Coronavirus SARS-CoV-2 accrochés au niveau des cils de cellule épithéliale respiratoire humaine. © Manuel Rosa-Calatrava, INSERM ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.
Tout au long de la pandémie, les chercheurs et modélisateurs ont développé des méthodes pour estimer la proportion de la population ayant été infectée par le SARS-CoV-2. Ce travail d’estimation est important car il permet d’apprécier la proportion de la population qui pourrait avoir acquis une immunité (au moins partielle et de court terme) contre le SARS-CoV-2 suite à une infection naturelle. Ce travail d’estimation peut cependant être difficile à faire car les données de surveillance sur les cas, les hospitalisations et les décès ne captent qu’une petite proportion des infections. Les enquêtes sérologiques sont alors un outil précieux. Ces enquêtes permettent de mesurer la séroprévalence, c’est-à-dire la proportion de la population ayant développé des anticorps anti-SARS-CoV-2, ce qui signale une infection passée. Cependant, les enquêtes sérologiques restent difficiles à mettre en œuvre de façon régulière. Enfin, le phénomène de décroissance des anticorps (une personne peut perdre ses anticorps avec le temps) fait que la séroprévalence risque à terme de sous-estimer la proportion de la population ayant été infectée. Au fur et à mesure que de nouvelles données devenaient disponibles, les scientifiques de l’Institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec l’Inserm, Sorbonne Université et Santé Publique France ont développé de nouvelles approches pour tenter de suivre la proportion d’infectés à partir de ces données. Le 8 avril 2021, ils publient dans The Lancet Public Health une mise à jour de la proportion de la population ayant été infectée par SARS-CoV-2 au niveau national, par région et par groupe d’âge (dernière mise à jour le 23/03/21).
Pendant le premier confinement, en l’absence de sérologie, par un travail d’intégration de données, publié dans la revue Science, Simon Cauchemez, responsable de l’unité Modélisation mathématique des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur, et son équipe ont produit l’une des premières estimations de la proportion de la population française infectée par SARS-CoV-2 à la sortie du premier confinement le 11 mai 2020. Ils avaient estimé à l’époque que cette proportion devait se situer aux environs de 5% au niveau national, avec des variations importantes entre régions (de l’ordre de 10% en Ile de France et dans le Grand Est).
Lorsque des données sérologiques sont devenues disponibles à l’international, les scientifiques ont cherché à déterminer si elles donnaient une image similaire à ce qu’indiquaient leurs premiers résultats. L’équipe de Simon Cauchemez a donc collecté les données de mortalité par âge pour 42 pays représentant 3.2 milliards de personnes et pour lesquels 22 enquêtes sérologiques ont été identifiées, permettant de calibrer les modèles. En analysant le risque relatif de décès par Covid-19 en fonction de l’âge, ils ont mis en évidence que beaucoup de pays partageaient le même profil de mortalité par âge chez les personnes de moins de 65 ans ; et en ont déduit une approche pour estimer la proportion d’infectés dans un pays en utilisant uniquement le nombre de décès par groupe d’âge. L’analyse a été publiée dans la revue Nature.
Plus récemment, les chercheurs ont développé une méthode pour monitorer la proportion d’infectés par âge et par région en France, aujourd’hui publiée dans The Lancet Public Health. Les chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec l’Inserm et Santé Publique France, ont développé une nouvelle méthode pour estimer la proportion d’infectés par âge et par région en analysant conjointement les données françaises d’hospitalisation et de séroprévalence. Pour chaque groupe d’âge, les scientifiques comparent le nombre d’hospitalisations qu’il y a eu durant la première vague avec le nombre d’infections estimées par la grande enquête de séroprévalence SAPRIS durant cette vague. Ils en déduisent une estimation des probabilités d’être hospitalisé lorsqu’on est infecté, pour chaque groupe d’âge.
France métropolitaine
Cette figure représente les estimations les plus récentes de la proportion de la population adulte (au-dessus de 20 ans) ayant été infectée par SARS-CoV-2 dans les différentes régions de France métropolitaine.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur l’espace Modélisation :
https://modelisation-covid19.pasteur.fr/realtime-analysis/infected-population/
Monitoring the proportion infected by SARS-CoV-2 from age-stratified hospitalisation and serological data, The Lancet Public Health, 8 avril 2021
Nathanaël Hozé1, PhD, Juliette Paireau1,2, PhD, Nathanaël Lapidus3,4, MD, PhD, Cécile Tran Kiem1,5, Henrik Salje1,6, PhD, Gianluca Severi7,8, PhD, Mathilde Touvier9, PhD, Prof Marie Zins10,11, MD, PhD, Prof Xavier de Lamballerie12, MD, PhD, Daniel Lévy-Bruhl2, MD, PhD, Prof Fabrice Carrat3,4, MD, PhD, Simon Cauchemez1, PhD
1 Mathematical Modelling of Infectious Diseases Unit, Institut Pasteur, UMR2000, CNRS, Paris, France
2 Santé Publique France, French National Public Health Agency, Saint-Maurice, France
3 Sorbonne Université, Inserm, Institut Pierre-Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique, Paris, France
4 Département de Santé Publique, APHP. Sorbonne Université, Paris, France
5 Collège Doctoral, Sorbonne Université, Paris, France
6 Department of Genetics, University of Cambridge, Cambridge, UK
7 CESP UMR1018, Université Paris-Saclay, UVSQ, Inserm, Gustave Roussy, Villejuif, France
8 Department of Statistics, Computer Science and Applications, University of Florence, Italy
9 Sorbonne Paris Nord University, Inserm U1153, Inrae U1125, Cnam, Nutritional Epidemiology Research Team (EREN), Epidemiology and Statistics Research Center – University of Paris (CRESS), Bobigny, France
10 Paris University, Paris, France
11 Paris Saclay University, Inserm UMS 11 Villejuif, France
12 Unité des Virus Emergents, UVE: Aix Marseille Univ, IRD 190, INSERM 1207, IHU Méditerranée Infection, 13005, Marseille, France