Photo by Christophe Hautier on Unsplash
Ces dernières années, les neurosciences cognitives ont permis de montrer qu’il était possible d’altérer un souvenir par un effort conscient. Des chercheurs du Centre de Psychiatrie et de Neurosciences de l’Inserm, du Centre Hospitalier Sainte Anne et de l’Université Paris Descartes viennent aujourd’hui de montrer qu’il est possible d’altérer inconsciemment des souvenirs. Cette démonstration expérimentale d’une manipulation inconsciente des souvenirs, qui s’apparente au refoulement, un concept de la psychanalyse, est publiée dans la revue Cognition.
Les chercheurs savent, depuis quelques années qu’en faisant un effort conscient de répression d’un souvenir précis, il est possible de l’altérer, c’est-à-dire de diminuer notre capacité à se le remémorer. Cet effet se traduit par une désactivation des hippocampes cérébraux, structures du cerveau impliquées dans l’encodage de la mémoire. Une telle fragilisation est-elle possible inconsciemment ?
Sous la direction du Professeur Raphaël Gaillard, des chercheurs du Centre de Psychiatrie et de Neurosciences de l’Inserm, du Centre Hospitalier Sainte Anne et de l’Université Paris Descartes ont mis à profit leur expertise de la conscience et des processus inconscients pour tester cette hypothèse.
Afin de recréer en laboratoire les conditions d’un mécanisme de remémoration inconscient, des personnes volontaires ont appris des paires de mots associés (par exemple, bougie-champagne, balade-colline…) puis étaient entraînées, lorsque le premier mot leur était présenté, soit à penser au second mot de la paire, soit à s’empêcher d’y penser, en fonction d’un signal visuel. Un dispositif expérimental similaire avait permis auparavant la démonstration d’une altération d’un souvenir par un effort conscient.
L’originalité de cette étude réside dans le fait que ces signaux visuels donnant la consigne de penser ou de s’efforcer de ne pas penser au second mot de la paire étaient parfois présentés de façon subliminale, c’est-à-dire trop brièvement pour accéder à la conscience. Dans ce cas, les volontaires devaient déterminer le plus rapidement possible si le premier mot était masculin ou féminin. Bien que ces signaux n’aient pas été consciemment perçus, les chercheurs ont mis en évidence une altération sur la capacité à se remémorer le second mot.
De ce fait le signal associé à la consigne de ne pas penser au second mot a diminué la capacité de remémoration de ce mot et le signal associé automatiquement à la consigne d’y penser l’a augmenté. Cette étude démontre ainsi qu’il est possible de manipuler inconsciemment le souvenir d’un mot.
Plus généralement, ces travaux montrent une nouvelle fois que la mémoire est susceptible de distorsions, voire de manipulations : un enjeu pour les témoignages et pour la biographie de chacun.