Ainsi, le diagnostic résulte de l’élimination d’autres pathologies pouvant entraîner des troubles moteurs, ce qui prend généralement un à deux ans après le début des symptômes, retarde d’autant la mise en place de mesures thérapeutiques et réduit les chances d’inclusion dans des essais cliniques à un stade précoce.

C’est avec l’objectif de raccourcir ce délai que l’équipe de Caroline Rouaux au Centre de recherche en biomédecine de Strasbourg, en collaboration avec les équipes de Sabine Liebscher à Munich et Véronique Marchand-Pauvert, chercheuse Inserm à Paris, a testé le recours à l’électroencéphalographie1. Cette technique peu coûteuse et facile d’utilisation consiste à placer des électrodes à la surface du crâne pour enregistrer l’activité cérébrale sous forme d’ondes.

L’examen effectué chez des sujets atteints de SLA et dans des modèles animaux correspondants a révélé un déséquilibre entre deux types d’ondes respectivement associées à l’activité des neurones excitateurs et inhibiteurs. Ce déséquilibre, en faveur d’une plus grande activité des neurones excitateurs au détriment des neurones inhibiteurs, traduit une hyperexcitabilité corticale.

« Ce phénomène n’est pas une surprise et avait déjà été décrit avec d’autres méthodes d’investigation, mais celles-ci sont très peu utilisées car elles sont difficiles à mettre en œuvre et ne fonctionnent qu’en tout début de maladie. L’électroencéphalographie, au contraire, est très peu invasive, très peu couteuse, et peut s’utiliser à différents moments de la maladie. En outre, le profil d’ondes cérébrales atypique révélé par électroencéphalographie pourrait s’avérer spécifique de la maladie », explique Caroline Rouaux, chercheuse Inserm et dernière autrice de l’étude.

En effet, l’analyse de l’enregistrement de l’activité électrique du cerveau par électroencéphalographie permet de mettre en évidence divers types d’ondes cérébrales d’amplitudes et de fréquences différentes. L’une de ces ondes appelée « thêta » reflète l’activité des neurones excitateurs qui transmettent des messages stimulant les neurones, tandis qu’une autre onde appelée « gamma », reflète celle des neurones inhibiteurs qui bloquent la transmission des messages nerveux. L’étude révèle que chez les humains et animaux atteints de SLA, l’interaction entre ces deux types d’ondes est atypique, révélant un déséquilibre entre les activités excitatrices et inhibitrices. Non seulement ce déséquilibre a été retrouvé chez tous les sujets testés, mais les scientifiques ont aussi montré que plus les symptômes de la maladie progressent, plus ce déséquilibre est important. En outre, ce profil d’ondes atypique a été détecté chez l’animal avant même l’apparition des premiers symptômes moteurs.

Si ces premiers résultats se confirmaient, l’électroencéphalographie pourrait dans le futur servir d’outil pronostic pour les patients déjà diagnostiqués afin d’évaluer par exemple la réponse à un traitement médicamenteux, voire même d’outil diagnostic en cas de symptomatologie évocatrice de la maladie.

Dans une seconde partie de ce travail, les chercheurs ont pu étudier chez les patients et les souris les mécanismes à l’origine de l’hyperexcitabilité observée. Tout d’abord, ils ont mesuré les taux des différents neuromodulateurs produits par les neurones pour communiquer entre eux, et ont constaté un déficit en l’un d’entre eux : la noradrénaline était présente en plus faible quantité dans les cerveaux des patients et souris atteints de SLA et par rapport à des cerveaux sains.

Pour vérifier le rôle de la noradrénaline, ils ont bloqué la production de ce neuromodulateur chez des animaux sains, et ont montré que cela provoque une hyperexcitabilité corticale, comme celle observée dans la maladie. Et à l’inverse, en administrant des molécules stimulant l’action de la noradrénaline dans un modèle de souris atteintes de SLA, les scientifiques ont réduit l’hyperexcitabilité et restauré une activité cérébrale équivalente à celle de souris saines.

« Cette découverte pourrait marquer l’ouverture d’une nouvelle piste thérapeutique dans la SLA sous réserve que l’hyperexcitabilité corticale soit bien associée à la progression de la maladie. En effet, à ce jour, nous observons dans notre étude une association entre les deux mais aucun lien de cause à effet n’est encore établi. C’est ce que nous allons vérifier dans les prochains mois. », conclut Caroline Rouaux.

 

1 L’électroencéphalographie est couramment utilisée à des fins de recherche en neurologie mais aussi en pratique clinique. L’examen renseigne sur l’activité cérébrale en cas de troubles du sommeil, après un accident vasculaire cérébral, ou encore en cas de coma. Il permet également de diagnostiquer une encéphalite, une épilepsie ou encore de confirmer une mort cérébrale.

Contacts
Contact Chercheur

Caroline Rouaux

Chercheuse Inserm UMRS 1329

Centre de Recherche en Biomédecine de Strasbourg

pnebyvar.ebhnhk@vafrez.se

Contact Presse

cerffr@vafrez.se

Sources

Cortical hyperexcitability in mouse models and patients with amyotrophic lateral sclerosis is linked to noradrenaline deficiency

Science Translational Medicine, 13 mars 2024

www.science.org/doi/10.1126/scitranslmed.adg3665

 

Jelena Scekic-Zahirovic 1†‡, Cristina Benetton 2†, Aurore Brunet 1†, XiaoQian Ye 3,4, Evgeny Logunov3,4, Vincent Douchamps 5, Salim Megat1, Virginie Andry6, Vanessa Wing Yin Kan3,4, Geoffrey Stuart-Lopez1, Johan Gilet1, Simon J. Guillot 1, Sylvie Dirrig-Grosch1, Charlotte Gorin1, Margaux Trombini1, Stephane Dieterle1, Jerome Sinniger 1, Mathieu Fischer 1, Frederique Rene1, Zeynep Gunes 3,4, Pascal Kessler 7, Luc Dupuis1, Pierre-Francois Pradat2,8, Yannick Goumon 6, Romain Goutagny 5, Veronique Marchand-Pauvert 2§, Sabine Liebscher 3,4,9,10§, Caroline Rouaux 1§

1 Université de Strasbourg, Inserm UMRS 1329, Strasbourg Translational Neuroscience and Psychiatry (STEP), Centre de Recherche en Biomédecine de Strasbourg, 1 rue Eugene Boeckel, 67

000 Strasbourg, France.

2 Sorbonne Université, Inserm, CNRS, Laboratoire d’Imagerie Biomedicale, LIB, 75006 Paris, France.

3 Institute of Clinical Neuroimmunology, Klinikum der Universitat Munchen, Ludwig–Maximilians University Munich, 82152 Martinsried, Germany.

4 Biomedical Center, Ludwig–Maximilians University Munich, 82152 Martinsried, Germany.

5 Laboratoire de Neurosciences Cognitives et Adaptatives (LNCA), Université de Strasbourg, Faculté de Psychologie, 12 rue Goethe, 67000 Strasbourg, France; LNCA, UMR 7364, CNRS, 12 rue Goethe, 67000 Strasbourg, France.

6 CNRS UPR3212, SMPMS-INCI, Mass Spectrometry Facilities, Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives, Centre National de la Recherche Scientifique and University of Strasbourg, 67 000 Strasbourg, France.

7 Inserm UMS 38, Centre de Recherche en Biomédecine de Strasbourg, Faculté de Médecine, Université de Strasbourg, 67000 Strasbourg, France.

8 Neurologie, AP-HP, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 75013-Paris, France.

9 Munich Cluster for Systems Neurology (SyNergy), 81377 Munich, Germany.

10 Medical Faculty and Department of Neurology, University Hospital of Cologne, Cologne, 50937 Germany.

†These authors contributed equally to this work.

‡Present address: German Center for Neurodegenerative Diseases (DZNE), Ulm, Germany.

These authors jointly supervised this work.

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